07 février 2021

Les luttes de classes en Égypte antique

 


« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes ». L’incipit du Manifeste du Parti communiste est bien connu. On n’en tire pas toujours toutes les conséquences : dès la désagrégation de la commune primitive et la division de la société en classes, la lutte de classes est une dynamique structurante et fondamentale de toute société. Mais si cette dimension est évidente pour l’époque moderne, plus on recule loin dans l’histoire, moins il devient simple d’étudier l’histoire sous cet angle.

 

C’est que, pour l’étude du passé nous avons un biais difficile à surmonter : jusqu’à une époque récente, les classes dominantes possédaient le monopole des moyens de diffusion idéologiques, en particulier de l’expression écrite. Si bien que toutes les sources écrites ou presque dont nous disposons émanent de l’élite, et reflètent son seul point de vue. Mais cela ne constitue qu’une connaissance partielle et partiale de l’histoire. L’historien et théoricien du libéralisme Alexis de Tocqueville s’était déjà rendu compte de ce biais de perspective :

 

Nous croyons très bien connaître la société française de ce temps-là [XVIIIème siècle, ndlr.], parce que nous voyons clairement ce qui brillait à sa surface, que nous possédons jusque dans les détails l’histoire des personnages les plus célèbres qui y ont vécu, et que des critiques ingénieuses ou éloquentes ont achevé de nous rendre familières les œuvres des grands écrivains qui l’ont illustrée. Mais quant à la manière dont se conduisaient les affaires, à la pratique vraie des institutions, à la position exacte des classes vis-à-vis les unes des autres, à la condition et aux sentiments de celles qui ne se faisaient encore ni entendre ni voir, au fond même des opinions et des mœurs, nous n’en avons que des idées confuses et souvent fautives. (Alexis de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution)

 

Ce qui est vrai pour le XVIIIème siècle l’est a fortiori pour des temps plus reculés. Nous connaissons les affrontements de classes qui ont ébranlé la République romaine – de la révolte de Spartacus aux nombreuses luttes de la plèbe – mais tous les historiens qui les racontent sont des patriciens. Ce que les plébéiens et les esclaves révoltés eux-mêmes pensaient, ce pour quoi ils luttaient, les changements auxquels ils aspiraient, nous ne le savons guère. Leur vision de l’histoire n’a jamais été mise par écrit. De ce récit unilatéralement patricien vient la mauvaise réputation de la plèbe romaine, persistante jusqu’à une époque récente…

 

Il est toutefois possible de faire parler les sources dont nous disposons. Encore faut-il le souhaiter. Les historiens qui ne sont pas marxistes ne s’intéressent pas forcément à cet aspect. On découvre alors des sociétés moins « archaïques » qu’on ne pourrait le penser, régies par des dynamiques complexes, et où les classes subalternes luttaient – et ce dès les tout premiers temps de la division de la société en classes – pour secouer le joug de l’oppression de classe, et pouvaient combattre pour leur émancipation, avec des idéaux révolutionnaires, et parfois remporter quelques succès, fussent-ils éphémères.

 

La Première période intermédiaire de l’ancienne Égypte, première révolution populaire connue

 

La représentation commune de l’ancienne Égypte est à peu près le contraire de celle d’une société dont le développement fût structuré par ses contradictions internes et l’affrontement entre classes rivales. L’Égypte antique semble plutôt, prima facie, une société quasi-immobile, à la stabilité pratiquement anhistorique ; structurée en castes certes, mais d’une structuration statique plutôt que conflictuelle. Les lettrés issus de l’élite égyptienne ont sans doute aimé présenter ce visage idéalisé là de leur pays. Mais si on y regarde de plus près, la réalité est un peu plus complexe.

 

Unifiée autour de l’an 3'000 avant notre ère, l’Égypte connut alors l’émergence d’une des premières grandes civilisations de l’histoire. Mais cette époque glorieuse – la Période Thinite, suivie de l’Ancien Empire – fut non seulement celle du progrès des arts et des lettres, mais également celle d’un développement continu d’un État monarchique extrêmement centralisé, avec une bureaucratie de plus en plus complexe et tentaculaire. C’est à cette époque que furent édifiées les grandes pyramides.

 

Si ce pouvoir monarchique se justifiait par son rôle d’administrateur d’un système d’irrigation centralisé, sans lequel les rendements agricoles ne pourraient plus être assuré, il concentrait aussi de plus en plus la richesse entre les mains de l’élite dirigeante. Car l’Égypte de ce temps était naturellement une société divisée en classes. La famille royale et l’aristocratie (dont les privilèges venaient de ses fonctions au sein de l’État) au sommet, les scribes (indispensables au fonctionnement de la machine étatique) juste en-dessous, les classes moyennes de villes (sorte de pro-bourgeoisie commerçante) et les artisans spécialisés…et la grande majorité des paysans, soumis à la corvée et à l’impôt en nature pour soutenir toute cette superstructure.

 

Or, les privilèges sans cesse croissants de l’élite, et les dépenses improductives démesurées (sens tout à fait juste de l’adjectif « pharaonique ») – usage immodéré de métaux précieux, de pierres précieuses, de bois (importé), grandes pyramides, tombeaux en pierre pour les dignitaires – n’étaient possibles que par une exploitation de plus en plus lourde de la masse des paysans. En outre, ces dépenses improductives ne pouvaient qu’étouffer le potentiel de progrès économique et de développement des techniques (l’Égypte n’avait pratiquement pas fait de progrès sur ce plan depuis son unification).

 

Le fait est que, vers l’an -2'200, l’Ancien Empire s’effondre, le pouvoir central disparaît de facto, et s’ouvre le temps de troubles appelé la Première période intermédiaire. Les circonstances exactes de cet effondrement son assez mal connues. Parmi les causes possibles on cite généralement une lutte de succession après le trop long règne du dernier pharaon de l’Ancien Empire, Pépy II (94 ans), la montée en puissance des nomarques, les gouverneurs provinciaux, qui auraient fini par s’émanciper du pouvoir central, ainsi que des années de sécheresse, qui ont causé une famine (événement climatique semble-t-il bien attesté). Il y a sans doute du vrai dans toutes ces explications, mais l’essentiel est ailleurs. Cet effondrement devait survenir, tôt ou tard, car le tribut prélevé par les classes dirigeantes et leur superstructure étatique était devenu trop lourd, insoutenable pour la société. Ce qui était normalement insoutenable devenait totalement intolérable en cas de mauvaises récoltes. Et, à la mort de Pépy II, la monarchie fut renversée par une révolution des classes subalternes.

 

Le plus ancien des écrits contre-révolutionnaires

 




Sur cette révolution, nous n’avons pas de sources historiques précises, encore moins de témoignages des révolutionnaires eux-mêmes. Mais elle est attestée du moins par des textes littéraires. La source la plus remarquable est la lamentation d’Ipou-Our, officier du trésor royal, conservée dans un unique manuscrit, datant du Nouvel Empire, mais qui est, semble-t-il, la copie d’un texte contemporain des faits qu’il décrit. Nous vous présentons sans tarder, à défaut d’un écrit révolutionnaire de l’antiquité, le plus ancien (à notre connaissance) texte contre-révolutionnaire conservé :

 

Voyez donc, le visage est blême, ce qu’avaient prédit les ancêtres est atteint ; le pays est affligé de bandes de voleurs, et l’homme doit aller labourer avec un bouclier.

 

Voyez donc, le visage est blême et l’archer est en armes, car le crime est partout ; l’homme d’hier n’existe plus…

 

Voyez donc, le Nil frappe ses rives, et pourtant on ne laboure plus ; chacun dit : “Nous ne savons pas ce qui est arrivé à travers le pays. “

 

Voyez donc, les femmes sont stériles, car on ne conçoit plus ; et Khnoum ne crée plus à cause de l’état du pays.

 

Voyez donc, les hommes démunis sont devenus propriétaires de richesses et celui qui ne pouvait faire pour lui-même une paire de sandales en possède des monceaux…

 

Voyez donc, beaucoup de morts sont jetés au fleuve ; le flot est une tombe, et la Place Pure est maintenant dans le flot.

 

Voyez donc, les riches se lamentent, les miséreux dans la joie, et chaque ville dit : “laissez-nous chasser les puissants de chez nous…“

 

Voyez donc, le pays tourne comme le tour du potier ; le voleur possède des richesses…

 

Voyez donc, les hommes sont moins nombreux ; et celui qui met en terre son frère, on le rencontre en tout lieu.

 

Voyez donc, on ne reconnaît plus le fils de l’homme bien-né, car l’enfant de la maîtresse est maintenant l’enfant de la servante.

 

Voyez donc, le désert se répand dans le pays, les nomes sont saccagés et des Asiatiques sont venus en Égypte…

 

Voyez donc, l’or et le lapis-lazuli, l’argent et la turquoise, la cornaline et le bronze, la pierre de Nubie entourent le cou des servantes, tandis que les nobles dames errent à travers le pays et que les maîtresses de maison d’autrefois disent : “Ah ! puissions-nous avoir quelque chose à manger. “

 

Voyez donc, ces dames nobles, leurs corps souffrent des guenilles qu’elles portent, et leurs cœurs sont affligés quand on les salue… On ne navigue plus vers Byblos… L’or manque, les matériaux pour tous les travaux également ; ce qui appartenait au palais royal Vie-Force-Santé est pillé. Aussi est-ce chose d’importance quand les gens des Oasis viennent, chargés de leurs offrandes, de leurs nattes, leurs peaux, leurs plantes fraîches, leurs boissons et leurs volailles…

 

Voyez donc, les citoyens d’autrefois sont maintenant penchés au-dessus de la pierre à moudre le grain, ceux qui étaient vêtus du lin le plus fin sont battus avec. Mais ceux qui n’avaient jamais vu la lumière sortent. Celles qui étaient sur le lit de leurs nobles époux, on répète à leur encontre : “Qu’elles passent maintenant la nuit sur une planche ! “ Si l’une dit “La planche chargée de myrrhe est trop pesante pour moi“, alors on la chargera de jarres pleines. Elles ne connaîtront plus le palanquin, et leur sommelier a disparu. Il n’y a pas de remède à cela. Désormais les nobles dames d’antan souffriront comme autrefois souffraient les servantes…

 

Voyez donc, on court et on se bat pour s’approvisionner…

 

Voyez donc, le cœur des animaux pleure aussi, et les troupeaux sont plongés dans les lamentations à cause de l’état du pays…

 

Voyez donc, la puissance étant assurée à tous, l’homme frappe son frère né de sa mère. Mais qu’arrive-t-il ? dit-on…

 

Voyez, en vérité, une chose a été faite qui n’était pas arrivée auparavant ; on est tombé assez bas pour que des misérables enlèvent le roi.

 

Voyez, en vérité, celui qui avait été enterré en Faucon divin est maintenant sur une civière, et la pyramide est désormais vide.

 

Voyez, en vérité, on est tombé assez bas pour que le pays ait été dépouillé de la royauté par un petit nombre de gens sans raison.

 

Voyez, en vérité, on est tombé assez bas pour se rebeller contre l’uroeus qui avait pacifié les Deux Terres…

 

Voyez, l’homme riche d’autrefois dort assoiffé maintenant ; mais celui qui auparavant mendiait pour de la lie, a désormais de la bière à profusion.

 

Voyez, ceux qui autrefois possédaient des vêtements de lin sont désormais en guenilles ; celui qui ne pouvait tisser pour lui-même est propriétaire du lin le plus fin.

 

Voyez, celui qui n’avait jamais fabriqué pour lui un bateau, maintenant en possède ; leur ancien possesseur les regarde, ils ne sont plus à lui.

 

Voyez, qui n’avait pas d’ombre, désormais en dispose ; ceux qui en avaient autrefois sont jetés dans la tempête…

 

Voyez, aucune fonction n’est plus à sa place, tel un troupeau qui s’égare sans son berger.

 

(traduction in : Claire Lalouette, Au royaume d’Égypte, Le temps des rois-dieux, Flammarion, 1995, pp. 156-158)




 

L’historienne Claire Lalouette, du premier volume de l’Histoire de la civilisation pharaonique de laquelle nous tirons le texte que nous avons reproduit ci-dessus, a comme principal défaut méthodologique, à notre sens, de s’identifier pour ainsi dire sans réserve au point de vue des auteurs issus de l’élite égyptienne, qui sont son objet d’étude. Avec des résultats parfois cocasses. Comme de présenter comme une sagesse « humaniste » et « éternelle » ce qui est d’une façon flagrante une idéologie de classe (des conseils dont le sens principal est de savoir rester à sa place dans une société hiérarchisée). Ou comme de décrire comme un plaisir simple et champêtre le petit spectacle organisé par le pharaon Snéfrou pour se divertir : un défilé de barques, toute en bois importé, piloté par de jeunes et jolies servantes, portant des bijoux en pierres précieuses, avec des rames plaquées or, ce sur un lac artificiel…

 

Aussi, elle adopte le même point de vue qu’Ipou-Our, et décrit la révolution survenue à la mort de Pépy II comme une catastrophe, une pure destruction nihiliste de l’ordre social, la rupture du cadre rassurant de l’État pharaonique (était-il en vérité si rassurant pour les paysans écrasés d’impôts ?), et comme un véritable chaos moral. Elle cite le texte d’un autre auteur de ce temps-là, en proie au désespoir, et songeant au suicide comme seule échappatoire aux malheurs du temps. Sans doute des lettrés appartenant à l’élite ont-ils vécu les choses ainsi. Ipou-Our, rappelons-le, était officier du trésor royal. De son point de vue, la fin de son ordre social, de la monarchie qu’il servait, était presque équivalente à la fin du monde. Mais, si on veut étudier l’histoire du point de vue de la lutte des classes et des classes subalternes (perspective qui n’est pas celle de Claire Lalouette), on peut apprendre beaucoup plus de sa lamentation.

 

Une lecture littérale de poème permet de conclure avec une certitude raisonnable un certain nombre de choses sur les troubles sociaux survenus aux débuts de la Première période intermédiaire. Le fait est que la lamentation d’Ipou-Our est si remarquablement évocatrice de la prose contre-révolutionnaire de l’époque moderne – de royalistes de France jusqu’à l’émigration russe blanche – qu’on peut en déduire beaucoup, « en négatif », sur la révolution qu’il déplore.

 

L’Ancien Empire fut renversé par une révolution conduite par des classes subalternes. Les passages « on est tombé assez bas pour que le pays ait été dépouillé de la royauté par un petit nombre de gens sans raison », et « les riches se lamentent, les miséreux dans la dans la joie, et chaque ville dit : “laissez-nous chasser les puissants de chez nous… » ne permettent guère une autre interprétation. Il semble que cette révolution fut conduite par les habitants des villes, et ait eu parmi ses objectifs une autonomie locale. Mais cette révolution n’aboutit pas à une société égalitaire, si tant est qu’elle ait jamais eu un tel but. Les anciens possédants, l’aristocratie liée au pouvoir royal, furent expropriés, pour être remplacés par de nouveaux riches. Une proto révolution bourgeoise ? Malheureusement, nous n’en savons pas assez sur les rapports de forces entre classes à cette période, ni sur la structure de classe des pouvoirs révolutionnaires qui ont provisoirement émergé à la chute de l’Ancien Empire, et Ipou-Our se lamente, et n’analyse pas…

 

C’est ce renversement des hiérarchies traditionnelles qui scandalise d’ailleurs par-dessus tout Ipou-Our. Écrivant à une époque où les classes possédantes avaient le monopole de la parole écrite, il peut se permettre une franchise que les réactionnaires de l’ère moderne atténueront avec des mots choisis : que la maîtresse de maison souffre comme souffrait la servante, c’est un scandale ; que la servante avait souffert, c’est dans l’ordre des choses.

 

Ipou-Our parle d’une montée de l’insécurité, ce qui est logique pour une période de troubles civils. Peut-on pour autant en inférer qu’il s’est créé une situation de guerre de tous contre tous, à la Hobbes, comme sa lamentation l’affirme ? On peut en douter, tant c’est un invariant de la pensée réactionnaire à travers les âges de présenter la fin de son ordre social, comme la fin de l’ordre tout court, comme le chaos pur et simple ; déniant par principe aux révolutionnaires la capacité de fonder un ordre alternatif. On sait bien que ce n’est pas le cas…

 

Qu’un frère son retourne contre son frère, c’est le drame si souvent déploré de toutes les guerres civiles. Les invasions étrangères sont également attestées durant cette période. Que les animaux même se lamentent de l’état de la société, c’est là par contre un topos de la rhétorique contre-révolutionnaire, qui élève trop volontiers l’effondrement de son ordre social au rang de catastrophe cosmique.

 

S’agissait-il pour autant d’une catastrophe absolue, telle que la dépeint Ipou-Our, et comme Claire Lalouette semble le penser ? Peut-être pas. La page Wikipédia dédiée à la Première période intermédiaire dit ainsi que ce fut, malgré les apparences, une période de progrès économique. La disparition du pouvoir central rompit la concentration des richesses entre les mains d’une petite élite, et permit sa plus grande diffusion. Ce qui favorisa le développement des villes, dont certaines s’agrandirent même considérablement (ce qui confirmerait l’hypothèse d’une proto-révolution bourgeoise). L’archéologie ne confirme ni l’effondrement démographique, ni la disparition du commerce – les villes commerçantes restèrent dynamiques – dont se plaint Ipou-Our. Simplement, le commerce international n’irriguait plus le palais royal…

 

Ces « gens sans raison » qui renversèrent la monarchie et voulurent « chasser les riches de leur villes » auraient sans doute raconté une autre histoire qu’Ipou-Our, et, on peut le penser, auraient donné une image autrement plus positive de ces temps troublés. Quelles furent leurs motivations ? De quelles idées se réclamaient-ils ? Pour quoi luttaient-ils ? Quels idéaux ils poursuivaient ? Nous ne le saurons, hélas, probablement jamais. Leur version de l’histoire n’a sans doute jamais été mise par écrit, et a disparu dans les sables.

 

Toujours est-il que les révolutionnaires des débuts de la Première période intermédiaire ne parvinrent pas à incarner une alternative crédible à l’ordre antérieur des choses, puisque bientôt nous n’en entendons plus parler. Très vite, l’histoire égyptienne se résumera à une lutte entre plusieurs prétendants locaux, aspirant à rétablir la monarchie unifiée à leur profit. Ce furent finalement les nomarques de Thèbes qui remportèrent cette lutte, devenant les pharaons du Moyen Empire.

 

Cette « restauration » ne fut toutefois pas un retour simpliciter au statu quo ante. La révolution, bien qu’avortée, ne resta pas sans conséquences. Si les nouveaux souverains bridèrent les nomarques, ils laissèrent plus d’autonomie aux villes, et plus de liberté à la classe marchande. Les temps de crise permirent une amélioration des techniques agricoles et de l’outillage, améliorant les rendements, et rendant la superstructure étatique proportionnellement moins lourde.

 

La gabegie des dépenses improductive de l’Ancien Empire fut ramenée à plus de mesure. Si les pharaons du Moyen Empire se font encore bâtir des pyramides, celles-ci sont en briques séchées, seulement recouvertes d’un revêtement de pierre, et de dimensions sensiblement plus modestes que celles de leurs prédécesseurs. Ensuite, les pyramides disparaissent tout à fait.

 

A défaut de bâtir une nouvelle société, la révolution permit au moins à l’ancienne de progresser suffisamment pour pouvoir atteindre une stabilité et une longévité étonnante. Lorsque la formation socio-économique de l’Égypte ancienne finit par disparaître, ce ne fut pas du fait de ses contradictions internes, mais parce que cette stabilité même la rendit incapable de résister efficacement à des puissances rivales, dotées de structures sociales nouvelles, plus dynamiques et plus agressives.

Non à un nouveau vol des rentes ! Non à une nouvelle attaque contre la retraite des femmes !

 



Combien de fois faudra-t-il qu’on vote pour qu’ils comprennent que non ça veut dire non ? Le peuple a clairement refusé la hausse de l’âge de départ à la retraite des femmes. Tout comme il a refusé les tentatives de démantèlement du système de retraites, les attaques contre les prestations.

 

Mais, de la volonté du peuple, la Commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil des États (CSSS-E) n’en a cure. Elle revient à la charge. Le peuple a rejeté la réforme PV 2020 en 2017 ? Qu’est-ce que ça peut bien faire ? La CSSS-E remet une nouvelle mouture de ce projet à l’ouvrage : AVS 21. Cette commission – composée de neuf hommes, et de seulement quatre femmes – souhaite revenir avec pas moins que la disposition la plus décriée de PV 2020 : la hausse de l’âge de départ à la retraite des femmes, à 65 ans (contre 64 aujourd’hui).

 

Ainsi, deux ans après la grève des femmes, alors que l’égalité salariale n’est toujours pas réalisée, qu’un tiers des femmes qui partent à la retraite aujourd’hui n’ont pas de deuxième pilier, que les femmes assument encore aujourd’hui l’essentiel du travail de garde, de soins et d’assistance, mais que ces tâches caractérisant le travail de reproduction sociale ne sont pas prises en compte pour leurs retraites, la CSSS-E ne veut faire rien de moins qu’une réforme de l’AVS sur le dos des femmes !

 

Les services du conseiller fédéral Alain Berset (qui est, paraît-il, un socialiste) ont concocté plusieurs variantes pour compenser quelque peu cette régression : facilitations pour la retraite anticipée, possibilité pour les femmes qui ne gagnent pas plus de 56'880,- par an de partir à la retraite à 64 ans sans réduction des prestations, hausse des prestation pour celles qui ont un bas revenu et choisiraient de travailler jusqu’à 65 ans, voire au-delà…Mesures de compensations qui coûteraient 700 millions. La hausse de l’âge de départ à la retraite à 65 ans, elle, rapporterait 1’4 milliards de francs d’économie par an.

 

C’était pourtant encore trop généreux pour la majorité de droite à la CSSS-E, qui a décidé de restreindre les mesures de compensation, de limiter les possibilités de prendre une retraite anticipée, de façon à limitée le coût des mesures de compensation à 440 millions de francs. Par ailleurs, le Conseil fédéral voulait relever la TVA de 0,7% pour financer l’AVS, ce que la CSSS-E a jugé excessif (ce en quoi elle n’a pas tort, s’agissant d’une taxe fondamentalement antisociale).

 

Cette attaque est inacceptable. Et il ne faut en aucun cas se laisser duper par leur bavardage sur la « nécessité d’assainir l’AVS ». Il est tout à fait possible de financer un système de retraites par répartition garantissant des rentes décentes, si tant est qu’on en ait la volonté politique. Seulement, la droite néolibérale rejette l’État social en son principe. Aussi, à ses yeux, l’AVS ne sera jamais « assainie ». Si elle arrive à imposer la hausse de l’âge de départ à la retraite pour les femmes à 65 ans, elle reviendra à la charge avec une hausse de l’âge de départ à la retraite à 67 ans pour toutes et tous, ensuite avec de nouvelles baisses des rentes, et ainsi de suite, jusqu’à ce que d’un système de sécurité sociale il ne reste plus rien.

 

Non pas que le système des trois piliers soit satisfaisant. Mais, dans cet édifice, c’est le deuxième pilier, véritable usine à gaz, beaucoup plus cher, moins sûr et moins social que l’AVS qui pose problème. Une réforme structurelle est indispensable. Mais la vraie solution est l’intégration du deuxième pilier dans une AVS renforcée, pour avoir enfin un système de retraites populaires, par répartition intégrale, efficace et socialement juste, tel que le prône le Parti du Travail. En aucun cas un nouveau vol des rentes.

 

Pour l’instant, il ne s’agit que d’un projet de la CSSS-E. Le texte n’a pas encore été discuté en plénum du Conseil des États, encore moins par le Conseil national. On ne sait pas encore ce que sera la loi au final, ni si elle trouvera une majorité à l’Assemblée fédérale. Mais ce n’est certainement pas le moment de baisser la garde ! Il faut étouffer ce projet inadmissible dans l’œuf !

 

Un appel urgent, « Pas touche aux rentes des femmes ! », lancé par l’USS, a fait plus de 200,000 signatures en quelques jours. Nous vous invitons à le signer si ce n’est pas encore fait : https://appel.rentes-des-femmes.ch/signer

 

Si l’Assemblée fédérale finit par voter une réforme des retraites sur le dos des femmes, un référendum sera nécessaire. Il faut se préparer pour cette bataille.

Interdiction de se dissimuler le visage – NON à une initiative démagogique !

 



L’initiative fédérale « Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage » émane du Comité d’Egerkingen – celui qui a fait aboutir l’initiative pour l’interdiction des minarets – composé de membres de l’UDC et de l’UDF (un parti protestant fondamentaliste d’extrême-droite). Elle vise l’interdiction du voile intégral. Le terme utilisé habituellement par les initiants est « burka » (un voile intégral de couleur bleue, avec un grillage recouvrant les yeux, et porté en Afghanistan), alors que leurs visuels montrent plutôt des femmes vêtues d’un niqab (voile intégral de couleur noire, et sans grillage, porté dans les pays du golfe). Mais, pour les démagogues d’extrême-droite, la rigueur intellectuelle est purement optionnelle, de même que la vérité. En second lieu, cette initiative vise les antifascistes, qui dissimulent leur visage avec un foulard lors des manifestations, brutalement assimilés à la délinquance et au hooliganisme (les fascistes dérangent sans doute beaucoup moins à l’UDC).

 

Le Parti du Travail est fermement opposé à cette initiative. Bien entendu, nous ne saurions être favorables au voile intégral et à ce qu’il représente. Le wahhabisme est une idéologie profondément réactionnaire, une véritable plaie pour le monde musulman. Et cette idéologie doit être combattue. Rappelons toutefois que la dynastie de Saouds fut mise sur le trône par le Royaume-Uni – avec le calcul exprès qu’un régime aussi rétrograde ne saurait passer pour une alternative souhaitable aux yeux peuples arabes qui se sont retrouvés sous mandat britannique. Rappelons que le wahhabisme a été massivement diffusé dans le monde musulman par l’Arabie saoudite avec l’appui des USA – en tant qu’arme idéologique face au socialisme et au nationalisme arabe. Rappelons que les talibans furent soutenus par les USA contre la République démocratique d’Afghanistan. Et qu’encore aujourd’hui les contempteurs habituels de l’islam n’ont aucun scrupule à traiter avec le régime saoudien.

 

Mais le combat contre le wahhabisme ne peut en aucun cas être un combat contre les femmes musulmanes. Et ces messieurs du comité d’Egerkingen – il y a peu de femmes dans les hauts échelons de l’extrême-droite – ne sont en aucun cas qualifiés pour défendre l’émancipation de quelque femme que ce soit. Ils sont d’ailleurs pour le moins tièdes quant aux questions d’égalité, et ce n’est pas peu dire. En matière de fondamentalisme, l’UDF n’a du reste rien à envier aux dignitaires religieux du royaume saoudien.

 

La seule raison pourquoi l’extrême-droite lance cette initiative, c’est pour imposer un débat sur l’islam, présenté comme danger pour une Suisse éternelle, blanche et chrétienne. Leur initiative leur sert à imposer leurs propres problématiques dans le débat public, celles d’une prétendue invasion étrangère, source d’insécurité, de plus ou moins tous les problèmes de la Suisse, et menace pour son identité. Leurs affiches ne parlent nullement de la libération des femmes, mais d’une menace représentée par les musulmans, ou plus simplement par les Arabes.

 

Dans l’idéologie contemporaine d’extrême-droite en Europe, les musulmans sont le bouc-émissaire désigné, la menace existentielle (comme l’étaient les Juifs dans le discours d’extrême-droite d’autrefois). S’il y a si souvent une ressemblance frappante entre les visuels de l’UDC et la propagande fasciste de naguère, ce n’est pas une coïncidence, mais tient à une réelle homologie dans le discours.

 

Cette initiative s’inscrit dans la droite ligne de toutes les initiatives xénophobes de l’UDC, elle est conçue expressément pour stigmatiser les musulmans. Aussi, elle ne peut être soutenue d’un point de vue féministe. La stigmatisation n’a jamais contribué à l’émancipation de personne.

 

En Suisse, une trentaine de femmes porteraient le voile intégral. Les autres sont des touristes issues des pays du golfe. Ce n’est certainement pas cette initiative démagogique qui libérera une seule des femmes en question. Du reste, penser que c’est en légiférant sur la tenue portée par les femmes – qui plus est s’agissant d’un texte écrit par des hommes – que l’on contribue à leur libération est bien étrange. 

 

Contrairement à un absurde lieu commun, l’extrême-droite n’apporte pas de mauvaises réponses à de bonnes questions. Elle vient avec ses réponses xénophobes et réactionnaires préconçues, et cherche à imposer des pseudo-questions bricolées sur mesure (de polémiques sur des faits divers montés en épingle à des fake news éhontées) pour faire passer ses réponses. Car, en imposant les questions, on impose déjà les réponses. Cette initiative s’inscrit dans une démarche de ce type. C’est pourquoi, il faut résolument voter NON.

NON à un passeport numérique délivré par des sociétés privées !

 




Cet objet fédéral – dont l’intitulé exact est « Modification de la loi sur les services d’identification électronique (LSIE) » – suscite moins le débat que l’initiative sur la burka ou l’élection complémentaire au Conseil d’État. Pourtant, il est extrêmement important. Car il ne concerne pas moins que les modalités futures d’identification en ligne pour tout citoyen suisse.

 

Actuellement, nous sommes amenés à faire nombre de démarches en lignes : achats en ligne, ouverture d’un compte, assurances, démarches administratives… Toutes ces démarches exigent de s’identifier, généralement au moyen d’un login et d’un mot de passe. Nous en possédons tous un grand nombre, dispersé un peu partout sur le web. La sécurité de ce modus operandi est aléatoire. Parfois, il nous est demandé de transmettre un scan d’un document d’identité. Mais aucune loi fédérale n’encadre jusque-là ces procédures.

 

Pour remédier à cette situation, l’Assemblée fédérale a voté une modification de la loi sur les services d’identification électronique (LSIE). Le but : créer une sorte de « passeport électronique » – le terme de « passeport » était usuel, avant que la conseillère fédérale Karin Keller-Suter n’essaye de le délégitimer pour désamorcer la polémique née du référendum – individuel, comprenant les données personnelles de chacun (nom, prénom, lieu et date de naissance, sexe, état civil, nationalité(s), photo), permettant de s’identifier pour toute démarche en ligne. La possession de ce « passeport » ne serait pas obligatoire, mais il pourrait vite devenir difficile de s’en passer.

 

Le hic, c’est que ce « passeport » ne serait pas délivré par l’État, mais par des entreprises privées. Un consortium nommé SwissSign (formé de sociétés en mains publiques, comme la Poste, les CFF et Swisscom, d’assurances, dont des assurances maladie, d’UBS, de Crédit Suisse…que des sociétés au-dessus de tout soupçon, on dira) a déjà fait part de son intérêt pour délivrer ledit « passeport ».

 

La procédure de délivrance dudit document fonctionnerait selon une bureaucratie invraisemblable. Lorsqu’un particulier souhaite se procurer le nouveau « passeport », il devrait en faire la demande auprès d’un fournisseur privé, qui transférerait sa demande auprès de la police fédérale. Après vérification que la demande a bien été faite par la personne concernée, la police fédérale transfèrerait ses données au fournisseur, qui pourrait alors délivrer le « passeport électronique ». Il serait bien plus logique, et bien plus simple, que l’État délivre directement ce document…

 

Mais, une fois les données personnelles communiquées, l’État sort de l’équation. A chaque fois que le détenteur de ce « passeport » souhaite l’utiliser, la confirmation de son identité serait du seul ressort de l’entreprise émettrice. La loi prévoit trois niveaux de sécurité différents : « faible », « substantiel » et « élevé ». Il n’est pas encore clair quelle serait la différence de coût (car ce serait, évidemment, payant), ni si ces trois niveaux de sécurité permettraient d’accéder aux mêmes démarches en ligne…

 

C’est le fait que ce « passeport » serait délivré par des entreprises privées qui a motivé le référendum. Et à raison. La privatisation d’une tâche régalienne aussi fondamentale que l’émission de documents d’identité est un scandale absolu. Parce que ces entreprises vont s’enrichir dessus. Mais aussi et surtout parce qu’il y a là un grave danger pour la sécurité de ces données, pour la protection de la vie privée, pour les droits individuels et démocratiques.

 

Alors que l’on se rend compte comme jamais du danger que représente la puissance des multinationales du web, et de l’usage abusif qu’elles font des données personnelles qu’elles récoltent, sous-traiter à un consortium formé de caisses maladie et de banques la délivrance de documents d’identité est totalement inadmissible…

 

Non pas que la police fédérale soit parfaitement digne de confiance bien sûr. Nous n’avons aucunement oublié le scandale des fiches. Mais sous-traiter des compétences régaliennes aux banques et aux assurances serait bien pire : une menace majeure pour les droits individuels et la démocratie.

Non à l’accord de libre-échange avec l’Indonésie


 

Le 7 mars 2021, le peuple suisse devra se prononcer sur l’accord de libre-échange conclu entre l’Indonésie et l’AELE (Association européenne de libre-échange, dont font partie la Suisse, le Liechtenstein, l’Islande et la Norvège). Le Parti du Travail appelle résolument à voter NON, tant par opposition de principe à ce que sont les accords de libre-échange, qu’étant données les conséquences socialement dévastatrices et écocidaires qu’occasionnerait cet accord-là.

 

Les accords de libre-échange, tels qu’ils existent actuellement, entendent cette notion en un sens plus large que celui, classique, du XIXème siècle : suppression des barrières douanières et « laissez-faire » économique. Les accords de libre-échange devraient plutôt être qualifiés d’accords de protection des investissements. Outre la levée de barrières douanières, l’abolition de mesures protectionnistes, l’harmonisation des normes (généralement par le bas), ces accords prévoient des garanties aux entreprises contre tout « retour en arrière » qui pourrait léser leurs intérêts. Ils instituent des tribunaux arbitraux, composés d’avocats d’affaires, auxquels les multinationales n’hésitent pas à recourir contre des États, et gagnent souvent, décourageant, par des indemnités scandaleusement élevées, toute velléité de politiques progressistes qui diminueraient un tant soit peu leurs profits. Ces accords instituent de fait une véritable tyrannie des multinationales. Ils instaurent une logique dévastatrice tant au plan social qu’à celui de l’environnement : mise en concurrence généralisée des travailleurs à l’échelle mondiale, nivellement des salaires et des droits sociaux vers le bas. Il est économiquement irrationnel et écologiquement catastrophique d’importer de très loin des marchandises qu’il serait possible de produire localement, tout cela pour le seul enrichissement d’une infime minorité. Loin de favoriser la « diversité » et la « liberté », le libre-échange détruit au contraire des petites entreprises locales, et conduit à la domination sans partage de quelques monopoles. Le libre-échange détruit l’agriculture paysanne, pour imposer l’agroalimentaire industriel. Et ces accords de libre-échange interdisent toute rupture avec cette voie délétère. Pour empêcher la catastrophe imminente, il est donc indispensable de briser le carcan du libre-échange.

 

Ce sont là les raisons de principe de s’opposer à tout accord de libre-échange. Il y a de toutes aussi bonnes raisons de s’opposer à cet accord-là en particulier. Le slogan le plus connu contre cet accord est « Stop huile de palme ». La monoculture de l’huile de palme – huile végétale la moins chère et la plus utilisée dans l’agroalimentaire industriel – est en effet un désastre tant pour la santé des consommateurs, l’environnement, les droits des travailleurs, les paysans suisses, et les paysans indonésiens. L’accord de libre-échange susmentionné prévoit d’abaisser de près de 35% les tarifs douaniers sur l’huile de palme. Ce qui impliquera une concurrence ruineuse pour les producteurs suisses d’huile de colza. Cela favorisera surtout la poursuite de la déforestation à large échelle. Des centaines de milliers d’hectares de forêts tropicales – et la biodiversité irremplaçable qu’elles abritent – seraient anéanties, pour laisser place à des latifundiae, où des travailleurs triment pour des salaires misérables, dans des conditions déplorables, et où le travail des enfants est fréquent. Les paysans indonésiens sont massivement expulsés de leurs terres, et forcés d’abandonner leur agriculture vivrière pour travailler sur les plantations de palmier à huile. Leurs conditions de vie et leur sécurité alimentaire sont gravement menacées. Les communautés autochtones sont brutalement expulsées de leurs terres ancestrales. Et le prétendu label de durabilité vanté par la bourgeoisie suisse n’est que de la poudre aux yeux…

 

Et il n’y a pas que l’huile de palme. L’Indonésie possède d’immenses richesses minérales, exploitées par des multinationales occidentales de façon scandaleusement non durable, dans des conditions atroces, écocidaires et sans aucun égard pour les populations locales. La plus grande mine d’or au monde se trouve en territoire indonésien, sur l’île de la Nouvelle-Guinée, en Papouasie occidentale. Un territoire occupé par l’Indonésie depuis son indépendance – une occupation coloniale peu connue, et rarement dénoncée – et dont sa clique dirigeante livre les ressources naturelles à un véritable pillage, utilisant sans scrupules les méthodes du temps de la dictature de Suharto contre un peuple qui lutte courageusement pour son autodétermination. Aujourd’hui, ce sont les forêts tropicales de Papouasie occidentale qui sont menacées, ainsi que les peuples autochtones qui y vivent depuis des temps immémoriaux.

 

Pour dire stop à une logique de libre-échange antisociale et écocidaire, pour freiner la méga-machine extractiviste, pour soutenir les paysans de Suisse et d’Indonésie, et par solidarité avec le peuple de Papouasie occidentale, il faut résolument voter NON à cet accord de libre-échange !

OUI à la loi sur l’indemnisation des travailleurs et travailleuses précarisées

 



La loi sur l’indemnisation pour pertes de revenus liée aux mesures de lutte contre le coronavirus, votée par le Grand Conseil le 25 juin 2020, visait à apporter un soutien vitalement nécessaire aux oubliés de la première vague, ces travailleurs précarisés – majoritairement des travailleuses – qui pour une raison ou une autre, passaient entre les mailles du filet social mis en place par la Confédération, et n’étaient éligibles ni au chômage partiel ni à l’assurance pour perte de gains. Principalement des travailleurs indépendants, ou qui n’ont pas cotisé suffisamment longtemps à l’assurance-chômage, ou des travailleurs dépourvus de contrat de travail stable (travail temporaire, contrats atypiques).

 

Pour éviter une catastrophe sociale, le Grand Conseil a voté la création d’un fond de 15 millions, destiné à indemniser les travailleurs en question. Pour pouvoir toucher 4'000,- par mois, pour la période allant du 17 mars au 16 mai – versement unique et non répétable – la condition était de séjourner à Genève depuis mars 2019, d’être en emploi sur la période concernée, de pouvoir attester d’une perte de revenu et de n’avoir touché aucune autre aide.

 

Si nous votons aussi tardivement sur cette loi, c’est à cause du référendum de la honte – le plus infâme jamais lancé à Genève – de l’UDC et du MCG. C’est que, même si les conditions pour toucher cette aide étaient stricte, et qu’il ne s’agissait que d’une mesure ponctuelle, elle n’était pourtant pas conditionnée à la légalité du statut de séjour. Il n’en fallait pas plus à l’extrême-droite pour hurler à la « prime au travail illégal ». Ils récoltèrent des signatures sous des slogans mensongers – prétendant faire signer « contre le travail au noir », plutôt que contre l’aide aux plus précaires – et auraient payé une entreprise pour récolter des signatures à leur place. Voter OUI est une évidence, et une question de justice sociale. Des travailleurs qui ont subi une perte de revenu du fait de la politique sanitaire des autorités doivent pouvoir être indemnisés par ces mêmes autorités. Une indemnisation qui doit être un droit, pas de la charité. La gestion de la pandémie par les autorités a été une gestion de classe, beaucoup plus empressées qu’elles étaient de répondre aux exigences du patronat que des travailleurs. Il est temps de changer cela.

 

Et il n’est que normal que tous les travailleurs puissent être justement indemnisés, qu’ils aient ou pas les bons papiers. Les travailleurs qui n’ont pas de statut de séjour légal sont des travailleurs comme les autres, qui accomplissent un travail indispensable pour notre canton. La meilleure solution face au travail au noir est la légalisation. Quant à la démagogie xénophobe de l’extrême-droite, à quoi conduit-elle, si ce n’est de diviser les travailleurs entre Suisses et étrangers, entre ceux qui ont les bons papiers et ceux qui ne les ont pas, pour au final refuser une indemnisation indispensable à tout le monde, pour le seul bénéfice d’une mince couche de possédants, qui profite du travail au noir et de son exploitation ? Plus que jamais, la solidarité de classe est indispensable aux travailleurs, une solidarité de classe inconditionnelle, qui ne se laisse contaminer par aucune démagogie xénophobe.

 

Par son honteux référendum, l’extrême-droite aura forcé des travailleurs précarisés à attendre des mois avant de pouvoir toucher une indemnisation dont ils avaient vitalement et urgemment besoin. On parle de gens qui n’ont pas d’économies, et pour qui une perte de revenu implique de s’endetter, le risque d’être expulsé de leur logement faute de pouvoir payer leur loyer, de devoir renoncer à se soigner pour des raisons financières. La crise ouverte par la pandémie a révélé une précarité de masse en Suisse, une précarité qui n’a fait que croître. Le nombre de personnes contraintes de faire la queue pour recevoir une aide alimentaire est en hausse constante. Par son scandaleux référendum, l’extrême-droite rappelle qu’elle est le pire ennemi des travailleurs et des classes populaires, et que sa démagogie xénophobe ne vise qu’à s’attaquer à toute redistribution des richesses, même minimale, au seul bénéfice des plus riches dont ces forces défendent en pratique les intérêts. Ce n’est pas un hasard si l’UDC est le parti le plus réticent en Suisse à une politique ambitieuse face à la crise. L’essentiel serait de ne pas creuser trop la dette, quant au reste, il suffit de laisser faire le marché. Que la conséquence en soit une cascade de faillites de PME et une catastrophe sociale garantie, tant pis. A qui profiterait une telle politique, si ce n’est aux monopoles ?

 

Une indemnisation unique et ponctuelle n’est pas une réponse suffisante à l’urgence sociale. Elle est néanmoins indispensable. C’est pourquoi, il faut voter OUI.