19 octobre 2021

L’initiative pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes est enfin lancée, une lutte importante pour le Parti du Travail


 

L’initiative pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes est officiellement lancée.

 

Cette initiative est l’œuvre commune de tous les partis de gauche et des syndicats de ce canton. Il convient de le dire, cette initiative est à l’origine une idée du Parti du Travail, qui l’a proposé à tous ses alliés naturels, et s’est engagé activement pour que cette initiative soit lancée. Le texte de l’initiative effectivement lancée est toutefois issu d’un travail collectif, sérieux, approfondi et constructif de toute la gauche et des syndicats. Le texte de l’initiative a été travaillé dans le détail, sous toutes les coutures. Aussi est-il politiquement solide et techniquement sérieux.

 

Ce n’est pas que le Parti du Travail n’aurait pas été capable de faire aboutir cette initiative par ses seules forces. Nous avions, après tout, déposé dans un passé récent l’initiative pour le remboursement des soins dentaires avec plus de 18'000 signatures, et celle pour une caisse maladie publique genevoise à but social avec 14'000 signatures. Mais il était à nos yeux important que ce combat soit mené par un front commun rassemblant toutes les forces politiques et syndicales représentatives des classes populaires. Cette unité ne rendra que plus fort le projet qu’elle porte ; et pourra servir de socle à des luttes communes futures pour un changement durable des rapports de force dans l’intérêt des classes populaires et du progrès social.

 

Vous trouverez tous les détails sur l’initiative, ses tenants et aboutissants dans les pages qui suivent. Au-delà des aspects techniques, dont la complexité est réelle, nous voudrions insister sur une question de principe, beaucoup plus simple et nette que toutes les subtilités légales : la fiscalité est un enjeu central de la lutte des classes.

 

Depuis la contre-révolution néolibérale, ce sont les forces de droite qui mènent ce combat, et qui ont remporté des succès politiques et idéologiques malheureusement considérables. Cette offensive idéologique a été massive, et trop bien connue : les riches ont le droit de garder leur argent ; le problème de l’État, ce n’est pas le manque de revenus, mais l’excès de dépenses, qu’il faut réduire ; en général, il faut « dégraisser le mammouth » dans un souci d’ « efficacité » (paraît-il) ; le problème c’est la dette, face à laquelle sont nécessaires politique d’austérité et frein à l’endettement ; la politique économique par excellence c’est la « théorie du ruissellement » – il faut réduire les impôts sur les entreprises, ce qui favorisera l’activité économique, qui finira par profiter à tout le monde ; on doit imposer moins les plus riches, qui sinon partiraient sous des cieux fiscalement plus cléments…

 

Ces recettes empoisonnées ont été mises en application politiquement, avec des conséquences prévisibles : la seule chose qui a « ruisselé », c’est la richesse sociale…dans les poches de l’oligarchie. Les plus riches ne l’ont jamais été autant, dans toute l’histoire de l’humanité. Cette toute mince couche de privilégiés qui concentre entre ses mains plus de la moitié des richesses de la planète peut se réunir dans une salle, pas très grande de surcroît. Un niveau aussi abyssal des inégalités est indécent, et insoutenable.

 

L’efficacité économique de cette pseudo-théorie est en revanche des plus douteuse. Cette colossale répartition des richesses au profit du capital n’a permis de créer qu’une croissance financiarisée et spéculative, source d’instabilités, de désindustrialisation, de chômage. La grande majorité de la population n’en a connu que la la dégradation de ses conditions de vie et de ses services publics. Le néolibéralisme a donné une société moins vivable et moins humaine. Et cette politique de classe détruit à toute vitesse les conditions d’habitabilité de notre planète.

 

Et ce discours néolibéral au sujet de la fiscalité est entré dans le sens commun, ce qui permet à la droite de garder l’hégémonie dans ce domaine. Aurait-elle appris quelque chose de la crise du Covid ? Point du tout ! Avec la suppression du droit de timbre – avatar tardif de la pseudo théorie du ruissellement –, c’est un nouveau cadeau fiscal scandaleux qu’elle veut faire au capital. Jusqu’à ce jour, la gauche compte peu de victoires à son actif dans le domaine de la fiscalité. L’initiative « zéro pertes » a été un grand succès, mais son impact reste en pratique surtout symbolique. Avec cette initiative, ce serait la première fois que nous parviendrions à imposer de nouvelles rentrées fiscales. Ce serait une victoire majeure, et une occasion de passer à la contre-offensive sur ce terrain central de la lutte des classes.

L’initiative pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes : en quoi consiste-t-elle et quels en sont les tenants et aboutissants ?

 


Que prévoit concrètement l’initiative ?

 

Actuellement, l’impôt sur la fortune est de 1% à Genève. C’est certes le taux le plus élevé en Suisse, mais on ne peut pas dire non plus qu’il s’agisse d’un taux élevé. Un impôt qui n’a en tout cas rien de « confiscatoire », puisque les plus riches ne l’ont jamais été autant.

 

L’initiative pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes prévoit d’ajouter une taxation supplémentaire de 0,5% (en fait, entre 0,45% et 0,5% selon la commune ; montant obtenu en additionnant une hausse de 0,25% et le centime additionnel) sur la part de fortune imposable supérieure à 3 millions de francs ; sur la fortune nette, après déduction des dettes. Une contribution temporaire : elle prendrait fin au bout de dix ans. Ce qui rapporterait par année 350 millions de francs à l’État et 85 millions aux communes, dont 35 millions à la Ville de Genève.

 

Une initiative, on le voit, très loin d’être révolutionnaire. Plutôt particulièrement modérée, ne demandant qu’une contribution de solidarité modeste de la part des plus riches, qui sentiraient à peine la différence. Mais les recettes générées suffiraient à combler le déficit structurel des finances cantonales, et éviter ainsi le chantage aux « nécessaires » mesures d’économie.

 

Solution pour pallier au bouclier fiscal

 

Introduit en 2001, le bouclier fiscal est un dispositif dont le but est officiellement de garantir le caractère non confiscatoire de l’impôt. Un privilège protégeant les intérêts des plus riches en pratique. Le bouclier fiscal implique qu’un contribuable ne peut payer – pour tous ses impôts – que l’équivalent au plus de 60% de son revenu. Avant la contre-révolution néolibérale, les plus riches avaient pourtant dû consentir, face à la pression des luttes populaires et des succès de l’édification du socialisme par un tiers de l’humanité, à devoir payer plus, voir beaucoup plus. Le bouclier fiscal fait actuellement perdre 173 millions de francs par année de recettes fiscales à l’État, et 40 millions aux communes (chiffres de 2018). Et le bouclier fiscal est un redoutable outil d’optimisation fiscale. En 2011, 2000 contribuables en bénéficiaient. Ils sont près de 7000 aujourd’hui. A l’évidence, les avocats fiscalistes et fiduciaires ont appris à faire « bon » usage de ce dispositif pour faire de l’optimisation fiscale…un procédé qui n’est certes pas illégal, mais n’a assurément rien de très honnête.

 

Alors, ne faudrait-il pas supprimer, purement et simplement, le bouclier fiscal ? Certes, c’est ce qu’il faudrait faire, et c’est aussi un combat important mené par les forces de gauche. Dans le cadre de cette initiative-ci, toutefois, nous avons préféré ne pas introduire de suppression du bouclier fiscal, pour ne pas courir le danger de perte de l’unité de la matière, et pour ne pas trop charger le bateau, au risque de multiplier les angles d’attaque de la part des adversaires. Plus une initiative populaire est simple et claire, mieux c’est.

 

A défaut de le supprimer, le bouclier fiscal, l’initiative prévoit néanmoins d’en atténuer les effets. Pour le calcul du bouclier fiscal, on prend en compte la fortune, et le rendement supposé de la fortune. Pour ce calcul, le rendement net de la fortune est évalué à 1% aujourd’hui. Qu’est-ce que cela veut dire ? Prenons l’exemple, fictif, d’un contribuable possédant un million de francs de fortune, et 100’000 francs de revenu par an. Le bouclier fiscal implique qu’il ne peut pas être imposé à plus de l’équivalent de 60% de son revenu : soit 60% de cent mille francs, plus 10'000 francs de rendement sur la fortune. Ce qui lui fait un revenu annuel estimé à 110’00,-. Il pourrait payer donc au maximum 66'000,- par année. Ces calculs sont bien entendu grossièrement simplifiés, et ne visent qu’à faire comprendre le principe.

 

Le rendement de la fortune, un revenu fictif ? Un revenu réel sous-évalué plutôt. Une fortune ne dort en effet pas de nos jours dans des coffres (à l’exception de la fortune immobilière dans le cas de son propre logement), mais est toujours placée, que ce soit en actions, en obligations, en produits financiers divers…et rapporte des rendements généralement supérieurs à 5%. Mais avec un rendement de la fortune fixé à 1%, le bouclier fiscal s’active vite, et notre initiative serait quasiment neutralisée.

 

Pour éviter ce scénario, l’initiative prévoit que le rendement de la fortune soit relevé à 2%. Le contribuable fictif précité verrait donc son bouclier fiscal calculé sur un revenu de 120’000,-, et pourrait payer au plus 72'000,- d’impôts par an.

 

Cette atténuation des effets du bouclier fiscal serait permanente, et ne prendrait pas fin au bout de dix ans comme la contribution temporaire de solidarité.

 

Pourquoi une hausse des déductions fiscales ?

 

L’atténuation des effets du bouclier fiscal pourrait avoir pour effet que des contribuables possédant moins de trois millions de fortune verraient nonobstant leur impôt sur la fortune augmenter. La droite ne manquerait pas d’agiter le spectre de la menace pesant sur les « classes moyennes », d’une insupportable hausse de l’impôt sur la fortune à laquelle seraient confrontés les petits propriétaires immobiliers et les PME. Ces arguments sont passablement démagogiques, et les cas avancés largement fictifs, mais enfin, il faut éviter de donner prise à cet angle d’attaque…

 

C’est pourquoi, en contrepartie le texte de l’initiative prévoit d’augmenter d’un facteur 3 (plus ou moins) les déductions so-ciales. Le seuil à partir duquel on doit payer un impôt sur la fortune serait rehaussé à 250'000,- pour une personne seule (contre 82'000,- aujourd’hui), à 500'000 pour un couple (contre 164'000,-), à 125'000,- (contre 42'000,-) pour chaque personne à charge supplémentaire, et à 1'500'000,- (contre 500'000,-) pour la fortune investie dans l’outil de travail.

 

Cette hausse des déductions permet de protéger les petits propriétaires, les artisans, les paysans…bref les « vraies » PME contre une ponction fiscale supplémentaire et potentiellement lourde. Elle forcera aussi nos adversaires à trouver de meilleurs arguments que le petit paysan qui devra mettre la clé sous la porte (ce qui arrive déjà trop souvent, en grande partie du fait des politiques de la droite, qui ne s’en soucie pourtant guère), ou du couple de retraités avec une retraite très modeste mais qui par ailleurs vivent dans une villa qui a pris de la valeur au fil des années.

 

Des arguments qui sont démagogiques au possible. Pour n’être pas inexistants, de tels cas de personnes modestes ou de « vraies » PME qui pourraient être ruinées par une petite hausse de l’impôt sur la fortune sont en tout cas très rares. Et la droite ne se soucie de toute manière de ces catégories de la population que dans le cas où elle peut les utiliser comme arguments pour combattre une initiative qui s’attaque aux seuls intérêts qu’elle défend vraiment…ceux de la grande bourgeoisie.

 

Quant à la hausse de la déduction pour la fortune investie dans l’outil de travail, remarquons que le cas est en réalité très rare. Peu sont de nos jours les indépendants qui possèdent leur outil de travail à titre de fortune personnelle, puisqu’il est fiscalement beaucoup plus intéressant d’en faire une SARL ou une SA, y compris dans le cas d’une entreprise individuelle.

 

Ne le nions pas, cette hausse des déductions aurait le bénéfice collatéral de recueillir le soutien d’une partie des classes moyennes, parce qu’elles payeraient moins d’impôts sur la fortune.

 

Cet aspect de l’initiative pourrait sembler quelque peu démagogique, un cadeau fiscal à des gens certes pas richissimes, mais qui n’en ont pas besoin non plus, une alliance politiquement douteuse avec une partie de la petite bourgeoisie.

 



A cela, on peut répondre que dans tous les cas cette hausse des déductions n’est financièrement pas problématique. La fortune est de nos jours tellement concentrée entre les mains d’une infime minorité, que l’essentiel de l’impôt sur la fortune est perçu sur les grandes fortunes, la part des petites fortunes étant fiscalement infime (cf. tableau ci-dessus). Sans hausse des déductions sociales, les recettes fiscales seraient sans doute un peu supérieures, mais pas beaucoup.

 

Et ce n’est pas seulement acceptable fiscalement, mais juste politiquement. A l’époque du capitalisme monopoliste d’État, quand la richesse et le pouvoir sont concentrées comme jamais auparavant entre les mains d’une toute petite oligarchie, dont la domination opprime non seulement la classe ouvrière, mais également la petite bourgeoisie, la tactique juste pour isoler, et à terme vaincre ladite oligarchie, est celle du front commun anti-monopoliste, de rassemblement de toutes les forces sociales qui ont intérêt au renversement de ce joug. En l’occurrence, il est politiquement juste de faire plus porter le fardeau fiscal sur les épaules des plus riches, qui ont à leur disposition déjà trop de moyens, plus ou moins légaux, de s’y soustraire, que sur celles d’une classe moyenne qui est obligée de payer sur chaque centime qu’elle gagne.

 

De même que l’atténuation des effets du bouclier fiscal, la hausse des déductions serait permanente, et ne prendrait pas fin au bout de dix ans. Difficile d’articuler des chiffres exacts, mais le manque à gagner et les recettes supplémentaires induites par ces deux mesures devraient plus ou moins s’équilibrer. Ce qui signifierait un rééquilibrage du système existant, en le rendant plus progressif, ce qui n’est pas un mal.

 

Pourquoi à partir de trois millions ?

 

Pourquoi avoir fixé le seuil à partir duquel la contribution temporaire de solidarité serait prélevée à trois millions ? Pourquoi pas plus, ou moins ? Si on voulait cibler le 1% des plus riches, il aurait fallu taxer au-dessus de cinq millions. Et si on veut faire contribuer les riches, n’est-on pas riche déjà avec deux millions ? avec un seul million ?

 

Disons-le d’emblée, le chiffre de trois millions n’a pas de valeur scientifique particulière pour circonscrire le périmètre de l’oligarchie capitaliste (mais celui des 1% n’en a pas plus, malgré la force du symbole qu’il possède indiscutablement). Mais il fallait bien s’entendre sur un chiffre. Et celui choisi a en tout cas le double avantage d’épargner les « classes moyennes » (quelle que soit la définition qu’on s’en fasse), les petits propriétaires, les « vraies » PME, et de définir une assiette fiscale suffisamment large, incluant suffisamment de contribuables, pour garantir des recettes fiscales raisonnablement stables – et donc prévisibles – moins sensibles aux fluctuations dues au déménagement hypothétique de quelques contribuables.

 

Il faut comprendre également que par « fortune » la loi n’entend pas seulement un compte en banque ou des actifs financiers, mais aussi la fortune immobilière. Or la fortune immobilière, dans le cas où il s’agit de son propre logement, ne rapporte aucun revenu, mais est quand même imposée. Or des gens relativement modestes peuvent être propriétaires de leur logement. Fixer le seuil à trois millions permet de ne prendre en compte que les biens immobiliers suffisamment luxueux pour que leurs propriétaires puissent être indiscutablement considérés comme fortunés.

 

Est-ce que ce seuil de trois millions fait que des gens qu’il serait raisonnable de considérer comme « riches » soient indûment épargnés par un effort de solidarité qu’ils auraient pu supporter ? La question se discute, mais il faut être capable de penser en termes politiques, et non moralisants.

 

Pourquoi une contribution temporaire ?

 

Le déficit structurel de l’État est un problème permanent. De la même façon, les cadeaux fiscaux aux plus riches devraient être supprimés définitivement, et la concentration des richesses entre les mains de quelques-uns exigerait un correctif permanent.

 

Alors, pourquoi introduire une contribution temporaire de solidarité, limitée dans le temps pour une période de dix ans seulement – ce qui est infime eu égard au temps de l’histoire, et même modeste pour celui de la politique ? N’aurait-il pas été plus logique de rendre cette hausse de l’imposition des grandes fortunes permanente ?

 

C’est une question qui s’est posée au groupe de travail réunissant les partis de gauche et les syndicats chargé de la rédaction du texte de l’initiative, et qui a été sérieusement débattue. Si au final la solution d’une mesure temporaire l’a emportée, c’est pour rendre politiquement plus facile l’acceptation d’une telle initiative par le peuple, et réduire les résistances à son introduction. Le caractère temporaire permet de mieux relier l’initiative à la crise du Covid, de la porter comme solution politique à celle-ci.

 

Ce serait dans tous les cas un grand succès, la première fois que les forces de progrès gagnent une initiative sur le sujet de la fiscalité générant des rentrées fiscales effectives. Le fait que les objectifs de l’initiative soient modestes ne change rien au fait que son acceptation serait une véritable rupture. Une grande victoire sur laquelle nous pourrions nous appuyer pour poursuivre la lutte, vers des objectifs plus ambitieux.

 

Pourquoi cette initiative ? Une concentration des richesses inouïe

 

L’initiative vise à, sinon corriger réellement, du moins à mettre un frein à la concentration des richesses entre les mains d’une infime minorité. Cet accaparement dépasse aujourd’hui toute mesure : le 1% le plus riche de Suisse possède près de la moitié de la richesse totale. Cette inégalité est particulièrement prononcée dans notre canton.

 

À Genève, au cours de ces 15 dernières années, les fortunes privées ont crû de 7,7% par an. Leur répartition y est la plus inégalitaire de toute la Suisse : 2,5% des contribuables, soit environ 6 000 foyers fiscaux déclarent une fortune imposable (après déductions sociales et pour l’outil de travail) de plus de 3 millions F, tandis que 71% des contribuables, soit 213'000 foyers fiscaux, disposent d’une fortune si réduite qu’elle ne peut être imposée.

 

Pourquoi cette initiative ? Une réponse à la crise née du Covid

 

Le projet initial, proposé par le Parti du Travail à ses partenaires de gauche et syndicats, visait avant tout à apporter une réponse politique à la crise née du Covid. Il est clair en effet que celle-ci est loin d’être terminée, même s’il est difficile de prévoir comment elle va évoluer. Le désastre social est en revanche patent.

 

Les inégalités ont été encore exacerbées par la crise. Alors que les grandes fortunes n’ont pas souffert de la crise – ou, pour certaines en sont ressorties renforcées – la pauvreté n’a quant à elle jamais été aussi présente dans notre canton. Le nombres de bénéficiaires de l’aide sociale a fortement augmenté et la durée de prise en charge de ceux et celles-ci s’est allongée. De plus en plus de personnes doivent faire appel aux subsides pour payer leurs primes d’assurance maladie. Les ménages s’endettent pour continuer à payer leurs factures alors que leurs revenus ont fondu. Le chômage a augmenté, en particulier chez les jeunes. Les élèves en difficultés ont très fortement souffert de la fermeture des écoles et des milliers de personnes ont dû faire appel à l’aide alimentaire offerte par le tissu associatif pour nourrir leur famille. Selon l’OCSTAT, le risque de pauvreté touche 18.5% de la population à Genève, alors qu’il est de 15.7% en moyenne en Suisse.

 

La question se pose : qui va payer pour cette crise. La bourgeoisie voudrait faire payer le peuple, par des mesures d’austérité. Nous disons : c’est aux riches, qui se sont encore enrichis pendant la crise, de payer.

 

Pourquoi cette initiative ? Des recettes fiscales indispensables

 

La crise a aussi mis en lumière l’urgence de renforcer les services publics, tant les besoins ont augmenté au sein de la population. Les budgets plongent dans le rouge pour répondre aux besoins croissants. Aux effets de la crise viennent s’ajouter les effets des baisses successives d’impôts, dont la RFFA n’était que le point d’orgue. Ces vingt dernières années, les Genevois-e-s ont dû avaler nombre de couleuvres, sous forme de cadeaux fiscaux faits aux plus riches et aux entreprises. La suppression de l’impôt sur les successions, du droit des pauvres, l’augmentation de la déductibilité des donations, ou encore les réformes de l’imposition des entreprises RIE2 et RFFA, n’en sont que des exemples. Ces réformes, dont le contenu de classe est patent, ont fait perdre au bas mot un milliards de recettes fiscales par année. Sans ce manque à gagner, il n’y aurait aucune trace de déficit structurel.

 

Les revenus des collectivités publiques sont insuffisants, alors même que les prestations ont besoin d’être renforcées. Quand la droite propose de faire de la fonction publique une variable d’ajustement en supprimant des postes et en attaquant leurs conditions de travail, nous proposons au contraire de reconnaître le rôle essentiel de la fonction publique et renforcer les prestations, afin de répondre aux besoins engendrés par cette crise. Renforcer les prestations, cela signifie aussi renforcer la protec-tion des salarié-e-s du secteur privé. Un service public fort profite à toutes et tous les salarié-e-s et pas uniquement aux employé-e-s de la fonction publique. Il est donc essentiel de trouver de nouvelles sources de revenus plutôt que de chercher à raboter des services déjà sous tension et surexploités. Aller chercher l’argent là où il y en a, et dégager de nouvelles recettes fiscales qui permettront à notre canton de sortir solidairement et dignement de cette crise.

 

Le rejet de l’initiative 99%, un problème gênant ?

 

L’initiative 99% a été refusée par le peuple, et par tous les can-tons, à une majorité certes pas écrasante (a fortiori à Genève), mais tout de même nette. C’est certainement une déception, une occasion manquée de rétablir un peu de justice sociale, et c’est sans doute un problème pour notre initiative. Il n’empêche que l’initiative 99% a au moins eu le mérite de lancer un vrai débat, et n’a pas recueilli un score à tout prendre trop mauvais. Une initiative plus ciblée, dont les objectifs sont précisément définis, et les conséquences exactement chiffrables, qui ne laisse pas de marge d’interprétation, et rend par conséquent plus difficile une campagne de fake news de la part des adversaires – or notre initiative remplit toutes ces conditions – garde toutes ses chances.

 

Si on augmente les impôts, les riches vont partir ?

 

C’est l’argument que ressort invariablement la droite à chaque projet de hausse d’impôts, même infime, touchant les plus riches ou les grandes entreprises ; ou pour faire passer de nouveau cadeaux fiscaux : on ne peut pas faire ça, car tous les riches partiraient alors, et les recettes fiscales qu’ils apportent par la même occasion.

 

D’une part, c’est faux. Cela fait des années que la droite nous raconte que Genève serait un véritable « enfer fiscal », avec les impôts les plus élevés de Suisse (si ce n’est de la galaxie), que les riches vont tous partir…Sauf que les chiffres disent le contraire. Entre 2011 et 2018, les recettes d’impôt sur la fortune sont pas-sées de 254 millions à 517, soit une augmentation de 102%, le double. Les fortunes imposables de plus de 3 millions ont passé de 21 milliards à 60, soit une augmentation de 177% ou de 16,5% par an. Les riches ne partent pas de Genève, très loin de là même. La fiscalité, pour les maîtres de ce monde, n’est qu’un paramètre parmi d’autre, et loin d’être le principal, du choix de leur lieu de résidence. Et ils ont bien d’autres raisons de venir habiter à Genève que de payer un tout petit peu moins d’impôt sur la fortune : un écosystème économique très particulier où ils font leurs affaires (pas toujours très honorables), les écoles privées pour leurs enfants, la sécurité, la qualité de vie (due notamment aux services publics pour financer lesquels il faut bien qu’ils payent des impôts).

 

D’autre part, même si c’était vrai, réfléchissons aux implications de cet argument. Il faudrait céder au moindre chantage des plus riches, sous peine des pires conséquences. Ça voudrait dire que la démocratie n’existe pas, que l’oligarchie a tous les pouvoir. Et où cela nous mènerait-il ? à un alignement unilatéral de tous les pays sur les paradis fiscaux, à la disparition de tous les acquis sociaux, à une véritable dystopie où une infime minorité ferait subir un joug tyrannique à tous les autres. Le caractère de classe de cet argument saute aux yeux. Qu’ils s’en aillent tous donc, s’ils le veulent !

 

Le combat pour infléchir le ruissellement des richesses entre les mains de l’oligarchie n’est donc pas seulement un combat pour la justice sociale, mais aussi pour la démocratie. Car quand une infime minorité concentre un tel pouvoir économique entre ses mains, elle le convertit en pouvoir tout court, et la démocratie n’est plus qu’un mot creux. C’est aussi un combat écologique. Car tant que le pouvoir demeure concentré entre les mains de l’oligarchie, aucune mesure ne sera prise qui limiterait sa soif de profit à tout prix. Bref, une lutte de classe fondamentale.

Halte à la fraude électorale et aux répressions politiques en Russie !

 


« Plus un empire est proche de sa chute, plus ses lois sont absurdes », Marcus Tullius Cicéron.

 

Non pas que nous souhaitions rendre particulièrement hommage à cet homme qui politiquement fut le porte-parole de l’oligarchie réactionnaire de la République romaine finissante, même s’il fut aussi un grand philosophe, et que nous lui soyons redevables de la transmission d’une partie de la culture antique, qui sans lui aurait été perdue.

 

Mais le fait est que cette citation est utilisée comme slogan par le Parti communiste de la Fédération de Russie (KPRF), et qu’elle décrit plutôt bien la réalité russe d’aujourd’hui.

 

A première vue, il semble difficile de soutenir que le régime de Vladimir Poutine – qui peut être défini comme un capitalisme monopoliste d’État semi-mafieux, dominé par une oligarchie tirant ses revenus de l’exportation des hydrocarbures, avec une supers-tructure quasi-dictatoriale, malgré l’existence d’une démocratie formelle, de moins en moins respectée – soit proche de la chute.

 

Et pourtant, il flotte en Russie un parfum, peut-être pas de fin de règne, mais du moins de déclin du régime en place ; et les signes de nervosité de la part du pouvoir sont si nombreux et croissants, qu’on est amené à penser qu’il n’y a pas de fumée sans feu.

 

C’est que l’appui populaire relatif – pas une adhésion enthou-siaste, mais au moins une obéissance passive – au régime poutinien s’effrite. Les vieilles recettes de la propagande, à base d’une télé-poubelle manipulatrice, d’un patriotisme surjoué et factice, et d’un conservatisme en toc, tendent à perdre leur efficacité. L’absence de succès réels remportés, que ce soit en politique intérieure comme extérieur, devient par trop difficile à cacher. Les conditions de vie de la population se dégradent, les revenus réels baissent, les contre-réformes néolibérales provoquent un mécontentement justifié. La corruption de la clique au pouvoir est connue de tous, et devient réellement odieuse. La gestion de la crise sanitaire de la part des autorités a été déplorable ; celle des catastrophiques incendies de forêt cet été calamiteuse. Une colère sourde grandit dans le pays, et le pouvoir craint de ne pas pouvoir assurer encore longtemps la soumission du peuple. N’étant pas en mesure de proposer politiquement quoi que ce soit de valable, il recourt de plus en plus à la fraude, et à la répression, au mépris de toutes les règles de l’État de droit, qui ne sont plus qu’une vaine façade, dont à peine on se souvient.

 

Le 26 septembre dernier, la Russie a voté pour réélire la Douma, le parlement national. Des élections locales ont eu lieu le même jour. Depuis le début de l’ère Poutine, toutes les élections sont falsifiées. Elles n’étaient guère plus honnêtes sous Eltsine. Mais, cette fois-ci, il y a un saut de niveau, un degré de plus dans la fraude éhontée.

 

C’est que le soutient populaire à Russie Unie, le parti présidentiel, est tombé tellement bas – moins de 30% – que pour garantir une majorité des deux tiers des sièges à la Douma, le régime a dû organiser rien de moins que les élections les plus sales de l’histoire de Russie. Ce en amont, pendant, et en aval.

 

En amont : des méthodes arbitraires qui confinent à l’aberration. La presse bourgeoise en Occident a suffisamment relaté la répression, effectivement scandaleuse et illégale, qui s’est abattue sur les partisans d’Alexeï Navalny, qui n’ont pas pu participer aux élections. Nous rappellerons cependant que l’opposition libérale n’a en réalité qu’une audience très limitée (principalement à Moscou et à Saint-Pétersbourg), et qu’elle n’est pas la seule à avoir été l’objet des méthodes arbitraires du pouvoir. Le principal parti d’opposition, et deuxième parti du pays, le KPRF, s’est également vu refuser l’inscription de ses candidats les plus charismatiques, et probablement les plus craints par le pouvoir, sous des prétextes manifestement fallacieux. Parmi ces candidats refu-sés figure Pavel Groudinin, directeur du Sovkhoze du nom de Lénine, et qui est victime d’un véritable acharnement judiciaire depuis qu’il s’est présenté à la dernière présidentielle contre Poutine, et y a fait une bonne campagne. On lui a refusé d’être candidat aux élections pour soi-disant possession d’actions d’une entreprise étrangère…qui n’existe plus. Summum de l’absurde, c’était déjà une pratique usuelle du pouvoir que de créer des partis fictifs pour voler des voix au KPRF. Une « particularité » de la loi électorale russe étant en effet que les suffrages des partis qui n’atteignent pas le quorum de 5% sont attribués au parti arrivé en tête, soit Russie Unie grâce à la fraude. Mais cette fois un pas supplémentaire a été franchi dans l’aberration : face à des candidats que le pouvoir craignait se présentaient d’autres, qui changeaient légalement de nom à la dernière minute, pour prendre celui de leur adversaire. Des candidats bidons qui ne faisaient pas campagne, et étaient là juste pour tromper les électeurs.

 

Pendant, c’était un trucage massif et éhonté pour le vote dans l’urne, et un trucage à 100% du vote électronique (rappelons à cette occasion que le Parti du Travail est totalement opposé à l’introduction du suffrage électronique, tant il rend possible la fraude, risque qui existe aussi en Suisse). Un exemple : à Moscou, le KPRF arrivait largement en tête au décompte du vote dans l’urne. Mais les suffrages du vote électronique sont tous allés à Russie Unie (ce qui est impossible mathématiquement).

 

Grâce à ces falsifications, Russie Unie a pu conserver ses deux tiers des sièges à la Douma. Mal-gré la fraude massive, le KPRF a fait un bon score, à 19% des voix, en nette progression par rapport aux élections passées. Un score déjà très appréciable, ce d’autant plus quand on sait qu’il est scandaleusement en deçà de la réalité (peut-être même le KPRF a-t-il gagné en réalité les élections). Le KPRF a également remporté un nombre significatif d’élections locales.

 

Le KPRF, toutefois, a refusé de reconnaître cette victoire volée par le pouvoir, et a entrepris de contester le résultat de l’élection, au travers de recours devant les tribunaux (sans qu’il faille at-tendre grand-chose de la justice poutinienne), et d’actions de protestions dans la rue. Le pouvoir prit peur, et entra alors dans la troisième phase du vol des élections : celle en aval, à travers l’intimidation et la répression.

 

La police fit obstruction systématiquement aux diverses manifestations, rassemblements et rencontre des électeurs avec des députés, pourtant des modes de protestation parfaitement légaux. Les demandes d’autorisation pour les manifestations furent systématiquement refusées, sous des prétextes manifestement abusifs. Le siège de la section moscovite du KPRF fut assiégé pendant trois jours par la police. On ne compte plus les cadres et élus du KPRF convoqués par la justice, ou arbitrairement arrêtés par la police, sous d’arbitraires accusations d’organisation d’actions de protestations illégales (ce qui est faux). Nombre d’entre eux ont été condamnés à des amendes plutôt salées ou à des peines de 10 à 15 jours de détention. Des peines qui sont certes plutôt « légères » par rapport au sort réservé à d’autres victimes de l’arbitraire poutinien. Mais il est évident que la répression contre les communistes durcit. Ce d’autant que la police et la « justice » agissent souvent de façon parfaitement illégale. L’immunité parlementaire des députés n’est ainsi pas respectée. Même le bureau d’Ivan Melnik, vice-président de la Douma, fut bloqué par la police, ce qui est parfaitement illégal. A l’évidence, certains des abus policiers avaient pour objectif de rendre impossible le travail des juristes chargés de préparer les recours contre le résultat des élections. Certes, on peut toujours faire classer ces recours par des juges aux ordres, mais ne même pas avoir à les examiner, c’est quand même mieux…

 

Cette sombre histoire de fraude électorale eut au moins le mérite de contraindre même la presse bourgeoise occidentale à accorder un peu d’attention au KPRF, un parti qu’elle se contentait de ne pas remarquer.

 

Or le KPRF, fondé en 1993 par d’anciens militants du PCUS qui refusaient de se résigner à la liquidation du socialisme en Russie, au coup d’État criminel de Boris Eltsine, qui a fait massacrer le Soviet suprême à coup de chars d’assaut pour imposer son pouvoir personnel et sa thérapie de choc néolibérale, qui refusaient de se résigner au pillage de leur pays par des gangsters et d’anciens cadres corrompus reconvertis en oligarques.

 

Aujourd’hui, le KPRF est la principale force d’opposition en Russie, un parti représentatif des classes populaires, comptant quelques 162'000 membres, puissamment organisé, et qui lutte contre les ravages causés par la restauration du capitalisme en Russie, contre le pillage du pays par une clique semi-mafieuse, contre les « réformes » néolibérales qui détruisent les derniers acquis sociaux hérités du socialisme, pour la justice sociale, et in fine pour mettre fin au cours funeste suivi depuis Gorbatchev et Eltsine, pour le retour de la Russie sur la voie du socialisme, qu’elle n’aurait jamais dû abandonner.

 

Récemment, le KPRF a pu compter sur un renforcement de son organisation, et sur un rajeunissement de ses rangs, de la base jusqu’aux instances dirigeantes et aux groupes parlementaires. Une jeune génération a rejoint le parti, plus combative, plus radicale, plus déterminée que celle des membres fondateurs. Un vent nouveau dont le pouvoir poutinien corrompu et réactionnaire a peur, et qu’il essaye de réprimer, mais qui représente l’avenir. Parce qu’il n’est que grand temps que tout l’héritage pourri des années nonante, du néolibéralisme à l’ouest à la restauration du capitalisme à l’est, prenne enfin sa juste place, dans les poubelles de l’histoire.

 

Ici en Suisse nous avons le devoir de condamner les fraudes et les répressions arbitraires du régime de Poutine, et de soutenir la lutte des communistes de Russie.