Le 19
novembre dernier, aucun bus ni aucun tram n’a circulé de toute la journée sur
les lignes TPG dans le canton de Genève. Cela du fait de la grève lancée par le
syndicat SEV contre le contrat de prestation 2015-2018 imposé par le Conseil
d’Etat aux TPG et qui prévoyait la suppression de 130 emplois, nonobstant le
fait que cette régie publique essentielle soit déjà en sous-effectif. La raison
de cette coupe ? A la fois scandaleuse et méprisable. Notre gouvernement
voulait ainsi se venger du peuple genevois d’avoir « mal » voté, et
cela à deux reprises, en faveur de l’initiative de l’AVIVO pour une baisse des
tarifs des TPG.
Incapable
d’accepter un vote démocratique d’un peuple qui pourtant est censé être le
souverain à Genève et qu’il est censé servir, mais ayant épuisé toutes les
arguties juridiques à sa disposition, le Conseil d’Etat a bien dû finir par se
résoudre à mettre l’initiative en application. Toutefois, ce même Conseil
d’Etat a décidé de faire payer au peuple la facture d’un vote qui ne lui
convenait pas, et c’est pourquoi il a calculé un manque à gagner que la baisse
des tarifs allait engendrer, sans accepter de la compenser, et pour cette
raison a voulu supprimer des postes pour baisser les prestations.
Fidèle à
son arrogance habituelle et à son mépris du peuple qu’il est censé servir, le
Conseil d’Etat a mené en bateau le syndicat SEV qui au nom des employés des TPG
menacés de licenciements essayait de négocier avec le gouvernement et la
direction de la dite régie. N’ayant jamais obtenu l’ouverture de négociations
en bonne et due forme, le SEV a été contraint d’appeler à la grève. Le Conseil
d’Etat et la direction des TPG ont réagi par des pressions, des exigences à
respecter un « service minimum » (ce machin, qui ne sert qu’à briser
les grèves, dont on a opportunément rappelé qu’il est inscrit dans la nouvelle
Constitution réactionnaire genevoise, que d’aucuns qui se disent de gauche
avaient contribué à faire passer), des menaces et diverses tentatives de briser
le mouvement. Mais cela n’a pas empêché la grève d’être un succès total.
Face à
l’arrogance du Conseil d’Etat et de la direction des TPG malgré tout, et à
leurs tentatives de quand même diviser les employés une nouvelle fois par des
pressions, des promesses de primes pour ceux qui ne feraient pas grève ou des
menaces, les syndicats ont appelé à une nouvelle grève le jeudi 4 décembre, qui
cette fois devait être reconductible de jour en jour. Cette seule menace a
suffi pour que le Conseil d’Etat cède immédiatement et accepte un accord avec
les syndicats dans lequel il renonce à
supprimer le moindre poste.
Certes,
la lutte n’est pas terminée. La majorité de droite du Grand Conseil a quand
même voté un contrat de prestations avec un déficit de 16 millions et sans
prévoir aucune recette supplémentaire, ce qui impliquerait donc logiquement des
coupes dans les prestations. Une initiative populaire sera probablement lancée
pour augmenter le soutien public aux TPG.
Mais,
quoiqu’il en soit, cette grève est exemplaire à un double titre : par le
fait que tous les employés des TPG étaient solidaires et ont tous fait grève,
et par le fait que la grève a failli être reconductible. Dans le pays de la
prétendue « paix du travail », la leçon est précieuse : seule la
lutte de classe dans l’unité et dans la durée permet de faire plier le
patronat, ou, en l’occurrence, l’Etat bourgeois, jamais la collaboration de
classe. Et seule une grève reconductible peut réellement faire plier
l’employer, une grève d’une journée ou un débrayage ne sont pas toujours
suffisants. Car la paix du travail est un mensonge, il n’y a que la lutte qui
paye. C’est par la lutte que les travailleurs obtiennent la force d’imposer
leurs justes revendications à ceux qui les exploitent. Et grâce à la force
qu’ils acquièrent en tant que classe consciente de soi dans la lutte, ils
finiront par obtenir à terme le pouvoir politique et la victoire sur la
domination séculaire des maîtres du capital, seul moyen pour eux de briser les
chaînes de l’esclavage salarié et de construire une nouvelle société fondée sur
le travail et non plus sur le capital. Seule la lutte libère.
La haine que cette grève a suscité au sein de
la droite genevoise, la violence de certaines réactions (les JLR ont ainsi
voulu déposer plainte pénale contre des grévistes : jeunes mais déjà
conscients de quels maîtres ils servent les intérêts), n’en est que plus
significative et logique. L’unité des travailleurs dans la lutte est ce qu’ils
craignent le plus au monde, puisqu’elle seule menace réellement les privilèges
scandaleux de la petite oligarchie au service de laquelle ils sont. Et la
réaction aussi haineuse que ridicule du MCG –
les grévistes seraient au fond des mauvais genevois et des
crypto-frontaliers, puisque reprenant une méthode de lutte typiquement
française – rappelle opportunément la vraie nature de ce parti, qui se prétend
hypocritement du côté des petites gens : pire ennemi des travailleurs et
bras armé du capital. La grève est au contraire une nécessaire et belle
tradition de lutte de classe et les travailleurs de notre canton ne doivent
jamais hésiter à en faire usage.