18 novembre 2018

Il y a cent ans, la Révolution allemande

Ce mois de novembre marque le centenaire d’une grande révolution, qui, pour avoir été trahie et écrasée dans le sang, n’en reste pas moins une des plus importantes révolution de l’histoire : la révolution allemande. Sans cette page d’histoire, on ne peut comprendre ni la suite de l’histoire du mouvement communiste et ouvrier international, ni celle de la montée du nazisme, ni celle de la grève générale en Suisse. Tâchons d’en retracer dans les grandes lignes l’histoire.

Avant 1918

Le SPD (Parti Social-démocrate d’Allemagne) avait été le parti le plus puissant de la IIème Internationale, et, à ses débuts, le plus marxiste. Mais, après des premières années héroïques, le SPD avait bien changé. Entre temps, le nouveau Kaiser, Guillaume II, avait pris la décision de libéraliser quelque peu l’Allemagne. Le parti social-démocrate put agir dans la légalité, dans les limites posées par un droit impérial qui laissait de très larges pouvoirs au bénéfice de l’Empereur, pour n’en laisser pratiquement aucun au parlement central, le Reichstag. Le SPD en profita pour s’engager à fond dans la politique parlementaire, et, ses scores progressant d’élection en élection, en vint à se parlementariser. Il n’avait certes pratiquement aucune influence sur la politique menée, mais espérait changer cet état de fait en démocratisant progressivement le système. Il faut dire que, de par leurs luttes, les ouvriers allemands avaient gagné d’appréciables améliorations de leurs conditions de vie.

Il faut dire aussi que le SPD était frappé d’une faiblesse théorique originelle. Il ne s’était jamais posé la question de Lénine : Que faire ? Pour le SPD la révolution était quelque chose qui finirait par arriver, dont il fallait bien expliquer la nécessité historique, mais pas quelque chose à préparer ni à faire. A la longue, les drapeaux rouges et les chants révolutionnaires finirent par relever du folklore pour un parti qui, trop concentré sur le travail parlementaire, avait cessé en fait de vouloir la révolution. Le SPD avait aussi depuis peu pour président Friedrich Ebert, un ancien artisan sans véritable pensée politique, qui s’est fait remarqué par son absence lors des grands débats théoriques d’avant 1914, mais qui avait eu le mérite de moderniser le fonctionnement du secrétariat du SPD. C’est ce SPD parlementarisé qui dut faire face au déclenchement du la Première Guerre mondiale, et qui rentra très vite dans le rang en votant les crédits de guerre, et en devenant dès lors un parti loyal et bien vu des autorités. Une minorité quitta le parti, pour former l’USPD. Un parti sans guère de colonne vertébrale idéologique, puisqu’il comprenait Eduard Bernstein, le théoricien révisionniste, et Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, et qui n’était uni que par son opposition à la guerre

De la Guerre à la Révolution

Les années de Guerre furent pour l’Allemagne des années d’hécatombe sur le front, de dictature militaire à l’arrière, de privations sans fin pour la population, et de communiqués interminables de victoire. Pourtant la guerre ne se passait pas si bien pour le Reich. La défaite de l’Autriche-Hongrie laissait l’Allemagne exposée au Sud. La guerre ne pouvait plus être gagnée. L’Allemande en guerre était gouvernée effectivement par le chef de l’état-major, le maréchal Paul Von Hindenburg, et en réalité par son second, le général Erich Ludendorff. Ludendorff comprenait que la guerre était perdue. Pour sauver l’honneur de l’armée autant que possible, il échafauda un plan machiavélique pour faire porter le chapeau par les civils. Il convainquit donc l’empereur de faire du IIème Reich une démocratie constitutionnelle, et de confier les rênes d’un gouvernement parlementaire, avec participation social-démocrate, au prince libéral Max de Bade. Ce « cadeau » de la démocratie parlementaire était toutefois empoisonné : le nouveau gouvernement avait pour mission de prendre la responsabilité de conclure une paix humiliante, et donc de se voir accuser par la suite de trahison.

Mais tout ne se passa pas comme Ludendorff l’avait prévu. Tous ses officiers n’étaient pas prêts à accepter la capitulation. Quelques commandants de la marine de la mer Baltique tentèrent de déclencher une offensive navale meurtrière pour faire redémarrer la guerre. Des marins qui se mutinèrent, ne voulant pas donner leur vie au service d’une opération suicide furent emprisonnés et condamnés à mort. Leurs camarades se soulevèrent alors, le 4 novembre, pour les libérer. C’était la révolte des marins de Kiel. Mais, s’étant soulevés, ils avaient le choix : prendre franchement le pouvoir, ou attendre de se faire fusiller. Ils choisirent la révolution. Une révolution qui balaya bientôt toute l’Allemagne. Partout, des conseils de soldats et d’ouvriers se constituaient, généralement dirigés paritairement par le SPD et l’USPD local. Les autorités militaires étaient renversées par la révolution, et les autorités civiles étaient obligées de reconnaître le pouvoir des conseils. La révolution allemande fut un modèle de modération : si des prisonniers politiques furent libérés, il n’y eut presque aucun acte de violence. Le prince de Bade n’avait pas le cœur à réprimer cette révolution. De toute manière, il n’aurait pas trouvé de troupes prêtes à tirer pour le faire. Il choisit donc de démissionner, en laissant les clés de la chancellerie à Friedrich Ebert. Le Kaiser dut également abdiquer dans la foulée, et s’enfuir en Hollande. Le 9 novembre la révolution balayait Berlin. La révolution de novembre n’était pas une révolution socialiste. Elle ne s’était pas attaquée directement à la propriété des moyens de production. Ce n’était pas non plus une révolution communiste. Le KPD n’était pas encore fondé. C’était une révolution sociale-démocrate, menée par des ouvriers et soldats dont la culture politique avait été formée par le SPD. C’était la révolution que le SPD annonçait depuis des années. Hélas, ses dirigeants avaient cessé de la vouloir.

De la Révolution à la trahison

Ebert se retrouvait donc chancelier du Reich. Le rêve de sa vie était réalisé. Mais, voilà. La révolution ne voulait pas s’arrêter. Situation plus qu’embêtante pour lui. A force de s’être trop intégré au système, il avait fini par s’y identifier. L’ordre bourgeois était pour lui l’ordre tout court ; la révolution, le désordre. Il n’avait plus qu’une envie : y mettre fin. Et, cerise sur le gâteau, il apprit que le lendemain allait se tenir une assemblée des délégués des conseils ouvriers et soldats, afin d’élire un Conseil des commissaires du peuple, gouvernement d’une révolution dont le peuple allemand ne voulait pas se voir déposséder. La solution qu’il trouva pour cela c’était que, pour étouffer la révolution, il devait en prendre la tête, pour mieux la trahir. Le SPD avait encore beaucoup d’influence chez les ouvriers, et plus encore chez les soldats rentrés du front. Friedrich Ebert sut parler à l’assemblée un langage qu’elle apprécierait, et put ainsi être élu au sein d’un conseil des commissaires du peuple, formé à sa convenance. La révolution allemande venait de confier sa direction à l’homme décidé à la perdre.

Ebert usa donc de son siège au conseil des commissaires du peuple pour mener la révolution à l’enlisement, pendant que son comparse Gustav Noske travaillait discrètement avec les officiers irrédentistes à constituer les Freikörper, unités composées d’hommes triés sur le volet, et ne devant fidélité qu’à leur commandant. Ces unités étaient animées d’une idéologie qui préfigurait celle de la Waffen SS.

De la contre-révolution à la guerre civile

Lorsqu’ils estimèrent la situation mûre, Ebert et Noske œuvrèrent, de concert avec les officiers réactionnaires, pour dissoudre les conseils de soldats, rétablir la hiérarchie militaire, et, à court terme, en finir avec le pouvoir des conseils pour rétablir la légalité bourgeoise. S’ensuivit une sanglante guerre civile, où les ouvriers allemands se battirent avec le courage du désespoir pour tenter de sauver leur révolution, alors que les nervis de Noske couvrirent leurs mains de sang. Ils assassinèrent notamment Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, qui ne dirigeaient pas la révolution, mais avaient à leurs yeux le tort de dénoncer la trahison des dirigeants sociaux-démocrates. Lorsque quelques officiers des plus réactionnaires pensèrent qu’ils n’avaient plus besoin du SPD, et tentèrent un coup d’Etat militaire, Ebert et ses « commissaires du peuple » en carton s’enfuirent, et eurent le front d’appeler les ouvriers à prendre les armes pour défendre la révolution. Mais quand les putschistes furent neutralisés, ils laissèrent l’armée « revenue sur le terrain constitutionnel » massacrer avec la dernière sauvagerie les révolutionnaires qui avaient sauvé leur peau. La révolution allemande fut noyée dans le sang par ceux à qui elle avait fait l’erreur de confier son destin.

La contre-révolution antichambre du nazisme


Toutes ces trahisons répétées finirent par avoir raison de la confiance que la classe ouvrière allemande avait portée au SPD. Aux élections parlementaires de janvier 1919, celui-ci perdit la moitié de ses voix, et fut définitivement relégué dans l’opposition jusqu’à la fin de la République de Weimar. Ebert fut certes élu président du Reich, mais fut vite accusé publiquement de trahison pour la capitulation de 1918 – la fameuse théorie du « coup de poignard dans le dos ». Le piège de Ludendorff se refermait sur lui. Malade, il négligea pourtant de se soigner à trop essayer de se disculper, et décéda en 1925. On n’arrive pas à ressentir la moindre compassion pour lui. L’Allemagne se retrouvait humiliée par la défaite, étranglées par les conditions léonines du traité de Versailles. La République de Weimar ne pouvait convenir ni pour les ouvriers, qui y voyaient le tombeau de leur révolution, ni pour la réaction, pour laquelle elle était irrémédiablement entachée par la révolution. Avide de revanche, ne pouvant envisager de restauration en l’absence d’un héritier crédible pour incarner la monarchie, elle se mit à la recherche d’un nouveau type de despotisme. Un certain caporal Hitler avait été infiltré par le commandement militaire allemand dans un des groupuscules d’extrême-droite qui s’étaient formés après-guerre pour voir s’il pourrait être utilisé à cette fin. Il surpassa les attentes de ses commanditaires. Parmi les premiers idéologues du NSDAP (qui il est vrai s’est brouillé avec Hitler après 1933) on retrouve Ludendorff. La classe ouvrière allemande ne put empêcher l’ascension du NSDAP. Les historiens bourgeois ou trotskistes en accusent généralement le KPD, qui aurait eu le tort de refuser le front commun avec le SPD (que celui ne voulait pas non plus en réalité). Mais quand on repense à l’histoire de la révolution allemande, on ne peut qu’avoir une certaine compréhension pour des camarades qui n’ont pas pu faire confiance à  un parti qui avait fait semblant d’incarner la révolution, pour ensuite la trahir et la noyer dans le sang. Et, quand on pense qu’une des origines du NSDAP étaient les Freikörper de Noske, on ne peut s’empêcher de penser que le terme de « social-fasciste » n’était pas qu’une lubie de Staline. La révolution allemande aurait pu triompher pourtant. Elle ne le put, car il lui manqua à sa tête un parti qui voulait la révolution et était en mesure de la diriger. Aussi, elle fit l’erreur de confier son sort à une direction réformiste qui n’en voulait pas, et qui la trahit. Les pires conséquences s’en sont suivies. C’est une page d’histoire à ne jamais oublier.

Quand la bourgeoisie choisit le fascisme, la résistance est un devoir

Ce 28 octobre, le Brésil s’est retrouvé avec pour président élu un fasciste, en la personne de Jair Bolsonaro. Il convient en effet d’appeler les choses par leur nom. Bolsonaro n’est pas un « populiste » (dans son vocabulaire, signifie « du côté des classes populaires », et donc pratiquement aussi haïssable que le vocable de « communiste »), ni un « Trump tropical ». Aussi détestable et réactionnaire puisse être l’actuel locataire de la Maison blanche, ce serait banaliser de façon scandaleuse ce que Bolsonaro représente que de l’assimiler à lui.

Cet ancien militaire de carrière est ouvertement un nostalgique de la dictature militaire, qui aurait eu, d’après lui, seulement le tort de s’être contentée au lieu de tuer (ce régime a pourtant fait pas moins de 200'000 morts). Activement soutenu par une hiérarchie militaire qui n’est jamais intervenue autant dans la vie politique brésilienne depuis la fin de la dictature, Bolsonaro a affirmé avec constance durant sa campagne vouloir en finir par la force avec ce qu’il nomme les « marginaux rouges », à savoir toute opposition de gauche, tout mouvement populaire : à ses opposants, il promet de laisser le choix entre l’exil ou la prison. Trump, lui, n’a jamais rien dit ni sous-entendu de pareil. L’éradication par la force du mouvement ouvrier, c’est bien une caractéristique essentielle du fascisme. Bolsonaro a également promis à la police une immunité totale pour l’usage de leurs armes en service. Quand on sait que la police brésilienne est déjà une de celles qui tire le plus facilement à balles réelles, surtout sur les habitants des favelas, on peut s’attendre à un bain de sang.

Pour ce qui est de son programme économique, Bolsonaro est un adepte du général Pinochet : néolibéralisme, imposé par une dictature militaire. Son conseiller économique, et futur ministre, Paulo Guedes, est un Chicago boy, qui a conçu un plan de privatisation de l’intégralité des entreprises publiques, et d’un plan d’austérité drastique, visant à ne laisser à l’Etat que ses seules prérogatives régaliennes (police, justice, armée, diplomatie). Bolsonaro prévoit également de fusionner les ministères de l’environnement et de l’agriculture ; but : arrêter toute politique écologiste, et livrer l’Amazonie aux multinationales de l’agroalimentaire et aux entreprises minières. Pour cela, il prévoit également d’expulser par la force les peuples autochtones de leurs terres. Son programme en politique étrangère : alignement total sur les USA. Et sinon un retour à « l’ordre moral » : misogynie, homophobie, racisme, et même théocratie.

Comment un tel personnage a-t-il simplement pu être élu à la présidence d’un pays qui se veut démocratique ? C’est qu’il a bénéficié de puissants soutiens : le patronat brésilien, une grande partie de la droite, une implication directe des USA et de la CIA, ainsi que le puissant lobby des églises évangéliques (véritable officine de la CIA un peu partout sur la planète). Sans parler de l’aide de la justice : le juge Sergio Moro, qui a fait emprisonner Lula, comme il l’a avoué sans preuve, sera nommé ministre de la justice pour service rendu…

Mais il faut malheureusement reconnaître que si Fernando Haddad ne réussit pas à gagner face à Bolsonaro, ce n’est pas seulement parce qu’il n’est pas Lula ou qu’il ait commencé sa campagne électorale trop tard. Il faut admettre que le PT a déçu les espoirs qu’il avait suscités. Elu sur un programme très à gauche, le président Lula avait par la suite mené une politique modérément réformiste, qui eut malgré tout des résultats positifs pour les classes populaires du fait qu’elle prenait place durant une période de croissance. Pendant ce temps, le PT s’installa dans les ors du pouvoir et perdit la radicalité de ses origines. Lui succédant, Dilma Roussef, elle, dut faire face à la crise économique. Pour y faire face, elle choisit d’opérer un virage à droite, menant des privatisations, certaines mesures d’austérité, et réprimant le mouvement populaire qui les combattait.

Mais, sous peine de sombrer dans la campagne de fake news anti-PT, il est nécessaire de rappeler une vérité fondamentale. Le PT n’est plus au pouvoir depuis le coup d’Etat institutionnel perpétré par le « parlement des voleurs », la majorité parlementaire de la droite brésilienne, à l’encontre de présidente élue Dilma Roussef, sur la base d’accusations mensongères, et la remplaçant à la tête de l’Etat par le vice-président Michel Temer. Le gouvernement illégitime de Temer a commencé immédiatement une campagne de privatisations d’entreprises publiques, provoquant une juste colère populaire, et creusant, du fait du dégoût légitime pour l’establishment politique, la brèche par où allait passer Bolsonaro. Au Brésil, comme ailleurs, la droite libérale, ou « républicaine », n’est jamais un rempart contre le fascisme, mais toujours son marchepied.


Certes, si un fasciste est président élu, le Brésil n’est pas encore une dictature fasciste. Lorsque Bolsonaro entrera en fonction, il devra composer avec un parlement où il n’a pas la majorité, et qui comprend une bonne trentaine de partis. Mais Hitler ne disposait pas non plus de majorité au Reichstag en 1933. C’est la droite bourgeoise « non-nazie » qui choisit de voter la confiance à son gouvernement. Gageons que la bourgeoisie brésilienne, qui a déjà porté Bolsonaro au pouvoir, n’hésitera pas devant ce dernier pas : lui donner une majorité parlementaire. Mais, ce qui compte vraiment, c’est que le mouvement populaire du Brésil est loin d’avoir été écrasé. Même après s’être emparé des rênes de l’Etat le fascisme peut être vaincu par la lutte. Notre devoir est d’apporter un soutien sans failles aux communistes brésiliens, qui ont annoncé ne rien avoir perdu de leur détermination, dans ce combat difficile.

03 novembre 2018

Non à l’espionnage des assurés !



Lors de sa dernière session, l’Assemblée fédérale a voté, sous pression des assureurs, une loi véritablement scélérate, la « loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales », qui crée une base légale pour la surveillance des assurés qui a peu à envier à un Etat dictatorial. Un référendum ayant abouti, nous pourrons nous prononcer sur le sujet en votation populaire le 25 novembre prochain.

Cette loi institue une base légale autorisant la surveillance des assurés soupçonnés de fraude par des détectives privés, s’ils se trouvent en un lieu accessible depuis l’espace public. On pourra donc nous espionner sur notre balcon, dans notre jardin, ou même dans notre appartement si un détective arrive à voir ce qui s’y passe depuis l’extérieur. Ces détectives pourraient avoir recours à des photos, enregistrements visuels ou sonores, et même traceurs GPS sur une voiture (en principe seulement sur autorisation d’un tribunal). Le projet de loi initial prévoyait même d’autoriser l’usage de drones, mais cette idée fut finalement abandonnée.
Ce projet de loi accorde déjà des pouvoirs démesurés aux assureurs. Mais il faut savoir que si ceux-ci obtiennent des preuves par des moyens illégaux, ces preuves pourront quand même être utilisées à charge contre un assuré ainsi espionné. La loi est en effet muette sur ce qu’il faudrait faire en cas d’un tel abus, et la jurisprudence du Tribunal fédéral dit qu’il faut faire dans un tel cas une « pesée d’intérêts », et que des preuves obtenues illicitement peuvent quand même être retenues, si elles permettent de prouver un cas de fraude. Ce serait là donner à des détectives privés des pouvoirs dont la police elle-même ne dispose pas, sans parler de faire fi de tous les principes de l’Etat de droit.

Sont concernés l’AI, l’AVS, les assurances chômage, accident, mais aussi l’assurance-maladie. Oui, vous avez bien lu. C’est ces mêmes assureurs, qui augmentent les primes chaque année, et dont plus personne ne doute désormais que ces augmentations n’ont guère de rapports avec la hausse des coûts de la santé ; qui ont prélevé pendant des années des primes en trop aux assurés de plusieurs cantons, pour ensuite transférer les excédants dans des réserves d’autres cantons, qui ont rechigné par tous les moyens à rembourser le moindre centime, cela sans que ce scandale ne fasse ne serait-ce qu’enrayer la hausse des primes à Genève ; qui en revanche trouvent toutes les astuces possibles et imaginables pour rembourser le moins de soins possible…ont l’outrecuidance de vouloir nous surveiller ! Ces assureurs par contre sont plutôt bien payés pour le travail qu’ils font. Qu’on en juge par ces quelques salaires (bruts, annuels) de dirigeants de caisses privées : Ruedi Bodenmann (Assura) : 780’690 CHF ; Philomena Colatrella (CSS) : 743’766 CHF ; Daniel Schmutz (Helsana) : 686’500 CHG ; Reto Dahinden (Swica) : 620’194 CHF. Les politiciens bourgeois qui font du lobbying pour eux aussi. On a ainsi récemment appris que certaines caisses invitent des politiciens nationaux, tous de droite cela va de soi, pour « réfléchir » à des « solutions » pour le système de santé en Suisse. Tarif : 2’000 CHF…par jour. Plutôt pas mal n’est-ce pas. Ces coûts-là n’ont, évidemment, aucun rapport avec la hausse des primes…Et ces gens osent dire que ce serait les assurés les fraudeurs !!! De qui se moque-t-on ?

Cette loi est tellement scandaleuse qu’elle est même refusée, à Genève, par une partie de la droite : le PDC, les JDC, les JLR, les jeunes Verts-libéraux, et des personnalités libérales, estimant que cette loi est manifestement incompatible avec les principes de droits individuels inaliénables, théoriquement au cœur du libéralisme. Citons un extrait du communiqué de presse des jeunesses de droite opposées à la loi : « Benjamin Aebi, vice-président des JDC Genève, rappelle que “les assurés ne sont pas assurés par bonté de cœur, mais bien par nécessité". » Cela devrait tenir de l’évidence. Certains politiciens bourgeois osent la nier. Ce n’est pas plus mal qu’un homme de droite la rappelle.

Rajoutons qu’il est scandaleux et hypocrite de faire tout ce cinéma à propos des assurés qui « fraudent » : il s’agit de gens laissés sur le carreau pas le système capitaliste qui peinent s’en sortir, et les montants que la collectivité perd du fait de la fraude aux assurances sociales sont infimes par rapports à ceux dus aux abus des caisses maladies ou à la fraude fiscale (qui eux rencontrent par contre une insupportable complaisance des autorités).

Parce que nous refusons la tyrannie des assureurs, il faut résolument voter NON à cette loi scélérate !

Alexander Eniline