11 septembre 2020

Aide aux victimes de la pandémie au Kerala



INDE • La jeunesse communiste du Kerala rassemble 1,4 million de dollars pour soutenir les victimes du Covid-19. Une action méconnue et déterminante.

Situé tout au sud de l’Inde, l’Etat du Kerala, densément peuplé avec plus de 38 millions d’habitants, se caractérise par un indice de développement humain et un niveau de vie plutôt élevé, un taux d’alphabétisation et une espérance de vie très au-dessus de la moyenne nationale (74 ans, contre 62 pour toute l’Inde), un taux de mortalité infantile très nettement inférieur et le meilleur système de santé de tout le pays. La raison de ces bons chiffres? L’Etat du Kerala est dirigé, avec peu d’interruptions depuis l’indépendance, par un gouvernement communiste. La majorité est en effet détenue par le Left Democratic Front, coalition de gauche sous la direction du PCI(M) – Parti communiste d’Inde (Marxiste). L’actuel ministre en chef est Pinarayi Vijayan, membre du PCI(M).
Face aux trois vagues
Le Kerala a pu faire face à deux vagues du Covid-19 – et lutte actuellement contre la troisième – grâce à des politiques efficaces à base d’un système de santé public et performant, un dépistage systématique, un confinement prononcé à temps, un déblocage de fonds d’urgence, des distributions alimentaires, et actuellement un plan de relance. Le succès de cette politique est unanimement salué. Ce succès n’est pas dû seulement à l’action des pouvoirs publics, mais aussi du Parti et de la jeunesse communiste, la DYFI (Fédération démocratique de la jeunesse d’Inde).
L’une des plus notables, et la plus récente, des campagnes de la DYFI face à la crise du Covid est la campagne «Recycle Kerala». Elle a permis de rassembler 1,4 million de dollars, remis le 6 août au Fonds d’assistance pour les victimes du Covid auprès du ministre en chef.
Action multiforme
A partir du mois de mai, les militants de toutes les 27’240 organisations de base de la DYFI ont rendu visite aux ménages de leurs localités pour collecter des biens. Vieux journaux, livres, appareils électriques usagés et autres objets du même type furent ensuite revendus à des entreprises de recyclage. Certains ménages offrirent également des objets de valeur, comme des œuvres d’art, ce qui aida beaucoup à atteindre les objectifs de la campagne. La DYFI reçut également des contributions en produits agricoles, tels que riz, légumes, volaille…, de la part des paysans du Kerala.
Une partie fut distribuée à bas prix à la population dans des cantines, et l’autre revendue. Des paysans de villages reculés du Kerala, qui avaient des difficultés à vendre leur production à cause du confinement, purent l’écouler grâce à cette campagne de la DYFI. Une action importante au cours de cette campagne fut le nettoyage des rivières de l’Etat, dont la DYFI retira près de 6,5 tonnes de plastique, des bouteilles notamment. Le tout fut revendu à des entreprises de recyclage. Des artistes membres de la DYFI animèrent la campagne par des concerts de rue et d’autres actions. Bien qu’ignorée par les médias mainstream, la campagne «Recycle Kerala» fut bien accueillie sur les réseaux sociaux. Elle fut saluée par le ministre en chef du Kerala, Pinarayi Vijayan, comme un modèle à suivre pour le monde. Il déclara lors de sa conférence de presse du 7 août: «Cette initiative restera dans les mémoires comme une marque de la valeur de la jeunesse de notre Etat, qui est prête à lutter pour le bien commun, bravant tous les obstacles».
Alexander Eniline

07 septembre 2020

Un regard à contre courant sur l’ancienne RDA et sa liquidation



Pour une fois qu’un livre publié aux éditions Delga – une excellente maison d’édition communiste française, hélas insuffisamment diffusée – est disponible à la librairie Payot, au rayon histoire, nous ne pouvions pas ne pas vous le recommander. Surtout qu’il ne s’agit pas de n’importe quel livre. L’ouvrage en question, ce sont les Carnets de prison, rédigés par Erich Honecker, ancien secrétaire général du SED (Parti socialiste unifié d’Allemagne, le parti au pouvoir en ex RDA), en 1992, à la prison de Moabit ; la même où, jeune antifasciste, il fut incarcéré sous le Troisième Reich. Erich Honecker y était alors poursuivi par la justice de la RFA dans le cadre d’un procès scandaleusement politique et revanchard. L’accusation s’est complètement discréditée, et Erich Honecker fut libéré et put finir ses jours au Chili, bien que l’incarcération ait porté une atteinte irrémédiable à sa santé.

Dans ses Carnets de prison, Erich Honecker revient sur les circonstances de la liquidation de la RDA, mais aussi sur ses réalisations, que la restauration du capitalisme a balayé. Une lecture salutaire, ne serait-ce que comme contre-point à la propagande écœurante à la gloire de la « réunification » – élégant euphémisme pour parler de l’annexion pure et simple de la RDA par la RFA, dont le droit et les institutions furent rayés d’un trait de plume, les réalisations brutalement mises au rebut, et les habitants traités en citoyens de seconde zone – et de la restauration du capitalisme. Le mécontentement  persistant en ex RDA suffirait à invalider ce récit.

Le propos d’Erich Honecker a le mérite de se placer à contre-courant du récit dominant : « On ne trouvera pas dans ces pages la moindre concession à la société capitaliste d’exploitation, à son idéologie et à sa “morale“ ». Car, malgré toutes les épreuves, il n’a rien renié de ses convictions (est-il nécessaire de souligner qu’il était tout sauf un apparatchik sans principes ?) : « J’ai été durement touché par l’effondrement de la RDA, mais – comme de nombreux compagnons de lutte – je n’ai jamais perdu ma foi dans le socialisme, seule possibilité de fonder une société humaine et juste. Les communistes appartiennent au camp des persécutés de la terre depuis que le capitalisme existe, mais ils ne sont pas sans avenir ».

Loin de la propagande revanchiste et anticommuniste usuelle, Erich Honecker explique tout le travail réel accompli par les communistes de la RDA, qui ont fait en quarante ans d’un champ de ruines un pays moderne et socialement avancé, ainsi que les circonstances de sa chute. Plutôt qu’un soulèvement spontané du peuple avide de libre marché, ce qui s’est passé, c’est une trahison accomplie sous les auspices de Gorbatchev, qui a poussé d’abord à l’élimination de la vielle garde du SED et à l’ouverture de « réformes », puis au limogeage de ceux qui avaient accompli cette première partie de son plan, faisant du SED un bateau à la dérive, incapable de jouer le moindre rôle actif. Le portrait d’Egon Krenz, successeur d’Erich Honecker à la tête de la RDA, est particulièrement pu flatteur. Nous voudrions nuancer cette impression. Erich Honecker avait sans doute de bonnes raisons personnelles d’en vouloir à son successeur, mais Egon Krenz fut également persécuté par la justice de la RFA, et resta également fidèle à ses convictions communistes et à l’héritage de la RDA

On peut ne pas être d’accord en tout avec l’ancien secrétaire général du SED, on est en droit de considérer que tout n’allait pas pour le mieux en RDA – il reconnaît d’ailleurs lui-même de nombreuses insuffisances, notamment en matière d’écologie – mais sa voix mérite d’être entendue. La conclusion de ses Carnets de prison aurait pu avoir été écrite aujourd’hui :

« Il n’est pas exagéré de dire que le capitalisme s’est empêtré dans un immense nœud de contradictions qui exigent une solution. Si on en reste à la croyance enfantine que « le marché peut tout régler », aucun des problèmes de l’humanité ne sera résolu. C’est pourquoi, inévitablement, de nouvelles forces sociales apparaîtront, qui prôneront et inventeront de nouveaux rapports sociaux ».

« Soit l’humanité sera précipitée dans l’abîme par le capitalisme, soit elle vaincra le capitalisme. Cette dernière solution est la plus vraisemblable et la plus réaliste, car les peuples veulent vivre ».

« Malgré toutes les difficultés et les dangers, malgré la sinistre situation actuelle, je suis et demeure confiant. L’avenir appartient au socialisme ».

Ces mots, nous aurions aussi pu les écrire.

Alexander Eniline

Livre : Honecker Erich, Carnets de prison, Editions Delga, Paris, 2019



A bas la junte fasciste qui usurpe le pouvoir en Bolivie !



Nos médias bourgeois, d’habitude si empressés de soutenir les « peuples » qui se soulèvent contre les « dictateurs » au nom de la « démocratie » et de la « liberté », sont étonnement (enfin, pas tant que cela) muets depuis plusieurs mois sur ce qui se passe dans l’Etat plurinational de Bolivie. Pourtant, la situation de ce pays d’Amérique latine correspond bien au petit schéma ci-dessus. Alors, pourquoi ce silence ? C’est que, il y a un tout petit détail, mais qui a toute son importance : c’est que le gouvernement de facto qui usurpe le pouvoir en Bolivie a été installé suite à un coup d’Etat soutenu par les USA, et qu’il jouit du soutien des Etats occidentaux. Ce régime n’est donc pas une dictature. Circulez, il n’y a rien à voir !

Un coup d’Etat d’extrême-droite

Rappelons donc brièvement les faits. Le 20 octobre 2019, le président de l’Etat plurinational de Bolivie, Evo Morales, du MAS (Mouvement vers le socialisme), était réélu dès le premier tour pour un nouveau mandat. Mais sa réélection est contestée par une opposition de droite extrêmement virulente, sur la base d’un rapport de l’Organisation des Etats américains (une officine contrôlée par les USA), faisant acte de fraude présumée. Par la suite, après le coup d’Etat, l’OEA a dû reconnaître qu’il n’y a eu aucune fraude, et que donc son rapport était mensonger. Après des semaines de violence, d’agressions fascistes contre des militants du MAS et des autochtones, après que des factieux galonnés à la tête de l’armée et de la police, traîtres à leur pays et à leur serment, aient pris fait et cause pour l’insurrection, Evo Morales fut contrait de démissionner le 10 novembre, et de partir en exil.

Dans ce chaos, Jeanine Añez, vice-présidente du Sénat, s’est autoproclamée, devant ses partisans au parlement (pas assez nombreux pour atteindre le quorum), présidente ad interim. Au fait, elle est membre Mouvement Démocrate Social – un parti d’extrême-droite, comme son nom ne l’indique pas – qui représente…4% des voix. Mais peu importe la légalité, elle rentrait fièrement au palais présidentiel, Bible à la main, proclamant que son coup d’Etat était un « acte de foi », et que Dieu allait retrouver sa place au sommet de la Bolivie. Un gouvernement illégitime s’installait au pouvoir.

Le Dieu de Mme Añez est celui des conquistadores, au nom duquel ils perpétrèrent un véritable génocide en Amérique du Sud, réduisant les survivants en esclavage, les exploitant sans merci pour le bénéfice de la couronne espagnole. Après l’indépendance, les descendants des colons ont maintenu ce régime colonial. Le but du gouvernement putschiste est de rétablir l’Etat colonial auquel Evo Morales avait mis fin. Le ciment idéologique du régime putschiste et de sa base sociale (puisqu’il en a quand même une) c’est le racisme décomplexé, le suprématisme blanc, l’idéologie coloniale. La dictatrice Añez a bien exprimé le programme de son gouvernement au début de l’année : « Nous ne permettrons pas que les sauvages recommencent à gouverner ».

Pour bien comprendre de quoi l’on parle, nous citerons quelques extraits du reportage de Maëlle Mariette, « En Bolivie, sur la route avec l’élite de Santa Cruz », paru dans le numéro de juillet 2020 du Monde Diplomatique. Santa Cruz est le département le plus riche de Bolivie, fief de la base sociale du gouvernement de facto. Maëlle Mariette y décrit une bourgeoisie blanche de Santa Cruz se distinguant par une idéologie néolibérale et viscéralement raciste, haïssant tant le socialisme et les politiques de progrès social du MAS, qui l’ont forcé à partager un tout petit peu ses richesses acquises à la sueur du front des travailleurs, que les autochtones, qu’elle méprise, les considérant comme des sauvages, des primitifs, voire des animaux, dont toutes les exigences sont injustifiées, et qui n’ont qu’à ployer l’échine devant leurs maîtres naturels. A la chute du Troisième Reich, beaucoup de nazis ont fui en Bolivie, où existait déjà une importante diaspora locale. L’extrême-droite locale a bien intégré cette culture politique là…

Lisons ce qu’écrit Maëlle Mariette sur le bras armé du nouveau régime tout d’abord, nouvel avatar des chemises noires et qui agissent comme tels, les mains rouges de sang des indiens, et tout particulièrement des adversaires politiques de la junte au pouvoir :

« L’Union de la jeunesse crucéniste dispose de locaux au sein du comité. Ses militants se retrouvent au fond de la cour, au premier étage, sous une climatisation glaciale et sur un sol jonché de mégots. Ils sont près de trois cents, âgés de moins de 30 ans, blancs, souvent étudiants et issus des classes moyennes et supérieures (quoique les membres des classes populaires soient de plus en plus nombreux). Ici, on ne rechigne pas à faire le salut fasciste, bras tendu, lors des réunions : considérée comme un groupe paramilitaire par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), l’Union de la jeunesse crucéniste a été fondée en 1957 par Carlos Valverde Barbery, dirigeant, de la Phalange socialiste bolivienne, créée vingt ans plus tôt sur le modèle des brigades franquistes en Espagne. Etre phalangiste demeure une condition pour rejoindre l’Union de la jeunesse crucéniste, comme nous le confirmera plus tard M. Gary Prado Araùz, avocat en vue de la ville ».

La mentalité des partisans du régime Añez est aussi édifiante. On croirait retrouver l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid :

« Dans la BMW qui nous y conduit, les deux frères sont très enthousiastes à l’idée de nous faire découvrir « leur Santa Cruz », auquel ils se sentent profondément attachés. « Les collas sont une race spéciale, tu vois. Ils sont paresseux et ignorants. Ils attendent que les aides tombent. Ils n’ont jamais été de l’avant. Moi, j’ai toujours fait en sorte que mes enfants ne fréquentent pas de pauvres pour qu’ils ne deviennent pas paresseux. Je veux qu’ils baignent dans l’odeur de l’argent pour prendre goût. Qu’ils apprennent des gens qui ont réussi et qui travaillent, car la richesse attire la richesse ».

Ou encore l’extrait suivant :

« A mi-chemin, nous passons par la ville de San Julìan, sortie de terre il y a trente ans, dont la plupart des 48'000 habitants sont des colons, des paysans indiens ayant migré depuis l’intérieur du pays. « Cette jungle », comme l’appellent les deux frères, est « un exemple de l’invasion colla », dont sont victimes les Crucéniens. « Ces sauvages nous jettent des pierres lorsqu’on traverse le village en voiture. En plus de nous avoir envahi, ils nous frappent et parfois nous tuent. Il faut se séparer de ces fous », expliquent ces partisans d’une autonomie de la région. Alors que nous traversons l’endroit sans encombre et croisons plusieurs femmes coiffées de tresses et de jupes bouffantes traditionnelles de l’Altiplano, le frère du médecin commente : « Ils n’ont rien à faire ici, ils ne sont pas adaptés au milieu. Par exemple, les animaux ; en hiver, ils ont plus de poils ; c’est ça s’adapter à son milieu. Eux, ils ont chaud, ils transpirent et ils puent ».

Ou encore, lorsque Maëlle Mariette demande à ses contacts qu’est-ce que l’identité crucénienne :

« Après quelques minutes de réflexion, M. Herland Vaca Diez Busch répond à notre question en citant de mémoire un passage de…Mein Kampf. Pensant avoir mal compris, nous lui demandons : « Le livre d’Adolf Hitler ? » « Bien sûr, nous répond-il, c’est un classique ! Tu connais ? »

Et c’est cette racaille fasciste là que soutiennent les gouvernements « démocratiques » occidentaux, et sur laquelle nos médias bourgeois gardent pudiquement le silence !

Gabegie sanitaire et terreur fasciste

Le gouvernement de Jeanine Añez, autoproclamé, et officiellement seulement ad intérim, s’est pourtant mis à agir non seulement comme s’il était le gouvernement légitime, mais comme une véritable dictature. Avec pour objectif de démanteler toute l’œuvre d’Evo Morales et du MAS, de tous les acquis des luttes du peuple bolivien. En commençant par le changement des alliances : rétablissement des relations avec les USA et Israël, reconnaissance de Juan Guaido comme président du Venezuela, rupture avec Cuba…ce alors que de telles décisions ne sont absolument pas du ressort d’un gouvernement de transition.

Au plan économique, le programme du gouvernement de facto est la restauration forcée du néolibéralisme, le démantèlement des acquis sociaux, l’affaiblissement de la monnaie nationale, l’appel au FMI pour pouvoir ensuite faire subir au peuple un plan d’ajustement structurel, la privatisation des ressources naturelles, dont le gaz et le lithium, pour l’instant toujours en mains publiques. A propos du lithium, indispensable pour les batteries des voitures électriques, Elon Musk, en réponse à un tweet le prenant à partie par rapport au coup d’Etat, avait répondu « Nous renversons qui nous voulons, accommodez-vous en ». Avant d’effacer, d’essayer de noyer le poisson et de tout tourner à l’humour, mais c’était un peu tard.

La pandémie du COVID-19 a encore aggravé la situation. Au début, le gouvernement a nié le problème, à la Bolsonaro, Mme Añez se contentant de conseiller à ces concitoyens de « prier ». Très efficace…Ensuite, le gouvernement a fini par ordonner un confinement, quand la situation épidémiologique était déjà incontrôlable, mais sans aucune indemnisation, aucune allocation pour perte de gain, sans même de distributions alimentaires, plongeant le pays dans la misère et la famine. Qui plus, le gouvernement a eu la mauvaise idée d’expulser du jour au lendemain les médecins cubains, désorganisant complètement le système sanitaire, au prix de milliers de morts. Le ministre de la santé a néanmoins trouvée le temps de tremper dans une affaire d’achat de respirateurs scandaleusement surfacturés, et qui plus est inadptés pour les soins intensifs. L’affaire n’est pas si étonnante, tant le gouvernement a sombré dans le népotisme et la corruption.

Le bilan social et économique du gouvernement putschiste est déplorable : à cause de sa politique et de sa gestion de la pandémie, 1 Bolivien sur 3 souffre aujourd’hui de la faim, 4 sur 10 sont au chômage, et 6 sur 10 travaillent dans la ventre informelle. La construction, le textile, la bijouterie, les restaurants, les commerces…tous ces secteurs se sont véritablement effondrés, laissant des milliers de personnes sans emploi et sans revenu. Malgré cette situation catastrophique, le gouvernement  refuse d’entériner une loi, pourtant votée par le parlement, prévoyant des « bons contre la faim » (indemnisation pour tous les Boliviens, versée une seule fois, pour pallier à la perte de revenu du fait du confinement), et ce alors que les moyens existent, exigeant du parlement qu’il accepte d’abord une demande de crédit auprès du FMI, malgré les inévitables conditions draconiennes auquel celui-ci sera assorti. (Sourcehttps://plurinacional.info/…/anez-otorga-millones-a-banque…/)

Sans légitimité démocratique (la dictature bolivienne n’ayant de « démocratique » que d’être à la botte des USA), instaurée contre le peuple, le régime de Jeanine Añez n’a de solution pour se maintenir, et imposer ses politiques réactionnaires, que la terreur fasciste. L’épidémie était le prétexte parfait pour affaiblir les droits démocratiques. La surpopulation carcérale a explosé, et les prisonniers politiques se multiplient. Au moins 35 personnes ont été massacrées, et 833 blessée par la police ou les milices fascistes liées au régime, qui non seulement commettent leurs crimes en toute impunité, mais sont ouvertement soutenues par la junte.

L’extrait suivant, provenant d’Amnesty international (pas particulièrement pro-MAS) illustre bien la situation de la Bolivie sous la dictature d’Añez : « Les événements qui ont eu lieu en novembre 2019 à Sacaba et à Senkata, où au moins 18 personnes ont été tuées par balle, sont emblématiques de cette crise. Les témoignages et les éléments de preuve qui ont été réunis représentent de forts indices d’un usage disproportionné et inutile de la force de la part de la police nationale et de l’armée, mais les autorités compétentes n’ont pas fait le nécessaire pour tirer au clair les circonstances de ces faits. L’organisation demande aux personnes candidates à l’élection présidentielle d’adopter les mesures nécessaires pour garantir des enquêtes indépendantes, impartiales et urgentes afin d’empêcher la pérennisation de l’impunité. »


Pour ne pas perdre les élections…ne pas en organiser

Légalement, le gouvernement de facto n’avait le droit que de faire deux choses : organiser de nouvelles élections et gérer les affaires courantes.  Des affaires courantes, nous avons vu à quel point il en a fait une interprétation extensible. Pour ce qui est des élections, le problème est embêtant : les parti de Mme Añez ne pesait déjà que 4% des voix avant. Le coup d’Etat, et la gestion tyrannique, arbitraire et calamiteuse des affaires publiques n’a pas rendu les putschistes particulièrement populaires en dehors de leur base sociale réactionnaire et raciste traditionnelle, c’est le moins que l’on puisse dire. Et la droite bolivienne, déjà minoritaire dans le pays, ne s’est pas rassemblée derrière Mme Añez. Aussi, il ne faisait aucun doute que, si des élections libres et transparentes avaient lieu, elles seraient remportées par le MAS.

Mais à quoi bon avoir fait un coup d’Etat si c’est pour rendre le pouvoir à ceux qu’on en a chassé ? Comme par enchantement, tous les prétextes légalistes invoqués hier contre Evo Morales sont vite oubliés. Alors comment faire pour ne pas perdre les élections ? Ne pas en organiser, et se maintenir de cette façon au pouvoir ! Cela fait maintenant presque une année que le coup d’Etat a eu lieu, et il n’y a toujours pas eu d’élections. Celles-ci étaient prévues en mars, puis en mai, puis en juin... La pandémie du COVID-19 a fourni le prétexte rêvé pour les repousser. Les élections devaient finalement avoir lieu le 6 septembre, mais le gouvernement décida de les renvoyer une nouvelle fois, prétextant, de nouveau, la pandémie.

Mais plus personne n’y croit. Déjà parce que l’épidémie n’est pas près de disparaître, et qu’il n’est pas possible de repousser indéfiniment les élections. Ensuite, parce que le gouvernement putschiste est moins légitime que quiconque pour utiliser cet argument, étant entièrement responsable de la catastrophe sanitaire que vit la Bolivie. Enfin, parce qu’il est clair, que la seule vraie raison pourquoi le gouvernement repousse les élections à chaque fois, s’enfonçant toujours plus dans l’illégalité et l’arbitraire, c’est qu’il est sûr qu’il les perdrait. Alors il essaye à chaque fois de retarder l’échéance, de gagner du temps, et d’affaiblir le MAS par des persécutions judiciaires et policières, par d’absurdes et grotesques procédures pénales contre Evo Morales, contre Luis Arce et David Choquehuanca, candidats respectivement à la présidence et à la vice-présidence pour le MAS…pour terrorisme, délit contre la santé et génocide. Rien que ça ! L’idéologie génocidaire des conquistadores ne semble en revanche pas trop les gêner…

Lutte courageuse du peuple bolivien contre le gouvernement illégitime

Mais cette fois, c’en était trop. Les protestations n’avaient jamais cessé depuis le coup d’Etat, mais cette fois la colère du peuple a explosé. Des manifestations massives ont éclaté, suivies, dès le 3 août, d’une grève générale organisée par la COB (Centrale ouvrière bolivienne), les syndicats, le MAS, les mouvements sociaux et les peuples autochtones. Les rues se sont hérissées de barricades et les grandes routes de barrages, qui ne laissaient passer que les ambulances. La principale revendication des manifestants étant le maintien des élections à la date prévue, le 6 septembre.

Aux justes revendications du peuple, le gouvernement a répondu par la violence. La police a été envoyée pour déloger les barrages par la violence. Des bandes armées fascistes ont attaqué les grévistes, avec non seulement la complicité, mais le soutien déclaré de la dictatrice Añez. Arturo Murillo, ministre de l’intérieur du gouvernement de facto a déclaré à CNN le 10 août à propos des grévistes qui tiennent les barrages routiers, que « leur mettre une balle dans la tête serait politiquement correct ». La junte fasciste est bel et bien prête à faire couler le sang pour continuer à usurper le pouvoir. Le gouvernement a également lancé des poursuites pénales contre Evo Morales, Luis Arce, David Choquehuanca et Carlos Huarachi (dirigeant de la COB) pour « terrorisme, génocide et délit contre la santé » (rien que ça !), les accusant de bloquer les ambulances et les camions transportant de l’oxygène pour les hôpitaux (ce qui est faux, les barrages sont ouverts pour les ambulances) et d’être responsables ainsi des morts du COVID (alors que le premier responsable de la catastrophe sanitaire est le gouvernement lui-même). La télévision et la presse bourgeoise ont calomnié sans relâche les manifestants, les dépeignant comme des sauvages ne cherchant qu’à semer le chaos en pleine pandémie. Mais ni la violence, ni la calomnie ne pouvaient briser le mouvement populaire, et des groupes armés, liés au MAS, ont commencé à se former pour répondre comme il se doit à la violence fasciste.

Alors que la situation lui échappait, le gouvernement, pris de peur, a tenté un recul. Il a voulu organiser un « dialogue national ». Mais c’était trop tard. La junte n’avait plus aucune légitimité, ni ne bénéficiait plus d’aucune confiance. Seuls ses partisans participèrent à ce pseudo-dialogue. Le MAS et la COB, et même une partie de la droite, le boycottèrent, exigeant le maintien des élections, sans aucune condition.

Le Tribunal électoral suprême a fixé définitivement les élections au 18 octobre, celles-ci ne pouvant plus être reportées. Mais cela n’a guère apaisé les tensions. Le peuple n’a plus aucune confiance, ni dans le fait que les élections auront bien lieu à la date prévue – des nervis à la solde du gouvernement chercheraient à en forcer encore une fois le report –, ni dans le fait qu’elles seront effectivement libres et transparentes. De fait, la junte a montré qu’elle est prête à tout, et n’a aucun égard pour la loi. Les manifestants ne réclament désormais plus seulement le maintien des élections, mais aussi la destitution d’Añez et de son gouvernement illégitime…


Le peuple bolivien n’a que trop raison de se révolter. Face à un gouvernement qui viole les droits du peuple, l’insurrection est le plus sacré des droits, et le plus indispensable des devoirs. Ce peuple a besoin, et mérite toute notre solidarité, tout notre soutien. Il n’est que trop temps que la clique fasciste qui usurpe le pouvoir en Bolivie et son idéologie putride rejoignent enfin leur vraie place, dans les poubelles de l’histoire – par ailleurs, les responsables du coup d’Etat et des crimes qui s’en sont suivis doivent en répondre devant la justice – et que le peuple bolivien reprenne son destin en main, pour écrire de nouvelles pages de progrès démocratique et social.

Oui à un salaire minimum : économiquement bénéfique, une exigence de justice et une position de classe



Si le PIB de la Suisse était partagé de façon parfaitement égalitaire entre tous les actifs, cela ferait 10'000 francs par personne et par mois. Certes, ce calcul ne doit pas être trop pris à la lettre. Il ne prend en compte ni les inactifs (retraités, AI, etc.) qui doivent aussi bénéficier de leur part de la richesse sociale, ni la part de la richesse sociale devant être dévolue aux investissements et à la consommation collective, ni la part de richesse dont la bourgeoisie suisse jouit indûment suite à sa position dans un ordre économique mondial inégal. Mais cela donne au moins un ordre de grandeur incontestable : il y a bien assez de richesses produites pour que chacun puisse vivre dignement. La réalité de notre système capitaliste est pourtant qu’une infime minorité s’accapare des richesses proprement indécentes, tandis que 10% des travailleurs (dont 2/3 de travailleuses) touche moins de 23,- de l’heure (soit moins de 4'000,- par mois). La moitié de ces 10% de travailleurs sous-payés gagne même moins 3'500,- par mois. On ne peut vivre dignement avec des salaires aussi bas à Genève. On assiste au scandale absolu de travailleurs, à plein temps, dont le travail produit pourtant toute richesse, qui doivent recourir à l’aide sociale.

Face à cette situation inacceptable, la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) avait lancé, avec le soutien des partis de gauche, une initiative populaire pour un salaire minimum de 23,- de l’heure, indexé à l’inflation. C’est sur cette initiative que le peuple est appelé à se prononcer le 27 septembre. Le Parti du Travail appelle fermement à voter pour. L’introduction d’un salaire minimum est une exigence fondamentale de justice, et une mesure indispensable contre la précarité. Cela seul suffirait pour le soutenir. Mais nos adversaires combattent cette initiative avec des arguments économiques, de parfaite mauvaise foi, qu’il nous importe de réfuter.

Ils disent en effet que l’introduction d’un salaire minimum détruirait des emplois, et ferait augmenter le chômage. C’est une affirmation gratuite. D’après 64 études menées entre 1972 et 2007, l’introduction d’un salaire minimum n’a eu aucun effet sur l’emploi, ou alors un effet positif. Il est tout aussi faux de dire que l’introduction d’un salaire minimum provoquerait un alignement des salaires vers le bas. Cet effet n’a été observé nul part. Bien au contraire, l’existence d’un salaire minimum tend, non seulement à revaloriser les très bas salaires, mais aussi de pousser les salaires qui en sont au-dessus à la hausse, par la sécurité juridique qu’il donne aux travailleurs et aux syndicats, renforçant ainsi leur capacité de négociation. Du reste, le canton de Neuchâtel a instauré un salaire minimum en 2017, et aucun des effets négatifs prédits par les opposants n’a été observé.

Un salaire minimum a aussi pour effets positifs une hausse de la consommation populaire, ce qui a un effet démultiplicateur sur l’économie, ainsi qu’une hausse de la productivité. Il a pour conséquence par contre une légère baisse des très hauts salaires (mais ce n’est pas très grave) et des profits (ce qui est une bonne chose dans l’absolu, car cela réduit la suraccumulation du capital), raison pour laquelle la bourgeoisie le combat.

La bourgeoisie fait mine de s’inquiéter du sort de petites entreprises, pour qui une hausse des salaires serait une charge importante. Pourtant, c’est la concurrence capitaliste qui détruit ces mêmes petites entreprises chaque jour, ce dont la même bourgeoisie ne se soucie guère en temps normal. Remarquons que la majorité des entreprises qui pratiquent de très bas salaires ne sont pas des petites entreprises, et ne sont absolument pas en difficulté. Pour les PME vraiment en difficulté par contre, il serait absolument possible de les soutenir par des moyens ciblés, plutôt que de subventionner tous les patrons qui surexploitent leurs travailleurs (car c’est bien cela que signifie l’aide sociale touchée par des gens qui travaillent). Cette même bourgeoisie se fait hypocritement le chantre du partenariat social, alors qu’elle est d’habitude pour le libre-marché, quels qu’en soient les ravages. A cela il faut répondre que le partenariat social ne suffit pas. Seule la moitié des travailleurs en Suisse est protégée par une Convention collective de travail, et pas toutes les CCT ne sont vraiment consistantes.

Un salaire minimum est enfin une mesure pertinente face à la crise économique. La vague de licenciements attendue et ce durcissement des rapports de travail d’ores et déjà visible s’accompagnera inévitablement d’une pression à la baisse sur les salaires de la part du patronat – des salaires qui pour beaucoup trop de travailleurs, dont une majorité sont des travailleuses, sont déjà beaucoup trop bas. Pour mettre un frein à cette pression patronale, pour protéger les travailleuses et les travailleurs, un salaire minimum légal est aujourd’hui un instrument indispensable. Par ailleurs, une baisse généralisée des salaires aurait pour conséquence nécessaire – outre la catastrophe sociale qu’elle représenterait – une diminution équivalente de la consommation populaire, et par conséquent, une accentuation des tendances déflationnistes, donc une aggravation de la crise. Face à cela, un salaire minimum légal apparaît comme une mesure anti-crise pertinente, favorable à la consommation populaire, et donc aux petites entreprises et à l’emploi.


Enfin, le salaire minimum est un instrument de lutte de classe entre les mains des travailleurs, face à une bourgeoisie qui veut les exploiter sans limites ou presque. Pour toutes ces raisons il faut voter OUI.