04 juin 2009

Lettre ouverte à ceux qui ne veulent pas de contre-réformes scolaires



« Le 17 mai les Genevois choisissent entre une école qui cadre (IN134) et une école qui soigne (Contre-projet) soutenue par la majorité des partis qui se sont entendus sur le plus petit dénominateur commun : ne pas changer grand-chose à la catastrophe actuelle du Cycle d'orientation ; faire semblant : comme il y a eu les fausses notes, cette fois-ci, il y a les fausses réformes. » (Jean-Romain). Le célèbre philosophe conservateur est sans doute beaucoup trop dur avec le Parti radical sur les listes duquel il sera probablement élu député cet automne. Car le Parti du Travail n’a pas trouvé le contre-projet si fondamentalement différent de l’initiative ; s’il n’est sans doute pas aussi rétrograde, il va pourtant dans le même sens d’une manière certes bien plus édulcoré. En effet le contre-projet et l’initiative ont en commun l’essentiel : la réintroduction des sections pour un durcissement de la sélection. Sans aucun doute le système actuel avec deux filières, soit des classes quasi-hétérogènes en A et des véritables classes ghettos en B est catastrophique car les élèves qui se retrouvent en B n’ont que des possibilités de formation ultérieure plus que réduites et se retrouvent souvent éjectés de toute formation et donc du marché de l’emploi et donc précarisés à vie. Mais le réseau REEL de même que le Grand Conseil n’ont rien trouvé de mieux pour résoudre ce problème que de rendre le système pire encore. Certes le contre-projet prévoit des mesures d’appui aux élèves en difficulté qui ont l’air intéressantes mais qui en fin de compte n’offrent strictement rien de nouveau par rapport à ce qui existe déjà, et s’il y des déficiences en la matière actuellement ce n’est pas faute de base légale mais faute de moyens.

L’initiative prévoyait quatre filières en septième et six en huitième et en neuvième, le contre-projet trois filières pour toutes les années ; la différence est seulement quantitative et non qualitative. Sans doute que l’initiative allait nettement plus loin que le contre-projet en matière de contre-réforme ; outre qu’en impliquant plus de filières elle est nettement plus anti-égalitaire, en plus elle prévoyait une sélection bien plus rigide que le contre-projet (selon les initiants, un changement de filière ne devrait pouvoir se faire qu’avec examens de promotion) et comme seule solution pour résoudre les problèmes sociaux et psychologiques des élèves le retour d’une note de comportement. Et régression plus grave encore, le réseau REEL souhaitait réduire le rôle de l’école obligatoire à l’acquisition de connaissances de base en Français, en mathématiques et en culture générale pour satisfaire aux exigences du marché de l’emploi. Or le Parti du Travail considère qu’il n’est pas acceptable de réduire les buts de l’éducation publique à former une force de travail docile pour le patronat. Actuellement le Cycle vise des objectifs bien plus ambitieux qui sont « développer l’ouverture d’esprit, la faculté de discernement, l’autonomie, la solidarité, toutes compétence qui contribuent à l’éducation citoyenne » ; « il assure un équilibre dans le développement des différentes aptitudes (intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques) des adolescents, qui leur permet de trouver du sens de leur apprentissages et leur donne progressivement les éléments de choix de leur parcours de formation ». Bref actuellement le Cycle d’orientation vise à former des citoyens libres capables de prendre leur destin en main et dotés d’un esprit critique ; c’est une conquête fondamentale de la classe ouvrière et le Parti du Travail luttera résolument contre toutes les forces néoconservatrices qui veulent nous faire retourner au capitalisme sauvage du XIXe siècle.

De même que le Parti du Travail est opposé au retour des filières, car sélectionner les élèves dès l’âge de douze ans en fonction de leurs résultats en primaire et choisir ainsi leur orientation professionnelle future revient à sélectionner selon les revenus de leurs parents (car les parents aisés ont en moyenne plus de temps et plus de moyens pour suivre l’éducation de leurs enfants), les difficultés personnelles et familiales. Loin « d’orienter » les élèves selon leurs aspirations, une sélection par filières n’a d’autre conséquence que de renforcer des privilèges de classe. Un tel système contribue à renforcer l’idéologie de la concurrence et de la méritocratie, crée chez les élèves de la filière supérieure le sentiment d’appartenance à une élite dotée de privilèges légitimes, et chez ceux des filières inférieurs un sentiment d’échec à-priori qui se transforme trop souvent en échec réel plus tard. Et évidemment la transmission de toute valeur de solidarité devient alors illusoire.

Aussi le Parti du Travail ne peut que se réjouir du rejet d’une initiative rétrograde, mais la vraie bataille aura lieu cet automne lorsque le contre-projet accepté le 17 mai sera opposé à l’initiative 138, lancée par la coordination enseignement, que le Parti soutient car elle correspond à notre vision de l’éducation. En effet, cette initiative propose des classes entièrement hétérogènes et des moyens d’appui réellement nouveaux, à savoir une aide à la transition entre la primaire et le Cycle, ainsi qu’entre le Cycle et le post-obligatoire, de même que des possibilités réelles de transfert entre les filières du post-obligatoire, afin de remédier à la situation actuelle où beaucoup d’élèves sont interdits de redoublement ou de transfert et se retrouvent éjectés de quelque cursus de formation que ce soit et donc éjectés du marché du travail. Or les principaux dirigeants socialistes et verts ont déjà annoncé qu’ils recommanderaient désormais le rejet d’une initiative qu’ils ont contribué à lancer ; il y a même des velléités de pression des ces milieux sur les initiants pour qu’ils retirent leur initiative, afin d’épargner aux appareils rose-vert de trop montrer leur opportunisme avant les élections. Pourquoi ce soudain changement de cap ? C’est que les apparatchiks sociaux-démocrates et écolo auraient conclu des accords avec la droite au parlement pour la rédaction du contre-projet et auraient donc désormais des obligations envers leurs « partenaires de droite ». Nous ne pouvons que constater jusqu’où mène la collaboration de classe, les obligations de la « gauche parlementaire » envers les partis bourgeois les libérant de celles envers le peuple. Contrairement aux opportunistes rose-verts, le Parti du Travail continuera sa lutte pour une éducation au service des classes que le capital opprime et non à celui du patronat, une éducation qui forme des citoyens libres et non de simples facteurs de production.

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