02 décembre 2009

Communiqué de presse relatif à l’occupation de la salle MR080 par le mouvement étudiant «Education is not for $A£€ »



Communiqué de presse rédigé par mes soins.



Le lundi 30 novembre à 6h30 du matin (soit avant le délai de 8h00 fixé par le rectorat lui-même), le rectorat a fait évacuer manu-militari l’amphithéâtre MR080 à Unimail, occupé jusque là par les étudiants participant au mouvement Education is not for $A£€, afin de soi-disant rendre l’amphithéâtre susmentionné aux cours, refusant de donner les locaux pour lesquels le mouvement était prêt à quitter l’auditoire sans réponse argumentée et le forçant à se replier sur une salle de séminaire bien trop petite et allant jusqu’à faire prendre de nombreuses photos des étudiants présents, tout en refusant de s’engager à détruire ces photos. Le Parti du Travail dénonce ce procédé policier et répressif contre le mouvement étudiant, unique en Suisse (ni Lausanne, ni Berne, ni Bâle, ni Zurich n’ont procédé à aucune opération de ce genre), allant à l’encontre de la promesse explicite du rectorat de ne pas faire usage de la force contre les étudiants. Visiblement, le recteur Jean-Dominique Vassali a fait le choix, dangereux et inacceptable dans un pays qui se prétend démocratique et garantissant la liberté d’expression, de faire usage de la répression contre un mouvement qui dérange ; tout cela sous le prétexte fallacieux d’assurer des cours, fallacieux car cela n’aurait posé aucun problème technique de déplacer les cours dans des salles inoccupées, ce que le rectorat a amplement prouvé en faisant aisément déplacer tous les cours durant l’occupation. Le Parti du Travail dénonce également le fichage des étudiants, pratique qui rappelle les sombres années du maccarthysme et le fichage systématique des militants de gauche, traités en ennemis de la nation, durant la Guerre froide, et exige la destruction des photos que le rectorat a ordonné de prendre.

Mais pourquoi, si déplacer les cours n’aurait posé aucun problème, cette occupation dérange-t-elle au point que les autorités aient jugé utile de faire appel à une répression aussi scandaleuse qu’inédite ? C’est tout simplement que le rectorat, institution servant l’Etat bourgeois, ne peut admettre l’existence, et à fortiori le renforcement du mouvement qu’il y a derrière l’occupation ni la propagation des revendications qu’il porte. Le Parti du Travail souhaite exprimer son entière solidarité au mouvement Education is not for $A£€, ainsi qu’un total soutient envers ses revendications qui correspondent à une vision de l’éducation que le PdT partage ; les étudiants membres du Parti participent d’ailleurs activement au mouvement d’occupation, à Genève de même que dans les autres universités de Suisse. Pourquoi ce mouvement dérange-t-il tellement nos autorités, ainsi que la presse bourgeoise qui n’hésite pas à le calomnier, toujours, avec la démagogie habituelle, jouant de l’amalgame mensonger protestation égale déprédation. Il faut commencer par rappeler que l’occupation genevoise s’inscrit dans le cadre d’un vaste mouvement européen d’occupation d’universités, ayant débuté à Vienne, dans une optique de lutte contre les réformes de Bologne et la marchandisation des études. Ce cadre européen donne tout son sens à un mouvement, qui a aussi des revendications plus concrètes et spécifiquement genevoises ; pour ne citer que les principales : la gratuité des études (notamment la suppression des taxes universitaires, alors que le Grand conseil, qui planche actuellement sur la loi sur l’université, aurait apparemment la velléité d’augmenter celles-ci), l’augmentation des bourses et plus de facilité à y accéder (actuellement il faut être ni trop riche ni trop pauvre pour y accéder, si bien qu’elles sont de fait réservées aux classes moyennes), la non-privatisation de l’université, l’indépendance de la recherche, plus de logements étudiants, un meilleur encadrement (le nombre de professeurs et d’assistants est insuffisant dans beaucoup de facultés), le rétablissement de la démocratie universitaire et des organes paritaires, ainsi que la non-fermeture des filières (le bachelor en histoire économique est actuellement menacé).

M. Vassali, invité à répondre à ces revendications en sa qualité de recteur, s’est fendu d’un discours en langue de bois, souvent contradictoire et donnant parfois l’impression qu’il ne connaît guère l’institution qu’il dirige ; disant tout de même qu’il soutient la plupart des revendications, tout en se déresponsabilisant d’office sur toutes, car il ne pourrait rien faire mais qu’il essaierait de faire des pressions, et répondant avec des réserves peu claires et touchant au sophisme sur les revendications qu’il est en son pouvoir de réaliser, et enfin promettant que l’université resterait publique et que la liberté de recherche resterait garantie. Mais alors, si le recteur est d’accord pour l’essentiel avec les revendications des étudiants, pourquoi le dérangent-ils au point de les faire évacuer manu-militari ? C’est tout simplement que M. le recteur sait très bien que les étudiants auraient été bien mal inspirés que de croire ses belles promesses sur parole. En effet, il existe quelque chose qui les réduit à n’être que des vaines paroles sans objet et ce quelque chose est la déclaration de Bologne, ratifiée par 29 ministres européens de l’éducation (dont un conseiller fédéral suisse), préalablement élaboré par la commission européenne sur la base d’exigences exprimées par l’ERT (Table Ronde des Industriels Européens, principale association patronale qui fait la pluie et le beau temps dans l’Union Européenne).

Pourquoi donc autant d’opposition face à une directive dont le but tel que décrit par les médias serait apparemment d’harmoniser l’enseignement supérieur au niveau européen afin de permettre aux étudiants d’effectuer une partie de leur cursus dans un autre pays afin de découvrir une autre culture et de créer une identité et une culture européenne ? Mais c’est que précisément là n’est pas le but réel de la réforme de Bologne. Effectivement, il est question d’harmoniser l’enseignement supérieur au niveau européen par le système bien connu de bachelor, master et le système ECTS, soit l’évaluation en termes de crédits, sensés être convertibles et utilisables partout en Europe. Toutefois, le but de cette harmonisation (déjà contestable en soi car poussant les étudiant à chercher l’accumulation des crédits plutôt que de s’intéresser sérieusement au contenu de leurs études) ne se limite pas à ce qui est dit publiquement. Le but, affirmé sans vergogne dans maintes et maintes déclarations et documents de l’ERT et de la commission européenne, est de mettre, à travers la mobilité des étudiants et des professeurs, les universités européennes en concurrence afin de parvenir à un système à l’américaine ; soit quelques «pôles d’excellence» réservés aux meilleurs étudiants et aux meilleurs chercheurs, et des universités de deuxième et troisième zone, avec des diplômes de deuxième et troisième zone, voire de simples écoles supérieures ayant perdu leur «label» universitaire pour la grande majorité. Aussi, les crédits, censés être utilisables partout, ne le seraient pas du tout. Et il ne faut surtout pas s’imaginer qu’il suffira d’être un étudiant studieux pour accéder à une bonne université : en effet, ce modèle de concurrence est incompatible avec l’université service public, trop « rigide » selon les soi-disant experts eurocrates, qui eux exigent ce qu’ils appellent «l’autonomie» de l’institution académique (c’est le sens de la loi sur l’université que le peuple genevois a hélas approuvée), c’est-à-dire que l’université est gérée par un rectorat n’ayant pas ou peu de comptes à rendre à la collectivité et autonome quant à ses choix académiques, administratifs, mais aussi quant à la recherche et à la gestion de ses fonds, publics et privés, gérant son établissement comme une véritable entreprise ; de fait une semi-privatisation, voire une privatisation pure et simple. Aussi, avec ce modèle néolibéral, l’université non seulement ne sera pas gratuite, mais sera même fort chère, et de plus en plus chère selon le prestige de l’établissement, les fameux «pôles d’excellence» devant être réservés quasiment aux seuls enfants de millionnaires ; ainsi que c’est le cas aux Etats-Unis. Le but de tout cela est, on le voit, de rendre l’enseignement universitaire infiniment plus élitaire qu’il ne l’est déjà, pour renforcer encore les privilèges héréditaire d’une toute petite élite, sous des formes qui n’ont rien à envier à l’Ancien Régime. Enfin, l’ouverture des fonds de l’université au privé, sous le prétexte fallacieux d’économiser l’argent du contribuable qu’on ne se gène pourtant pas de claquer dans des avions de combat dont on ne voit pas trop à quoi ils pourraient bien servir, vise en fait à mettre l’université «plus en contact avec les besoins de l’économie» selon le jargon bruxellois, soit de leur donner pour but de se mettre au service exclusif des exigences de profit des entreprises. Cela implique de ne pas ou plus former des citoyens libres, armés d’une culture générales et d’un esprit critique et mettant leur connaissances au service de la société, mais de former (outre une petite élite de maîtres aussi arrogante que bornée) de la force de travail pour les entreprises : c’est-à-dire démantèlement des facultés non rentables que sont les lettres, les sciences sociales,… et dans celles qui sont utiles à l’économies focalisation sur les seules compétences professionnelles et élimination de toute théorie alternative et de tout esprit critique (n’envisagez même pas de vous poser la question s’il existe d’autres visions que le néolibéralisme en économie). Autre danger de l’ouverture des fonds au privés : le financement de recherches, voire de chaires entières, par des multinationales oriente fortement, et c’est un euphémisme, le travail de celles-ci, les transformant en véritables fabriques à brevet au service exclusif de la rentabilité immédiate et repoussant le reste aux calendes grecques (des sommes minimes sont consacrées aux maladies tropicales alors qu’elles touchent 56% de la population mondiale…sauf qu’il s’agit d’une population non solvable).

Au vu de ce qui a été dit, pas étonnant que les autorités cherchent à étouffer toute résistance au processus de Bologne, à la réprimer et criminaliser au besoin. Nous profiterons de l’occasion pour rappeler la position du Parti du Travail sur l’Union Européenne : en effet, la réforme de Bologne ne montre que trop le rôle profondément réactionnaire, violemment néolibéral, antidémocratique et opposé aux intérêts des peuples de cette structure et nous ne pouvons que soutenir une lutte européenne contre la politique de cette poignée de fonctionnaires arrogants, élus par personne et n’ayant aucun compte à rendre aux peuples qu’ils sont de toute façon payés pour opprimer ; le but à terme du mouvement étudiant s’il veut stopper le processus de Bologne devrait être de faire tomber la commission européenne et la dissolution de l’UE. En tout cas, la déclaration de Bologne comme les agissements de M. Vassali rappellent de façon éclatante une vérité énoncée par Lénine : « Les formes d'Etats bourgeois sont extrêmement variées, mais leur essence est une : en dernière analyse, tous ces Etats sont, d'une manière ou d'une autre, mais nécessairement, une dictature de la bourgeoisie. » C’est pourquoi, si le Parti du Travail soutient sans réserve les revendications des étudiants, il tient à rappeler qu’elles ne sont pas pour une grande partie d’entre elles réalisables sous le capitalisme, mais exigent un changement de société, le socialisme. En effet, une véritable gratuité des études implique non seulement l’abolition des taxes universitaire, ce qui n’est que le strict minimum, mais également un véritable salaire d’étudiant, versé à tous les étudiants, qui permettrait à ceux-ci de ne plus devoir travailler à coté de leurs études et de se consacrer totalement à celles-ci. Un tel salaire implique que le travail produit par la société soit consacré au bien de tous ses membres et non au profit d’une toute petite élite. C’est quelque chose que tous les pays socialistes existants ou ayant existé accordent ou ont accordé à leurs peuples, quelque chose qu’on n’ose pas même revendiquer dans notre pays, pourtant bien plus riche. De même qu’une véritable indépendance de la recherche, ou plutôt que celles-ci soient consacrées à l’intérêt réel de la société, à l’intérêt de tous ses membres, implique que le pouvoir étatique, auquel l’université est soumise, n’appartienne plus aux laquais des multinationales mais au peuple travailleur. Le Parti du Travail apporte son entier et total soutient à la lutte des étudiants contre les réformes de Bologne et pour une université de qualité, gratuite, démocratique et tournée vers l’intérêt commun.

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