Discours prononcé pendant le rassemblement pour la validation de l’initiative 151 « Pour le renforcement du contrôle des entreprises, contre la sous-enchère », le vendredi 30 novembre 2012
Chères et
chers camarades,
Friedrich
Von Hayek, auteur de référence des idéologues du PLR,
écrivait : « Je préfère une dictature libérale à un gouvernement
démocratique où le libéralisme serait absent ». Le Conseil d’Etat et la
droite du Grand Conseil semblent bien prendre cette direction en s’apprêtant
une nouvelle fois à invalider une initiative populaire dont le contenu
leur déplaît pour des raisons politiques
afin d’empêcher le peuple de pouvoir se prononcer là-dessus, d’empêcher que de
quelconques mesures dignes de ce nom soient prises pour lutter contre la sous-enchère
salariale ; cela en avançant de piètres arguties juridiques tirées par les
cheveux, et auxquelles personne ne croit, tant est devenu systématique pour la
droite de ce canton le déni des droits populaires et de la démocratie,
l’habitude d’invalider systématiquement des initiatives populaires parfaitement
valides, et qui sont pratiquement à chaque fois reconnues telles par le
Tribunal fédéral. Et la droite qui s’ingénie à trouver les prétextes juridiques
les plus fallacieux pour invalider les initiatives populaires progressistes est
la même droite que celle qui aux chambres fédérales a laissé passer toutes les
initiatives de l’extrême-droite, de l’interdiction des minarets à l’expulsion
des étrangers criminels, pourtant clairement inapplicables et contraires au
droit international.
Mais il
est bien clair que les arguties juridiques ne sont rien d’autre que des
arguties, et il n’est même pas la peine de leur répondre. Les véritables
raisons de la droite de vouloir invalider l’initiative sont clairement
politiques, et les véritables arguments le sont aussi. Le Conseil d’Etat
prétend que l’initiative serait disproportionnée et que Genève serait déjà, à
ce qu’il paraît, pionnière dans le domaine de la lutte contre la sous-enchère
salariale. Pionnière ? Il existe à ce jour un commissaire de l’OCIRT pour
18'750 emplois. Les normes de l’OIT pour les pays développés voudraient un
inspecteur pour 10'000 emplois. Les effectifs de l’OCIRT correspondent aussi
aux normes de l’OIT…pour les pays en voie de développement. Genève serait-elle
désormais un pays du Tiers monde ? Serait-il vraiment disproportionné
d’adapter les effectifs de l’OCIRT comme le prévoit l’initiative 151 ? Il
faut également tenir compte du fait que l’OCIRT n’a rendu que 8 décisions en
2011, et 2 en 2012 !, que 80% des commissions paritaires n’effectuent
aucun contrôle, que pour 62% des entreprises, représentant 52% de l’ensemble
des travailleurs, pratiquement aucun contrôle n’est jamais exercé. Dire, dans
ces conditions, que l’initiative 151 est disproportionnée et que Genève est
déjà pionnière, tient au mieux de la mauvaise blague. Il est parfaitement
limpide que le seul but du patronat, et des partis qui le servent, est de
laisser la sous-enchère salariale se poursuivre sans encombre. A titre de
comparaison, il existe un agent de la Fondation des parkings pour 326 places de
parc. On voit bien quelles sont les priorités politiques des bourgeois !
Le Conseil
d’Etat prétend que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles,
que le système fonctionne bien et que somme toute le problème de la
sous-enchère salariale n’en est pas un. Une telle affirmation tient du mensonge
le plus éhonté ! Le Conseil d’Etat omet de dire que depuis 2008 le salaire
brut médian a reculé, que depuis plusieurs années les bas salaires se
généralisent et les écarts salariaux se creusent (la part des salariés du
canton touchant un bas salaire est passée de 15,1% à 18,5% entre 2000 et 2010),
que les commissions paritaires ont révélé des taux d’infraction de 24% en 2011,
ce alors que l’OCIRT ne fait rien, et que 52% des salariés ne bénéficient
d’aucun contrôle ! Cette situation catastrophique pour les travailleurs
est bien entendue liée aux accords bilatéraux avec l’Union Européenne, à la
dite « libre-circulation » des personnes, en fait la
libre-exploitation des travailleurs à l’échelle du continent, la libéralisation
et la dérégulation du marché du travail, une aubaine pour le patronat européen
et helvétique pour une baisse généralisée des salaires. Le Parti du Travail
avait le premier lutté contre ces accords bilatéraux, pour avoir justement
prévu qu’ils constitueraient une large porte ouverte à la sous-enchère
salariale et que les prétendues mesures d’accompagnement resteraient lettre
morte. Nos saluons le fait que les syndicats prennent désormais cette réalité
en compte et luttent contre les effets de cette libéralisation continentale du
marché du travail.
Enfin,
argument décisif, le Conseil d’Etat estime qu’une inspection syndicale serait
inacceptable car partiale, et contraire à la liberté économique, car trop
intrusive. Cela est évidemment faux, car cette inspection syndicale n’aurait
aucun pouvoir décisionnel, qui resterait entièrement entre les mains de
l’OCIRT. Mais, cela mis à part, de quelle impartialité veut-on parler ? L’OCIRT,
qui se contente trop souvent d’un coup de fil au patron en guise d’inspection,
qui écoute systématiquement le patronat et très peu les syndicats, serait-il
impartial ? La droite pro-patronale, financée par la FER, qui siège sur
les bancs de l’Entente et de l’UDC, serait-elle impartiale ? Le Conseil
d’Etat, à majorité issue de l’Entente, qui s’empresse de trouver tous les
prétextes juridiques possibles et imaginables pour invalider les initiatives
populaires de gauche, serait-il impartial ? Le patronat, qui fait tout son
possible pour empêcher les commissions paritaires de procéder à des contrôles et
s’oppose de toutes ses forces à l’engagement d’inspecteurs de travail pour
contrôler l’application des CCT, serait-il impartial ? Il n’existe pas de
telle impartialité ! Le patronat, ses partis politiques, et l’Etat
bourgeois à son service, ne défendent qu’un intérêt de classe étroit, l’intérêt
du patronat d’utiliser la sous-enchère salariale sans entraves afin d’augmenter
ses marges de profits ; ne défendent que la liberté de classe qu’est la
liberté économique, qui à vrai dire n’est que le privilège de quelques uns, et
étant liberté d’exploiter sans entraves la force de travail, nie la liberté des
travailleurs. Pour défendre ces intérêts de classe étroits, pour faire passer
leurs privilèges indus pour l’intérêt général, ils s’ingénient à inventer les
arguments les plus tordus, mais aucun n’est crédible. Et nous, nous sommes là
pour défendre d’autres intérêts, incompatibles avec les privilèges du patronat,
les intérêts légitimes des travailleurs.
Comme à
chaque fois que le patronat et la droite pro-patronale cherchent à trouver un
prétexte pour refuser les revendications légitimes des travailleurs, on nous
chante aujourd’hui les vertus du partenariat social. Mais ce couplet sonne faux
et pour cause. Car le dit partenariat social n’est rien d’autre qu’une
construction idéologique bourgeoise, une fiction qui masque mal la domination
écrasante du patronat sur la classe des travailleurs. Car de quel partenariat
social peut-il s’agir au juste ? Pour qu’il y ait partenariat, il doit y
avoir des intérêts communs. Et quels intérêts communs peut-il y avoir entre
deux classes que tout oppose. Karl Marx avait, il plus d’un siècle déjà,
justement tourné en dérision les précurseurs de la théorie du partenariat
social : «L'intérêt
du travailleur est donc le même que celui du capitaliste, prétendent les
bourgeois et leurs économistes. Grande vérité ! Le travailleur périt, si le
capital ne l'emploie pas ; et le capital est perdu, s'il n'exploite pas le
travailleur. [...] Aussi longtemps que le travailleur salarié reste un
travailleur salarié, son sort dépend du capital. La voilà cette fameuse
communauté d'intérêts du travailleur et du capitaliste.» Vrai à l’époque,
l’enseignement de Marx l’est tout autant aujourd’hui. Les travailleurs n’ont
jamais rien obtenu que par la lutte, en aucun cas par le partenariat, qui n’est
que l’autre nom de la collaboration de classe. Et c’est par la lutte que nous
viendrons à bout de la sous-enchère salariale.
La
droite pro-patronale de ce canton, aux ordres de la FER, n’a aucune légitimité
ni politique ni morale d’invalider une initiative syndicale parfaitement
valide, raisonnable, et conforme à l’intérêt des travailleurs. Il est
inacceptable que les droits démocratiques les plus fondamentaux soient bafoués
de façon éhontée pour permettre au patronat de continuer à profiter de la
sous-enchère salariale. Nous considérons que la démocratie elle-même est remise
en cause par les agissements scandaleux de la droite. C’est au peuple à se
prononcer sur une initiative populaire, pas aux fondés de service de la FER, et
nous exigeons que l’initiative soit validée à cet effet.
Alexander Eniline
Le 29.11.12
À 23h13
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