19 mars 2013

60 ans après, l’héritage de Staline en ex-URSS


60 ans exactement avant Hugo Chavez, décédait une autre figure majeure du mouvement révolutionnaire, Joseph Staline. Quel souvenir faut-il garder de celui que l’historiographie bourgeoise, social-démocrate, trotskiste et même une certaine tendance du mouvement communiste s’accorde à considérer comme le mal incarné, si ce n’est l’alter ego d’Hitler ? Il n’est peut-être pas inutile de prendre en compte ce qu’en pensent les habitants des pays qui composaient autrefois l’URSS, où les retraités d’aujourd’hui avaient commencé leur vie quand Staline était au pouvoir. Et la réponse est sans appel. Selon un sondage commandé par le quotidien russe Vedomosti au centre Levada (deux structures bourgeoises), près de la moitié des Russes aujourd’hui estiment que Staline a joué un rôle positif dans l’histoire. Seulement un tiers pensent le contraire. Lors de la commémoration organisée le 5 mars par le Parti Communiste de la Fédération de Russie (KPRF), des milliers de personnes sont venues se recueillir sur la tombe de Staline (on nous accordera que fort peu d’hommes politiques du passé se voient gratifiés d’un semblable honneur).  « Notre parti a aujourd’hui rassemblé autour de lui un large bloc de forces patriotiques et populaires, et nous sommes tous venus aujourd’hui rendre hommage à la mémoire de J.V. Staline, au glorieux souvenir de l’époque soviétique, à nos grandes victoires. Nous sommes venus rendre hommage à ce temps, sur les fondations duquel repose encore la Fédération de Russie. Nous sommes venus déclarer que sans un socialisme rénové il n’est pas possible de sortir de la crise profonde qui a englouti toute la planète » a déclaré à cette occasion le président du Comité central du KPRF Guennadi Ziouganov.

            A la table ronde organisée par la Pravda, quotidien du KPRF, Kazbek Taïsaev, secrétaire du Comité central et député à la Douma a résumé ainsi la vision qu’ont les communistes russes de Joseph Staline : « Staline était et reste pour nous un emblème et un exemple de service désintéressé à la patrie. L’héritage laissé par le grand guide et maître continue encore aujourd’hui de nourrir non seulement la Russie mais aussi d’autres pays. Son héritage historique et théorique attend encore d’être jugé. Et je suis convaincu que nos descendants jugeront Staline comme un remarquable homme d’Etat, un père plein de sagesse et un mentor du peuple soviétique et des peuples frères de l’URSS. » La Pravda a consacré d’intéressants articles de fond à l’œuvre politique et théorique de Staline. Nombre de sections du KPRF ont organisé des événements en l’honneur de l’homme qui pour leurs membres reste avant tout celui qui a permis à l’URSS, ruinée par la Première Guerre mondiale et la Guerre civile, de devenir une grande puissance, a dirigé la construction du socialisme et mené son pays à la victoire en 1945. La section de KPRF de Volgograd (anciennement Stalingrad, le nom officiel de la section est d’ailleurs section régionale de Stalingrad) ont décidé d’élever un monument à Staline. Le secrétaire de la section, Nikolaï Parchin, a expliqué ainsi cette décision : « Les mérites de Staline reçoivent des évaluations différentes dans la société. Si on parle autant d’un homme, c’est qu’il est vraiment un personnage important. Et la tâche des communistes est de préserver ce grand nom. Nous devons élever un monument à Staline dans notre ville. 

 

            Le KPRF, dont les membres portent souvent des portraits de Staline dans les manifestations, est aujourd’hui un parti de masse, bien implanté dans la société russe, et qui a fait près de 20% en 2012 aux élections à la Douma. Ce résultat, que peu de partis communistes aujourd’hui atteignent, ce d’autant qu’il est grandement sous-évalué par les fraudes massives organisées par le parti au pouvoir, Russie unie, ne serait pas possible si beaucoup de Russes ne partageaient pas l’avis du KPRF sur Staline et la période soviétique de leur histoire. L’exemple du KPRF mérite d’inspirer largement tous les communistes à se réapproprier leur histoire et à analyser objectivement, sans préjugés, en marxistes, l’expérience du premier pays socialiste de la planète, sans omettre ses contradictions, mais en rompant radicalement avec la mythologie créée par la propagande bourgeoise et la diabolisation irrationnelle et antihistorique de l’homme qui fut à la tête de l’URSS dans les années les plus difficiles et les plus tragiques de son histoire. Ou comme le dit Domenico Losurdo – auteur du remarquable Staline, histoire et critique d’une légende noire – dans Fuir l’histoire ? la révolution russe et la révolution chinoise aujourd’hui : « Aujourd’hui nous assistons à une sorte de colonisation de la conscience historique des communistes. Il s’agit de quelque chose de plus qu’une simple métaphore. Historiquement, le mouvement communiste est arrivé au pouvoir dans des pays coloniaux ou, en tout cas, en marge de l’Occident. D’autre part, avec le triomphe de la mondialisation et de la pax americana, du point de vue multimédiatique, le reste du monde est devenu une province et une colonie, du moins potentielle, par rapport au centre de l’Empire qui, depuis Washington, peut atteindre et atteint quotidiennement chaque point du globe avec une puissance de feu multimédiatique concentrée. Il est difficile de résister à tout cela, mais sans cette résistance, on n’est pas communiste. »