30 septembre 2013

Salaire minimum: le Conseil des Etats contre les travailleurs

"Le gouvernement moderne n'est qu'un comité administratif des affaires de la classe bourgeoise" écrivent Marx et Engels dans le Manifeste du parti communistes.

Le Conseil des Etats a récemment estimé utile de corroborer et d'illustrer cette citation en prenant position contre l'initiative de l'USS pour un salaire minimum à 4000,- francs par mois. L'argumentation de la majorité de droite de la chambre des cantons est pour tout dire assez amusante par ses outrances: "L'introduction d'un salaire minimum de 4000 francs par mois pourrait paradoxalement augmenter le taux de pauvreté. Fort de cet avis, le Conseil des Etats a recommandé mardi le rejet de l'initiative populaire de l'Union syndicale suisse (USS) PAR 31 voix contre 13 de gauche. (...) Pour la majorité de la Chambre des cantons, le texte de l'USS "pour la protection de salaires équitables" va trop loin. (...) le camps bourgeois n'a pas mâché ses mots. "Cette initiative va anéantir des emplois et scier la branche sur laquelle repose notre bien-être.", a lancé Pankraz Freitag (PLR/GL). Et Konrad Graber (PDC/LU) de demander: "A quoi sert un salaire minimum si vous n'avez plus d'emploi?" (Brève ATS, in Le Temps du mercredi 25 septembre 2013) Rien que ça? Comme nous l'avions dit, le ridicule des envolées lyriques des sénateurs bourgeois fait sourire. Leur argumentation est bien entendu purement démagogique.

Rappelons que plus de 400'000 travailleurs en Suisse aujourd'hui (dont une écrasante majorité de travailleuses) gagnent moins de 25 francs par heure, et ne peuvent donc vivre décemment de leur travail. Ce sont ces travailleurs surexploités par la voracité du capital que l'on désigne par l'anglicisme de working poors, un de ces euphémismes anesthésiants dont la novlangue néolibérale a le secret. Cette situation est une des cause essentielle du fait que, d'après les chiffres de Caritas, un million de personnes vit en Suisse en dessous du seuil de pauvreté. Afin de remédier à cette situation, l'USS a lancé une initiative populaire pour un salaire minimum de 25,- à l'heure (ce qui équivaut à 4'000,- par mois pour un plein temps) et tenant compte de l'inflation, afin que chacun puisse vivre dignement de son travail. Ce ne serait que justice et devrait être une évidence. Toutefois, tel n'est pas l'avis du Conseil des Etats. En fidèles commis politiques du grand capital, les sénateurs suisses défendent avant tout le profit capitaliste, et s'ingénient à inventer des arguments plus fallacieux les uns que les autres pour refuser les revendications de justice les plus élémentaires des travailleurs de ce pays.

Instituer un salaire minimum serait dangereux pour l'économie suisse, serait destructeur d'emplois et mènerait à des délocalisations en masse? Allons donc! Ce scénario catastrophiste, toujours le même, rabâché par la droite face à toute initiative populaire progressiste, même la plus modérée, et qui est à chaque fois démenti par les faits, commence franchement à laisser et ne peut en tout cas pas être pris au sérieux. Et puis regardons de plus prêt ce qu'affirme la droite: il ne pourrait y avoir des emplois pour tous, ou du moins pour une large majorité, en Suisse qu'à conditions que les salaires soient tellement bas qu'ils ne permettent pas de vivre dignement. Cette ligne d'argumentation est proprement inacceptable, et ne montre que la faillite politique de ses auteurs, qui n'ont d'autre objectif que de servir la soif de profit sans borne des maîtres du capital. En outre elle est totalement fausse. Car où trouve-t-on la majorité des salaires inférieurs à 25,- de l'heure? Dans les secteurs du bâtiment, de l'hôtellerie, de l'agriculture et du commerce de détail. Secteurs qui ne sont guère susceptibles de délocalisation. En outre, le montant de 4'000,- par mois est très loin d'être extravagant. Il est même excessivement modeste. Il est même tellement réaliste, que Lidl a récemment augmenté, en accord avec les syndicats, ses salaires minimaux à 4'000,- par mois, preuve qu'il est tout à fait possible de rester concurrentiel avec ce salaire minimum. Ceux qui osent prétendre qu'un montant aussi modeste serait excessif méritent la mort politique. Non seulement cette initiative de l'USS n'est pas dangereuse pour l'économie, mais elle lui sera au contraire très bénéfique, puisqu'elle fera augmenter les salaires les plus bas, donc le pouvoir d'achat des travailleurs les moins payés, donc fera augmenter la consommation, et donc créera des emplois au lieu d'en détruire.

Mais il reste aux sophistes bourgeois encore une argutie en réserve. C'est que, prétendent-ils, "nous ne sommes pas contre le fait que les travailleurs touchent des salaires égaux ou supérieurs à 4'000,- par mois, ni ne considérons ce montant comme excessif, mais sommes simplement opposés à ce que ce soit l'Etat qui décide en ce domaine, qui devrait être laissé au libre arbitre des partenaires sociaux et décidé dans le cadre de conventions collectives de travail (CCT). En outre, et paradoxalement, cette initiative serait défavorable en réalité aux travailleurs, parce que le salaire minimum deviendrait le salaire normal, et que des salaires aujourd'hui plus élevés baisseraient à 25,- à l'heure." Cette ligne d'argumentation est un peu meilleure que la précédente, elle est aussi plus insidieuse. Néanmoins, elle est tout aussi fallacieuse. Il est en effet assez piquant de voir les politiciens bourgeois se faire les chantres des CCT à chaque fois qu'ils doivent faire face à un projet qui vise à améliorer le sort des travailleurs, eux qui le reste du temps n'ont d'autre projet que de restreindre la marge de manoeuvre des syndicats pour favoriser la toute-puissance du patronat. Le soi-disant "partenariat social" selon la droite devrait plutôt être nommé "dictature patronale plénipotentiaire, secondée par des syndicats conciliants et impuissants". Rappelons que la moitié des salariés de Suisse ne jouissent d'aucune CCT, et que beaucoup de CCT ne prévoient aucun salaire minimum. Rappelons aussi que le patronat de ce pays fait tout pour contourner le "partenariat social" lorsqu'il lui est défavorable, à bloquer le travail des commissions paritaires chargées de lutter contre la sous-enchère, à engager l'épreuve de force en résiliant des CCT et en essayant de mettre les travailleurs et leurs syndicats devant le fait accompli,... Rappelons aussi la phrase très juste et très pénétrante d'Henri Lacordaire: "Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit". Quant à l'affirmation selon laquelle le salaire minimum serait défavorable aux travailleurs qui aujourd'hui gagnent plus - car ils ne toucheraient plus alors que le salaire minimum - il s'agit d'un sophisme assez misérable. En effet, ces salaires plus élevés que 25,- de l'heure ne sont pas déterminés par l'absence d'un salaire minimum, mais par le rapport de force entre les deux classes en lutte. Il n'y a aucune raison de penser que ce rapport de force sera détérioré par l'adoption de l'initiative de l'USS. Au contraire, une victoire en votation populaire ne peut que renforcer les syndicats et donc ne peut qu'être favorable aux travailleurs, à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs.

Finalement, la seule part de vérité aura été dite par le sénateur Freitag - "Cette initiative va anéantir des emplois et scier la branche sur laquelle repose notre bien-être."- mais par "notre bien-être" il entend la richesse insolente des maîtres du capital et de leurs valets politiques indûment gagnée sur le dos des salariés de ce pays. Pour toutes les travailleurs et tous les travailleurs de ce pays, et pour tous les citoyens épris de justice, il convient donc de renvoyer les sophistes bourgeois dans les poubelles de l'histoire où est leur vraie place et de glisser un oui résolu dans l'urne le jour de la votation sur l'initiative de l'USS.

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