14 octobre 2020

Mieux vaut un mauvais compromis que rien du tout ?




Un référendum de gauche (distinct et opposé à celui de l’UDC et des lobbyistes du pétrole) sera lancé contre la Loi sur le CO2 par plusieurs organisations régionales de la Grève du climat et des partis de gauche radicale, dont le Parti Suisse du Travail. Ce référendum est d’ores et déjà durement critiqué par d’autres organisations et militants de gauche, tout particulièrement par les Verts, non sans soulever des doutes à l’intérieur même des structures qui ont choisi de le lancer. Ces critiques ont globalement la teneur suivante : certes, la loi votée par l’Assemblée fédérale est très loin d’être satisfaisante, ni suffisante eu égard à la gravité de la situation ; néanmoins, il s’agissait du meilleur compromis possible étant donné le rapport de force existant au parlement, et, malgré tout, un petit pas – qui, bien entendu, n’est qu’un premier pas, et qui n’enlève rien à l’importance de continuer la lutte – dans le bon sens. Combattre cette loi serait contreproductif. Pire, cela reviendrait à faire le jeu de l’UDC et des climatosceptiques, puisque l’échec de la loi sur le CO2 serait de fait leur victoire, et nous condamnerait à l’inaction pour des années. Bref, mieux vaut un mauvais compromis que rien du tout. Auraient-ils raison ? 

Ces arguments sont sérieux, et méritent d’être pris en compte. D’autant plus que ce serait une erreur dogmatique que de rejeter par principe, et en toutes circonstances, la pratique du compromis. Il s’agit dans nombre de cas d’une tactique tout à fait respectable et utile, à condition bien entendu de savoir distinguer compromis et compromission, et de ne pas oublier ce pour quoi on lutte. Mais l’absolutisation du compromis, érigé en valeur positive en tant que tel, n’est pas plus défendable. Et en l’occurrence le choix du référendum est juste, et la position du compromis doit être clairement rejetée.

Le greenwashing, ou le fait d’admettre la réalité du réchauffement climatique d’origine anthropique sans rien faire de concret à son encontre, valent-ils réellement mieux que le déni pur et simple, à la Trump ou à la Bolsonaro ? Une écologie libérale vaudrait-elle nettement mieux que pas d’écologie du tout ? On pourrait le penser, mais en réalité ce n’est pas si simple. Faire semblant d’agir peut en réalité être encore pire : en se contentant d’actions symboliques et inopérantes, on fait comme si on en faisait bien assez, pour pouvoir continuer à foncer dans le mur comme avant, tout en atténuant les critiques. C’est typique de la rhétorique, très utilisée par la droite suisse, comme quoi notre pays serait d’ores et déjà un « bon élève » en matière d’écologie – ce qui n’est pas vrai. Et c’est totalement vrai pour la Loi sur le CO2.
 
En l’occurrence, la Loi sur le CO2 montre surtout les limites de la politique du compromis dans un parlement dominé par la droite. Si nous combattons cette loi, ce n’est pas seulement parce qu’elle n’irait pas assez loin Nous ne saurions être partisans d’un maximalisme du type « tout ou rien », qui se résout généralement par « rien » dans la pratique. La vérité est que la loi telle qu’elle a été votée est non seulement insuffisante, mais ne va pas dans le bon sens. Le parlement a surtout veillé à toucher le moins possibles aux intérêts des entreprises et à leur recherche du profit à tout prix. Rien n’est prévu en matière d’investissements des banques, rien pour changer au modèle actuel du tout jetable importé des quatre coins de la planète, rien pour changer quoi que ce soit à la gabegie actuelle. Et tout cela, avec l’excuse qu’en votant la Loi sur le CO2 on en a bien fait assez pour l’environnement. Un référendum décrié par Philippe Nantermod est certainement justifié. 

La position des Verts révèle surtout les limites irréductibles d’une posture réformiste. Qui est trop intégré au système ne saurait porter la rupture. Ayant intégré la logique du compromis, n’ayant pas pour objectif de rompre avec le capitalisme, ce parti ne peut tenir ses promesses d’un changement radical. Car pour éviter le désastre annoncé il faut s’attaquer à ses causes : le capitalisme et son exigence d’accumulation à tout prix. La seule écologie digne de ce nom est une écologie anticapitaliste, une écologie révolutionnaire. Seul le Parti du Travail lutte pour une telle écologie de façon conséquente.

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