« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer, et nous refusons de l'admettre. L'humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au Nord comme au Sud, et nous sommes indifférents. La Terre et l'humanité sont en péril, et nous en sommes tous responsables. », disait Jacques Chirac le 2 septembre 2002, au 4ème Sommet de la Terre.
C’est si bien dit, qu’on ne peut qu’applaudir. Il se fait toutefois, que ce Jacques Chirac porte le même nom qu’un président français qui ne fit rien pour que les choses changent, ou plutôt qui fit tout pour que rien ne change vraiment, qu’aucune mesure réellement contraignante ne fût prise, pour qu’on continue de regarder ailleurs.
Ce hiatus abyssal entre les mots et les actes ne résume que trop bien la tragédie de notre époque. Cela fait des dizaines d’années que nous savons ce que la continuation d’émissions massives de gaz à effet de serre aurait comme conséquences. Depuis à peine moins longtemps, les politiciens rivalisent en belles paroles. Et pendant ce temps, rien de concret n’a été fait. On a perdu un temps précieux en simulacres – « développement durable », « capitalisme vert », marché des droits de polluer, etc. – qui ont eu surtout pour but de tout changer pour que rien ne change. Les quelques efforts réels entrepris n’ont pas empêché les émissions d’augmenter inexorablement.
Le dernier rapport du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, est sorti le 8 août 2021. Comme il fallait s’y attendre il est extrême-ment alarmant. La concentration de CO2 dans l’atmosphère est sans équivalent depuis des mil-lions d’années. Le changement climatique – entièrement et indiscutablement d’origine anthropique – est d’ores et déjà important, et partiellement irréversible. Le réchauffement climatique à 1,5°C ne pourra plus être évité ; ce selon tous les scénarios envisagés par le GIEC. Ce seuil sera atteint avant 2040. Les capacités d’absorption des puits de carbone marins et terrestres sont fortement diminuées. Il ne sera possible de limiter les dégâts qu’au prix d’efforts urgents et importants.
Que nous ayons vécu un été pourri en Suisse ne change rien au fait que l’été 2021 ait été le plus chaud jamais enregistré sur la planète. Les incendies dévastateurs en Grèce, en Russie, en Turquie ; les canicules atroces au Canada, en Grèce, en Italie le rappellent douloureusement. Pour la première fois de l’histoire, la température au nord du Groenland a dépassé les 20°C et il a plu sur ce qui reste de la banquise. Les inondations meurtrières en Allemagne sont égale-ment dues au changement climatique.
Pendant dix mille ans la Terre a connu une ère géologique durant laquelle le climat s’est caractérisé par une stabilité exceptionnelle : l’holocène. Certes, la nature ne fut pas toujours clémente envers les humains, loin de là. Néanmoins, l’holocène apporta un équilibre climatique exceptionnel dans l’histoire de la Terre : variations de la température moyenne minimes, succession régulière des saisons, stabilité du niveau des océans, précipitations relativement régulières…La civilisation n’aurait pas pu se développer sans cet équilibre.
Mais cet équilibre était extrême-ment fragile, et aujourd’hui il est rompu. La température moyenne a cru de 1,1°C déjà par rapport à l’ère préindustrielle. Au vu des déséquilibres climatiques graves et meurtriers que nous connais-sons, il n’est que trop facile d’imaginer ce que signifierait un monde réchauffé à 1,5°C, à 2°C, voire à plus de 3°C (direction dans laquelle nous nous dirigeons présentement) …
Alors que la planète brûle, littéralement, le hiatus entre la parole et les actes est-il au moins devenu moins abyssal que chez Jacques Chirac en 2002 ? Hélas non, bien au contraire. Les partis de droite rivalisent de propositions creuses et insipides du type : contentons-nous de me-sures purement incitatives, l’écologie d’accord, mais surtout pas de contraintes excessives pour les entreprises, la neutralité carbone ? Ok, mais pas avant 2050. Bref, mettons-nous-en plein les poches tant que nous le pouvons, et après nous le dé-luge. Pendant ce temps, la BNS a encore augmenté ces investissements dans le secteur des énergies fossiles. Plus que ja-mais, sortir du capitalisme est une question de survie.
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