23 décembre 2022

Crise énergétique : les effets désastreux du marché




Les prix de l’énergie explosent, ceux des hydrocarbures bien sûr, mais aussi les tarifs de l’électricité. On nous dit que tout est de la faute de Vladimir Poutine. Or, l’explication est pour le moins un peu courte. Elle laisse dans l’ombre les raisons de la vulnérabilité de l’Union européenne aux pénuries de gaz naturel, et n’explique pas pourquoi les prix de l’énergie peuvent y fluctuer ainsi. La leçon s’applique aussi à la Suisse, qui a fait les mêmes choix stratégiques que nous payons aujourd’hui, quoique dans une moindre mesure.  

 

Ce choix fatidique, c’était celui du marché plutôt que de la planification publique, et, dans le cas de l’UE, de laisser déterminer sa politique énergétique par les monopoles privés de l’énergie (la situation est moins grave en Suisse, car, malgré l’ouverture au marché, une grande partie des acteurs majeurs du secteur de l’énergie demeurent en mains publiques, comme par exemple les SIG).

 

Car pourquoi dépendons-nous autant du gaz ? Tout vient d’une décision politique, dans le sillage de la contre-révolution néolibérale, de libéraliser le marché de l’énergie, sous prétexte que cela le rendrait plus fluide, plus efficace, permettrait aux consommateurs de bénéficier de baisses de prix, et stimulerait les investissements dans les énergies renouvelables. On répétait alors comme un lieu commun cette monstrueuse absurdité comme quoi le privé serait nécessairement plus « efficace » que le public. Comme il fallait s’y attendre, cette libéralisation a conduit surtout à ce que quelques grandes entreprises privées raflent la mise, en rachetant ou en évinçant leurs concurrents plus faibles. Comme il se doit, d’après une thèse marxiste bien connue, le marché de libre-concurrence conduit aux monopoles. Des monopoles qui dominent aujourd’hui le marché européen de l’énergie.

 

Cette monopolisation n’a pas conduit aux baisses de prix promises, mais bien plutôt à une absence de planification, et à des choix désastreux à terme, dictés par le seul impératif du profit immédiat. Il y eut une collusion d’intérêts entre les monopoles pétroliers et gaziers, désireux de maintenir leur business aussi longtemps que possible, et ceux de l’électricité, qui virent dans les centrales à gaz une alternative bon marché sur le court terme au développement des énergies renouvelables et aux solutions de stockage de l’énergie, plus complexes à mettre en place. La Commission européenne s’en est remise à l’« expertise » des monopoles pour la planification énergétique. Ces monopoles ont en profité pour faire un lobbying intense au profit du gaz, comme énergie de transition, voire « verte ». D’où des sous-investissements catastrophiques dans le renouvelable, l’absence même d’une planification rationnelle, une dépendance extrême au gaz dont il est difficile de sortir rapidement.

 

Quant aux prix de l’énergie, ils furent libéralisés, livrés à la seule la loi de l’offre et de la demande, en clair, à la spéculation. D’où les fluctuations brutales à la hausse aujourd’hui. La Suisse a également libéralisé son marché de l’électricité pour les gros consommateurs, avec les conséquences que l’on voit aujourd’hui. Avis aux derniers européistes, une des raisons avancées pour cette libéralisation était l’ « eurocompatibilité ».

 

Pour résoudre la crise énergétique que nous vivons, la première chose à faire et de revenir sur ces choix néolibéraux. C’est ce pourquoi nous luttons. Le 17 septembre, le Comité central du PST-POP adoptait une résolution sur la question de l’énergie, qui dit notamment : 

 

« Pour mettre fin à une concurrence néfaste, basée sur le profit et par là conduisant à privilégier la rentabilité sur l’écologie, les entreprises énergétiques privées doivent être nationalisées (avec une exception pour l’autoproduction locale), ouvrant la porte à une rationalisation du système basée sur le développement des énergies renouvelables et les économies d’énergies. Les entreprises actives dans le secteur de l’énergie qui sont d’ores et déjà publiques doivent fonctionner comme de services publics, et non comme des entreprises opérant sur le marché, en concurrence avec le privé. Une telle nationalisation, et une planification centralisée, sont indispensables pour mettre en œuvre les mesures que nous prônons, de façon rationnelle et cohérente ; pour décider des investissements selon leur utilité sociale et écologique et non selon le profit escompté ; pour utiliser les ressources de façon aussi économe que possible, éliminer les gaspillages »

 

Le 7ème Congrès du Parti de la Gauche Européenne (dont le PST-POP est membre), réuni à Vienne du 9 au 11 décembre, adoptait un document politique qui stipule parmi d’autres points :

 

« Nous devons changer le modèle énergétique néolibéral actuel de l'UE, avec une réduction radicale des émissions de CO2 : la production à base d’énergies fossiles n’a plus d’avenir et il faut une nouvelle politique industrielle européenne axée sur une industrie verte. Cette mesure présuppose, entre autres, une nouvelle politique énergétique, fondée sur une énergie décarbonée, avec un fort potentiel pour les énergies renouvelables, et en matière de mobilité, centrée sur les concepts de mobilité collective, notamment sur les transports publics.

 

Pour atteindre ces objectifs, les producteurs et fournisseurs d’énergie doivent tous être placés sous contrôle public. Les grands groupes énergétiques doivent être expropriés, nationalisés et socialisés. »

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