Le 9 novembre 1932, l’armée suisse tirait sur une manifestation pacifique, ouvrière, socialiste et communiste, pour protéger un meeting fasciste, organisé par un homme qui à la Libération sera condamné à mort par contumace par la République française, pour complicité avec les crimes du IIIème Reich.
Loin d’être exceptionnel, ce scandaleux massacre n’était qu’un de plus dans une longue série. C’était en effet une pratique usuelle, depuis que le capitalisme existe, pour la bourgeoisie de réprimer les mouvements de protestations de la classe ouvrière, les grèves même les plus incontestablement légitimes, à balles réelles en faisant appel à son armée ; d’interdire les syndicats et les organisations politiques qui luttent pour une alternative au capitalisme ; de collaborer avec l’extrême-droite à l’occasion aussi. La droite « libérale » n’y a jamais rien vu à redire. Ce n’est que grâce à nos luttes que ces pratiques ont cessé d’être la norme.
Certes, aujourd’hui l’armée n’est plus mobilisée – pour l’instant du moins – en Suisse pour tirer à balles réelles sur des mouvements de protestation qui ont le malheur de déplaire au pouvoir en place. Mais la police s’est militarisée depuis, et peut très bien remplir ce rôle. Il suffit de regarder la France, qui ne peut plus en aucun cas passer pour un État de droit ni guère pour une démocratie, et dont le gouvernement, qui légifère à coup de 49.3, utilise sa police – massivement infiltrée par l’extrême-droite et de facto au-dessus des lois – comme une armée contre son propre peuple. Nous n’en sommes heureusement pas encore là en Suisse, mais les ressemblances avec la France commencent à devenir inquiétante à bien des égards.
Le véritable acharnement policier et judiciaire contre les mouvements sociaux – souvent pour des faits de désobéissance civile extrêmement bénins – des procédures judiciaires dont le but est à l’évidence de terroriser celles et ceux qui essayent de s’opposer à l’ordre établi, ne rappelle que trop que l’essence de l’appareil policier et judiciaire en régime bourgeois est celui d’un appareil de répression au service de la classe dominante, dont l’objectif est maintien de l’ordre existant, même par des moyens arbitraires, disproportionnés, non-conformes à la légalité bourgeoise elle-même s’il le faut. Il suffit de comparer l’acharnement répressif contre celles et ceux qui s’opposent face à la destruction accélérée de notre planète pour le profit d’une minorité, et l’extrême mansuétude de la justice bourgeoise envers les criminels en col blanc, dont les pires méfaits sont souvent même légaux : jouer au tennis dans un hall d’entrée d’une succursale de Crédit Suisse ou maculer de gouache rouge une devanture de cet bientôt défunte banque est pénalement réprimé, les agissements sciemment illégaux des managers qui l’ont coulée ne seront jamais poursuivis. Comble de l’absurdité sémantique, les militantes et militants qui s’engagent pour que la planète reste, tout simplement, vivable sont qualifiés d’« éco-terroristes », alors que les agissements des multinationales, écocidaires et souvent assassins, sont non seulement légaux, mais protégés par les pouvoirs publics. Et, il convient de remarquer que, contrairement à l’acharnement policier et judiciaire contre les mouvements sociaux, la police fait pour le moins peu de zèle à enquêter sur les crimes de l’extrême-droite.
Nous ne devons pas seulement nous souvenir des tragiques événements du 9 novembre 1932, mais en tirer toutes les leçons. Non seulement dire « plus jamais ça ! », mais aussi lutter sans concessions contre les héritiers politiques de ceux qui ont donné l’ordre de tirer alors, et qui n’hésiteront pas à le refaire, – plutôt que de rechercher un illusoire compromis avec eux – ainsi que contre leur régime, qui n’a pas changé ni ne peut changer, car telle est son essence. Pour le Parti du Travail, il n’y a aucun doute là-dessus.
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