29 décembre 2024

Discours d'ouverture à la fête des 80 ans du PST-POP, le 12 octobre 2024




Chères et chers camarades,

 

Notre Parti, le PST-POP fut fondé il y a exactement 80 ans. Il tint son Congrès fondateur les 14 et 15 octobre 1944, à la Volkshaus de Zurich. Y furent réunis 357 délégués, représentant quelques 10'000 membres du nouveau parti issus du Parti communiste suisse, de l’aile gauche du Parti socialiste, mais aussi et surtout de camarades qui n’avaient jamais milité auparavant dans un parti, et 14 sections cantonales. Ce Ier Congrès se déroula dans une atmosphère d’enthousiasme lucide et de confiance inébranlable en ce que le nouveau PST-POP représentait, la justesse de son combat pour les droits des travailleuses et travailleurs, la perspective d’une nouvelle société socialiste, et l’espoir de sa réalisation prochaine. 

 

Dans l’éditorial du numéro de novembre 1945 de la revue Socialisme, consacré au IIème Congrès du PST, tenu une année après le Ier, Jean Vincent, le dirigeant et théoricien probablement le plus important de l’histoire de notre Parti, se félicitait de ce Congrès, et du bilan du travail accompli depuis un an, qu’il qualifie de « remarquable », et qui n’a été possible que « par la juste politique menée […] basée sur une juste doctrine, le marxisme-léninisme, le socialisme scientifique ». Il écrit :

 

On a bien senti que c’était la grande lutte avec les trusts qui commençait […] les soixante familles qui tiennent le pays sous leur domination et le mettent en coupe réglée. Contre ces gens-là, on peut, on doit unir les travailleurs tout d’abord, le peuple tout entier ensuite. […] Ouvriers, paysans, employés, intellectuels, artisans, commerçants, tous ont leur place dans les rangs du grand Parti suisse du Travail.

Un grand parti ? Certes ! Non pas un parti fortement centralisé, hiérarchisé, où règne une discipline rigide et formelle comme l’ont prétendu nos adversaires. Un grand parti qui tient compte des réalités historiques, géographiques, linguistiques, de notre pays, qui laisse par conséquent aux organisations cantonales l’indispensable indépendance qu’il leur faut, qu’elles doivent avoir.

Un grand parti […] très fortement uni autour d’une politique commune […] conforme aux intérêts de tous, comprise, admise, approuvée, acclamée par tous les congressistes.

 

Aujourd’hui, notre Parti célèbre ses 80 ans d’existence. 80 ans, c’est un âge honorable pour un parti politique, une histoire devenue déjà longue, si bien que plusieurs générations de militants se sont déjà succédé pour faire vivre notre Parti. 80 ans d’existence pour un parti, qui n’a jamais été au pouvoir, et qui a dû lutter dans des conditions pour le moins défavorables, c’est une longévité qui confirme en quelque sorte que son combat n’est pas vain, qu’il a sa raison d’être, irremplaçable. Dans le spectre politique de la gauche radicale, des dizaines d’organisations sont apparues en Suisse qui prétendaient faire mieux que notre Parti et le remplacer. Aujourd’hui, seuls quelques vieux militants et chercheurs spécialisés savent encore qu’elles ont un jour existé. Ce seul fait prouve bien quelque chose. 80 ans est un jubilé qui mérite d’être dignement célébré. 80 ans, c’est autant de décennies d’histoire qui méritent d’être connues (ainsi que plus d’un siècle d’histoire antérieure du mouvement ouvrier suisse, dont le PST-POP est la continuation). Parce qu’il n’y a pas d’avenir sans passé, sans connaissance du passé ; parce que militer dans un parti tel que le PST-POP, inscrit dans une longue histoire, dans une glorieuse tradition, la seule tradition révolutionnaire que l’histoire a pleinement validée, implique de connaître cette histoire, d’en être fier, et de la continuer. 

 

         Sans doute, beaucoup de choses ont changé en 80 ans. Le monde, et la Suisse, en 1944 étaient largement différents de ce qu’ils sont devenus aujourd’hui. Il est même vrai de dire que l’histoire ne s’est pas déroulée comme les fondateurs du PST-POP l’avaient escompté, qu’elle se révéla erratique, tourmentée, bien souvent tragique, et, qu’après en avoir traversé les méandres notre Parti, loin d’avoir atteint ses objectifs ultimes, ne représente aujourd’hui qu’une fraction de ce qu’il avait été à ses débuts. On pourrait en tirer la conclusion que, certes, connaître ce passé est important, mais qu’il ne faudrait pas fixer le regard dessus, mais plutôt regarder vers l’avenir, et faire autre chose que ce que le Parti a fait autrefois. Nous sommes convaincus que cette conclusion serait erronée. Certes, il ne serait pas possible de simplement retourner en arrière, et de reconstruire le Parti tel qu’il fut à l’identique, puisque l’époque a changé. Mais, en un sens, il est vrai de dire que l’avenir du Parti est dans son passé.

 

Quel bilan tirer de cette histoire ? Il y a 20 ans, le PST-POP célébrait ses 60 ans, et publia à cette occasion une brochure au titre judicieusement choisi – Pas d’avenir sans passé – retraçant son histoire, ainsi que le bilan qu’il tirait de cette histoire à ce moment-là. Dans la préface à cette brochure, Alain Bringolf, alors président du PST-POP, résume ainsi le bilan de cette histoire et la continuité historique malgré tout de la lutte menée par le Parti :

 

Le rôle joué par le Parti Suisse du Travail dès 1944 reste axé sur la construction d’une nouvelle société. Depuis sa fondation il a vécu des moments d’espoirs intenses et des moments de doutes profonds.

Cependant le PST/POP continue de contribuer à la construction d’une société égalitaire et démocratique. Il continue d’agir pour que l’intelligence humaine développe d’autres envies que celles d’une consommation croissante qui met en péril l’existence même de l’humanité.

La connaissance du passé de notre mouvement et l’analyse de ses contradictions, de ses erreurs, de ses réussites et de ses espoirs, permettront de poursuivre la construction d’un avenir meilleur.

« Sans passé pas d’avenir » nous rappelle la présente brochure. Un avenir édifié par toutes les personnes et tous les mouvements désireux de « changer le monde et de changer le monde changé » (Marx).

Un avenir équilibré avec des millions de personnes ayant conscience qu’elles peuvent le construire ensemble.

Un avenir amélioré en prenant davantage le temps pour mieux s’écouter, pour mieux se comprendre et pour mieux se compléter.

 

Quelles leçons, quels enseignements tirer de ces huit décennies d’histoire ? André Corswant écrivait dans la Voix Ouvrière du 5 janvier 1957, à propos des leçons, complexes, qu’il convenait de tirer du XXème Congrès du PCUS, et des événements de Hongrie et de Pologne :

 

Pour nous également, nous devons veiller, en accomplissant la tâche qui est nôtre maintenant – celle de préciser pour la classe ouvrière suisse, pour les travailleurs de ce pays la voie nationale vers le socialisme que nous seuls pouvons trouver mais « seulement » dans la solidarité internationale des travailleurs – à nous fonder non sur des illusions et des schémas tout fait, non sur des dogmes ou des slogans faciles, non sur une copie servile des exemples les plus grands ni sur une négation systématique de la valeur de ces exemples pour nos conditions à nous, mais sur une analyse sérieuse du monde où nous vivons, des forces de guerre qui le menacent et des puissantes forces de paix qui sont notre espoir, des dangers que court notre peuple et des forces diverses de progrès qu’il recèle.

Cela ne se fait pas en un article ou deux. Cela ne se fait pas par la réflexion si sincère et obstinée soit-elle de quelques militants responsables. Ce doit être l’œuvre de tout le parti, de la classe ouvrière, des travailleurs dans leur ensemble. Et cela surtout ne peut se faire qu’à travers les expériences de l’action, des actions répétées pour la défense des intérêts primordiaux de toutes les couches laborieuses de notre peuple. Et c’est en ce sens que certainement l’on peut dire que pour trouver sa ligne politique, notre parti n’a qu’à rester fidèle à lui-même.

 

Cette conclusion est on ne peut plus juste. Car une chose n’a pas changé. Les principes sur lesquels a été fondé notre Parti, les aspirations et les idéaux pour lesquels il s’est battu – et au-delà les aspirations et les idéaux sur lesquels le mouvement ouvrier s’est façonné depuis ses origines, et pour atteindre lesquels il a créé ses organisations de lutte – n’ont pas changé d’un iota, et demeurent toujours aussi justes et vrais qu’ils le furent au premier jour. Les fondateurs de notre Parti étaient animés par la conviction que la classe ouvrière avait besoin de s’organiser au sein de son propre parti, un parti qui soit celui de la lutte sans concessions pour ses intérêts et contre la bourgeoisie qui l’exploite ; par la conviction aussi que le capitalisme ne représente pas la fin de l’histoire, qu’il peut et doit être remplacé par une société nouvelle et plus avancée, une société socialiste ; que le marxisme, enfin, est appelée à servir de boussole politique pour ce changement de société. Ces convictions-là restent toujours les nôtres aujourd’hui. Et pour les faire un jour triompher, il convient non de repartir de zéro – ce qui impliquerait, au mieux de réinventer l’eau tiède, au pire une régression terrible – mais de continuer la tradition historique dans laquelle ces idées se sont incarnées, d’apprendre de cette histoire, de tirer tous les enseignements qu’il est possible de l’immense et précieux patrimoine théorique et pratique du PST-POP et du Mouvement communiste et ouvrier international. Non pas pour reproduire cet héritage de façon figée, mais de le développer, d’en apprendre pour innover afin de répondre aux défis d’aujourd’hui, car ce n’est qu’ainsi qu’une tradition est vivante. Comme le disait Jean Jaurès, « c’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source ».

 

Ce qu’il importe de retenir de l’histoire de notre Parti avant tout, c’est que cette histoire continue, qu’il faut la continuer. Car les idées pour lesquelles nous luttons, l’alternative révolutionnaire à la société capitaliste que notre Parti représente, sont aujourd’hui plus nécessaires que jamais. Le remplacement du capitalisme par une nouvelle société socialiste est aujourd’hui une urgence vitale. Et, face au génocide perpétré depuis une année par l’État d’Israël contre le peuple palestinien, et aujourd’hui aussi contre le peuple libanais, avec la complicité d’une majorité de pays occidentaux, et malheureusement aussi de la Confédération ; face aux positions au pire sionistes, au mieux ambiguës, de tous les partis gouvernementaux, dont aucun ne se bat réellement contre cette honteuse complicité, un parti internationaliste jusqu’au bout et solidaire avec le peuple palestinien et sa juste résistance est plus indispensable que jamais.  Aussi, même si la lutte est difficile et que le climat politique ne nous est franchement pas favorable, nous devons continuer avec d’autant plus de détermination. La construction d’un Parti révolutionnaire, organisé à l’échelle nationale, possédant une organisation suffisamment puissante, une implantation sociale parmi les travailleuses et travailleurs et une stratégie révolutionnaire crédible est absolument nécessaire pour changer la société. Ce but, nous sommes encore très loin de l’avoir atteint. Mais nous avons nonobstant beaucoup progressé en deux ans dans sa direction.

 

C’est au nom de cet objectif, et dans un esprit de continuité historique de notre Parti, pour qu’il redevienne ce qu'il a été et qu’il est censé être, que les instances actuelles du PST-POP, élues à notre XXIVème Congrès, se sont employées à rebâtir notre Parti, à en renforcer l’organisation, à en dynamiser le fonctionnement et à en accroître l’efficacité, à reconstituer son unité politique et idéologique, à en approfondir les analyses et développer la théorie, à le reconstruire comme un parti des travailleuses et travailleurs, comme la force politique dont la classe ouvrière de notre pays à besoin pour rompre enfin avec un système capitaliste de plus en plus intolérable et ouvrir la voie vers une Suisse socialiste. Si énormément reste à faire, les progrès accomplis sur cette voie sont d’ores et déjà considérables.

 

Nous allons continuer sur cette voie, et je suis convaincus que nos efforts seront couronnés de succès, car comme l’écrivait Youri Andropov en 1976 :

 

« Le temps est impuissant devant le léninisme. Impuissant parce que celui-ci, reflétant fidèlement les lois objectives de l’histoire, prenant appui sur tous les acquis de la pensée sociale avancée, assimile sans cesse tout ce que le temps apporte de nouveau. Le léninisme, c’est la création permanente, l’analyse et la généralisation des changements sociaux, c’est le renouvellement incessant de la théorie révolutionnaire sous l’influence de la pratique révolutionnaire ». 

 

Comme le déclarait Jean Vincent en conclusion de son rapport au IXème Congrès du PST-POP, tenu les 2 et 3 novembre 1968 à la Chaux-de-Fonds : « Que grandisse, que prospère notre Parti du Travail qui porte le plus beau nom qui soit et le plus éloquent, justement parce qu’il est le nom d’un rassemblement du peuple travailleur, qu’il aille d’expérience en expérience, de progrès en progrès, de succès en succès ! »

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