« Position des partis communistes sur la crise
du capitalisme : soumission ou rupture ? Illusions sur une possible
gestion du capitalisme pour le bien du peuple et lutte des communistes pour les
intérêts des travailleurs, des peuples, pour le renversement du pouvoir
capitaliste, pour le socialisme. »
Chères et chers camarades,
Tout d’abord je souhaiterais remercier, au nom du Parti Suisse du
Travail, le Parti communiste de Grèce, pour l’organisation de la Rencontre
communiste européenne.
La plupart des pays européens vivent une crise économique sévère dont on
ne voit pas la porte de sortie. Afin de défendre les profits de leurs propres
monopoles, de trouver une sortie de la crise dans l’intérêt du capital, les
gouvernements bourgeois et les institutions de l’UE adoptent des mesures
antipopulaires d’une ampleur inégalée, dans le but de baisser le prix de la
force de travail coûte que coûte. Ces mesures, pourtant, ne font qu’aggraver la
crise. Mais elles provoquent également la juste protestation des masses
populaires, qui ne veulent pas subir plus longtemps perspective de leur
paupérisation absolue et relative, du chômage de masse. Les partis bourgeois,
de droite ou sociaux-démocrates, les institutions de l’UE, l’idéologie
bourgeoise…sont de plus en plus largement discréditées. Le mouvement de
protestation grandit, prenant souvent un caractère de masse. On observe une
radicalisation des mots d’ordre, un durcissement des confrontations avec l’Etat
bourgeois et le capital ; quand bien même la résistance populaire soit
souvent inorganisée, et son succès – limité. Dans aucun pays européen il n’y a
pour le moment de situation révolutionnaire, mais dans beaucoup de pays la
situation est des plus explosives, et la transformation révolutionnaire de
l’ordre social tout entier vient à l’ordre du jour.
L’état de choses présent montre une évidente incapacité des monopoles et
des partis bourgeois de résoudre ne serait-ce que les problèmes les plus
élémentaires de notre temps et de trouver la sortie de la crise, ce qui amène à
une prise de conscience de plus en plus large de la nécessité de changer de cap
et confère une responsabilité toute particulière aux communistes : la
responsabilité de trouver la voie de la révolution socialiste, qui est le seul
changement de cap possible, en tenant compte des conditions spécifiques de
chaque pays.
En Suisse, la situation actuelle est très loin d’être révolutionnaire,
et se caractérise plutôt par l’apparence d’une extrême stabilité économique et
politique. En général, la Suisse n’est pas encore fortement touchée par la
crise, même si on en voit les premiers symptômes, et a conservé un niveau de
vie relativement plus élevé que les pays voisins membres de l’UE. Néanmoins, en
premier lieu, on observe en Suisse ces dernières années un phénomène
d’appauvrissement relatif et absolu de couches de plus en plus larges de la
population, et un brutal croisement des inégalités sociales – problème qui est
encore aggravé par la liquidation systématiques des acquis sociaux déjà fort
limités par les partis bourgeois, – et deuxièmement
parce que l’économie suisse ne pourra éviter longtemps la crise, et une
brutale aggravation de la situation économique est inévitable dans un avenir
plus ou moins proche. Du reste, même des économistes bourgeois commencent à en
parler. Le secteur bancaire vit déjà maintenant une situation difficile,
subissant des défaites successives dans sa guerre économiques contres les
banques des USA et de l’UE, et prenant des mesures de plus en plus désespérées
pour tenter de subsister. Il faut aussi avoir à l’esprit que l’économie suisse
dépend énormément des relations commerciales avec les pays membres de l’UE et
ne saurait éviter une forte récession liée à l’inévitable approfondissement de
la crise en Europe.
Pour l’instant subsistent également toutes les apparences de la
stabilité politique. Pour l’instant domine encore globalement l’idéologie
bourgeoise conservatrice de la concordance, de la collaboration de classe, le
mythe que la Suisse est le pays le plus parfait et le plus juste au monde.
L’apparition de cette idéologie de la concordance a été possible grâce à
l’absence de bouleversements majeurs et de guerres en Suisse depuis la seconde
moitié du XIXème siècle, de salaires comparativement plus élevés
pour les citoyens suisses après la Deuxième Guerre mondiale grâce à un
potentiel industriel intact, mais aussi à l’emploi d’une main-d’œuvre étrangère
nombreuse, sous-payée et sans droits. Mais cette concordance bourgeoise n’aurait
jamais pu se mettre en place sans la politique opportuniste du Parti socialiste
suisse qui, épaté en 1959 par une présence permanente au gouvernement ensemble
avec les grands partis de droite, a renoncé pour cela à l’idée de révolution et
à la lutte de classe, au profit de la collaboration de classe et du
social-libéralisme, et des syndicats sociaux-démocrates, ayant signé en 1939
les accords dits de la « paix du travail », instituant le renoncement
à la lutte de classe au profit de la collaboration de classe, et limitant le
droit des travailleurs à la grève.
Pourtant, cette stabilité politique apparente s’effrite également avec
la montée des contradictions entre classes. L’idéologie de la concordance est
détruite par l’action des partis d’extrême-droite, qui obtiennent des bons
résultats aux élections, en spéculant sur la méfiance grandissante du peuple
envers le système politique existant, car les masses populaires commencent à
comprendre que l’idéologie de la concordance n’est que le masque du pouvoir
sans partage des monopoles. On observe également une intensification de la
lutte de classe, une montée des grèves, qui jusqu’à il n’y a pas longtemps
étaient très rares en Suisse, contre les licenciements, les baisses de salaires
et les ruptures de conventions collectives de travail ; une montée des
manifestations protestataires, de la lutte syndicale ; tout cela,
néanmoins, dans des proportions trop limitées.
Dans cette situation, les tâches principales du Parti Suisse du Travail
consistent dans la lutte contre la liquidation des acquis sociaux et des droits
démocratiques existants, et pour leur extension ; la lutte contre les
idées d’extrême-droite et des politiques xénophobes ; la lutte à
l’intérieur des syndicats pour la rupture de la paix du travail et le retour
sur une ligne de lutte de classe. Même si la Suisse ne fait pas partie de l’UE,
la lutte de notre parti est également dirigée contre l’UE. Le Parti Suisse du
Travail a adopté en 2008 une résolution contre toute adhésion de la Suisse à
l’Union européenne, ce que veulent toujours les sociaux-démocrates et les
trotskistes. Nous luttons également contre les accords bilatéraux avec l’UE,
qui mènent à une reprise unilatérale par la Suisse du droit européen
antipopulaire, antidémocratique et néolibéral. Mais notre action ne se limite
pas à ces tâches immédiates, et implique également la préparation de la lutte
populaire dans les conditions de la crise imminente, pour la destruction de
l’idéologie bourgeoise de la concordance, la lutte idéologique contre
l’anticommunisme et pour la diffusion des idées du marxisme, un travail
d’explication auprès de la population pour faire comprendre que la voie de
développement capitaliste est une impasse et que l’édification du socialisme
est une nécessité. La réalisation de ces objectifs implique une rupture avec la
social-démocratie et sa politique de collaboration avec la bourgeoisie.
Le succès de la lutte des communistes pour le socialisme dans tous les
pays d’Europe implique une rupture totale avec la social-démocratie, qui s’est
montrée une force ouvertement réactionnaire partout où elle est parvenue au
pouvoir ces dernières années ; la rupture avec toutes les illusions sur la
possibilité de sortir de la crise dans l’intérêt du peuple en restant dans un
cadre capitaliste, dans l’UE et dans l’Euro. Le capitalisme monopoliste ne peut
en principe pas être régulé. Tenter de sortir de la crise systémique du
capitalisme par des mesures keynésiennes est vain. Affirmer qu’une autre
politique est possible dans le cadre du capitalisme n’a aucun sens. Le
capitalisme en état de crise ne peut donner aucune concession aux travailleurs,
il ne peut survivre qu’au prix de la paupérisation absolue de la majorité de la
population. Un changement de cap dans le cadre de l’UE est également
impossible. Les institutions de l’UE furent édifiées de façon à être
irréformables, elles ne peuvent être rien d’autre qu’un bastion des monopoles,
de la réaction et du néolibéralisme. Il est impossible de réaliser des
transformations révolutionnaires dans aucun des pays-membres sans sortir au
préalable de l’UE et de l’Euro. Les partis qui disent le contraire commettent
une faute politique majeure, détournent la lutte populaire vers une voie sans
issue et en fin de compte démoralisent les masses populaires. Les communistes
doivent réfuter sans répits de telles positions erronées.
Il ne peut y avoir que deux sorties de la crise : dans l’intérêt
des monopoles, au prix du fascisme, de la paupérisation de la majorité de la
population et de nouvelles guerres impérialistes, ou dans l’intérêt du peuple,
grâce à la révolution socialiste. De la lutte des communiste dépendra quelle
sera cette sortie !
Alexander Eniline
Membre du Comité directeur