Discours au café politique du 27.09.12 consacré à la nouvelle Constitution de la République et canton de Genève
Chères et chers
camarades,
Pour commencer, je
voudrais rappeler que le combat contre la refonte réactionnaire de la
Constitution de la République et canton de Genève a été une priorité absolue
pour le Parti du Travail depuis le début. En 2008 nous avions appelé à voter
contre la création d’une Assemblée constituante, chargée de réviser la
Constitution, car nous avions très justement prévu que dans le contexte
politique actuel, dominé par la réaction, il ne pourrait sortir d’une telle
révision qu’un texte contraire aux intérêts populaires, qui contiendrait les
pires dispositions réactionnaires camouflées dans une multitude d’articles qui
n’apportent pas grand-chose de nouveau. Du reste, la stratégie du paquet
ficelé, qui consiste à cacher l’amère pilule néolibérale sous le miel fade d’un
baratin démagogique, est une des méthodes éprouvées de la droite pour parvenir
à ses fins. Malheureusement, le peuple a voté alors pour la Constituante, avec
un taux de participation très faible toutefois, encouragé en cela par les
socialistes et les Verts qui lui promettaient absurdement monts et merveilles
et un merveilleux exercice démocratique de tout réinventer. Comme s’il
s’agissait de cela, de réaliser le vieux slogan soixante-huitard
« l’imagination au pouvoir » et non de vider la Constitution de ses
acquis démocratiques et sociaux, alors que la droite avait dès le début
clairement annoncé ses intentions !
La suite allait
pleinement donner raison à nos prévisions. La droite savait d’emblée quel était
son but, quels étaient les intérêts réactionnaires qu’elle a pour unique
vocation de servir, et l’a poursuivi avec constance et habilité. La dite gauche
réformiste, en revanche, n’ayant ni une quelconque détermination à défendre les
intérêts des classes populaires de ce canton, ni même ses propres promesses
électorales, ni n’ayant d’autre but que de marchander sa juste place dans le
cadre de la concordance bourgeoise au service de la gestion loyale du
capitalisme, est partie d’emblée sur l’objectif absurde de faire une Constitution de compromis, comme si ce
concept de constitution de compromis
avait un sens, comme si la constitution pouvait être un compromis entre forces
sociales antagonistes, alors qu’une constitution écrite pouvait être autre
chose que le reflet plus ou moins exacte de la véritable constitution d’un
pays, qui n’est autre que le rapport de forces réel qui y existe, ou, dans le
cas de figure le plus favorable, un instrument au mains des forces du progrès
pour modifier ce rapport de forces. Le groupe AVIVO, au contraire, a dès le
départ et jusqu’à la fin défendu avec
constance et détermination les intérêts véritables des classes populaires, la
conservation et l’extension des acquis sociaux et démocratiques contenus dans
la Constitution actuelle, et ne s’est jamais laisser entraîner sur la pente
glissante des compromis trompeurs. Je tiens ici à souligner cette exemplaire
lutte politique, qui correspond à ce que doit faire une force authentiquement
populaire dans les parlements bourgeois.
La suite n’est que trop
connue. La droite s’est livrée à une stratégie habile de marchandage que tous
les marchands de tapis maîtrisent et que seuls les désespérants stratèges du PS
et des Vets, dans leur incapacité navrante à penser la politique en termes de
rapports de forces, ont réussi à ne pas comprendre. La droite à commencé par
utiliser sa majorité numérique pour aligner les articles réactionnaires les
plus caricaturaux : suppression du droit au logement, suppression de
l’égalité homme-femme, suppression de l’interdiction du nucléaire, redécoupage
arbitraire des communes, et j’en passe… Une bonne illustration de cet état des
travaux de la Constituante est l’Avant-projet mis en consultation populaire
au printemps 2011 et dont le Parti du Travail avait dénoncé le contenu
réactionnaire dans une brochure publiée à l’occasion du 1er mai
2011. Cette manœuvre de la droite provoqua bien entendu une levée de boucliers
généralisée, au point que même le président du PS d’alors, René Longet avait
appelé la Constituante à se dissoudre, alors que Carlo Sommaruga avait appelé
la gauche à quitter la dite assemblée. Mais la droite s’attendait à cela. Elle
changea alors son fusil d’épaule, abandonna ses revendications les plus
fantaisistes, et entama des prétendues « négociations de
convergence » avec la gauche réformiste et les associations, au point que
le résultat final semble globalement très proche de la Constitution actuelle,
améliorations rédactionnelles et reprises de la Constitution fédérale en moins,
avec très peu de nouveautés. Mais cela en apparence seulement, car en réalité
le projet de nouvelle Constitution, même s’il est sans doute moins
réactionnaire que ne l’avait été son avant-projet, n’en demeure pas moins
inacceptable car présentant de reculs graves, vidant de nombreux articles
importants de leur sens et n’apportant aucune amélioration réelle par rapport à
la Constitution actuelle. Mais cela suffit toutefois pour que la gauche
réformiste se laisse prendre à ce marchandage minable et en vienne à voter le
texte final et mène aujourd’hui campagne pour lui avec acharnement et en
alignant les contre-vérités, ce alors même qu’un tiers de sa propre base y est
opposée. Cette trahison de la social-démocratie et des Verts – une de plus –
doit être clairement dénoncée comme telle.
Actuellement, conscients
que leur mouture réactionnaire risque d’être rejetée par le peuple, les
partisans de la nouvelle Constitution mènent une campagne rouleau compresseur,
à coup de dépenses conséquentes et d’une propagande mensongère, frisant parfois
l’absurde. Il est de notre devoir de contrer cette propagande, ce que nous
faisons notamment ce soir. Je ne vais pas répéter ce qu’a dit Christian Grobet
avant moi, ni faire une analyse exhaustive du texte de la nouvelle Constitution,
sous peine de devoir parler seul pour les deux heures qui suivent, car à vrai
dire les raisons de voter NON sont innombrables, mais simplement insister sur
les régressions les plus graves et les plus importantes à nos yeux. Un premier
argument des partisans de la nouvelle Constitution qui doit absolument être
réfuté est que la celle-ci contient des vrais progrès en matière de droits
fondamentaux. Rien n’est plus faux. Certes, en apparence, la nouvelle
Constitution garantit bien plus de droits que l’ancienne. Mais en réalité,
pratiquement tous ces droits sont déjà garantis par la Constitution fédérale,
par la loi et par les conventions internationales signées par la Suisse. Il ne
s’agit donc que d’une redite, sans doute utile, mais qui restera sans
conséquences dans les faits. En outre, les articles qui garantissent des droits
sont pour l’essentiel des belles déclarations d’intentions avec une portée
avant tout théorique, mais dont l’impact pratique est plus que limité. Alors
certes, les droits fondamentaux sont justiciables, mais d’une justiciabilité
illusoire, telle qu’il est impossible d’obtenir quoi que ce soit en faisant
valoir ses droits fondamentaux devant un tribunal ; du reste aucune
jurisprudence n’existe en la matière. En effet, si tous ces articles étaient
appliqués, la plupart des maux de la société capitaliste n’existeraient plus.
Par exemple, le droit au logement est garanti. Pourtant, ce droit n’a jamais
empêché Zapelli d’expulser les gens sans solution de relogement, et Jornot
continuera d’en faire autant. Et essayez de faire valoir votre droit au logement
devant un tribunal !
Si les dispositions
« progressistes » de la nouvelles Constitution sont peu
contraignantes et pour l’essentiel cosmétique, elles ont un but bien
réel : noyer le poisson. Car le texte de la Constituante contient des
reculs sociaux et démocratiques tout à la fois graves, nombreux et à la portée
pratique on ne peut plus réelle. Le plus grave et le plus dangereux de ces
reculs à nos yeux est le démantèlement des articles fondateurs des SIG, des TPG
et des établissements médicaux publics. En effet, la Constitution actuelle
contient des articles à la fois précis et détaillés gravant dans le marbre de
la Constitution le statut, le fonctionnement, le financement et la mission de
ces institutions, ce qui garantit qu’elles restent et fonctionnement comme des
services publics, et empêche la droite de les démanteler sans devoir passer par
le référendum obligatoire. Or la nouvelle Constitution vide ces articles de
leur substance, n’en laissant que des miettes (les SIG n’y sont même plus
mentionnés en tant que tels !), au point où il devient compatible avec la
Constitution de privatiser ces régies publiques. Sachant la volonté de longue
date de la droite de démanteler et de privatiser le service public, ces
articles sont extrêmement dangereux, ce d’autant que des libéraux viennent
d’être nommés à la tête de toutes ces régies. L’argument du PS sur le souci de
concision rédactionnelle pour justifier ces démantèlements est tout simplement
grotesque vu la longueur de la nouvelle Constitution !
Outre cela, on peut
citer l’introduction de l’encouragement de l’accès à la propriété et de la
simplification des procédures pour les constructions, qui sont autant de
cadeaux aux promoteurs immobiliers et de freins à une politique du logement
déjà quasi inexistante conforme aux intérêts de la majorité de la population ;
le rôle de l’Etat qui devient simple complément à l’initiative privée et à la
responsabilité individuelle, ce qui est la porte ouverte à toutes les
privatisations ; l’édulcoration drastique de l’article sur l’énergie qui
le vide en grande partie de sa substance, ce alors que le modèle capitaliste de
développement détruit l’environnement et met en danger la survie à terme de
l’espèce humaine ; la petite porte ouverte au nucléaire : le Grand
Conseil serait désormais autorisé de contourner l’interdiction du nucléaire par
voie législative. Il faut aussi parler des graves reculs démocratiques :
l’augmentation automatique du nombre de signatures pour les initiatives et les
référendums avec l’augmentation de la population, qui est absolument
inacceptable sachant que Genève exige déjà le nombre le plus élevé de
signatures proportionnellement aux nombre d’électeurs de tous les cantons
suisses ; la suppression des articles portant sur la Ville de Genève, qui
permettrait à la droite d’enfin démanteler ce bastion progressiste ; la
réduction drastique de l’autonomie des communes, déjà minime, qui est un grave
recul démocratique ; l’absence de toute avancée en matière de droits
politiques des étrangers, qui, même si ce n’est pas un recul par rapport à la
Constitution actuelle, reste tout de même inacceptable dans un canton où 40% de
la population ne jouit pas des droits politiques au niveau cantonal ; le
droit accordé au Conseil d’Etat de faire appel à l’armée et aux autres cantons
pour le maintien de l’ordre public, qui est un véritable scandale en cette
année des 80 ans de la tuerie de 1932 ! Je pourrai mentionner encore une
multitude de raisons, dont chacune serait suffisante seule pour refuser la
nouvelle Constitution, mais je n’en citerai qu’une seule, tirée des
dispositions transitoires de la nouvelle Constitution, que personne ne semble
avoir lues, alors qu’elles sont cruciales. En effet, si la nouvelle
Constitution venait à être adoptée, le Grand Conseil serait obligé d’adapter le
droit d’application dans un délai de cinq ans au maximum, ce qui impliquerait
un travail législatif d’une rapidité effrénée, avec des nouvelles lois
réactionnaires se succédant à toute vitesse. Les forces progressistes du canton
n’auraient pas la possibilité matérielle de s’opposer à toutes par référendum,
ni même à la majeure partie. Nul doute que c’est ce que veut la droite.
Pour
empêcher la réalisation de ce projet réactionnaire, le Parti du Travail appelle
résolument à voter NON le 14 octobre !
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