13 février 2016

Une page nouvelle de l’histoire de notre Parti



Nous voulons ici vous parler d’une époque qui ne fait pas vraiment partie de la mythologie officielle helvétique. C’était du temps de la Deuxième Guerre mondiale, lorsque le Conseil fédéral disposait des pleins pouvoirs, que la classe dirigeante de notre pays était de facto alignée sur le Reich. De sombres années où le Parti communiste suisse, puis la Fédération socialiste suisse, scission de gauche du Parti socialiste regroupée autour de Léon Nicole, avaient été tour à tour interdits, où les journaux communistes et réellement socialistes avaient été fermés, et où communistes et socialistes de gauche travaillaient désormais ensemble, mais dans la clandestinité, imprimant leurs publications sur des presses clandestines et les distribuant sous le manteau, ce qui valut des séjours en prison pour bien des camarades,

Des années cruciales pourtant, puisque c’est alors que furent jetées les bases de notre Parti, le Parti Suisse du Travail, qui fut un grand et glorieux parti alors, et qui est appelé à le redevenir. Des années dont il n’est pas toujours aisé d’écrire l’histoire pourtant, puisqu’il était alors impossible de tenir des archives en règle (on faisait tout au contraire pour ne pas en avoir). De ce fait, nombre de documents importants ne subsistent plus.

Or il se fait qu’a récemment été retrouvée une fort intéressante brochure, probablement l’ultime exemplaire qui existe encore ; une brochure de 1943 intitulée « La classe ouvrière et les événements ». Texte non signé, où on peut lire « Editions de l’Etincelle », journal clandestin des précurseurs de notre Parti en ces temps troublés.
Par « événements », il faut entendre bien entendu ceux de la Guerre qui faisait alors rage. En informer les travailleurs suisses était d’autant plus vital que les journaux officiels n’en donnaient qu’une vision  convenue, ajustée à celle de la presse allemande. Les journaux communistes et socialistes, qui auraient dit la vérité avaient été interdits. Les auteurs de la brochure ne disposaient eux-mêmes, outre les journaux suisses et allemands, que de quelques bribes d’informations qui circulaient. Malgré cela, la brochure présente, en 16 pages, un analyse d’une grande exactitude de la situation : ascension du fascisme avec la bénédiction de la bourgeoisie, résistance héroïque du peuple soviétique à l’envahisseur allemand, victoire prochaine inéluctable de l’Armée rouge, choix de l’Angleterre bourgeoise de s’allier à l’URSS pour conserver son indépendance nationale.

Outre ces éléments bien connus, la brochure rappelle le rôle peu reluisant du PSS officiel : « La politique interpartis, voulue par Robert Grimm, a fait du socialisme suisse officiel une sorte de rallonge de la bourgeoisie capitaliste au pouvoir. Tranquillisé de ce côté là, le Conseil fédéral a pu, sur la proposition de M. Von Steiger, ami personnel de Robert Grimm, procéder en toute tranquillité, aux interdictions qui ont frappé la classe ouvrière des cantons de Vaud et Genève ».

La brochure rappelle encore un fait moins connu aujourd’hui, mais qu’il est d’autant plus utile de rappeler pour cette raison, c’est à dire l’accord germano-suisse, aux conditions léonines, qui plaçait virtuellement l’économie suisse sous le contrôle de l’Allemagne : contrôle total de l’Allemagne sur toutes les exportations helvétiques, engagement de la Suisse à fournir à l’Allemagne des contingents de produits laitiers et de bétail (les obligations allemandes elles étant tout à fait conditionnelles), prêts massifs de matériel roulant et de francs suisses au Reich.

La conclusion de la brochure, la perspective politique qu’elle propose aux travailleurs, n’a elle absolument pas vieilli : « Nous arrivons, chez nous, comme d’ailleurs dans toute l’Europe occidentale et dans le monde entier, au moment où le mouvement prolétarien (par quoi il faut comprendre l’ensemble des hommes et femmes ne pouvant compter que sur leur travail pour vivre) représente l’immense majorité du peuple. En conséquence, la classe dirigeante et capitaliste suisse, avec son cortège de parasites (chefs de partis, politiciens, journalistes, « intellectuels » traîtres à la cause du peuple, magistrats, hauts fonctionnaires de police, etc. – doit nécessairement céder la place aux représentants de l’immense majorité populaire actuellement en formation. »


« Le devoir des travailleurs suisses politiquement éduqués est de donner une ferme direction doctrinale à cette majorité populaire. C’est ainsi qu’il sera possible d’assurer au pays suisse son indépendance nationale menacée par le fascisme, avec lequel la bourgeoisie réactionnaire a lié partie, et sa libération sociale. Ainsi s’instaurera un système gouvernemental duquel la lutte entre la classe dirigeante et la classe opprimée aura été bannie par la suppression du régime des classes, but du socialisme digne de ce nom ».

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