09 mai 2017

Crépuscule d’une monarchie républicaine



(article écrit dans l'entre-deux tours)

Cet article eût pu avoir été plus enthousiaste. Du moins, l’avions nous espéré jusqu’au 23 avril à 20h00. Nous avions cru, à défaut de nécessairement croire que que Jean-Luc Mélenchon se retrouverait au deuxième tour, du moins dans le fait que c’était possible. Objectivement, la possibilité existait. Il n’y au eu final qu’à peine un peu plus de 2% de voix de différence entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Mais le système électoral français est ainsi fait que seuls les deux candidats arrivés en tête sont qualifiés pour le deuxième tour, les autres étant recalés, n’importe qu’ils n’aient que quelques voix de moins que les finalistes, ou qu’ils n’aient obtenu au final que quelques dixièmes de pourcents de l’électorat.

Pour une fois, le résultat fut celui que les médias bourgeois et les instituts de sondage avaient prédits ; et leur prophétie fut auto-réalisatrice : Emmanuel Macron, jeune-loup arriviste, ex-banquier d’affaire de chez Rothschild, ex-ministre de François Hollande, candidat de l’ultra-libéralisme et du vide sidéral, affrontera donc la candidate de l’extrême-droite (un tribunal français a reconnu qu’il est légal de la qualifier de fasciste si jamais…) héritière millionnaire mais qui prétend être du côté du petit peuple qu’elle n’a jamais connu, à la tête d’un parti d’extrême-droite, fondé par notamment plusieurs anciens SS et entretenant des liens tout à fait troubles avec la fachosphère et spéculant sur les pires idées de haine de l’extrême-droite, malgré son hypocrite « dédiabolisation » de façade, Marine Le Pen. Face à un tel adversaire, Macron est quasiment sûr d’être largement élu président de la République le 7 mai prochain. Singulière ironie…Jamais la social-démocratie n’aura trahi aussi effrontément et à aussi large échelle. François Hollande aura été élu sous le slogan « mon ennemi c’est la finance ». Mais lui et son premier ministre Manuel Valls auront continué très exactement la politique néolibérale et répressive de Nicolas Sarkozy. En pire. Casse du code du travail, de la protection sociale, des retraites, participations à des guerres impérialistes, cadeaux aux grandes entreprises, répression des luttes populaires…Il n’est pas surprenant que cette fausse gauche ait attiré une haine quasi unanime d’un peuple français ; qui n’a pas oublié pourtant l’ignominie du quinquennat précédent, celui de Sarkozy. De ce fait, le président sortant, François Hollande, s’est résigné à ne pas se présenter afin de ne pas subir l’humiliation d’être recalé dès le premier tour avec une petite poignée de pourcents. Nicolas Sarkozy et Manuel Valls ont été laminés aux primaires de leur parti respectif. Et le PS et les Républicains, les deux partis hégémoniques de la Vème république jusque là, ont vu leurs candidats respectifs à la présidentielle faire seulement 25% de voix cumulées. Du jamais vu…Et pour quel résultat. Les électeurs ont désormais le choix entre un ancien ministre de Hollande, symbole des pires politiques néolibérales du quinquennat, et une fasciste patentée. Si Macron gagne, comme il semble assuré de le faire, c’est parti pour un nouveau quinquennat Hollande. En encore pire.

Quid du second tour ?

Quoique, Macron est-il réellement sûr d’avoir gagné d’avance ? Son arrogance le laisserait penser, et en 2002 Jacques Chirac avait été plébiscité à 82% face à Jean-Marie Le Pen. Mais les apparences sont trompeuses, car Macron n’est pas Chirac, et son arrogance pourrait lui jouer des tours. De fait, bien des choses ont changé depuis 2002. La première fois que le FN était présent au deuxième tour – ce pour des facteurs contingents, c’est-à-dire la division du PS, du moins l’avait-on pensé alors – avait été un véritable traumatisme pour beaucoup d’électeurs d’une façon ou d’une autre opposés au fascisme. Un « front républicain » a pu alors se créer et fonctionner, sous le mot d’ordre généralisé, à droite comme à gauche, « votez Chirac ! ». Jacques Chirac lui-même sut se conduire avec dignité et conscience de la gravité de la situation durant la campagne pour le deuxième tour…pour ensuite, une fois élu, ne tenir aucun compte des voix des électeurs de gauche ayant voté pour lui, et mener une politique de droite néolibérale et revancharde. Depuis, l’antifascisme apolitique et moralisant, « républicaniste », et refusant toute analyse des causes du succès du FN, s’est largement décrédibilisé.

Dans un rapport de forces changés au niveau international depuis la liquidation du socialisme en URSS, la droite est devenue plus revancharde et extrémiste néolibérale que jamais. La social-démocratie conduit la plupart du temps la même politique. Les classes populaires, qui souffrent de ces politiques et du chômage – ce d’autant que la crise systémique du capitalisme, qui s’est brutalement déclenchée en 2008, a encore aggravé la situation – n’en peuvent plus, et ressentent une haine plus que légitime face aux partis de la bourgeoisie, fût-ce sous bannière social-démocrate, qui mènent une politique directement à l’encontre de leurs intérêts les plus élémentaires. En l’absence d’une conscience politique clair, le lavage de cerveau néolibéral et anti-communiste depuis des décennies ayant été assez efficace, il n’était que trop prévisible que bien des gens, poussés par le désespoir, se tournent vers l’extrême-droite comme vers une illusoire alternative. Ce sont les politiques néolibérales qui sont le terreau de la montée du fascisme. Ce sont les quinquennats de Sarkozy et de Hollande qui ont fait le lit du FN.

Cette fois-ci, la présence du FN au deuxième tour a certes suscité des réactions indignées, mais tellement en-deçà de ce que nous avions pu voir en 2002. Preuve d’une banalisation inquiétante du FN. A cause de la « dédiabolisation » ? Pourtant, le FN n’a pas vraiment changé. Pour preuve, le président ad-intérim de la formation lepéniste, Jean-François Jalkh, qui a dû céder son poste pour cause de propos négationnistes révélés par la presse (il avait affirmé, notamment, que le Zyklon B n’aurait soi-disant pas pu avoir été utilisé dans une entreprise d’extermination de masse…). Et pourtant, cet ancien proche de Jean-Marie Le Pen est resté vice-président sous sa fille.

Du côté du camp Macron et des médias dominants, on assiste à un véritable matraquage : appels hystériques pour un plébiscite pour Macron, ultimatums et lynchage pour ceux qui ne jouent pas le jeu à l’appui. Jean-Luc Mélenchon a notamment fait l’objet d’une campagne de dénigrement scandaleuse et hypocrite de la part d’antifascistes de pacotille de la toute dernière heure, qui ne militent contre le FN qu’une fois toutes les quinze ans, uniquement en exigeant des classes populaires qu’elles votent pour le champion du moment de la bourgeoisie. On reproche en effet à Mélenchon de ne pas avoir clairement appelé à voter Macron, et d’avoir, au lieu de cela, organisé une consultation des membres de la France insoumise (avec trois options : vote Macron, vote blanc, ou abstention…le vote FN n’étant pas même envisagé), au lieu de décider tout seul au nom de tous, comme tous les leaders « démocratiques » bourgeois.

Pourtant, si quelqu’un peut faire perdre à Macron une élection apparemment imperdable, ce n’est certes pas Jean-Luc Mélenchon, qui en a plus fait pour combattre le FN que tous ses calomniateurs réunis. Le seul qui le peut, et qui semble bien parti pour y arriver, c’est Macron lui-même, ainsi que ses soutiens médiatiques. Ce à quoi nous assistons, ce n’est pas un appel à un « Front républicain », mais à un véritable chantage pour plébisciter le candidat des banques. Le masque de l’antifascisme est en l’occurrence bien trop hypocrite et risque de ne pas être très efficace. Le candidat Macron lui-même, se considérant visiblement déjà couronné roi de France, a déclaré qu’il n’avait aucune concession à faire à personne, et exigé explicitement de voter pour lui, pas seulement pour battre Le Pen, mais bien pour plébisciter son programme néolibéral et antisocial, qu’il a pour but d’appliquer quoi qu’il advienne. Circonstance embarrassante pour lui, étant donné le flou qu’il fait planer sur la composition de son éventuel futur gouvernement, une rumeur a commencé à circuler sur le fait que son premier ministre pourrait être Laurence Parisot, ex-présidente du MEDEF. Mme Parisot s’est dite intéressée par la fonction. Macron n’a pas démenti, ni confirmé d’ailleurs. Pourtant, cela signifierait le MEDEF directement à la tête du gouvernement. Si elle voulait faire gagner Marine Le Pen, Mme Parisot ne s’y prendrait pas mieux…Manuel Valls a également annoncé sa volonté de faire partie de la majorité gouvernementale. Et il n’est pas le seul. Nombre de caciques PS et LR des plus détestés ont fait de même. Ceux qui ont cru en l’absurde promesse de « renouveau » de Macron risquent fort d’en rester pour leurs frais…

Aussi, n’est-il pas étonnant que Macron, s’il conserve toujours une confortable avance sur Marine Le Pen dans les sondages, est d’ores et déjà assuré de ne pas bénéficier d’un plébiscite à la Chirac, et continue de baisser, alors que son adversaire, elle progresse. L’écart entre les deux se resserre. Face à Macron, Marine Le Pen prétend hypocritement prendre le parti des travailleurs et des classes populaires, ce alors que son programme est en réalité tout aussi libéral et antisocial que celle de son adversaire. C’est là une vielle astuce des fascistes, se faire passer pour des défenseurs des travailleurs, alors qu’ils en sont les pires ennemis. Mais le fait qu’elle se retrouve face à Macron, qui par ses manières de petit marquis incarne l’arrogance de la bourgeoisie dans ce qu’elle a de plus détestable facilite la manœuvre pour Mme Le Pen. Et l’hystérie des médias pro-macronistes risque en réalité d’être contre-productive : ils risquent au contraire de faire passer le vote FN pour le seul vote protestataire et « antisystème » ; et par là de le favoriser. Comme le tapage médiatique pour Hillary Clinton a en réalité aidé Donald Trump à remporter l’élection présidentielle.

On voit de ce fait, à gauche, un débat assez confus et passionnel sur la bonne stratégie à adopter au deuxième tour : voter et faire voter Macron au deuxième tour, puisque le FN est cette fois vraiment aux portes du pouvoir ; ou bien, ne cautionner ni l’un ni l’autre, et s’abstenir, ou bien voter blanc. Nous ne prendrons pas position dans ce débat. Mais il convient peut-être d’en relativiser quelque peu l’importance. La candidate du fascisme aux portes du pouvoir face à celui des banques comme seul choix démocratique, ce n’est pas la catastrophe imminente. C’est une catastrophe déjà là. Impossible à désamorcer. Au mieux, une victoire de Macron ne serait qu’un répit, dans la mesure où la politique qu’il mènera certainement ne fera que renforcer encore plus le FN, certainement pas une victoire réelle de l’antifascisme. Et appeler à voter pour lui, outre que le coût politique soit sans doute trop élevé, dans la mesure où un tel appel pourrait passer pour un semi-ralliement à son programme, risque paradoxalement d’aider un peu plus le FN, qui pourrait réussir ainsi à passer pour la seule vraie opposition face à la « grande coalition » UMPS et de tous les autres partis…

Et ce serait une illusion terrible de croire que la bourgeoisie libérale puisse être un quelconque rempart solide contre le fascisme. Bien plus souvent, elle choisit d’être son marchepied. Ce qui n’est pas étonnant. Le libéralisme bourgeois et le fascisme étant des forces politiques au service d’une même classe. Leurs attaches de classe au final les rapprochent bien plus que leurs idées ne les éloignent. La bourgeoisie peut être plus ou moins sincèrement libérale lorsque sa domination est assurée ; mais elle n’a jamais de scrupule à se rallier corps et âme au fascisme quand son pouvoir en vient à être menacé. Au final, ses privilèges comptent toujours plus à ses yeux que la liberté et la démocratie. L’histoire n’a apporté que bien suffisamment de preuve de l’inanité de tout « front républicain ». Sans prétendre bien sûr tirer des analogies directes avec la situation de la France aujourd’hui, nous donnerons deux exemples. Les mencheviks et les SR justifiaient la politique de la coalition avec les cadets au nom de la sauvegarde des libertés démocratiques acquises lors de la révolution de février. Mais les cadets n’hésitèrent pas un instant à jeter la bannière de la démocratie et des libertés individuelles par dessus bord lorsque la propriété bourgeoise fut sérieusement menacée par la lutte de la classe ouvrière ; et afin de tenter de défaire les bolcheviks, trahirent leurs alliés socialistes modérés, mais aussi leurs principes constitutionnels, pour se rallier au coup d’Etat raté du général Kornilov, qui aurait restauré le despotisme, qu’ils avaient pourtant prétendu combattre. Et la droite allemande, avec le soutien du SPD, présenta le maréchal Von Hindenburg comme un rempart contre le nazisme. Le KPD refusa de marcher dans ce prétendu « front républicain » avant l’heure. La suite est connue : le président Von Hindenburg nomma Adolf Hitler chancelier, alors que le NSDAP n’avait même pas la majorité au Reichstag…Les partis de droite sensément « démocratiques » cautionnèrent la manœuvre.

Signification pourtant tendanciellement révolutionnaire

Résultat totalement désastreux de ce premier tour, serait-on tenté de dire. C’est sans doute s’arrêter aux apparences. Le candidat des banques faces à celle du fascisme, ce n’est pas la seule leçon à en tirer. Comme nous l’avons dit. Les deux partis du bipartisme jusque là n’ont vu leurs candidats respectifs cumuler seulement quelques 25% des voix. C’est du jamais vu dans la Vème république. Un véritable désaveu. Une défaite majeure. La droite n’est certes pas encore aux abois. Son champion arrive troisième, à tout juste 2% d’écarts de Mme Le Pen. Et il a perdu principalement à cause des affaires de détournement d’argent public. Parce qu’un escroc qui prêche l’austérité et la morale aux autres, selon l’éternel principe « faites ce que je dis, pas ce que je fais », ce n’est pas vraiment idéal pour être élu président de la république.

Benoît Hamon, en revanche, a été véritablement laminé, à tout juste un peu plus de 6%. C’est une débâcle historique pour le PS. Une débâcle qui n’a que peu avoir avec la personne du candidat désigné par la primaire, mais uniquement avec le fait que le PS a perdu toute crédibilité de par l’action au pouvoir de messieurs Hollande et Valls. Benoît Hamon, en maintenant sans candidature, porte sans doute une très grande part de responsabilité dans la présence du FN au deuxième tour. S’il s’était retiré, nous aurions eu un deuxième tour Mélenchon vs. Macron ; une configuration autrement plus intéressante. Mais sa candidature n’avait au fond que peu avoir avec la présidence de la république. Le but était de tenter de sauver le PS, en tentant de faire croire qu’il est toujours un parti de gauche. Un ancien « frondeur » semblait le plus indiqué pour la mission. Mais il s’agissait visiblement d’une mission impossible, qui n’aura fait que porter le coup de grâce au PS. Le parti fondé par François Mitterrand à Epinay en 1971, qui aura réussi pendant des dizaines d’années à usurper le nom de socialiste pour mener plus ou moins la même politique que la droite au pouvoir, qui aura réussi à affaiblir drastiquement le PCF en le faisant entrer dans son jeu de faux-semblants, qui aura fait tant de dégâts au mouvement populaire, qui aura imposé l’euro et la soumission à l’eurocratie en France, ce parti est définitivement discrédité et en voie de pasokisation irréversible.

Ce seul fait est une bonne nouvelle, ne serait-ce que parce que la fin du bipartisme et l’effacement inéluctable du PS ouvrent un champ politique que le général de Gaulle avait réussi à cadenasser. La déroute du PS, sa désintégration prochaine (son aile droite veut en effet balancer à la poubelle le vieux parti d’Epinay pour rejoindre Macron dans une recomposition centriste et sans plus aucune allusion, fût-ce formelle ou hypocrite, à la gauche ou au socialisme).

En ce sens, les 19% de Jean-Luc Mélenchon, même s’ils ne lui ont pas suffi pour être au deuxième tour, n’en constituent pas moins une grande victoire. C’est la première fois qu’un candidat d’une gauche authentique fait un score aussi significative, depuis que, il y a bien longtemps, Jacques Duclos obtenait 21%. La campagne de Jean-Luc Mélenchon aura permis de politiser des centaines de milliers de personnes autour d’idées de progrès, de justice sociale, de planification écologique…qui pourraient déboucher sur une rupture potentiellement révolutionnaire. C’est là une occasion rêvée pour les classes populaires de se débarrasser de l’hégémonie politique de la bourgeoisie, pour s’engager derrière leur propre organisation, luttant pour leurs véritables intérêts et aspirations nécessairement révolutionnaires. Reste toutefois à concrétiser cette dynamique sur la durée.

Perspectives d’avenir

Quelque soit le vainqueur de deuxième tour, un enjeu plus important encore seront les élections à l’Assemblée nationale. Elle détermineront quelle majorité en définitive gouvernera la France, et pour mener quelle politique.

Avec quelle majorité pourrait gouverner Macron ? Celle de son mouvement En marche ? Il s’agit d’un ectoplasme sans programme ni identité politique bien définie. Il serait pour le moins improbable que cette misérable nébuleuse reproduise le succès personnel de son champion, qui n’aura été élu qu’en tant qu’individu, parce qu’il aura été survendu par les médias du capital, en gagnant une majorité de circonscriptions. Le plus probable est que Macron arrive à rassembler une coalition hétéroclite à partir des derniers débris du PS et d’une partie des Républicains et d’une poussière de centristes, menant à une recomposition centriste du champ politique français, une sorte de « Parti démocrate progressiste néolibéral moderniste et ectoplasmique » vaguement à l’américaine. Il ne s’agirait pas là d’une transposition à la France, comme d’aucun ont pu l’insinuer, du « compromis helvétique » (qui au moins se fait entre vrais partis historiques, possédant une culture politique distincte, une histoire, un héritage), mais d’une véritable décomposition de la vie politique française, de sa berlusconisation. Que la bourgeoisie doive se résoudre à sacrifier ses partis historiques pour s’en remettre à un tel marais informe en dit long  sur son incapacité à continuer à gouverner comme par le passé…

Si Emmanuel Macron n’obtient pas de majorité à l’Assemblée nationale, on s’acheminerait le plus probablement vers un blocage. Certes, la cinquième république s’apparente plus à une monarchie élective qu’à une véritable démocratie, et l’Assemblée nationale constitue plus une chambre d’enregistrement pour le gouvernement qu’un véritable parlement. Il n’en reste pas moins vrai qu’il ne s’agit pas d’une monarchie absolue, et que, s’il dispose d’une certaine marge de manœuvre pour gouverner par décrets et de l’abus flagrant contre la démocratie qu’est le 49.3, le président de la république ne peut réellement imposer ses vues ni légiférer sans majorité au parlement. Il peut certes dissoudre en tout temps l’Assemblée nationale – et cette menace a souvent suffi à forcer la main à la majorité parlementaire ; c’est du moins là une arme que François Hollande n’avait pas hésité à utiliser. Mais une dissolution ne résoudrait rien, puisqu’elle serait suivie d’élections anticipées, qui ne donneraient pas forcément une majorité plus favorable au président en place.

Que se passerait-il si ce scénario de blocage venait à se réaliser ? Emmanuel Macron avait certes dit une fois qu’il manque un roi à la France. Peut-être rêve-t-il de monter sur le trône sous le nom d’Emmanuel Ier, voire même de revêtir la pourpre de l’autocrator pour régner en monarque absolu. La symbolique a assurément vieilli, et cette éventualité semble tenir de la pure politique fiction pas très sérieuse. Encore qu’il ne faille pas sous-estimer la tentation de l’oligarchie à recourir à une solution autoritaire si elle n’arrive plus à dominer comme avant, derrière la façade de la démocratie et de la république. Il s’agirait certes plutôt d’une technocratie sans contrôle populaire calquée sur celle de la mal-nommée « construction européenne » que d’une autocratie des temps jadis.

Marine Le Pen, en revanche, n’a aucune chance d’obtenir une majorité parlementaire. Le FN n’a actuellement que deux élus à l’Assemblée nationale. Une victoire à la présidentielle serait sans doute suivie d’une percée aux législatives, mais tout de même pas du tout au tout. On se dirigerait dans le meilleur des cas vers un cohabitation houleuse, à moins qu’une majorité de droite ne décide de tomber son masque « républicain » pour faire une alliance avec le FN sur une ligne néoconservatrice, xénophobe et fascisante…Avec Nicolas Sarkozy, on y était presque.

Quoiqu’il en soit, une situation de blocage au parlement, d’absence de majorité parlementaire, serait un signe patent de faiblesse de la bourgeoisie, une preuve évidente de son incapacité de gouverner comme avant. Reste aux classes populaires de refuser de continuer à être gouverner comme avant, et de s’organiser massivement dans la lutte pour concrétiser cette volonté.

Ou, pour le dire autrement, que faire des 19% de Jean-Luc Mélenchon ?. Ce serait tragique si cette dynamique devait se révéler éphémère. L’essentiel étant de lutter dans la durée, et non pas tout miser sur une élection. Mais pour concrétiser les objectifs révolutionnaires du programme que Jean-Luc Mélenchon avait porté, est nécessaire une organisation solide, capable de mener une lutte difficile sur une longue durée et jusqu’au bout, c’est-à-dire un parti, et pas un simple mouvement. En particulier, l’idée d’une forme organisationnelle telle qu’un mouvement sans structure forte, unie seulement par l’adhésion à un programme, n’est pas nouvelle. C’est celle que Julius Martov avait prônée naguère. L’efficacité révolutionnaire des mencheviks étant légendaire, nous ne saurions trop prévenir contre la mode de faire du nouveau pour faire du nouveau, sans tenir compte de l’histoire. A ce jeu, on risque surtout de réinventer l’eau tiède.

La candidature de Jean-Luc Mélenchon n’a pas été portée seulement par la France insoumise, mais aussi par d’autres organisations, et principalement le PCF. C’est d’ailleurs dans les bastions du PCF qu’il a fait ses meilleurs résultats. Nos camarades du PCF on là une responsabilité énorme devant l’histoire. Nous leur souhaitons de réussir ce défi.


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