(article écrit dans l'entre-deux tours)
Cet article eût pu avoir été plus enthousiaste.
Du moins, l’avions nous espéré jusqu’au 23 avril à 20h00. Nous avions cru, à
défaut de nécessairement croire que que Jean-Luc Mélenchon se retrouverait au
deuxième tour, du moins dans le fait que c’était possible. Objectivement, la
possibilité existait. Il n’y au eu final qu’à peine un peu plus de 2% de voix
de différence entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Mais le système
électoral français est ainsi fait que seuls les deux candidats arrivés en tête
sont qualifiés pour le deuxième tour, les autres étant recalés, n’importe
qu’ils n’aient que quelques voix de moins que les finalistes, ou qu’ils n’aient
obtenu au final que quelques dixièmes de pourcents de l’électorat.
Pour une fois, le résultat fut celui que les
médias bourgeois et les instituts de sondage avaient prédits ; et leur
prophétie fut auto-réalisatrice : Emmanuel Macron, jeune-loup arriviste,
ex-banquier d’affaire de chez Rothschild, ex-ministre de François Hollande,
candidat de l’ultra-libéralisme et du vide sidéral, affrontera donc la
candidate de l’extrême-droite (un tribunal français a reconnu qu’il est légal
de la qualifier de fasciste si jamais…) héritière millionnaire mais qui prétend
être du côté du petit peuple qu’elle n’a jamais connu, à la tête d’un parti
d’extrême-droite, fondé par notamment plusieurs anciens SS et entretenant des
liens tout à fait troubles avec la fachosphère et spéculant sur les pires idées
de haine de l’extrême-droite, malgré son hypocrite « dédiabolisation »
de façade, Marine Le Pen. Face à un tel adversaire, Macron est quasiment sûr
d’être largement élu président de la République le 7 mai prochain. Singulière
ironie…Jamais la social-démocratie n’aura trahi aussi effrontément et à aussi
large échelle. François Hollande aura été élu sous le slogan « mon ennemi
c’est la finance ». Mais lui et son premier ministre Manuel Valls auront
continué très exactement la politique néolibérale et répressive de Nicolas
Sarkozy. En pire. Casse du code du travail, de la protection sociale, des
retraites, participations à des guerres impérialistes, cadeaux aux grandes
entreprises, répression des luttes populaires…Il n’est pas surprenant que cette
fausse gauche ait attiré une haine quasi unanime d’un peuple français ;
qui n’a pas oublié pourtant l’ignominie du quinquennat précédent, celui de
Sarkozy. De ce fait, le président sortant, François Hollande, s’est résigné à
ne pas se présenter afin de ne pas subir l’humiliation d’être recalé dès le premier
tour avec une petite poignée de pourcents. Nicolas Sarkozy et Manuel Valls ont
été laminés aux primaires de leur parti respectif. Et le PS et les
Républicains, les deux partis hégémoniques de la Vème république
jusque là, ont vu leurs candidats respectifs à la présidentielle faire
seulement 25% de voix cumulées. Du jamais vu…Et pour quel résultat. Les
électeurs ont désormais le choix entre un ancien ministre de Hollande, symbole
des pires politiques néolibérales du quinquennat, et une fasciste patentée. Si
Macron gagne, comme il semble assuré de le faire, c’est parti pour un nouveau
quinquennat Hollande. En encore pire.
Quid du second tour ?
Quoique, Macron est-il réellement sûr d’avoir gagné
d’avance ? Son arrogance le laisserait penser, et en 2002 Jacques Chirac
avait été plébiscité à 82% face à Jean-Marie Le Pen. Mais les apparences sont
trompeuses, car Macron n’est pas Chirac, et son arrogance pourrait lui jouer
des tours. De fait, bien des choses ont changé depuis 2002. La première fois
que le FN était présent au deuxième tour – ce pour des facteurs contingents,
c’est-à-dire la division du PS, du moins l’avait-on pensé alors – avait été un
véritable traumatisme pour beaucoup d’électeurs d’une façon ou d’une autre
opposés au fascisme. Un « front républicain » a pu alors se créer et
fonctionner, sous le mot d’ordre généralisé, à droite comme à gauche,
« votez Chirac ! ». Jacques Chirac lui-même sut se conduire avec
dignité et conscience de la gravité de la situation durant la campagne pour le
deuxième tour…pour ensuite, une fois élu, ne tenir aucun compte des voix des
électeurs de gauche ayant voté pour lui, et mener une politique de droite
néolibérale et revancharde. Depuis, l’antifascisme apolitique et moralisant,
« républicaniste », et refusant toute analyse des causes du succès du
FN, s’est largement décrédibilisé.
Dans un rapport de forces changés au niveau
international depuis la liquidation du socialisme en URSS, la droite est
devenue plus revancharde et extrémiste néolibérale que jamais. La
social-démocratie conduit la plupart du temps la même politique. Les classes
populaires, qui souffrent de ces politiques et du chômage – ce d’autant que la
crise systémique du capitalisme, qui s’est brutalement déclenchée en 2008, a
encore aggravé la situation – n’en peuvent plus, et ressentent une haine plus
que légitime face aux partis de la bourgeoisie, fût-ce sous bannière
social-démocrate, qui mènent une politique directement à l’encontre de leurs
intérêts les plus élémentaires. En l’absence d’une conscience politique clair,
le lavage de cerveau néolibéral et anti-communiste depuis des décennies ayant
été assez efficace, il n’était que trop prévisible que bien des gens, poussés
par le désespoir, se tournent vers l’extrême-droite comme vers une illusoire
alternative. Ce sont les politiques néolibérales qui sont le terreau de la
montée du fascisme. Ce sont les quinquennats de Sarkozy et de Hollande qui ont
fait le lit du FN.
Cette fois-ci, la présence du FN au deuxième
tour a certes suscité des réactions indignées, mais tellement en-deçà de ce que
nous avions pu voir en 2002. Preuve d’une banalisation inquiétante du FN. A
cause de la « dédiabolisation » ? Pourtant, le FN n’a pas
vraiment changé. Pour preuve, le président ad-intérim de la formation lepéniste,
Jean-François Jalkh, qui a dû céder son poste pour cause de propos
négationnistes révélés par la presse (il avait affirmé, notamment, que le
Zyklon B n’aurait soi-disant pas pu avoir été utilisé dans une entreprise
d’extermination de masse…). Et pourtant, cet ancien proche de Jean-Marie Le Pen
est resté vice-président sous sa fille.
Du côté du camp Macron et des médias dominants,
on assiste à un véritable matraquage : appels hystériques pour un
plébiscite pour Macron, ultimatums et lynchage pour ceux qui ne jouent pas le
jeu à l’appui. Jean-Luc Mélenchon a notamment fait l’objet d’une campagne de
dénigrement scandaleuse et hypocrite de la part d’antifascistes de pacotille de
la toute dernière heure, qui ne militent contre le FN qu’une fois toutes les
quinze ans, uniquement en exigeant des classes populaires qu’elles votent pour
le champion du moment de la bourgeoisie. On reproche en effet à Mélenchon de ne
pas avoir clairement appelé à voter Macron, et d’avoir, au lieu de cela,
organisé une consultation des membres de la France insoumise (avec trois
options : vote Macron, vote blanc, ou abstention…le vote FN n’étant pas
même envisagé), au lieu de décider tout seul au nom de tous, comme tous les
leaders « démocratiques » bourgeois.
Pourtant, si quelqu’un peut faire perdre à
Macron une élection apparemment imperdable, ce n’est certes pas Jean-Luc
Mélenchon, qui en a plus fait pour combattre le FN que tous ses calomniateurs
réunis. Le seul qui le peut, et qui semble bien parti pour y arriver, c’est
Macron lui-même, ainsi que ses soutiens médiatiques. Ce à quoi nous assistons,
ce n’est pas un appel à un « Front républicain », mais à un véritable
chantage pour plébisciter le candidat des banques. Le masque de l’antifascisme
est en l’occurrence bien trop hypocrite et risque de ne pas être très efficace.
Le candidat Macron lui-même, se considérant visiblement déjà couronné roi de
France, a déclaré qu’il n’avait aucune concession à faire à personne, et exigé
explicitement de voter pour lui, pas seulement pour battre Le Pen, mais bien
pour plébisciter son programme néolibéral et antisocial, qu’il a pour but
d’appliquer quoi qu’il advienne. Circonstance embarrassante pour lui, étant
donné le flou qu’il fait planer sur la composition de son éventuel futur
gouvernement, une rumeur a commencé à circuler sur le fait que son premier
ministre pourrait être Laurence Parisot, ex-présidente du MEDEF. Mme Parisot
s’est dite intéressée par la fonction. Macron n’a pas démenti, ni confirmé
d’ailleurs. Pourtant, cela signifierait le MEDEF directement à la tête du
gouvernement. Si elle voulait faire gagner Marine Le Pen, Mme Parisot ne s’y
prendrait pas mieux…Manuel Valls a également annoncé sa volonté de faire partie
de la majorité gouvernementale. Et il n’est pas le seul. Nombre de caciques PS
et LR des plus détestés ont fait de même. Ceux qui ont cru en l’absurde
promesse de « renouveau » de Macron risquent fort d’en rester pour
leurs frais…
Aussi, n’est-il pas étonnant que Macron, s’il
conserve toujours une confortable avance sur Marine Le Pen dans les sondages,
est d’ores et déjà assuré de ne pas bénéficier d’un plébiscite à la Chirac, et
continue de baisser, alors que son adversaire, elle progresse. L’écart entre
les deux se resserre. Face à Macron, Marine Le Pen prétend hypocritement
prendre le parti des travailleurs et des classes populaires, ce alors que son
programme est en réalité tout aussi libéral et antisocial que celle de son
adversaire. C’est là une vielle astuce des fascistes, se faire passer pour des
défenseurs des travailleurs, alors qu’ils en sont les pires ennemis. Mais le
fait qu’elle se retrouve face à Macron, qui par ses manières de petit marquis
incarne l’arrogance de la bourgeoisie dans ce qu’elle a de plus détestable
facilite la manœuvre pour Mme Le Pen. Et l’hystérie des médias pro-macronistes
risque en réalité d’être contre-productive : ils risquent au contraire de
faire passer le vote FN pour le seul vote protestataire et
« antisystème » ; et par là de le favoriser. Comme le tapage médiatique
pour Hillary Clinton a en réalité aidé Donald Trump à remporter l’élection
présidentielle.
On voit de ce fait, à gauche, un débat assez
confus et passionnel sur la bonne stratégie à adopter au deuxième tour :
voter et faire voter Macron au deuxième tour, puisque le FN est cette fois
vraiment aux portes du pouvoir ; ou bien, ne cautionner ni l’un ni
l’autre, et s’abstenir, ou bien voter blanc. Nous ne prendrons pas position
dans ce débat. Mais il convient peut-être d’en relativiser quelque peu
l’importance. La candidate du fascisme aux portes du pouvoir face à celui des
banques comme seul choix démocratique, ce n’est pas la catastrophe imminente.
C’est une catastrophe déjà là. Impossible à désamorcer. Au mieux, une victoire
de Macron ne serait qu’un répit, dans la mesure où la politique qu’il mènera
certainement ne fera que renforcer encore plus le FN, certainement pas une
victoire réelle de l’antifascisme. Et appeler à voter pour lui, outre que le
coût politique soit sans doute trop élevé, dans la mesure où un tel appel
pourrait passer pour un semi-ralliement à son programme, risque paradoxalement
d’aider un peu plus le FN, qui pourrait réussir ainsi à passer pour la seule
vraie opposition face à la « grande coalition » UMPS et de tous les
autres partis…
Et ce serait une illusion terrible de croire
que la bourgeoisie libérale puisse être un quelconque rempart solide contre le
fascisme. Bien plus souvent, elle choisit d’être son marchepied. Ce qui n’est
pas étonnant. Le libéralisme bourgeois et le fascisme étant des forces
politiques au service d’une même classe. Leurs attaches de classe au final les
rapprochent bien plus que leurs idées ne les éloignent. La bourgeoisie peut
être plus ou moins sincèrement libérale lorsque sa domination est
assurée ; mais elle n’a jamais de scrupule à se rallier corps et âme au
fascisme quand son pouvoir en vient à être menacé. Au final, ses privilèges
comptent toujours plus à ses yeux que la liberté et la démocratie. L’histoire
n’a apporté que bien suffisamment de preuve de l’inanité de tout « front
républicain ». Sans prétendre bien sûr tirer des analogies directes avec
la situation de la France aujourd’hui, nous donnerons deux exemples. Les
mencheviks et les SR justifiaient la politique de la coalition avec les cadets
au nom de la sauvegarde des libertés démocratiques acquises lors de la
révolution de février. Mais les cadets n’hésitèrent pas un instant à jeter la
bannière de la démocratie et des libertés individuelles par dessus bord lorsque
la propriété bourgeoise fut sérieusement menacée par la lutte de la classe
ouvrière ; et afin de tenter de défaire les bolcheviks, trahirent leurs
alliés socialistes modérés, mais aussi leurs principes constitutionnels, pour
se rallier au coup d’Etat raté du général Kornilov, qui aurait restauré le despotisme,
qu’ils avaient pourtant prétendu combattre. Et la droite allemande, avec le
soutien du SPD, présenta le maréchal Von Hindenburg comme un rempart contre le
nazisme. Le KPD refusa de marcher dans ce prétendu « front
républicain » avant l’heure. La suite est connue : le président Von
Hindenburg nomma Adolf Hitler chancelier, alors que le NSDAP n’avait même pas
la majorité au Reichstag…Les partis de droite sensément
« démocratiques » cautionnèrent la manœuvre.
Signification pourtant tendanciellement révolutionnaire
Résultat totalement désastreux de ce premier
tour, serait-on tenté de dire. C’est sans doute s’arrêter aux apparences. Le
candidat des banques faces à celle du fascisme, ce n’est pas la seule leçon à
en tirer. Comme nous l’avons dit. Les deux partis du bipartisme jusque là n’ont
vu leurs candidats respectifs cumuler seulement quelques 25% des voix. C’est du
jamais vu dans la Vème république. Un véritable désaveu. Une défaite
majeure. La droite n’est certes pas encore aux abois. Son champion arrive
troisième, à tout juste 2% d’écarts de Mme Le Pen. Et il a perdu principalement
à cause des affaires de détournement d’argent public. Parce qu’un escroc qui
prêche l’austérité et la morale aux autres, selon l’éternel principe « faites
ce que je dis, pas ce que je fais », ce n’est pas vraiment idéal pour être
élu président de la république.
Benoît Hamon, en revanche, a été véritablement
laminé, à tout juste un peu plus de 6%. C’est une débâcle historique pour le
PS. Une débâcle qui n’a que peu avoir avec la personne du candidat désigné par
la primaire, mais uniquement avec le fait que le PS a perdu toute crédibilité
de par l’action au pouvoir de messieurs Hollande et Valls. Benoît Hamon, en
maintenant sans candidature, porte sans doute une très grande part de
responsabilité dans la présence du FN au deuxième tour. S’il s’était retiré,
nous aurions eu un deuxième tour Mélenchon vs. Macron ; une configuration
autrement plus intéressante. Mais sa candidature n’avait au fond que peu avoir
avec la présidence de la république. Le but était de tenter de sauver le PS, en
tentant de faire croire qu’il est toujours un parti de gauche. Un ancien
« frondeur » semblait le plus indiqué pour la mission. Mais il
s’agissait visiblement d’une mission impossible, qui n’aura fait que porter le
coup de grâce au PS. Le parti fondé par François Mitterrand à Epinay en 1971,
qui aura réussi pendant des dizaines d’années à usurper le nom de socialiste
pour mener plus ou moins la même politique que la droite au pouvoir, qui aura
réussi à affaiblir drastiquement le PCF en le faisant entrer dans son jeu de
faux-semblants, qui aura fait tant de dégâts au mouvement populaire, qui aura
imposé l’euro et la soumission à l’eurocratie en France, ce parti est
définitivement discrédité et en voie de pasokisation irréversible.
Ce seul fait est une bonne nouvelle, ne
serait-ce que parce que la fin du bipartisme et l’effacement inéluctable du PS
ouvrent un champ politique que le général de Gaulle avait réussi à cadenasser.
La déroute du PS, sa désintégration prochaine (son aile droite veut en effet
balancer à la poubelle le vieux parti d’Epinay pour rejoindre Macron dans une
recomposition centriste et sans plus aucune allusion, fût-ce formelle ou
hypocrite, à la gauche ou au socialisme).
En ce sens, les 19% de Jean-Luc Mélenchon, même
s’ils ne lui ont pas suffi pour être au deuxième tour, n’en constituent pas
moins une grande victoire. C’est la première fois qu’un candidat d’une gauche
authentique fait un score aussi significative, depuis que, il y a bien
longtemps, Jacques Duclos obtenait 21%. La campagne de Jean-Luc Mélenchon aura
permis de politiser des centaines de milliers de personnes autour d’idées de
progrès, de justice sociale, de planification écologique…qui pourraient
déboucher sur une rupture potentiellement révolutionnaire. C’est là une
occasion rêvée pour les classes populaires de se débarrasser de l’hégémonie
politique de la bourgeoisie, pour s’engager derrière leur propre organisation,
luttant pour leurs véritables intérêts et aspirations nécessairement
révolutionnaires. Reste toutefois à concrétiser cette dynamique sur la durée.
Perspectives d’avenir
Quelque soit le vainqueur de deuxième tour, un
enjeu plus important encore seront les élections à l’Assemblée nationale. Elle
détermineront quelle majorité en définitive gouvernera la France, et pour mener
quelle politique.
Avec quelle majorité pourrait gouverner
Macron ? Celle de son mouvement En marche ? Il s’agit d’un ectoplasme
sans programme ni identité politique bien définie. Il serait pour le moins
improbable que cette misérable nébuleuse reproduise le succès personnel de son
champion, qui n’aura été élu qu’en tant qu’individu, parce qu’il aura été
survendu par les médias du capital, en gagnant une majorité de circonscriptions.
Le plus probable est que Macron arrive à rassembler une coalition hétéroclite à
partir des derniers débris du PS et d’une partie des Républicains et d’une
poussière de centristes, menant à une recomposition centriste du champ
politique français, une sorte de « Parti démocrate progressiste néolibéral
moderniste et ectoplasmique » vaguement à l’américaine. Il ne s’agirait
pas là d’une transposition à la France, comme d’aucun ont pu l’insinuer, du
« compromis helvétique » (qui au moins se fait entre vrais partis
historiques, possédant une culture politique distincte, une histoire, un
héritage), mais d’une véritable décomposition de la vie politique française, de
sa berlusconisation. Que la bourgeoisie doive se résoudre à sacrifier ses
partis historiques pour s’en remettre à un tel marais informe en dit long sur son incapacité à continuer à gouverner
comme par le passé…
Si Emmanuel Macron n’obtient pas de majorité à
l’Assemblée nationale, on s’acheminerait le plus probablement vers un blocage.
Certes, la cinquième république s’apparente plus à une monarchie élective qu’à
une véritable démocratie, et l’Assemblée nationale constitue plus une chambre
d’enregistrement pour le gouvernement qu’un véritable parlement. Il n’en reste
pas moins vrai qu’il ne s’agit pas d’une monarchie absolue, et que, s’il
dispose d’une certaine marge de manœuvre pour gouverner par décrets et de
l’abus flagrant contre la démocratie qu’est le 49.3, le président de la
république ne peut réellement imposer ses vues ni légiférer sans majorité au
parlement. Il peut certes dissoudre en tout temps l’Assemblée nationale – et
cette menace a souvent suffi à forcer la main à la majorité
parlementaire ; c’est du moins là une arme que François Hollande n’avait
pas hésité à utiliser. Mais une dissolution ne résoudrait rien, puisqu’elle
serait suivie d’élections anticipées, qui ne donneraient pas forcément une
majorité plus favorable au président en place.
Que se passerait-il si ce scénario de blocage
venait à se réaliser ? Emmanuel Macron avait certes dit une fois qu’il
manque un roi à la France. Peut-être rêve-t-il de monter sur le trône sous le
nom d’Emmanuel Ier, voire même de revêtir la pourpre de l’autocrator pour régner en monarque
absolu. La symbolique a assurément vieilli, et cette éventualité semble tenir
de la pure politique fiction pas très sérieuse. Encore qu’il ne faille pas
sous-estimer la tentation de l’oligarchie à recourir à une solution autoritaire
si elle n’arrive plus à dominer comme avant, derrière la façade de la
démocratie et de la république. Il s’agirait certes plutôt d’une technocratie
sans contrôle populaire calquée sur celle de la mal-nommée « construction
européenne » que d’une autocratie des temps jadis.
Marine Le Pen, en revanche, n’a aucune chance
d’obtenir une majorité parlementaire. Le FN n’a actuellement que deux élus à
l’Assemblée nationale. Une victoire à la présidentielle serait sans doute
suivie d’une percée aux législatives, mais tout de même pas du tout au tout. On
se dirigerait dans le meilleur des cas vers un cohabitation houleuse, à moins
qu’une majorité de droite ne décide de tomber son masque
« républicain » pour faire une alliance avec le FN sur une ligne
néoconservatrice, xénophobe et fascisante…Avec Nicolas Sarkozy, on y était
presque.
Quoiqu’il en soit, une situation de blocage au
parlement, d’absence de majorité parlementaire, serait un signe patent de faiblesse de la bourgeoisie, une preuve
évidente de son incapacité de gouverner comme avant. Reste aux classes
populaires de refuser de continuer à être gouverner comme avant, et de
s’organiser massivement dans la lutte pour concrétiser cette volonté.
Ou, pour le dire autrement, que faire des 19%
de Jean-Luc Mélenchon ?. Ce serait tragique si cette dynamique devait se
révéler éphémère. L’essentiel étant de lutter dans la durée, et non pas tout
miser sur une élection. Mais pour concrétiser les objectifs révolutionnaires du
programme que Jean-Luc Mélenchon avait porté, est nécessaire une organisation
solide, capable de mener une lutte difficile sur une longue durée et jusqu’au
bout, c’est-à-dire un parti, et pas un simple mouvement. En particulier, l’idée
d’une forme organisationnelle telle qu’un mouvement sans structure forte, unie
seulement par l’adhésion à un programme, n’est pas nouvelle. C’est celle que
Julius Martov avait prônée naguère. L’efficacité révolutionnaire des mencheviks
étant légendaire, nous ne saurions trop prévenir contre la mode de faire du
nouveau pour faire du nouveau, sans tenir compte de l’histoire. A ce jeu, on
risque surtout de réinventer l’eau tiède.
La candidature de Jean-Luc
Mélenchon n’a pas été portée seulement par la France insoumise, mais aussi par
d’autres organisations, et principalement le PCF. C’est d’ailleurs dans les
bastions du PCF qu’il a fait ses meilleurs résultats. Nos camarades du PCF on
là une responsabilité énorme devant l’histoire. Nous leur souhaitons de réussir
ce défi.
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