21 mai 2021

Le marxisme soviétique tardif, une pensée vivante et encore actuelle

 



Dernier secrétaire général du PCUS à avoir porté avec honneur son titre, Constantin Tchernenko est aujourd’hui pratiquement oublié. La période soviétique tardive – qui fut en son temps qualifiée de « socialisme développé » – pâtit du préjugé d’avoir été un temps de stagnation, réputation que la réalité de l’histoire ne justifie en rien (il serait plus exact de parler d’une ère d’accomplissements réels et de réformes inabouties). Léonid Brejnev demeure célèbre comme figure historique, mais ses écrits sont trop souvent – à tort ! – considérés comme ne valant pas la peine d’être lus, comme généralement les publications politiques du temps où il fut secrétaire général. Youri Andropov, son successeur, demeure un peu connu – principalement sur la base de spéculations sur ce qu’il aurait pu faire s’il avait vécu plus longtemps. Quant à Tchernenko, le plus méconnu des dirigeants soviétiques, il reste dans les mémoires comme une sorte d’ombre portée de Brejnev, à peine s’il a existé. Cet oubli n’est pourtant pas mérité.

 

Elu secrétaire général en 1984 – après le décès inattendu de Youri Andropov – Constantin Tchernenko est lui-même parti trop tôt en 1985. Il n’eut que trop peu de temps pour déployer son action à la tête du Parti et de l’Etat. Loin de l’image fausse de la gérontocratie inamovible tardo-soviétique, c’était presque un homme nouveau : élu au CC du PCUS en 1971, et au Politbureau en 1978 seulement, il n’était pas non plus si âgé. Décédé à 74 ans, il était plus jeune que Joe Biden aujourd’hui. Surtout, il s’agissait d’un dirigeant communiste dévoué et intègre, et d’un auteur intéressant et profond, lucide sur les difficultés réelles du socialisme soviétique, et désireux d’y apporter des solutions. Un auteur dont la lecture est encore aujourd’hui instructive. Une sélection de ses articles et discours fut publiée en français aux éditions Plon en 1985 sous le titre Le peuple et le parti ne font qu’un. Cet ouvrage ne doit pas être complètement introuvable. Le cas échéant, nous en conseillons vraiment la lecture.

 

La pensée de Tchernenko, profondément imprégnée de celle de Marx et de Lénine, se caractérise par un attachement profond à la coexistence pacifique et à la solidarité internationaliste avec les peuples en lutte pour leur libération ; un engagement sincère pour l’amélioration du bien-être du peuple soviétique ; une volonté d’amélioration, de progrès continu de la société socialiste ; une adhésion ferme aux idéaux communiste ; et un sens aigu du rôle et des responsabilité du Parti dans l’accomplissement de ces tâches.

 

Constantin Tchernenko était parfaitement lucide sur les contradictions objectives de la société soviétiques, qui rendront possible la restauration du capitalisme : « Examinant ces problèmes non simples, le congrès a indiqué que leur solution, tout comme la formation d’un homme nouveau en général, doit s’appuyer sur le fondement solide de la politique sociale et économique. Si l’on réduit les phénomènes négatifs seulement aux « survivances du passé » dans la conscience des gens, les carences dont il faut chercher les raisons dans la pratique actuelle, dans les erreurs de tels ou tels cadres resteront hors du champ de vision. Et c’est là que peut se produire un écart entre l’éducation par les paroles et l’éducation par la vie et cela est inadmissible ».

 

Il était tout autant conscient du déficit de démocratie réellement existant au sein du PCUS et des institutaions soviétiques, et des problèmes que cela impliquait : « On a maintes fois souligné que certaines réunions, sessions plénières et conférences de militants se déroulent dans une atmosphère de parade. En effet, les interventions des orateurs « attitrés » sont souvent des comptes rendus d’activité où les lacunes et insuffisances dans le travail sont passées sous silence ou mentionnées au passage (avec une multitude de références aux « circonstances objectives ») au lieu d’être un examen vivant et concret des questions, qui dégage et confronte les divers points de vue. Dans ces conditions, l’affaire se résume à une simple adoption de résolutions qui n’ont pas été étudiées par le collectif. Il devient alors difficile de comprendre le contenu de ces comptes rendus et de leur but. Quels sont les problèmes concrets que l’on se propose de résoudre, quelles sont les insuffisances concrètes que l’on doit éliminer ? Ces bavardages vides de sens, ces discours spectaculaires engendrent inévitablement l’apathie et la passivité ; ils étouffent l’initiative des communistes ».

 

Quant au mythe absurde de la « stagnation », laissons Tchernenko le réfuter : « L’expérience et la lutte révolutionnaire, l’expérience de l’édification socialiste et communiste nous enseignent qu’il faut intervenir résolument contre le dogmatisme, la sclérose de la pensée, contre l’application irréfléchie de clichés tout prêts et de stéréotypes. Le marxisme, soulignait Lénine, n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action. Le léninisme n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action, disent les disciples de Lénine. Être fidèle à Lénine, c’est s’imprégner de l’esprit créateur dont était empreinte l’activité théorique et pratique de notre parti. Être fidèle à Lénine, c’est lutter résolument contre les tentatives de défigurer notre doctrine révolutionnaire, qu’elles soient de droite ou de « gauche ».

 

« Le courant de la vie est rapide. De nouveaux problèmes viennent remplacer ceux d’aujourd’hui. Et ce qui était juste hier peut être erroné demain. D’où la nécessité de remarquer, de saisir les nouveaux phénomènes et processus, de les analyser et de les synthétiser, de fournir de nouveaux points de repères théoriques à la pratique. »

 

On pourrait remplir plusieurs éditions de l’Encre Rouge avec des citations inspirantes de Constantin Tchernenko.

 

La différence entre la dernière génération des dirigeants communistes soviétiques fidèles à leurs idées – dont Andropov et Tchernenko faisaient partie – avec les liquidateurs qui les ont suivis, comme avec les théoriciens du socialisme de marché chinois, c’est qu’ils comprenaient le socialisme comme un mode de production ayant ses propres lois, et aux contradictions propres duquel il fallait apporter des solutions conformes à ce qu’il est – plutôt que de chercher à l’ « améliorer » avec des éléments étrangers –, des solutions qui le fassent progresser vers le communisme, plutôt que de rétrograder vers le capitalisme. La théorie du socialisme développé - qui s’oppose à celle de « phase primaire du socialisme » élaborée par la direction du PCC sous Jiang Zemin – a trop souvent été mal comprise comme une apologie superficielle et autosatisfaite de l’URSS comme « paradis socialiste ». Les dirigeants soviétiques tardifs ne faisaient en réalité pas preuve d’un tel triomphalisme idiot, et étaient autrement plus lucides sur les insuffisances réelles. Le syntagme de socialisme développé signifie en fait une société socialiste en quelque sorte « achevée », c’est-à-dire devenue pleinement socialiste, qui de ce fait forme un système, et n’inclut donc plus d’éléments capitalistes ou précapitalistes, ou seulement marginalement. La génération d’Andropov et de Tchernenko s’est donc employée à faire progresser le socialisme dans cette optique, mais a trop tardé à mettre en œuvre les réformes requises. La liquidation gorbatchévienne fut possible parce qu’elle sembla au début être dans la continuité de cette voie, avant que d’opérer, rapidement mais imperceptiblement au début, vers la trahison. L’histoire aurait pu toutefois être bien différente.

La Grève pour l’avenir : pourquoi le Parti du Travail y participe, et avec quels objectifs ?

 


Le 21 mai 2021 a lieu la Grève pour l’avenir – journée de mobilisation pour la justice sociale et climatique – coorganisée par la grève du climat, les syndicats, des partis politiques et divers autres collectifs.

 

Le Parti du Travail est engagé de ce mouvement depuis le début. Il s’agit pour nous d’une priorité stratégique. Parce que l’urgence climatique constitue aujourd’hui une réalité incontestable ; tout aussi incontestable hélas que l’inaction des gouvernements bourgeois et la hausse continue des émissions de gaz à effet de serre. Les températures ont déjà augmenté de 1°C par rapport à l’ère préindustrielle, et les conséquences en sont visibles, et dévastatrices. Au rythme actuel, on est bien parti une hausse des températures jusqu’à 3,9°C d’ici la fin du siècle, ouvrant la porte à des boucles de rétroaction incontrôlables, et rendant la planète inhabitable, ou peu s’en faut.

 

Aussi parce que ce mouvement rejoint nos luttes sur plusieurs points fondamentaux : conscience de la nécessaire indissociabilité entre justice climatique et justice sociale ; volonté d’organiser les travailleurs, choix de l’arme majeure de la classe ouvrière, la grève générale, et par là conscience du rôle historique de la classe ouvrière et engagement en faveur d’une lutte de classe menée jusqu’au bout ; conscience enfin qu’il n’est pas possible de résoudre la question écologique sans rupture avec le capitalisme. Des idées qui sont les nôtres acquièrent ainsi une influence nouvelle.

 

Aujourd’hui, l’urgence climatique est la contradiction centrale autour de laquelle tout se joue : ou rupture avec le capitalisme et construction d’une nouvelle société socialiste et écologiquement durable, ou maintien d’un système capitaliste, impérialiste et oppressif, au prix d’une destruction accélérée de l’environnement, et d’une société de moins en moins vivable. La rupture est urgente, car plus on perd de temps, et moins il sera possible de limiter les dégâts.

 

Toutefois, si la convergence des luttes voulue par la grève pour l’avenir fait sa force, elle en constitue aussi la limite, une convergence si large, regroupant des syndicats, des partis réformistes comme des organisations révolutionnaires, et toute une diversité de collectifs ne peut l’être qu’au prix de la clarté de l’objectif poursuivi. Si le manifeste national adopté par la grève pour l’avenir pointe justement que « Les crises économiques, écologiques et sociales générées par le système capitaliste ne peuvent être résolues en son sein. Il faut donc un profond changement », il ne dit pourtant pas clairement par quoi le remplacer, mais juxtapose plus qu’il n’articule : dénonciation du système, exigences de démocratisation du système politique existant ; réflexions anarchisantes (démocratie locale et abolition de toutes les hiérarchies) mais non complétement assumées et exigences présentées aux autorités en place ; revendications radicales, d’autres de nature plus réformiste, applicables plus ou moins dans le cadre du système existant.

 

Ce qui y manque en revanche : définition d’un système alternatif au capitalisme (faute de quoi il est vain de parler de changement de système), prise de pouvoir politique par les travailleurs, socialisation des monopoles et des secteurs stratégiques, planification de l’économie. Sans tout cela, il ne peut y avoir de mouvement révolutionnaire, seulement un mouvement revendicatif, qui ne peut changer la société. C’est au parti marxiste que nous sommes d’amener cette perspective politique et révolutionnaire.

 

Le Parti du Travail s’engage concrètement pour une écologie populaire telle que définie ci-dessus dans les institutions, au travers des droits populaires comme dans la rue, par toutes les formes de lutte appropriées. Parce que nous ne séparons la lutte écologique de la lutte des classes, et parce que nous considérons que la seule écologie digne de ce nom est anticapitaliste, nous privilégions les formes de luttes fondées sur la confrontation avec la bourgeoisie et visant un changement de système sur la logique du compromis parlementaire et ses limitations. C’est pourquoi, nous nous engageons résolument dans la grève pour l’avenir, pour faire croître ce mouvement et l’affermir dans sa dynamique de lutte de classe et sa volonté de rupture avec l’ordre établi.

 

Parce qu’il n’y aura pas de solution réelle et durable aux problèmes écologiques sans rupture avec le capitalisme et son ressort interne d’accumulation du capital sans fin, nous luttons pour la seule alternative au capitalisme qui soit : le socialisme, qui garantira l’eau potable pour toutes et tous plutôt que le champagne pour quelques-uns, et rendra possible une cohabitation harmonieuse entre l’humanité et la nature.

La lutte climatique est une lutte de classe et une lutte anti-impérialiste

 


Pour le Parti du Travail, la question écologique est inséparable de la lutte des classes. Ainsi qu’il est écrit dans le programme électoral du Parti Suisse du Travail, adopté en 2019 :

 

« La destruction de l’environnement est une conséquence directe de la mainmise du capital sur la planète et de sa recherche illimitée de profits. Ces faits ne peuvent plus être contestés par personne. Sous les conditions de la production capitaliste, d’énormes dévastations sont devenues possibles. Nous vivons un processus par lequel la nature, sous l’exploitation du capital, est appauvrie de manière dramatique. Nous ne pouvons pas séparer les problèmes environnementaux de la lutte de classes. Ceci pour la simple raison que l’exploitation de la force de travail et de la nature se fait parallèlement. Nous soutenons que les problèmes environnementaux font partie de la lutte de classes. Ils l’accentuent et l’intensifient. Les problèmes environnementaux ne pourront pas être résolus dans le cadre du capitalisme ».

 

Nous ne sommes clairement pas toutes et tous dans le même bateau, et ce n’est pas « l’humanité » en général et de de façon indistincte qui est responsable de la situation actuelle. La destruction de l’environnement est le fait de responsables identifiables et identifiés, sans s’attaquer auxquels il est vain de parler d’écologie. Conformément aux données présentées dans le CDP Carbon Major Report (2017), il est établi que 100 entreprises sont responsables à elles seules de 71% des émissions de gaz à effet de serre entre 1988 et 2015. S’il s’agit donc de responsabiliser des acteurs, c’est bien de celles-ci dont il doit être question en premier lieu. L’empreinte écologique n’est clairement pas la même selon la classe sociale. Les 10% les plus riches de la planète sont ainsi responsables de 50% des émissions de gaz à effet de serre sur la planète, les 50% les plus pauvres de seulement 10%. Au fond, c’est le mode de vie des plus riches qui est écocide, et n’est pour cette raison plus tolérable.

 

En Suisse également, la place financière pollue à elle seule 22 fois plus que toute la population suisse ; les plus riches polluent 2000 fois plus que les plus pauvres.

 

Et ce sont les personnes les moins responsables de la dégradation de l’environnement qui ont le moins de possibilités de tenter d’en échapper aux conséquences, et en souffrent donc le plus.

 

Il n’y a donc pas d’écologie digne de ce nom sans lutte de classe. C’est pourquoi le Parti du Travail défend une écologie populaire.

 

La lutte écologique est également une lutte intrinsèquement anti-impérialiste.

 

Ce sont aujourd’hui les parties du monde qui sont le moins responsables de la catastrophe en cours – celles où habitent les peuples que l’impérialisme opprime – qui en souffrent le plus.

 

La péninsule arabique, l’Afrique du Nord, l’Inde…connaissent régulièrement des pics de chaleurs jusqu’à 50°C et au-delà, rendant ces régions de plus en plus difficilement habitables pour les êtres humains. De vastes territoires en Afrique et en Asie sont frappés par des sécheresses de plus en plus drastiques, dévastatrices pour les cultures, menaçant des dizaines de millions de personnes de famines. La montée du niveau de la mer n’est pas une menace seulement future, mais d’ores et déjà une réalité. Des centaines de millions de personnes, qui vivent sur les terres côtières, sont menacées. Des mégalopoles comme Lagos, Jakarta,… sont d’ores et déjà lentement mais sûrement emportées par l’érosion. L’Indonésie est en train de bâtir une nouvelle capitale en hauteur, puisque les jours de l’actuelle, Jakarta, sont comptés. Des pays insulaires d’Océanie tout entiers risquent d’être engloutis par les flots.

 

L’agenda « écologique » de la bourgeoisie, visant à repousser les changements nécessaires autant que possible, revient en réalité, de la part des élites dirigeante de pays impérialistes qui se trouvent être en zone tempérée (et pour cette raison moins exposés aux conséquences du changement climatique) à sacrifier de facto des centaines de millions de personnes dans le Sud global.

 

C’est une question de solidarité internationale que d’empêcher cette inaction criminelle.

Non à la fuite en avant technologique et aux mirages du « capitalisme vert »


 

N’en déplaise à la propagande officielle, du Conseil fédéral aux organisations patronales, en passant par les partis bourgeois et la gauche réformiste, ce ne seront ni les solutions technologiques ni le verdissement du capitalisme qui nous permettront d’éviter la catastrophe.

 

La technologie ne saurait être la solution miracle. D’une part, développer des technologies réellement « vertes » et « propres » prendra du temps, et nous en manquons. Deuxièmement, car il n’y a pas de miracles en technologie, et la plupart des technologies présentées comme « vertes » ne le sont pas réellement.

 

Car, derrière ces technologies, il y a des émissions de gaz à effet de serre cachées et une demande colossale de matières premières. Les technologies estampillées « vertes » – batteries des voitures électriques, panneaux solaires, certains modèles d’éoliennes – sont même extrêmement consommatrices de métaux rares. D’où un massacre continu de la biosphère par l’extractivisme à une échelle toujours plus large, au prix de dégâts considérables à l’environnement. Avec pour conséquence l’accroissement incessant des infrastructures, surdimensionnées. Du reste, l’économie de ressources ou d’énergie obtenue est généralement, sous le capitalisme, annihilée par un « effet rebond » : augmentation du volume de production, ou investissement du capital ainsi épargné ailleurs.

 

Et cette fuite en avant ne peut durer longtemps. Car les métaux requis par les nouvelles technologies sont présents en quantité limitée sur la Terre. Certains sont même fort rares. Il en a été plus extrait en quelques décennies que durant toute l’histoire de l’humanité. Les réserves disponibles d’argent, de fluor, de zinc, d’étain, de nickel, arriveraient à épuisement d’ici deux à trois décennies. Et il n’est en pratique pas possible de recycler sans perte, ni indéfiniment. Bien entendu, le recyclage, l’économie circulaire et le développement de technologies plus « vertes » sont indispensables, mais ne devraient en aucun cas être vus comme un moyen de faire perdurer la gabegie actuelle.

 

Pour cela, nous avons des raisons d’être opposés au développement de la 5G. Car, outre les dangers probables pour les êtres humains et les insectes, la 5G a pour vocation de permettre une utilisation à large échelle d’objets connectés ; ce qui serait écologiquement désastreux. L’informatique, en effet, loin de représenter une « dématérialisation » de l’économie, est au contraire très demandeuse en matières premières et hautement énergivore. Il n’est pas question d’y renoncer, mais il faut en faire un usage raisonnable.

 

Bien entendu, le Parti du Travail ne saurait être contre le progrès technologique, encore moins contre la science. Il est néanmoins indispensable de faire preuve de mesure, de trouver la voie d’une certaine sobriété. Le développement débridé de la « tech » qui a lieu actuellement ne vise aucun progrès humain, seulement la valorisation du capital investi dans ce secteur. Le principe de précaution et le souci de la préservation de la biosphère devraient toujours s’appliquer.

 

Quant au capitalisme « vert », il s’agit d’une contradiction dans les termes. Même si l’économie capitaliste arrivait à se « décarbonner » – ce qu’elle ne peut réussir que partiellement – elle ne sera pas soutenable pour autant. Le projet illusoire d’un capitalisme vert, à base de remplacement des énergies fossiles par du renouvelable et de solutions high tech, n’aurait rien de vert. Le fait même que des analystes bourgeois présentent la transition énergétique comme une « opportunité » (de nouveaux profits) plutôt que comme une contrainte suffirait pour comprendre que l’écologie n’a rien à voir là-dedans.

 

Cette situation exprime toute la contradiction entre les discours lénifiants des autorités qui prétendent enfin agir pour le climat, et la réalité des faits. Et cette contradiction est insoluble tant que nous restons enfermés dans le carcan du capitalisme. Système qui a pour condition la poursuite sans fin d’accumulation du capital, sans pouvoir prendre en compte les limites objectives que la finitude des ressources naturelles et les équilibres environnementaux imposent à cette croissance.

 

Les Verts, de par leur « plan climat » qui, malgré sa radicalité apparente, parle de « relance » de l’économie (capitaliste), de nouvelles opportunités (de profit) grâce à la transition écologique – cette relance fût-elle peinte en vert –, montrent qu’en fait ils adhérent à l’impossible « capitalisme vert ». Ils sont de ce fait incapables de tenir leurs promesses de changements. Le même scepticisme est de mise pour tous les plans de « Green New Deal ». Il en va de même du « Plan Marshall vert » du PSS. Il suffit de voir les références historiques des partis réformistes pour comprendre leur positionnement réel (pro-capitaliste).

 

Il n’est pas possible, par définition, de continuer à accumuler sans continuer à gaspiller de façon croissante les ressources naturelles, et sans produire autant de déchets. Pour mettre fin à la hausse continue des émissions de gaz à effet de serre et de production de déchets, il est indispensable de briser la dynamique d’accumulation, et donc de rompre avec le capitalisme, pas de tenter de le verdir.

La question écologique ne se limite pas au climat


 

Le réchauffement climatique n’est pas le seul problème écologique urgent. Se concentrer uniquement sur les émissions de gaz à effet de serre amène même parfois à une étrange casuistique, où on présente comme « vertes » des technologies qui en fait ne le sont pas. Il y a aussi le problème de la pollution, les océans qui étouffent sous la masse de déchets plastiques, la limitation des ressources en métaux, mis à part le fer et l’aluminium (respectivement 5% et 8% de la lithosphère),…

 

Une étude publiée dans la prestigieuse revue scientifique Nature nous apprend qu’en 2020, pour la première fois dans l’histoire, le poids des objets produits par les humains – bâtiments, infrastructures, produits manufacturés – dépasse celui de la biomasse (la nature vivante) ; 1'100 milliards de tonnes, contre un milliard environ. Au début du XXème siècle, le poids des produits humains ne représentait que l’équivalent de 3% de la biomasse seulement. Mais la masse des artefacts a explosé depuis 1945, du fait de l’accumulation accélérée du capital, et poursuit aujourd’hui une croissance exponentielle. Si celle-ci devait se poursuivre au rythme actuel – et c’est malheureusement la voie que nous sommes bien partis pour emprunter – le poids des produits de main humaine triplera d’ici 2040, pour atteindre 3'000 milliards de tonnes. Quant à la biomasse, elle a déjà décru de moitié depuis le néolithique. Et son massacre se poursuit inexorablement avec la déforestation et le bétonnage à outrance. Autant dire que nous allons droit à la catastrophe.

 

Une approche globale et un changement radical de système sont nécessaires pour traiter tous ces problèmes – pas seulement une « décarbonation » de l’économie. Le marxisme est la seule méthode à même de penser et d’accomplir un tel changement. La voie de la révolution plutôt que de la réforme lente de l’ordre existant n’est plus aujourd’hui un enjeu de discussion doctrinale, mais une urgence vitale.

OUI aux écoles et aux infrastructures publiques à Bernex




L’unique objet cantonal mis en votation le 13 juin 2021 consiste en une loi modifiant les limites de zones à Bernex sur le périmètre dit de la « Goutte de Saint-Mathieu ». Ce terrain de 4,5 hectares, actuellement consacré à l’agriculture et enclavé entre une route et une autoroute, serait dévolu à la construction d’un cycle d’orientation, d’une capacité de 900 élèves, d’un bâtiment regroupant les centres de formation professionnelle santé et social pour 1'800 étudiants, d’autre équipements publics socio-culturels et d’un P+R de 200 place. Une zone bois et forêts serait préservée. Un référendum a été lancé par de riverains. Le seul parti qui le soutient est l’UDC.

 

Le Parti du Travail est en principe opposé à tout déclassement en zone agricole, et conscient du fait qu’on ne peut densifier n’importe où ni n’importe comment. La masse de artefacts d’origine humaine est d’ores et déjà dangereusement surdimensionnée sur la Terre. Aussi, il importe de faire preuve d’une indispensable sobriété en matière de construction d’infrastructures.

 

Il n’en reste pas moins que les équipements publics prévus à Bernex sont indispensables. 2'000 nouveaux logements seront construits prochainement. Si les équipements publics ne suivent pas, ce serait extrêmement problématique. Les nouveaux bâtiments scolaires sont tout aussi nécessaires. Le DIP en manque déjà dramatiquement. Il serait irresponsable de bloquer leur construction. Si ce projet-là devait être refusé, en mettre un autre en œuvre prendrait beaucoup trop de temps.

OUI à la loi COVID 19, une loi proportionnée et qui permet les aides indispensables

 


Adoptée par l’Assemblée fédérale pour donner une base légale aux différentes mesures d’aide prises par le Conseil fédéral dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19, la loi Covid-19 est contestée par un référendum lancé par les milieux complotistes.

 

Première chose à dire : cette loi n’instaure aucunement une « dictature sanitaire », ni ne donne de pouvoirs illimités au Conseil fédéral. Il s’agit d’une loi proportionnée, qui limite strictement les compétences qu’elle attribue au Conseil fédéral. Qui plus est, une loi limitée dans le temps : la plupart de ses articles expirent au 31 décembre 2021 ; seules certaines dispositions relatives au chômage partiel resteraient en vigueur jusqu’en 2022. Contrairement à ce que certains croient, la loi Covid-19 n’a aucun rapport avec les restrictions sanitaires (semi-confinement, port du masque…). Celles-ci ont été mise en œuvre sur la base de la loi sur les épidémies. Rejeter la loi Covid-19 n’aurait donc aucun effet en la matière.

 

L’objet principal de la loi Covid-19, ce sont les diverses aides versées par la Confédération pour pallier aux conséquences économiques et sociales de la pandémie. Si la loi Covid-19 venait à être refusée, elle deviendrait caduque le 25 septembre. Le lendemain, toutes les aides aux personnes et aux entreprises prendraient brutalement fin. Les chambres fédérales pourraient certes réintroduire certaines de ces aides d’ici là dans des lois ordinaires. Mais, s’agissant d’un parlement à majorité de droite, et après un refus en votation populaire d’une loi portant sur les aides en question, il ne faut pas trop rêver. Réponse des milieux complotistes : « y’a qu’à lever toutes les restrictions sanitaires, et les aides cesseront d’être nécessaire ». Sans commentaire..

 

Le Parti du Travail se dissocie strictement des théories complotistes au sujet du Covid. Nous n’accordons pas une confiance aveugle au Conseil fédéral, qui n’a pas toujours fait tout juste. Reste que les restrictions sanitaires étaient indispensables. Les discours complotistes sur les vaccins, les masques, etc. sont irrationnels, en dehors de la réalité. Le Brésil de Bolsonaro et les USA de Trump ne montrent que trop bien qu’elles en seraient les conséquences pratiques. Cette fausse pensée critique est perméable à une récupération politique par l’extrême-droite. Le seul parti qui soutient le référendum est d’ailleurs l’UDC.

« Eau propre » : NON à une initiative mal conçue


 

L’initiative populaire « Pour une eau potable propre et une alimentation saine – Pas de subventions pour l’utilisation de pesticides et l’utilisation d’antibiotiques à titre prophylactique » part incontestablement d’une bonne intention et vise à apporter une solution à un problème réel.

 

Toutefois, si le Parti du Travail partage les objectifs des initiants, il ne peut soutenir leur texte. Rédigé par des militants urbains visiblement peu au fait des réalités de l’agriculture, et qui n’ont pris la peine de consulter aucune organisation paysanne avant de lancer leur initiative, celui-ci cible exclusivement les paysans pour un problème dont ils ne sont aucunement les seuls responsables, et ne prévoit que des mesures exclusivement punitives envers eux.

 

La pollution des eaux est un problème réel en Suisse. L’usage excessif de substances phytosanitaires et l’élevage intensif en sont des causes majeures. L’usage d’antibiotiques à titres préventif dans l’élevage est un grave problème également.

 

Quelle est la solution des initiants ? Réserver les paiements directs aux exploitations qui ne recourent pas aux pesticides, qui n’ont pas recours aux antibiotiques à titre prophylactique et dont le bétail est nourri exclusivement avec des aliments produits sur leur exploitation. 

 

Cette solution est excessive et serait insoutenable pour les paysans, surtout pour les petites exploitations.

 

Parler simplement de « pesticides », sans préciser « de synthèse », ni rien, reviendrait de facto d’interdire tout produit phytosanitaire, y compris ceux d’origine naturelle utilisés dans l’agriculture biologique.

 

Imposer de ne nourrir le bétail qu’avec des aliments produits dans l’exploitation – sans possibilité d’acheter du fourrage même en Suisse – revient de facto à rendre impossible pour des petites exploitations de continuer à avoir des animaux. Conscient de ce caractère excessif de leur texte, les initiants ont essayé de s’en sortir avec des pirouettes…comme proposer de l’appliquer « souplement », ou de permettre quand même d’acheter du fourrage en Suisse. Ce qui reviendrait à demander de ne pas appliquer leur initiative – qui ne laisse aucune marge de manœuvre en l’espèce – le cas échéant. Ou bien qu’ils ne comprennent pas eux-mêmes leur propre texte, ce qui n’est guère un gage de sérieux.

 

Surtout, ces conditions restrictives ne concernent que les paysans suisses qui travaillent dans le système des payements directs. L’initiative est muette sur les produits d’importation. Les conséquences pratiques seraient des faillites accrues de petites exploitations en Suisse, et une hausse des importations de denrées agricoles, produites dans des conditions écologiquement pires que l’agriculture conventionnelle dans notre pays. Les eaux seraient certes plus propres en Suisse, mais serait-ce vraiment un progrès ?

 

Le Parti du Travail est favorable à une agriculture paysanne, biologique et locale. Celle-ci ne peut advenir, en lieu et place de l’industrie agroalimentaire capitaliste, sans les paysans, encore moins contre eux. Le syndicat paysan progressiste Uniterre et Bio-Suisse appellent à voter NON. Le Parti du Travail fait de même.

10 mai 2021

Rapport d’activité au Congrès ordinaire du 8 mai 2021 de la section cantonale genevoise du Parti Suisse du Travail



Nouvelle direction élue par le Congrès ordinaire du Parti du Travail du 8 mai 2021. De gauche à droite: Alexander Eniline, président, Salika Wenger, vice-présidente, Massan Missoh, vice-secrétaire cantonale, Malcolm M’Baye, secrétaire cantonal. Plus d'informations sur notre site www.pdtgeneve.ch

 

Chères et chers camarades,

 

Deux ans et demi se sont écoulés depuis le dernier Congrès de notre Parti. Deux années et demie à la fois intenses, productives, compliquées, à un moment historiquement singulier. Nous tenons de fait aujourd’hui notre Congrès dans des circonstances pour le moins particulières. Si bien que nous n’étions pas sûrs de pouvoir le tenir jusqu’à la dernière minute, mais avons néanmoins estimé que nous devions le maintenir, puisqu’il est vrai que la pandémie ne met pas la lutte des classes en mode veille, et que notre Parti doit répondre présent face à ses responsabilités historiques.

 

La pandémie du COVID-19 a paralysé une bonne partie de la planète et a plongé le capitalisme mondialisé dans une crise grave, profonde et multiforme. Cette crise, sanitaire, sociale, économique, écologique et démocratique, confirme une fois de plus que le capitalisme fait obstacle aux solutions rationnelles et socialement justes des problèmes de l’humanité, que ce système a fait son temps, et qu’il est urgent d’en changer.

 

Tout le monde, y compris en Suisse, a pu pleinement se rendre compte de la fragilité et des aberrations de notre système capitaliste mondialisé : hôpitaux durement affaiblis par le néolibéralisme, gestion erratique d’autorités au service avant tout du capital, effets indésirables de la délocalisation de la production de biens essentiels dans des pays où la main-d’œuvre est sous-payée, système social qui laisse énormément de monde abandonné à son triste sort…

 

La crise économique déclenchée par la pandémie a d’ores et déjà amené une inflexion majeure, historique, dans le cours du capitalisme mondialisé. Pour empêcher que l’économie ne plonge dans une nouvelle grande dépression, les décideurs bourgeois renouent avec une forme de keynésianisme. Les États capitalistes développés ont de fait d’ores et déjà mis sur la table – pour faire face aux conséquences sanitaires, économiques et sociales du coronavirus – des sommes considérables, nettement supérieures et à celles engagées lors de la crise financière de 2008 ; 60 milliards de francs pour ce qui est de la Suisse. Les prétendus tabous sensément intangibles de l’idéologie néolibérale ont été balayés par la pression des faits. L’endettement public est redevenu acceptable. Les mécanismes du capitalisme monopoliste d’État font partout leur retour en force.

 

Le discrédit des idées néolibérales, du mythe du marché qui s’autorégule, est incontestablement une bonne chose, et nous offre un avantage conséquent pour la bataille des idées. Il faut rester conscients néanmoins que le rejet du libéralisme et l’appel à l’intervention de l’État de la part de la bourgeoisie n’est pas ipso facto progressiste. Le libéralisme est en effet la doctrine de la bourgeoisie par beau temps. Lorsque la tempête gronde, elle est fatalement obligée d’y renoncer, de se réfugier sous le parapluie protecteur de son État, auquel elle demande un interventionnisme plus ou moins conséquent dans la sphère économique.

 

C’est tellement vrai d’ailleurs que les inégalités de revenus ont en effet encore explosé durant la pandémie. Les discriminations ont été exacerbées et l’extrême pauvreté a massivement augmenté. Tandis que la fortune des milliardaires a atteint un nouveau record en 2020, et que quelques-uns ont même fait des surprofits qui défient l’imagination, les plus pauvres ont subi cette crise de plein fouet, et auront besoin, d’après l’ONG OXFAM, de 10 ans pour retrouver leurs revenus d’avant la crise. Dans les pays pauvres, il s’agit trop souvent d’une frontière entre la vie et la mort.

 

Cette nouvelle explosion des inégalités se vérifie aussi en Suisse. Alors que les grandes banques font des profits records, les ménages gagnant moins de 4'000,- par mois ont perdu en moyenne 20% de leurs revenus. Beaucoup d’entre eux se sont endettés. Alors que les plus aisés n’ont connu que des désagréments mineurs, et ont même pu faire des économies, parfois considérables. La Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) prévoit une hausse de 21% du nombre de personnes qui n’auront plus d’autre choix que de demander l’aide sociale ces deux prochaines années.

 

Les 60 milliards de francs des différentes aides publiques n’ont fait qu’atténuer cette catastrophe sociale. Le système social existant a en effet montré toutes ses lacunes, et les différentes mesures d’aides – RHT, APG, autres mesures d’indemnisations – ne couvrent pas toutes celles et ceux qui en ont besoin, et ne sont pas suffisantes. Le capitalisme conduite nécessairement à la paupérisation d’une majorité de la population. Ses crises accélèrent et aggravent cette tendance.

 

Le contexte de crise a accentué les tendances réactionnaires et autoritaires du capitalisme. Les gouvernements bourgeois ont bien souvent pris la pandémie comme prétexte pour restreindre les possibilités d’exercice des droits démocratiques, pour renforcer l’État policier. C’est une tendance dangereuse, qu’il faut résolument combattre. Le provisoire a trop souvent tendance à devenir permanent. Il n’est que trop symptomatique que la première loi sans lien avec le Covid sur laquelle a planché l’Assemblée fédérale après le premier semi-confinement fut la liberticide et négatrice de l’État de droit loi sur le terrorisme, sur laquelle nous voterons le 13 juin, et qu’il faut bien entendu refuser.

 

Le retour en force du capitalisme monopoliste d’État n’a nullement désamorcé les tendances agressives de l’impérialisme. Pire, il les a renforcées. La puissance impérialiste sur le déclin que sont les États-Unis d’Amérique s’engage de fait dans une stratégie jusqu’au-boutiste de guerre commerciale, de tension diplomatique et de guerre de propagande contre la République populaire de Chine et la Fédération de Russie, qui, dans le pire des scénarios, pourrait dégénérer en guerre tout court. L’impérialisme constitue plus que jamais une grave menace pour la paix mondiale, pour la survie même de l’humanité, une menace qu’il faut résolument combattre.

 

Et, bien que la question ne soit plus en tête de l’ordre du jours politique, la pandémie n’aura en rien fait disparaître l’urgence écologique. Le capitalisme, au nom de l’impératif de l’accumulation du capital et de la soif de profit de la petite oligarchie qui règne sur ce monde, nous conduit à toute vitesse vers une extinction programmée. Les températures ont d’ores et déjà augmenté de 1°C par rapport à l’ère préindustrielle, et les conséquences en sont visibles, et dévastatrices. Le problème étant que, loin des objectifs proclamés de réduction des émissions de gaz à effet de serre, celles-ci continuent régulièrement à croître, et, au rythme actuel de l’inaction des pouvoirs politiques et de la soif de profit sans fin des entreprises, cela est bien parti pour continuer. Ce qui impliquerait une hausse des températures jusqu’à 3,9°C d’ici la fin du siècle, ouvrant la porte à des boucles de rétroaction incontrôlables, et rendant finalement la planète inhabitable, ou peu s’en faut.

 

Et le réchauffement climatique n’est pas le seul problème écologiquement urgent. Se concentrer uniquement sur les émissions de gaz à effet de serre amène même parfois, dans une approche de greenwashing, à une étrange casuistique, où on présente comme « vertes » des technologies qui en fait ne le sont pas. Il y a aussi le problème de la pollution, la limitation des ressources en métaux…Une approche globale et un changement radical de système sont nécessaires. Le marxisme est la seule méthode à même de penser et d’accomplir un tel changement. La voie de la révolution plutôt que de la réforme lente de l’ordre existant n’est plus aujourd’hui un enjeu de discussion doctrinale, mais une urgence vitale.

 

La crise économique rend cette urgence d’autant plus grande. Pour « sortir de la crise », nombre de pays capitalistes envisagent de renoncer au peu de progrès qui ont été faits, pour relancer massivement les filières fossiles, l’aviation, les croisières…De fait, si la bourgeoisie parvient à relancer l’accumulation du capital, ce serait au prix d’une hausse massive des émissions de gaz à effet de serre. Une sortie de la crise sous le capitalisme signifierait rendrait la catastrophe écologique inévitable et irréversible. Une catastrophe qu’il faut absolument empêcher.

 

Comme l’a brillamment dit Evo Morales, ancien président de Bolivie, en 2007 : « Le monde souffre d’une fièvre provoquée par le changement climatique, et la maladie est le modèle capitaliste de développement ». Heureusement, cette maladie n’est pas incurable. Le socialisme est le remède.

 

S’il est difficile de faire des prévisions sur comment cette crise va évoluer, et qu’il serait hasardeux de faire des plans sur la comète, il est clair pourtant qu’il s’agit d’un moment historique, d’un point de rupture profonde et durable, pas d’une simple parenthèse. Soit les forces de progrès parviendront à imposer une sortie de crise par le haut, en faveur de la justice sociale et climatique, soit la bourgeoisie parviendra à relancer le cycle d’accumulation du capital au détriment des peuples et au prix d’une catastrophe écologique.

 

Notre Parti a une responsabilité historique dans ces circonstances : organiser la lutte pour le socialisme, seule sortie véritable des crises du capitalisme, convaincre les classes populaires de la justesse cette perspective. A nous de nous donner les moyens d’être à la hauteur de cette tâche.

 

Ces moyens, nous les avons. Depuis notre dernier Congrès, le Parti du Travail s’est renforcé. Notre nombre de membres a significativement augmenté, le nombre de membres actifs plus encore. Nos rangs se sont étoffés, ont rajeuni. Ce qui prouve la crédibilité en hausse de notre Parti, l’influence grandissante – fût-ce encore modestement – de nos idées. Les Jeunes POP, qui représentent maintenant une force significative à l’intérieur de notre Parti comme en dehors, ont apporté une contribution importante et appréciable en ce sens. Il nous reste toutefois encore des progrès à faire pour mieux mobiliser tous nos membres, leur permettre de mieux s’impliquer dans la vie du Parti.

 

Au niveau national, notre Parti est également en progression partout où il existe, en termes d’organisation comme de capacité de mobilisation, et, dans plusieurs cantons, cette progression s’est également traduite en termes électoraux, bien que ces succès demeurent modestes. Et le Parti Suisse du Travail compte deux nouvelles sections cantonales dynamiques : Bâle et Valais. Et comptera sans doute bientôt une section en Argovie, et peut-être également à Fribourg d’ici quelques temps.

 

Nous avons fait également des progrès non négligeables en termes d’organisation. Notre Comité directeur a été étoffé, rajeuni, complété par de camarades nouveaux et motivés, et comptait, avant ce Congrès, 20 membres. L’amélioration au niveau du travail accompli, tant en quantité qu’en qualité, ne s’est pas fait attendre. Il reste toutefois encore une marge de progression au niveau du style de travail, dans le respect des principes d’une direction collective.

 

Nous avons également deux commission internes fonctionnelles, qui ont fourni un travail utile et de qualité : une commission consacrée à la crise économique et sociale, qui produit une analyse solide de la crise née du Covid – analyse dont nous discuterons lors d’une Assemblée générale convoquée prochainement, – ainsi qu’un projet d’initiative populaire qui est l’ordre du jour du présent Congrès ; et une commission de communication, qui a fait un travail important pour améliorer la communication de notre Parti : refonte de notre site internet, production d’une plaquette de présentation qui sera bientôt disponible, production de visuels et de vidéos, meilleure utilisation des réseaux sociaux…Il reste bien sûr beaucoup à faire pour perfectionner notre communication, la rendre plus percutante, plus efficace et plus systématique.

 

Notre Parti ne fonctionnerait pas une semaine sans son secrétariat. Il faut remercier ici les camarades – salariés et bénévoles – qui se sont engagés dans le cadre du secrétariat, et ont accompli un travail considérable : gestion de la correspondance entrante et sortante, convocations envoyées aux membres, service social et permanence de remplissage des déclarations d’impôts – à la fois source de rentrées financières indispensable et travail social inestimable en direction des classes populaires, dont les bénéfices politiques sont supérieurs aux rentrées financières générées – contribution majeure aux évènements et aux diverses campagnes du Parti…La liste est loin d’être exhaustive. Nous sommes toutefois contraints de procéder, pour améliorer le fonctionnement de nos structures, à une restructuration de notre secrétariat ; tâche qui, conformément à nos statuts, revient au Comité directeur qui sera élu aujourd’hui.

 

Au-delà des paramètres liés à notre organisation interne, le contexte politique plus général est également devenu plus favorable à notre lutte politique, à la diffusion de nos idées. La crise aura fait bouger les lignes du débat public, changé les rapports de force. Les forces de progrès ont ainsi remporté pratiquement toutes les votations depuis plus d’une année – du moins sur le plan cantonal – et ont obtenu des victoires considérables par cette voie : introduction d’un salaire minimum, initiative « zéro pertes », fonds d’indemnisation pour les travailleurs précaires…Des succès qu’il aurait été irréaliste d’espérer il y a encore quelques années. Et ces victoires sont autant de défaites pour les forces de la bourgeoisie. Bourgeoisie dont les partis politiques sont d’ailleurs actuellement en difficulté, et en douloureuse recomposition, à la suite de la dernière élection complémentaire au Conseil d’État.

 

Durant la période écoulée depuis le dernier Congrès, notre Parti a su utiliser les forces dont il dispose et le contexte devenu plus favorable pour faire avancer sa lutte politique. Nous avons déployé une activité multiforme et importante : prises de position pour les votations populaires, engagement dans des campagnes de votations et des comités unitaires sur les objets importants à nos yeux ; organisation d’événements publics – activité politiquement importante, et à laquelle nous avons su donner plus d’ampleur, et attirer plus de public extérieur ; organisation de journées de formation ; édition d’un journal mensuel (ou à peu près), l’Encre Rouge ; organisation de la Fête des peuples sans frontières – qui n’a hélas pas pu être possible l’année passée, et qu’il serait difficile d’organiser cette année ; participation au 1er mai et à différentes manifestations.

 

Une dimension de notre activité sur laquelle je tiens à insister particulièrement est la solidarité internationale. Parce que nous sommes un parti internationaliste. L’internationalisme prolétarien fait partie de nos principes fondamentaux. Face à la bourgeoisie, à son capitalisme mondialisé et à son impérialisme, les classes populaires et les peuples opprimés de par le monde doivent ou bien lutter ensemble, ou bien échouer ensemble. Aussi, ne séparons-nous pas la lutte des classes en Suisse des luttes qui ont lieu ailleurs. Notre Parti a été fidèle à son devoir internationaliste, en soutenant la République de Cuba, la République bolivarienne du Venezuela, le processus du changement en Bolivie, et beaucoup d’autres peuples en lutte. Ce en mettant à disposition nos locaux et en participant à des événements de solidarité internationale.

 

Notre Parti s’est engagé depuis le début dans l’organisation de la Grève pour l’avenir, mouvement important de lutte face à l’inaction des gouvernements bourgeois et au capitalisme qui nous conduit à la catastrophe. Je le mentionne ici puisqu’il s’agit d’une lutte d’importance stratégique. Nous en discuterons plus en profondeur tout à l’heure.

 

Et c’est à notre initiative que les partis de gauche et les syndicats se sont réunis pour proposer une réponse politique à la crise du Covid, qui a conduit à une paupérisation massive, pendant que quelques-uns se sont encore enrichi au-delà de toute mesure ; pour imposer une redistribution des richesses – alors que les inégalités ont massivement augmenté à Genève cette dernière décennie, et que moins de 1% des contribuables possède la moitié de la fortune totale ; pour répondre enfin au problème du déficit structurel de l’État, en imposant un retour sur les innombrables cadeaux fiscaux aux plus riches, plutôt que de laisser la droite imposer de nouvelles coupes dans les prestations. La proposition soumise par notre Parti à nos partenaires, et qui fut soutenue par eux – même s’il y a eu désaccord et ajustement sur les modalités exactes – est celle du lancement d’une initiative populaire cantonale commune pour relever la taxation de 0,5% sur la part de la fortune dépassant 3 millions. Une proposition qui reste très modérée comme vous pouvez le constater, mais qui permettrait tout de même de faire rentrer plus de 400 millions dans les caisses du canton et des communes par années. L’initiative est en cours de vérification au niveau juridique actuellement, et devrait pouvoir être lancée bientôt.

 

Cette activité que nous avons déployée aurait bien entendu pu être plus importante sans les restrictions sanitaires.

 

En revanche, vous le savez, nous avons perdu tous nos élus municipaux en Ville de Genève et à Confignon, et n’avons, en guise de participation parlementaire, qu’un seul siège : celui de notre députée au Grand Conseil, Salika Wenger. Les raisons de cet état de fait, vous les connaissez : la coalition qu’est Ensemble à Gauche s’est décomposée par suite des manigances de certains de nos anciens « alliés », qui, pour des raisons qui n’ont rien d’honorable, nous ont posé des conditions inacceptables, à la suite de quoi nous n’avions pas eu d’autre choix que de nous présenter seuls aux élections, bien que ce n’eût pas été initialement notre intention. Je ne reviendrai pas sur ces péripéties, aussi compliquées qu’au fond peu intéressantes, insignifiantes au regard de l’Histoire et de la lutte des classes.

 

Cela dit, si la loi électorale genevoise et le quorum extrêmement élevé de 7% nous a empêché de maintenir des sièges dans les délibératifs communaux, il ne s’agit en réalité que d’un demi-échec. Nos résultats aux élections municipales en 2020, et à l’élection complémentaire au Conseil d’État le 7 mars passé, sont somme toute loin d’être mauvais. La campagne électorale a été dans les deux cas bonne – même s’il reste encore évidemment beaucoup de choses à améliorer – nous a permis de faire entendre des positions claires et combatives, de retrouver de la visibilité et de la crédibilité. Le fait de nous présenter seuls aux élections, sous notre propre nom, a été en ce sens bénéfique. Désormais, il est clair pour tout le monde que le Parti du Travail existe, ses positions sont connues, et plus personne ne peut contester ce fait, où nous considérer comme quantité négligeable.

 

Malgré cela, il serait sans doute hors de notre portée d’atteindre le quorum avec nos seules forces pour le moment, et une alliance électorale se révèlera sans doute indispensable. Il serait aventureux d’y renoncer par principe. Cela dit, avec Ensemble à Gauche, nous avons atteint à l’évidence les limites d’un exercice. Sera-t-il possible de repartir avec tout ou partie de nos anciens « alliés » sur de nouvelles bases ? Une recomposition a actuellement lieu entre solidaritéS et une scission conduite par certains ex-dirigeants de cette organisation, une recomposition qui n’est pas encore terminée ; il serait donc opportun d’attendre que les choses finissent par se clarifier totalement. Nous n’avons pas encore eu non plus de réelles discussions avec nos partenaires potentiels, et de ce fait ne pouvons pas nous prononcer sur les possibilités de collaboration future avec eux. Il est enfin encore trop tôt pour les élections cantonales de 2023, et il ne faudrait pas que de nouveau les affaires d’Ensemble à Gauche polluent outre mesure notre fonctionnement, et nous empêchent de mettre nos forces dans nos tâches politiques directes. Les nouvelles instances que le présent Congrès élira devront examiner soigneusement les données de question, envisager les différentes options possibles, et soumettre à une Assemblée générale de notre Parti qui sera convoquée alors le choix de notre politique d’alliance future.

 

Mais, avant que de songer aux élections et alliances pour franchir le quorum – ce qui est certes une question importante, mais loin d’être l’enjeu principal – il nous faut auparavant songer au renforcement de notre Parti, à nos tâches stratégiques directes. La vocation principale du Parti du Travail n’est après tout pas de placer des représentants issus de ses rangs dans les assemblées parlementaires, mais de conduire politiquement une lutte de classe pour changer radicalement la société, d’amener à une rupture avec le capitalisme et à la construction d’une nouvelle société socialiste. Ce but peut sembler encore lointain, mais nous devons tout faire pour y tendre. Quelles doivent être nos priorités stratégiques ? Certaines vous sont soumises aujourd’hui, et nous aurons l’occasion d’en débattre tout à l’heure. D’autres ont été repoussées pour raccourcir le Congrès d’aujourd’hui, et vous seront soumises à l’occasion d’une ou de plusieurs Assemblées générales, qui seront convoquées dans les plus brefs délais. J’insisterai pour finir sur trois aspects, pour ainsi dire « transversaux » à toutes ses priorités stratégiques.

 

Pour que notre Parti soit à la hauteur de ses responsabilités historiques, nous devons renforcer et améliorer son organisation. L’élévation du nombre de nos membres doit nous permettre – sitôt que le semi-confinement sera levé – de rebâtir des sections locales dans plusieurs communes, premier échelon de notre organisation, véritables racines du Parti sur le terrain, dans les lieux de vie ; ce qui nous permettra de mieux et plus efficacement mobiliser tous nos membres, de leur permettre d’être plus impliqués dans la vie du Parti ; d’accroître notre présence sur le terrain ; d’augmenter l’intensité et la qualité de notre travail politique.

 

Nous devons également améliorer notre appareil, constituer, autour du Comité directeur et en collaboration avec lui, d’autres commissions spécialisées que les deux précitées, ce qui déchargerait la direction de notre Parti d’un trop grand nombre de tâches qu’elle doit assumer actuellement, et lui permettrait de se concentrer sur des questions prioritaires qu’elle pourrait alors traiter plus en profondeur.

 

Dans le feu des différentes luttes qui nous attendent, nous ne devons en aucun cas négliger notre travail d’élaboration théorique. Nous ne pouvons ni déchoir à un simple praticisme, à un culte étroit du « concret », ni nous contenter des acquis théoriques du passé. Comme l’écrivait Constantin Tchernenko, dernier secrétaire général du PCUS à avoir porté avec honneur son titre :

 

« L’expérience et la lutte révolutionnaire, l’expérience de l’édification socialiste et communiste nous enseignent qu’il faut intervenir résolument contre le dogmatisme, la sclérose de la pensée, contre l’application irréfléchie de clichés tout prêts et de stéréotypes. Le marxisme, soulignait Lénine, n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action. Le léninisme n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action, disent les disciples de Lénine. Être fidèle à Lénine, c’est s’imprégner de l’esprit créateur dont était empreinte l’activité théorique et pratique de notre parti. Être fidèle à Lénine, c’est lutter résolument contre les tentatives de défigurer notre doctrine révolutionnaire, qu’elles soient de droite ou de « gauche ».

 

« Le courant de la vie est rapide. De nouveaux problèmes viennent remplacer ceux d’aujourd’hui. Et ce qui était juste hier peut être erroné demain. D’où la nécessité de remarquer, de saisir les nouveaux phénomènes et processus, de les analyser et de les synthétiser, de fournir de nouveaux points de repères théoriques à la pratique. »

 

C’est ce que notre Parti s’efforce de faire : penser des enjeux nouveaux, inédits, ou présentant en tout cas des aspects différents de ceux du passé ; comme l’actuelle crise économique et sociale, qui n’est pas une simple répétition de celles du passé ; ou l’urgence écologique, pour laquelle notre tradition offre certes des éléments pour la penser, mais qui est sans commune mesure avec les enjeux écologiques auxquels ont dû faire face nos prédécesseurs. Nous devons être capables à la fois de penser les tendances nouvelles, et contribuer ainsi au développement du socialisme scientifique, en tout cas à notre échelle, et rester fermement ce faisant sur le terrain éprouvé du marxisme, sans céder à l’éclectisme, à toutes les nouvelles idées à la mode, qui seront oubliées demain.

 

Troisièmement, nous devons maintenir et renforcer le travail de formation politique offerte à nos membres, plus particulièrement ceux qui occupent des postes à responsabilité au sein de notre Parti. Comme le disait Maurice Thorez :

 

« Nous devons faire beaucoup plus pour faciliter l’étude de la théorie à tous les militants du Parti, surtout à ceux qui occupent des fonctions responsables, et qui peuvent se laisser absorber et déborder par leurs tâches quotidiennes, jusqu’à perdre la perspective et sombrer dans un étroit praticisme »

 

Chères et chers camarades,

 

Cette année marque les 150 de la Commune de Paris, cette première révolution prolétarienne dans l’histoire, lorsque la classe ouvrière parisienne est « montée à l’assaut du ciel », détenu le pouvoir pendant 72 jours et donné une première préfiguration d’une société nouvelle. Notre Parti avait organisé – à défaut d’un événement public digne de ce nom – un live Facebook. Or, 150 ans plus tard, la Commune demeure toujours une référence, une source d’inspiration. Comme l’écrivait Lénine :

 

« L’œuvre de la Commune n’est pas morte ; elle vit jusqu’à présent en chacun de nous. La cause de la Commune est celle de la révolution sociale, celle de l’émancipation politique et économique totale des travailleurs, celle du prolétariat mondial. En ce sens, elle est immortelle »

 

La voie sur laquelle les communards avaient accompli les premiers pas reste celle que nous sommes déterminés à suivre. Les échecs et les faiblesses mêmes de la Commune ont permis d’affiner la théorie marxiste de l’État et de la révolution, et ont eu leur importance dans la définition de la nature et des tâches du parti de type nouveau, le parti communiste. C’est un héritage qui reste aujourd’hui le nôtre, et auquel nous devons rester fidèles.

 

Lénine disait à la veille de la Grande Révolution Socialiste d’Octobre à propos du Parti bolchévique, calomnié alors par presse bourgeoise et la « gauche » conciliatrice : « Nous avons foi en lui, il est l’intelligence, l’honneur et la conscience de notre époque ». Toutes proportions gardées, nous devons nous efforcer d’être à la hauteur de ces exigences, pour que notre Parti puisse remplir son rôle historique : le renversement du capitalisme et la construction d’une nouvelle société socialiste.

 

Alexander Eniline

 

Président sortant