Chères et
chers camarades,
Ambroise
Croisat, ministre communiste à l’origine de la sécurité sociale en France,
disait « ne parlez pas d’acquis sociaux mais de conquis sociaux, parce que
le patronat ne désarme jamais ». Nous pouvons pleinement mesurer
aujourd’hui à quel point il avait raison. Nous sommes aujourd’hui ici pour
défendre le renforcement des droits et du respect des salarié-e-s. C’est ce que
dit notre ruban rouge. Ce combat est plus nécessaire et urgent que jamais car
aujourd’hui nous devons faire face à une offensive d’une ampleur et d’une
brutalité inédite du patronat et des partis politiques à sa solde contre les
droits et les intérêts les plus fondamentaux des travailleurs. Le respect pour
celles et ceux qui produisent toute richesse est moins que jamais à l’ordre du
jour pour une bourgeoisie arrogante et
revancharde.
Voilà
cinq ans déjà que le capitalisme est entré dans une crise systémique qui n’a
fait que s’approfondir depuis. Les Etats bourgeois, qui ont renfloué les
banques en difficulté avec des milliards d’argent public – des sommes bien plus
importantes que les mêmes gouvernements n’ont jamais eu la volonté politique de
rassembler pour mettre fin aux famines dans le monde – veulent faire maintenant
payer leur crise aux peuples. Nous devons faire face aujourd’hui à une offensive brutale des maîtres du capital et
de leurs Etats contre les travailleurs afin de sauvegarder et accroître encore
leurs profits indécents : baisses des salaires, démantèlement des droits
des travailleurs et des acquis sociaux obtenus de haute lutte par le mouvement
ouvrier au cours du XXème siècle, politiques d’austérité et
destruction des services publics et des industries nationales… Ces politiques
antipopulaires sont menées indifféremment par les partis au pouvoir, qu’ils
soient ouvertement de droite, ou bien membres de l’Internationale socialiste.
Le Peuple
grec est pratiquement réduit à la famine par des politiques d’austérité
imposées par la structure profondément antidémocratique et réactionnaire qu’est
l’Union européenne, et avec la collaboration active de tous les partis
bourgeois grecs. Les peuples portugais, espagnol, italien…subissent les mêmes
politiques d’austérité voulues par l’Union européenne. En France, c’est un
gouvernement officiellement socialiste qui mène une politique de coupes
budgétaires et démantèle le code du travail, pour le plus grand plaisir du
MEDEF. Les droits les plus élémentaires des travailleurs sont violés chaque
jour. A titre d’exemple, nous devons rappeler et dénoncer le scandaleux
licenciement de 22 grévistes à l’Hôpital de la Providence à Neuchâtel ;
licenciés pour simplement avoir exercé leur droit à faire grève pour défendre
leur convention collective de travail, droit que pourtant la Constitution
fédérale garantit.
Face à
ces violations et à ces politiques, nous pouvons et nous devons lutter pour le
renforcement de droits et le respect des travailleurs. Le 1er juin,
nous descendrons de nouveau toutes et tous dans la rue pour dénoncer les abus
patronaux et exiger plus de protection et plus de droits pour les salarié-e-s.
Nous lutterons pour faire passer l’initiative 1:12 de la Jeunesse socialiste et
l’initiative de l’USS pour un salaire minimum à 4'000 francs ; car
aujourd’hui plus de 400'000 travailleurs (qui sont surtout des travailleuses)
gagnent moins que ce modeste montant et qu’il est tout bonnement inacceptable
qu’en Suisse au XXIème siècle un travailleur ne puisse pas vivre
dignement de son travail ; et pour l’initiative de la CGAS sur le
renforcement du contrôle des entreprises, mesure nécessaire pour limiter un peu
le dumping salarial, quoi que raconte l’Entente sur un mythique et inexistant
partenariat social. Nous devrons nous battre aussi pour faire échouer le 9 juin
prochain les dites mesures urgentes sur l’asile, qui ne présentent aucune
urgence, ne répondent à aucun véritable problème, mais seulement à la démagogie
fascisante d’une certaine droite qui fait de la xénophobie son fond de
commerce, et menace gravement la substance même du droit d’asile, les droits
humains les plus élémentaires des réfugiés, et par-dessus le marché remet en
cause les principes les plus fondamentaux de l’Etat de droit. Je vous signale
également l’initiative du Parti du Travail contre les expulsions d’appartement
sans relogement, que je vous invite toutes et tous à signer.
Toutes ces luttes
sont importantes et nécessaires et nous devons les mener. Toutefois, notre
combat ne peut se réduire à exiger des réformes ou des augmentations des
salaires dans le cadre du régime actuel. On ne peut non plus y réduire la
portée du 1er mai. Car la crise actuelle est née des contradictions
fondamentales du système capitaliste, dont elle signale infailliblement qu’il a
atteint ses limites historiques. Elle ne peut être résolue en restant dans un
paradigme capitaliste qu’au prix de guerres, de dictatures fascistes et de
souffrances pour les peuples. La seule sortie progressiste, favorable aux
travailleurs, de la crise passe par un nécessaire changement de régime, par la
construction d’une société nouvelle, socialiste.
Il y a cent ans de cela, Rosa Luxemburg
écrivait à l’occasion du 1er mai 1913 : « L'idée
brillante, à la base du Premier mai, est celle d'un mouvement autonome,
immédiat des masses prolétariennes, une action politique de masse de millions
de travailleurs qui autrement auraient été atomisées par les barrières des
affaires parlementaires quotidiennes, qui n'auraient pour l'essentiel pu
exprimer leur volonté que par le bulletin de vote, l'élection de leurs
représentants. »
« La
proposition excellente du français Lavigne au Congrès de Paris de
l'Internationale ajoutait à cette manifestation parlementaire, indirecte de la
volonté du prolétariat, une manifestation internationale directe de masse : la
grève comme une manifestation et un moyen de lutte pour la journée de 8 heures,
la paix mondiale et le socialisme. »
Cent ans après,
ces lignes sont actuelles comme jamais, et il importait de les citer afin de
rappeler ce qu’est le 1er mai, pas la fête du travail, ni celle du
muguet, ni une simple tradition, mais une journée de rassemblement et de lutte
de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs pour leurs droits et
leurs aspirations légitimes, contre l’oppression capitaliste, et pour une
société nouvelle, socialiste.
Dans quelques instants, nous chanterons l’Internationale.
Pour que cela ait un sens, et ne soit pas qu’un rituel creux, nous devons nous
souvenir de la portée révolutionnaire du 1er mai. Je finirai donc en
citant les paroles qu’avait prononcée au nom du Parti du Travail Liliane Johner
il y a dix ans, le 1er mai 2003 : « Malheureusement nombreux sont encore ceux qui
pensent que des accommodements avec le capitalisme sont possibles sans
bouleverser le système, en imposant simplement un certain nombre de réformes
progressistes. Mais nous devons nous diriger vers une véritable transformation
de cette société grâce à une réelle opposition, autonome dans son action,
indispensable pour non seulement promouvoir la résistance au néolibéralisme mais
aussi pour conduire une transformation sociale radicale. »
Alexander Eniline