22 février 2019

Quand l’anticommunisme cinématographique touche le fond



Ce ne serait normalement pas au Parti du Travail de défendre l’honneur de Léon Trotski, qui n’a jamais fait partie de nos auteurs de référence, et dont la tradition qu’il a fondée ne saurait être la nôtre. Il n’empêche, nous ne pouvons rester silencieux face à une opération de calomnie grossière contre un homme qui fut, malgré tout, un révolutionnaire important ; ce d’autant plus que c’est la Révolution d’Octobre qui est en fait visée.

En matière de propagande anticommuniste cinématographique, on pensait bien être déjà habitué au pire. C’était sans compter la Première chaîne de la télévision russe, qui a voulu rendre une sorte d’ « hommage » à la Révolution d’Octobre, et a produit une série sur Trotski. Depuis, Netflix a racheté les droits de le série, si bien que nos lecteurs sont susceptibles de l’avoir vue ou de la voir. Il est de notre devoir de dire qu’il s’agit d’un déchet cinématographique sans nom.

En guise d’échantillon particulièrement représentatif, donnons un résumé d’une des premières scènes de la série. On est on début de la Guerre civile. Assemblée de soldats de l’Armée rouge, qui vient de reculer après une défaite cuisante face aux gardes blancs. Etat d’esprit défaitiste des troupes. Tout à coup, un train militaire s’arrête. Des gardes armés en sortent, et forment deux rangées, au garde à  vous. Alors, Trotski, vêtu d’un costume de cuir noir étincelant, flambant neuf, sort du train, et s’avance, avec un air froid et impérieux, entre les deux rangées de ses hommes, tel l’Empereur Palpatine qui descend de sa navette sur la seconde Etoile de la mort dans l’épisode VI. Il prononce alors un discours hypocritement démagogique pour galvaniser les troupes, puis fait rétablir la discipline en procédant à une décimation. Tout l’esprit de la série y est résumé : anachronismes, falsification éhontée de l’histoire, et sources d’inspiration totalement étrangères à la Révolution d’Octobre.

Le téléspectateur n’apprendra rien du tout  sur la révolution russe à travers cette série. Il risque bien plutôt de s’en faire une idée aberrante, tant il y est fait en permanence violence à l’histoire. Ne parlons même pas des innombrables et flagrantes erreurs factuelles qui émaillent pour ainsi dire pratiquement chaque scène. Plus grave, c’est tout le sujet de la série – la geste révolutionnaire d’Octobre – qui se trouve profondément falsifiée. Les auteurs de la série ne cachent pas leur hostilité à la Révolution. C’est leur droit. Le problème étant qu’ils s’emploient à calomnier quelque chose dont ils ne comprennent rien. Les grandes figures de la Révolution sont déformées, rendues méconnaissables, dégradés au niveau de médiocrité qui est à la portée des misérables cerveaux des propagandistes de Poutine. Lénine apparaît comme un intrigant sans scrupules, que rien ne semble préoccuper en dehors de ses machinations assez minables. Trotski comme un mégalomane égocentrique, entièrement mu par une soif de pouvoir pathologique. Staline comme un gangster de bas étage.

Mais, surtout, c’est toute l’intelligence des événements historiques qui manque totalement aux auteurs de la série. Les grands acteurs de la Révolution – la classe ouvrière, les soviets, le parti bolchevik – n’y existent que de nom. La Révolution aussi n’y est qu’un mot. Tout ce qu’ils ont pu s’en représenter c’est un schéma ultra-primitif : l’action décisive de quelques personnalités fortes, qui manipulent les masses et intriguent les uns contre les autres, et, face à eux, une foule, passive, abrutie, et généralement ivre. Des leaders qui imposent d’ailleurs leur autorité avec des méthodes qui sont celles de la mafia. Rien des controverses politiques réelles ne transparaît dans les scènes de réunions du Parti ou des soviets. Les discours prononcés sont d’une stupidité et d’une platitude sans nom. Et, cerise sur le gâteau, le mouvement révolutionnaire russe, serait téléguidé par les services secrets allemands, financé par leur argent, dans le but de détruire la Russie.

Si la série est à sa façon informative, c’est sur la Russie poutinienne, les ressorts de sa propagande télévisuelle (dont le téléspectateur non-russophone peut voir là un échantillon très représentatif), la manipulation du passé au service des objectifs présents du pouvoir, ainsi que la confusion des esprits et la dégradation morale nées de la restauration du capitalisme dans le pays qui naguère fut le premier Etat socialiste au monde.


Sinon, c’est tout au plus un médiocre divertissement à base de passion, de violence et de sexe, sur toile de fond pseudo-historique. Nous pouvons conseiller au lecteur intéressé des séries de bien meilleure qualité sur Netflix.

Du socialisme et / ou du marché en Chine



La République populaire de Chine est-elle aujourd’hui un pays capitaliste (si oui, depuis quand ?) ou un pays socialiste ? Ou bien quelque chose entre les deux ? La Chine a depuis des années déjà une économie de marché. Le développement des rapports de production capitalistes n’y est pas allé sans le rétablissement de l’exploitation de la force de travail, parfois dans les pires formes. Les dirigeants chinois défendent également avec une certaine constance le libre-échange au plan mondial. Mais il est vrai aussi que la Chine est dirigée par un parti communiste, et qui définit le mode de production en vigueur comme une « économie de marché à orientation socialiste ». De fait, la Chine s’est rapidement développée, plutôt que de vivre un effondrement économique comme tous les pays anciennement socialistes où le capitalisme fut restauré, et cela n’y fut possible que dans la mesure où le marché n’y est pas « libre », mais dirigé par le gouvernement chinois, selon des objectifs politiques de développement. Il faut insister aussi sur le fait que l’Etat chinois met en place depuis des années une protection sociale progressivement universalisée, ainsi que des services publics, tout ce que les néolibéraux s’emploient à liquider dans les pays capitalistes.

Le socialisme officiel, l’idéologie du PCC – dont la base reste le marxisme-léninisme – ne seraient-ils que des paravents, un décorum vide de sens, une langue de bois qui n’exprime rien, conservée par immobilisme ? C’est ce que la plupart des publications bourgeoises qui parlent de la Chine considèrent généralement comme un fait acquis, qu’il n’est nul besoin de démontrer. Il faudrait expliquer alors pourquoi les dirigeants du PCC semblent prendre très au sérieux leur socialisme et l’idéologie qui le fonde. Depuis l’accession au pouvoir de Xi Jinping, la Chine fait également l’objet d’attaques d’inspiration anticommunistes dans les médias occidentaux, qui sont difficilement explicables dans l’hypothèse où il s’agit simplement d’un pays capitaliste comme un autre.

Ce sont des questions que s’est posé Jean-Claude Delaunay (né en 1938, professeur honoraire des universités, vice-président de la World Association for Political Economy). Pour tenter d’y répondre, il a publié un livre – Les trajectoires chinoises de modernisation et de développement. De l’empire agro-militaire à l’Etat-Nation et au socialisme – aux éditions Delga, en 2018.

Jean-Claude Delaunay pense que la Chine reste aujourd’hui un pays socialiste, que, s’il y a des entreprises capitalistes, il n’y a pas de mode de production capitaliste, puisque le marché n’y est pas laissé à lui-même, mais ce que les dirigeants chinois appellent le « stade primaire du socialisme » (ce qui serait leur découverte théorique majeur), soit une économie de marché dirigée politiquement dans le but du développement économique d’un pays il y a peu extrêmement pauvre. Ce dirigisme politique suffit-il pour qu’il y ait socialisme ? On peut en douter. Du reste, Jean-Claude Delaunay est obligé d’admettre qu’il y d’évidentes ressemblances entre le socialisme de marché chinois et le capitalisme monopoliste d’Etat d’après 1945.

D’après Jean-Claude Delaunay, si le PCC décida de réintroduire la propriété privée des moyens de productions sous le mandat de Jiang Zemin, c’est parce que les tentatives de réformes de marché tout en gardant la propriété publique des entreprises sous Deng Xiaoping n’ont pas eu les résultats escomptés, et ont créé des effets indésirables. On peut aussi en tirer d’autres conclusions : le socialisme est un mode de production qui a ses propres lois, et on ne peut pas l’ « améliorer » en y injectant des rapports de marché, qui lui sont étrangers.

Mais, que l’on partage les conclusions de l’auteur ou pas, on apprendra énormément en lisant son livre – qui représente un travail d’analyse extrêmement sérieux et complet – sur différents aspects (économie, agriculture, démographie, services publics, etc.) du développement de la Chine depuis Deng Xiaoping, ainsi que sur l’histoire de la mise en place des politiques de « réforme et d’ouverture », et sur leur interprétation théorique par les dirigeants du PCC.

Un livre plus que recommandé pour mieux comprendre cet immense pays.

Alexander Eniline


N.B. : les éditions Delga ne sont pas diffusées en Suisse, ni ne travaillent avec Amazon, mais il est possible de commander dans une librairie

De l’aveuglement libéral

Pendant que beaucoup de jeunes déterminés et lucides manifestent pour que l’on prenne enfin conscience de l’urgence du problème climatique, d’autres écrivent, se croyant « pragmatiques » et intelligents, des choses d’une stupidité confondante. Nous voulons parler en l’occurrence de Philippe Nantermod, jeune prodige (paraît-il) et vice-président du PLR, qui a signé dans Le Temps du 12.02.19 une chronique intitulée « Climat : paniquer moins, réfléchir davantage ». Il aurait été plus honnête de l’appeler : « Pas envie de réfléchir, que les autres fassent tout à notre place.

Philippe Nantermod s’énerve en effet, non de l’inaction des politiciens face à la catastrophe imminente, mais face à « l’esprit culpabilisateur et catastrophiste », celui de Greta Thunberg, qu’il qualifie avec élégance de « jeune ferrovipathe », et des solutions radicales que les « extrémistes », surfant sur ce catastrophisme ambiant, voudraient que la Suisse adopte.

Or, lesdits extrémistes auraient doublement tort, d’une part parce que la Suisse en fait déjà bien assez, et d’autre part, parce que les émissions de gaz à effet de serre produits par la Suisse sont infimes en proportion mondiale. Les mesures radicales sont donc insoutenables, et n’auraient de toute manière qu’un impact négligeable si les autres pays du monde n’en font pas autant. Et les solutions moins radicales ne servent de toute façon à rien. Conclusion : que les grands pays se débrouillent pour trouver la solution, inutile d’exiger quoique ce soit du parlement suisse. De toute manière, il en fait déjà bien assez.

C’est consternant de bêtise. On savait l’UDC ouvertement climatosceptique. Le PLR peut l’être tout autant, avec un discours plus subtil, mais les mêmes conséquences en pratique. Ce n’est pas incompréhensible : les libéraux ont toutes les raisons de minimiser la réalité du réchauffement climatique, puisque les solutions qui s’imposent iraient inévitablement à l’encontre de leur idéologie du libre marché, à l’accumulation sans fin du capital, dans le seul but d’enrichir toujours plus une infime minorité. On ne peut s’empêcher en revanche de trouver surprenante leur capacité à fermer les yeux sur des faits, pourtant scientifiquement établis,  de ne pas s’intéresser à une menace extrêmement grave et immédiate, par attachement à quelques privilèges et à un dogme absurde.


Il faut en tout cas constater que Philippe Nantermod et les intérêts qu’il représente font partie du problème, un problème qu’il faut impérativement résoudre si l’on veut que notre civilisation survive. La lutte écologique est de fait une lutte de classe, une lutte qu’il nous faut gagner, et vite, ou se résoudre à être peut-être la dernière génération qui aura connu une civilisation humaine sur notre planète.

Marxisme et réchauffement climatique

Notre Parti ne peut que saluer la mobilisation que représente la grève pour le climat, mobilisation qui aura eu le mérite indéniable d’imposer comme problématique urgente une menace extrêmement grave et beaucoup plus court terme que l’on ne croit trop souvent pour la survie même d’une civilisation humaine sur notre planète. Notre Parti alerte en effet depuis longtemps sur la menace que représente en réalité pour la survie même de l’espèce humaine à une échéance plus courte qu’on ne le croit généralement notre mode de production actuel et les changements climatiques qu’il engendre. Nous sommes d’ailleurs d’autant plus légitimés à nous engager sur la question qu’il ne s’agit pas pour nous d’une prise de conscience de la dernière heure. Contrairement à ce qu’on affirme parfois, les préoccupations écologiques ne sont en rien contraires au marxisme, ni une innovation au sein d’une théorie qui ne les incluait pas à l’origine, mais bien d’un aspect fondamental de la pensée de Marx et d’Engels. De fait, le marxisme offre tous les instruments conceptuels nécessaires pour penser la catastrophe climatique actuelle et les moyens de la conjurer, ce qui ne peut se faire en restant dans un cadre capitaliste.

Tout était déjà dit, au fond, par Friedrich Engels : « Là où des capitalistes individuels produisent et échangent pour le profit immédiat, on ne peut prendre en considération en premier que les résultats les plus proches, les plus immédiats. Pourvu qu’individuellement le fabricant ou le négociant vende la marchandise produite ou achetée avec le petit profit d’usage, il est satisfait et ne se préoccupe pas de ce qu’il advient ensuite de la marchandise et de son acheteur. Il en va de même des effets naturels de ces actions. Les planteurs espagnols à Cuba qui incendièrent les forêts sur les pentes trouvèrent dans la cendre assez d’engrais pour une génération d’arbres à café extrêmement rentables. Que leur importait que, par la suite, les averses tropicales emportent la couche de terre superficielle désormais sans protection, ne laissant derrière elle que les rochers nus ? Vis-à-vis de la nature comme de la société, on ne considère principalement, dans le mode de production actuel, que le résultat le plus proche, le plus tangible ; et ensuite on s’étonne encore que les conséquences lointaines des actions visant à ce résultat immédiat soient tout autres, le plus souvent tout à fait opposées ». (Friedrich Engels, Le rôle du travail dans la transformation du singe en homme, 1876)

Il ne s’agit pas non plus d’une dimension de la pensée des classiques qui aurait été ensuite oubliée par les communistes après la Révolution d’Octobre. Contrairement à la légende noire d’une URSS « productiviste » et aveugle aux dégâts infligés par la civilisation industrielle à l’environnement, la question écologique était en réalité prise au sérieux au pays de Lénine. A titre d’exemple nous citerons un extrait du Rapport présenté par V. Kirilline, vice-président du Conseil des ministres de l’URSS, au Soviet suprême de l’URSS en 1972 :

« L’atmosphère de notre planète est immense. Le poids de l’air atmosphérique est d’environ 5'000 billions de tonnes. On pourrait penser que les centaines de millions de tonnes de pollutions qui se sont répandues chaque année dans l’atmosphère et représentent moins de 0,0001% du poids de l’air atmosphérique, sont comme une goutte d’eau dans la mer. Or, c’est loi d’être le cas. Premièrement, avec le temps la quantité de substances polluant l’atmosphère s’accumule, deuxièmement les substances polluantes sont inégalement réparties et, en certaines endroits, leur concentration dépasse, dès maintenant, la limite admissible, et, troisièmement, des concentrations même faibles de certaines substances sont dangereuses. Les observations montrent que la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère ne cesse de croître. De l’avis de certains savants, cela peut aboutir, par suite de ce que l’on appelle « l’effet de serre », à une élévation de la température de notre planète qui entraînerait la fonte des glaciers et d’autres conséquences indésirables ».

Il ne s’agit pas que de mots. V. Kirilline préconisait des mesures effectives pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’URSS ne fut certes pas toujours exemplaire en la matière, mais n’oublions pas qu’à cette époque cette problématique n’intéressait pratiquement personne parmi les décideurs bourgeois dans les pays capitalistes. Un lecteur critique pensera sans doute à la tragédie de la mer d’Aral. Celle-ci toutefois était due à l’aventurisme de Khrouchtchev, à sa volonté de dépasser les USA, ce qui conduisait, inévitablement, à prendre le capitalisme américain pour référence, et reproduire certains de ses pires défauts. Ce fut une des raisons d’ailleurs pourquoi le praesidium du CC du PCUS se résolut à le déchoir de ses fonctions dirigeantes. Le débat sur ces questions était réel en URSS. Des écrivains, notamment, ont pris position pour la protection de l’environnement.


Quoiqu’il en soit, les efforts, certes insuffisants, du socialisme pour bâtir une civilisation durable, contraste avec l’incapacité du capitalisme à faire quoique ce soit qui pourrait entraver l’accumulation du capital, même aujourd’hui, alors que la catastrophe est imminente. Rappelons d’ailleurs que Cuba est aujourd’hui le seul pays au monde qui a atteint les objectifs onusiens de développement durable. Plus que jamais, le combat pour une société socialiste est à la fois juste et urgent.

Il faut savoir choisir son camp



Il nous semble que la position exprimée par notre Parti dans son communiqué de presse reproduit à la page précédente constitue la seule position internationaliste conséquente au sujet de ce qui se passe au Venezuela. Mais il se fait que tout le monde ne partage pas cet avis. Nous ne parlerons pas ici de cette gauche réformiste qui, n’ayant pas  de pensée propre bien définie, se laisse influencer par la position pro-impérialiste diffusée majoritairement par les médias dominants, et adopte de fait une position social-impérialiste, superficiellement teintée d’un humanisme vide. Les héritiers spirituels de Friedrich Ebert et de Guy Mollet ne nous intéressent pas ici.

Ce dont nous voulons parler c’est de cette partie de la gauche, qui se veut radicale, qui partage plus ou moins, ou du moins déclare partager, les mêmes principes révolutionnaires et internationalistes que les nôtres, et qui, pourtant, a une position notablement différente de la nôtre au sujet de la menace impérialiste directe qui plane sur le Venezuela. Plutôt un éventail de positions qui va d’une condamnation du bout des lèvres du coup d’Etat de Guaido, avec un soutien ultra-critique, ou pas de pas du tout, au gouvernement de Nicolas Maduro ; en passant par une relativisation de la réalité même du coup d’Etat (pourtant flagrante), et de l’ « oubli » de la guerre économique que mènent les USA contre le Venezuela ; jusqu’au renvoi dos à dos de Maduro et de Guaido, au nom d’une position gauchiste et maximaliste, d’un appel à une « vraie révolution ». Ces différentes positions sont exprimées par certaines organisations en Suisse, ou par certains de leurs membres. Les intéressés se reconnaîtront, ou pourront aisément être reconnus.

Nous nous intéresserons en fait surtout à la dernière position, la plus cohérente dans sa radicalité (les positions intermédiaires étant souvent des compromis tactiques), et en particulier à un argument en sa faveur. Les maximalistes susmentionnés affirment en effet que notre position n’est en fait pas la position internationaliste conséquente, mais quelque chose d’autre. Il ont même inventé un mot pour qualifier les tenants de la position qui correspond à la nôtre : « campiste ». D’après eux, notre position ne serait pas une position de principe anti-impérialiste, mais simplement le choix, arbitraire, d’un camp face à un autre, sur la base de critères non-essentiels, nous rendant aveugles  aux défauts réels du camp que nous soutenons, et oublieux, pour soutenir à tout prix le camp que nous aurions choisi, des principes fondamentaux qui devraient primer sur le soutien à un camp particulier, et à ses choix contingents et contestables.

Or, cet argument est spécieux. Il semble pour lui avoir le mérite d’une position de principe sans compromis. Il ne permet en réalité que de garder les mains propres, d’éviter de se mouiller, ce qui ne peut convenir en aucun cas en politique. Certes, il est parfaitement exact qu’entre deux camps rivaux, il ne faut pas toujours choisir ou l’un ou l’autre. Lors d’une guerre impérialiste, on n’a pas à choisir pour un impérialisme plutôt que pour un autre, précisément parce que les deux camps sont qualitativement équivalents. Mais, précisément, pour le cas qui nous concerne, les deux camps ne se valent pas : comment peut-on renvoyer dos-à-dos le président légitime Nicolas Maduro, et la marionnette de Washington Juan Guaido, qui est là pour légitimer une intervention militaire sanglante contre son propre peuple, suivi d’un bradage à vil prix des biens nationaux aux multinationales impérialistes, et être encore capable de se regarder dans un miroir ? Oserait-on aujourd’hui justifier des slogans comme « ni Pinochet, ni Allende », ou « ni Hitler, ni le Front populaire » ?

Sans doute que le gouvernement vénézuélien actuel est critiquable. On ne peut néanmoins se permettre d’oublier trois données fondamentales : 1) le Venezuela actuel est un pays démocratique et Nicolas Maduro en est le président légitimement élu, alors que Guaido n’est qu’une marionette de Trump, 2) malgré tout, le gouvernement de Nicolas Maduro a poursuivi comme il a pu la Révolution bolivarienne, qui a permis un meilleur partage des richesses, et incarne toujours un formidable espoir pour tous les peuples du monde, 3) les difficultés économiques que traverse actuellement le Venezuela sont principalement issues d’une véritable guerre économique, orchestrée par les USA et leurs alliés. Aujourd’hui, Trump veut noyer la Révolution bolivarienne dans le sang.


Dans ces circonstances, il faut clairement choisir son camp, et sans aucune espèce d’hésitation. Les équations du type « tout ou rien » se résolvent en pratique toujours par « rien », et le refus de soutenir une révolution réellement existante avec ses limites au nom d’une « vraie » révolution équivaut en pratique à un soutien objectif à la réaction. Le maximalisme est objectivement le choix de la défaite. Etant donné le rapport de forces inégales entre un pays de taille moyenne et le plus puissant Empire que le monde ait connu, quiconque ne soutient pas clairement la Révolution bolivarienne et le président Maduro se range objectivement dans le camp de Trump. Les gauchistes qui se veulent ultra-révolutionnaires et maximalistes doivent en être conscient.