Le
Conseil d’Etat de la République et canton de Genève a donc décidé d’invalider
l’initiative populaire 171, lancée par Ensemble à Gauche et intitulée "La BCGE doit rembourser les 3,2 milliards prêtés par l'Etat!".
Rappelons à nos lecteurs qui ne s’en rappellent plus, ou qui n’ont pas vécu
cette époque qu’en 2000 la Banque cantonale de Genève (BCGE) avait frôlé la
faillite suite aux agissements aventureux, et certainement frauduleux, de ses
dirigeants de l’époque. Pour sauver cette banque, majoritairement publique, le
Grand Conseil avait voté à la hâte un plan de sauvetage avec de l’argent
public. Un fond de valorisation mis en place par l’Etat devait racheter à
hauteur de 5 milliards de francs les actifs pourris de la BCGE. Avec la revente
desdits actifs, 2’7 milliards ont pu être récupérés. Le reste – qui équivaut
aujourd’hui à 3,2 milliards si on compte l’inflation et les intérêts – a été
perdu pour l’Etat, augmentant d’autant son endettement, et servant de
justification à des coupes dans les prestations. La BCGE par contre a redressé
la barre, et se porte très bien aujourd’hui. Il serait normal qu’elle rembourse
ce que l’Etat lui avait avancé, avec l’argent du contribuable. Mais la question
du remboursement n’a pas été réglée, ni dans la loi votée à l’époque par le
Grand Conseil, ni durant les années qui ont suivi. C’est pour régler enfin ce
problème qu’Ensemble à Gauche avait lancé l’initiative 171, initiative que le
Conseil d’Etat a décidé d’invalider.
A
l’appui de sa décision, à peine maquillée d’une mince couche de blabla
juridique, il donne une raison véritable hallucinante : " Le
Conseil d’Etat est parvenu à la conclusion que la plupart des dispositions
proposées violaient la garantie de la liberté de vote au sens de l’article 34
de la constitution fédérale et le principe de la clarté qui en découle. En
effet, l’initiative aurait eu pour conséquence l’inscription d’une dette de 3,2
milliards de francs au bilan de la BCGE, ce qui aurait pour conséquence
d’entraîner un surendettement de la BCGE et différentes mesures à prendre par
l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) afin de
l’assainir. Or, l’électeur ou l’électrice ne peut se rendre compte de la portée
de l’initiative au moment d’exprimer son vote, alors même que l’acceptation de
cette dernière aboutirait à un résultat totalement opposé au but exprimé."
C’est plus que contestable.
L’initative prévoyait un remboursement étalé sur trente à quarante ans, remboursement après distribution d’un dividende et
plafonné à 50% du bénéfice ; pour éviter justement à la BCGE les
désagrements que craint le Conseil d’Etat.
Mais même si
le Conseil d’Etat pense avoir raison, que n’essaye-t-il de convaincre le peuple
durant la campagne de votation ? Au lieu de cela, il préfère déclarer que
les électeurs ne pourraient se rendre compte des enjeux de leur vote, en bon
français, qu’ils sont trop stupides pour comprendre. Il s’agit en vrai d’une
grave et inadmissible attaque contre la démocratie. Le Conseil d’Etat se croit
ainsi en droit d’empêcher le peuple de voter si le peuple risque de
« mal » voter, c’est-à-dire pas comme le préconise le Conseil d’Etat.
Mais est-ce le peuple qui est souverain, ou bien est-ce le Conseil
d’Etat ? On dirait l’attitude typiquement antidémocratique des eurocrates,
qui annulent des votes populaires, exigent d’en annuler, ou refusent d’en
organiser, parce que le peuple n’aurait « pas compris » et donc
« mal voté », parce que ce serait « trop compliqué » pour
lui.
Ensemble à
Gauche fera recours bien sûr contre cette invalidation. Mais, qu’il soit par
ailleurs favorable ou non à l’initiative 171, aucun démocrate sincère ne
devrait laisser passer cette inadmissible décision du Conseil d’Etat, car c’est
la démocratie elle-même qui est mise en cause.
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