22 février 2019

Quand le Conseil d’Etat déclare que les citoyens sont trop stupides pour voter…

Le Conseil d’Etat de la République et canton de Genève a donc décidé d’invalider l’initiative populaire 171, lancée par Ensemble à Gauche et intitulée "La BCGE doit rembourser les 3,2 milliards prêtés par l'Etat!". Rappelons à nos lecteurs qui ne s’en rappellent plus, ou qui n’ont pas vécu cette époque qu’en 2000 la Banque cantonale de Genève (BCGE) avait frôlé la faillite suite aux agissements aventureux, et certainement frauduleux, de ses dirigeants de l’époque. Pour sauver cette banque, majoritairement publique, le Grand Conseil avait voté à la hâte un plan de sauvetage avec de l’argent public. Un fond de valorisation mis en place par l’Etat devait racheter à hauteur de 5 milliards de francs les actifs pourris de la BCGE. Avec la revente desdits actifs, 2’7 milliards ont pu être récupérés. Le reste – qui équivaut aujourd’hui à 3,2 milliards si on compte l’inflation et les intérêts – a été perdu pour l’Etat, augmentant d’autant son endettement, et servant de justification à des coupes dans les prestations. La BCGE par contre a redressé la barre, et se porte très bien aujourd’hui. Il serait normal qu’elle rembourse ce que l’Etat lui avait avancé, avec l’argent du contribuable. Mais la question du remboursement n’a pas été réglée, ni dans la loi votée à l’époque par le Grand Conseil, ni durant les années qui ont suivi. C’est pour régler enfin ce problème qu’Ensemble à Gauche avait lancé l’initiative 171, initiative que le Conseil d’Etat a décidé d’invalider.

A l’appui de sa décision, à peine maquillée d’une mince couche de blabla juridique, il donne une raison véritable hallucinante : " Le Conseil d’Etat est parvenu à la conclusion que la plupart des dispositions proposées violaient la garantie de la liberté de vote au sens de l’article 34 de la constitution fédérale et le principe de la clarté qui en découle. En effet, l’initiative aurait eu pour conséquence l’inscription d’une dette de 3,2 milliards de francs au bilan de la BCGE, ce qui aurait pour conséquence d’entraîner un surendettement de la BCGE et différentes mesures à prendre par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) afin de l’assainir. Or, l’électeur ou l’électrice ne peut se rendre compte de la portée de l’initiative au moment d’exprimer son vote, alors même que l’acceptation de cette dernière aboutirait à un résultat totalement opposé au but exprimé."

C’est plus que contestable. L’initative prévoyait un remboursement étalé sur trente à quarante ans, remboursement après distribution d’un dividende et plafonné à 50% du bénéfice ; pour éviter justement à la BCGE les désagrements que craint le Conseil d’Etat.

Mais même si le Conseil d’Etat pense avoir raison, que n’essaye-t-il de convaincre le peuple durant la campagne de votation ? Au lieu de cela, il préfère déclarer que les électeurs ne pourraient se rendre compte des enjeux de leur vote, en bon français, qu’ils sont trop stupides pour comprendre. Il s’agit en vrai d’une grave et inadmissible attaque contre la démocratie. Le Conseil d’Etat se croit ainsi en droit d’empêcher le peuple de voter si le peuple risque de « mal » voter, c’est-à-dire pas comme le préconise le Conseil d’Etat. Mais est-ce le peuple qui est souverain, ou bien est-ce le Conseil d’Etat ? On dirait l’attitude typiquement antidémocratique des eurocrates, qui annulent des votes populaires, exigent d’en annuler, ou refusent d’en organiser, parce que le peuple n’aurait « pas compris » et donc « mal voté », parce que ce serait « trop compliqué » pour lui.


Ensemble à Gauche fera recours bien sûr contre cette invalidation. Mais, qu’il soit par ailleurs favorable ou non à l’initiative 171, aucun démocrate sincère ne devrait laisser passer cette inadmissible décision du Conseil d’Etat, car c’est la démocratie elle-même qui est mise en cause.

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