Ce
ne serait normalement pas au Parti du Travail de défendre l’honneur de Léon
Trotski, qui n’a jamais fait partie de nos auteurs de référence, et dont la
tradition qu’il a fondée ne saurait être la nôtre. Il n’empêche, nous ne
pouvons rester silencieux face à une opération de calomnie grossière contre un
homme qui fut, malgré tout, un révolutionnaire important ; ce d’autant
plus que c’est la Révolution d’Octobre qui est en fait visée.
En
matière de propagande anticommuniste cinématographique, on pensait bien être
déjà habitué au pire. C’était sans compter la Première chaîne de la télévision
russe, qui a voulu rendre une sorte d’ « hommage » à la
Révolution d’Octobre, et a produit une série sur Trotski. Depuis, Netflix a
racheté les droits de le série, si bien que nos lecteurs sont susceptibles de
l’avoir vue ou de la voir. Il est de notre devoir de dire qu’il s’agit d’un
déchet cinématographique sans nom.
En
guise d’échantillon particulièrement représentatif, donnons un résumé d’une des
premières scènes de la série. On est on début de la Guerre civile. Assemblée de
soldats de l’Armée rouge, qui vient de reculer après une défaite cuisante face
aux gardes blancs. Etat d’esprit défaitiste des troupes. Tout à coup, un train
militaire s’arrête. Des gardes armés en sortent, et forment deux rangées, au
garde à vous. Alors, Trotski, vêtu d’un
costume de cuir noir étincelant, flambant neuf, sort du train, et s’avance,
avec un air froid et impérieux, entre les deux rangées de ses hommes, tel
l’Empereur Palpatine qui descend de sa navette sur la seconde Etoile de la mort
dans l’épisode VI. Il prononce alors un discours hypocritement démagogique pour
galvaniser les troupes, puis fait rétablir la discipline en procédant à une
décimation. Tout l’esprit de la série y est résumé : anachronismes,
falsification éhontée de l’histoire, et sources d’inspiration totalement
étrangères à la Révolution d’Octobre.
Le
téléspectateur n’apprendra rien du tout
sur la révolution russe à travers cette série. Il risque bien plutôt de
s’en faire une idée aberrante, tant il y est fait en permanence violence à
l’histoire. Ne parlons même pas des innombrables et flagrantes erreurs
factuelles qui émaillent pour ainsi dire pratiquement chaque scène. Plus grave,
c’est tout le sujet de la série – la geste révolutionnaire d’Octobre – qui se
trouve profondément falsifiée. Les auteurs de la série ne cachent pas leur
hostilité à la Révolution. C’est leur droit. Le problème étant qu’ils
s’emploient à calomnier quelque chose dont ils ne comprennent rien. Les grandes
figures de la Révolution sont déformées, rendues méconnaissables, dégradés au
niveau de médiocrité qui est à la portée des misérables cerveaux des
propagandistes de Poutine. Lénine apparaît comme un intrigant sans scrupules,
que rien ne semble préoccuper en dehors de ses machinations assez minables.
Trotski comme un mégalomane égocentrique, entièrement mu par une soif de
pouvoir pathologique. Staline comme un gangster de bas étage.
Mais,
surtout, c’est toute l’intelligence des événements historiques qui manque
totalement aux auteurs de la série. Les grands acteurs de la Révolution – la
classe ouvrière, les soviets, le parti bolchevik – n’y existent que de nom. La
Révolution aussi n’y est qu’un mot. Tout ce qu’ils ont pu s’en représenter
c’est un schéma ultra-primitif : l’action décisive de quelques
personnalités fortes, qui manipulent les masses et intriguent les uns contre
les autres, et, face à eux, une foule, passive, abrutie, et généralement ivre.
Des leaders qui imposent d’ailleurs leur autorité avec des méthodes qui sont
celles de la mafia. Rien des controverses politiques réelles ne transparaît
dans les scènes de réunions du Parti ou des soviets. Les discours prononcés sont
d’une stupidité et d’une platitude sans nom. Et, cerise sur le gâteau, le
mouvement révolutionnaire russe, serait téléguidé par les services secrets
allemands, financé par leur argent, dans le but de détruire la Russie.
Si
la série est à sa façon informative, c’est sur la Russie poutinienne, les
ressorts de sa propagande télévisuelle (dont le téléspectateur non-russophone
peut voir là un échantillon très représentatif), la manipulation du passé au
service des objectifs présents du pouvoir, ainsi que la confusion des esprits
et la dégradation morale nées de la restauration du capitalisme dans le pays
qui naguère fut le premier Etat socialiste au monde.
Sinon,
c’est tout au plus un médiocre divertissement à base de passion, de violence et
de sexe, sur toile de fond pseudo-historique. Nous pouvons conseiller au
lecteur intéressé des séries de bien meilleure qualité sur Netflix.
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