Le Temps d'aujourd'hui fait écho du doute apparemment manifesté par une partie du mouvement syndical au sujet de l'initiative 1:12 de la jeunesse socialiste, doute motivé par la crainte de mettre en danger le partenariat social. Il faut que la bourgeoisie et sa presse soient bien paniqués par l'initiative 1:12, qui, n'en déplaise à Levrat et aux sondages a encore des chances de passer, pour ainsi faire appel à une frange, ultra-minoritaire faut-il le rappeler, et à un futur ex-conseiller d'Etat, Charles Beer, qui n'a aucun scrupule à trahir son propre camp. Les plumitifs bourgeois font d'ailleurs appel au même sophisme contre l'initiative pour un salaire minimum.
Cette sollicitude de l'oligarchie et de ses porte-paroles pour les syndicats est vraiment touchante. Mais qui pourrait sérieusement y croire? Que valent ces plaidoyers intéressés et hypocrites du patronat en faveur du partenariat social, quand c'est le même patronat qui jour après jour s'emploie à casser le partenariat social, en dénonçant les conventions collectives qui ne sont pas à son goût , en privilégiant l'épreuve de force face aux syndicats, en faisant appel au dumping salarial et à la sous-traitance? Et n'oublions pas qu'en Suisse seuls 50% des travailleurs bénéficient d'une convention collective de travail. Que signifie le partenariat social pour les 50% restants? Mais c'est comme toujours, la bourgeoisie ne fait appel au soi-disant partenariat social, dont elle n'a cure le reste du temps, que lorsque ses privilèges exorbitants sont menacés. Dans le langage des démagogues au service de la classe dirigeante, partenariat social signifie collaboration de classe, signifie que les syndicats doivent renoncer à la lutte, capituler face au patronat. Les discours hypocrites sur les partenariat social menacé des plumitifs de la bourgeoisie et de Beer ne doivent tromper personne, et surtout pas les militants syndicaux. Il ne s'agit que d'une argutie misérable pour amener les syndicats à renoncer à leur mission fondamentale de lutte de classe, et à se priver de l'instrument indispensable de lutte qu'est l'initiative populaire.
Comme le disait déjà Henri Lacordaire, "entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit." Qu'est-ce que l'initiative 1:12? Pas "l'initiative de la jalousie" comme le déclarent des politiciens bourgeois dans leur morgue de privilégiés, Non, mais une exigence de justice. Aujourd'hui en Suisse nous assistons à un creusement abyssal des inégalités. D'après une enquête de Caritas, 1 millions de personnes en Suisse vivent sous le seuil de pauvreté. Plus de 400'000 travailleurs, en majorité de travailleuses, gagnent moins que le minimum vital de leur travail. D'après la Tribune de Genève (pas vraiment un journal de gauche) 26% de la population suisse peine à boucler ses fins de mois. Et pendant ce temps, une poignée de tops managers s'offre des rémunérations insolentes, prélevées sur les richesses que produisent les travailleurs, qui eux n'en profitent pas. Leurs rémunérations scandaleuses sont-elles au moins justifiées par leur compétences censées être extraordinaires? le bilan de M. Ospel à la tête de l'UBS prouve amplement le contraire. Par les risques qu'ils prennent ? Quels risques? Rappelons qu'il s'agit de salariés qui restent en poste quelques années et qui n'ont cure de ce qui arrivera après leur départ. Les simples travailleurs qui risquent de se faire licencier sans ménagement prennent bien plus de risques que ces messieurs. Face à cet accaparement au-delà de toute mesure des richesses que les travailleurs produisent par une petite minorité de capitalistes et de managers, face à cette injustice flagrante, le peuple se lève et exige une répartition plus juste des richesses. Il l'a déjà montré en acceptant à une large majorité l'initiative Minder, malgré la propagande délirante de la droite et du patronat contre elle, et malgré qu'elle ne soit qu'une solution toute relative et au fond très libéral à ce grave problème.
Alors la classe dirigeante, menacée de devoir réduire un tout petit peu ses insolents privilèges, panique. Elle mène une campagne délirante contre l'initiative 1:12, faisant flèches de tout bois, menaçant comme à son habitude le pays de tous les maux si jamais l'initiative était acceptée, essayant de diviser le mouvement syndical. Mais qui pourrait encore prendre au sérieux le discours catastrophiste de la droite? Elle nous le ressert à chaque votation, à chaque fois que l'un ou l'autre de ses privilèges est menacé. C'en est presqu'un réflexe pavlovien. Nous y avons eu droit dans son intégralité pour l'initiative Minder. Et aucune catastrophe ne s'est produite. Même le conseiller fédéral Schneider Amman, pourtant opposé à l'initiative, a l'honnêteté de dire que si elle est acceptée rien de grave ne menace l'économie suisse. D'ailleurs, l'argumentation des opposants est bien contradictoire. En effet, ils disent que si l'initiative est acceptée et, on suppose, appliquée, toutes les sept plaies d'Egypte frapperont inéluctablement la Suisse. Et ils disent aussi que l'initiative serait inapplicable car très facile à contourner. Mais s'ils savent qu'ils vont pouvoir la contourner sans problèmes, que la craignent-ils autant? Et s'ils la craignent car ils savent qu'elle sera applicable, que disent-ils le contraire?
Le 24 novembre prochain, parce que rien n'est encore joué, et parce que la justice doit triompher sur toutes les arguties des sophistes de la bourgeoisie, ce sera un OUI résolu à l'initiative 1:12!