03 mai 2019

Des cadeaux fiscaux aux actionnaires, des services publics sinistrés et des baisses de prestations pour les autres : 2X NON à la RFFA !



Le 12 février 2017, le peuple suisse rejetait, par 60% des voix, la troisième réforme de l’imposition des bénéfices des entreprises (RIE 3). Le Parti socialiste suisse (PSS) avait combattu alors ce projet, pas tant pour des questions de principes que par mesure de représailles envers une droite qui n’a pas voulu négocier avec lui sur cet objet. N’ayant cure de la volonté populaire clairement exprimée, mais voulant se donner quand même une chance de victoire en votation, la majorité de droite aux chambres fédérales a préféré cette fois-ci faire un compromis pourri avec le PSS et de revenir avec une copie conforme de la RIE 3, en y joignant une « compensation sociale » quant au financement de l’AVS (niveau paquet ficelé, on atteint là le sommet de l’artificialité). C’est donc la RFFA : la Réforme de la fiscalité et du financement de l’AVS. A Genève, le Grand Conseil a adopté une adaptation cantonale de la RFFA, dans le cadre de la loi sur l’imposition des personnes morales (LIPM). Les deux objets sont soumis au peuple lors de la votation de ce 19 mai 2019. Il faut résolument voter 2X NON !

En quoi consiste exactement la RFFA ?

Pourquoi cette réforme ? Le fait est que la Suisse est depuis des dizaines d’années un paradis fiscal, qui propose à des multinationales étrangères des « statuts spéciaux », leur permettant ainsi de payer de beaucoup moins d’impôts que les entreprises suisses, dont le statut est « normal ». L’Union européenne n’est plus disposée à tolérer cette concurrence déloyale. La « solution » trouvée par la majorité de droite des chambres fédérales, et qui a désormais l’appui du PSS, c’est certes de supprimer les statuts spéciaux – et donc de mettre les sociétés à statut à un régime fiscal « normal » – mais aussi de baisser le taux d’imposition des entreprises, ainsi que d’offrir des possibilités de déductions fiscales supplémentaires (intérêts notionnels, patent box, etc.), de façon à ce que les sociétés anciennement à statut ne paient pas plus qu’avant, ou à peine plus, et que les entreprises suisses « normales » voient leur taux d’imposition baisser d’autant. Le système fiscal étant variable selon les cantons, des lois cantonales pour son application sont requises. D’après le Conseil fédéral, la RFFA ferait perdre aux collectivités publiques 2,1 milliards de francs par année. Ce serait plutôt entre 4 et 5 milliards d’après une étude réalisée à l’Université de Lausanne. En l’occurrence, il est plus raisonnable de tabler sur une estimation haute. Le Conseil fédéral n’est guère digne de confiance. N’oublions pas en effet qu’il avait menti, de façon flagrante, lors de la votation sur la RIE 2, annonçant des pertes fiscales dix fois inférieures à celles qui eurent lieu. Le peuple vota OUI à une très faible majorité. Le Tribunal fédéral reconnut le mensonge, mais refusa nonobstant d’annuler le résultat…

La loi d’application genevoise de la RFFA, qui correspond presque intégralement au projet initial élaboré par la conseillère d’Etat PLR Nathalie Fontanet, prévoit une réduction du taux d’imposition sur le bénéfice des entreprises, qui passerait de 24,2% à 13,99%. Les pertes fiscales pour le canton et les communes s’élèveraient à 186 millions de francs la première année, mais atteindraient plus de 420 millions la cinquième année, une fois que la réforme sera rentrée pleinement en vigueur. Le groupe parlementaire socialiste avait participé à ce navrant « compromis », avant d’être finalement désavoué par la base, et non sans que certains députés n’aient défendu la RFFA jusqu’au bout.

En guise de « contrepartie sociale, au niveau fédéral ce serait un financement supplémentaire pour l’AVS, sous forme de hausse des prélèvements sur les salaires, de la TVA, et de la contribution fédérale, sensées pérenniser celle-ci. Bref, une « compensation » que nous payerions nous-mêmes, qui n’implique aucune amélioration des rentes pour les retraités actuels ou futurs, et qui ne changera rien aux velléités de la droite d’augmenter l’âge de départ à la retraite – elle-même est claire sur ce point, n’en déplaise aux promesses hypocrites du PSS. Pour ce qui est des contreparties sociales au niveau cantonal, il s’agirait du contre-projet à l’initiative pour des primes plafonnées à 10% du revenu, que le Grand Conseil aurait eu des raisons de faire de toute façon, et qui n’est même pas lié juridiquement à la RFFA ! En outre, avec quoi le financerait-on, tenant compte des pertes fiscales que la RFFA ne manquera pas d’induire ?

Avec des conséquences sociales dramatiques

Ces 4 à 5 milliards de pertes fiscales par an au niveau suisse, et 450 millions pour notre canton, ne sont pas que des chiffres. Les conséquences seraient douloureusement concrètes pour la population, et tout spécialement pour les classes populaires. Car moins de rentrées fiscales, c’est nécessairement des coupes dans les dépenses, ou une hausse d’impôts sur les personnes physiques, ou éventuellement une hausse de la dette, qui serait de toute manière suivie peu de temps après par des coupes budgétaires massives pour réduire l’endettement de l’Etat. Les communes genevoises perdraient ainsi entre 10% et jusqu’à 25% de leurs revenus ( !). Solution : augmenter le centime additionnel (ce qui n’est pas très populaire), ou bien couper dans des dépenses indispensables à la population.

La majorité de droite au niveau cantonal ne fait guère mystère de ses intentions : pour compenser les pertes de rentrées fiscales dues à la RFFA, ce sont les dépenses de l’Etat qu’il faudra réduire. Il n’est pas compliqué de deviner quelles dépenses vont passer à la trappe. Ce seront inévitablement les prestations sociales qui seront rognées une fois de plus, péjorant d’autant le sort des gens qui sont déjà les plus précaires, ce pendant que les gros actionnaires pourront s’offrir des dépenses de luxe supplémentaire (comme s’ils n’en avaient pas déjà assez !) grâce à RFFA. Ce seront aussi les services publics les plus indispensables (HUG, TPG, crèches) qui feront l’objet de réductions de financement et de suppressions de postes. Ce seront les subventions à la culture, au sport, etc. qui feront l’objet de coupes. Et ce seront les taxes et les émoluments perçus par l’Etat qui augmenteront d’autant, pour compenser les pertes de revenus. Ce sera encore à nous de payer pour les cadeaux fiscaux dont profiteront quelques actionnaires.

Une réforme ni équilibrée ni indispensable

Certes, mais il n’y a de toute manière pas d’autre choix que la RFFA, et la refuser aurait des conséquences pires encore, pourraient rétorquer ses partisans. Nous refusons pour notre part cet argument, qui n’est qu’un avatar du « There is no alternative » thatchérien. Il est certes indispensable de supprimer les statuts spéciaux pour les multinationales étrangères – nous y sommes tout à fait favorables – mais cela n’implique nullement d’étendre leurs privilèges à toutes les entreprises en Suisse !

Oui, mais sinon ces entreprises, aujourd’hui au statut, vont partir, que disent les opposants. D’abord, ce n’est pas si certain. La fiscalité n’est qu’un des facteurs, parmi d’autres, qui font l’attractivité de la Suisse pour les entreprises. Il y a en a d’autres : une fiscalité qui, même sans la RFFA, resterait plutôt basse en moyenne internationale, des charges sociales et une TVA basses, une personnel qualifié, un écosystème économique introuvable ailleurs, ainsi qu’une qualité de vie, qui dépend aussi des services publics que la RFFA menace. Certaines de ces entreprises partiraient sans doute, mais d’autres resteraient, et payeraient plus d’impôts qu’aujourd’hui.

Contrairement à ce que les partisans affirment, la RFFA ne profitera pas aux PME, ou à peine. Pour la bonne et simple raison que la plupart des PME suisses peinent à tourner, et de ce fait ne réalisent presque pas de bénéfices. La RFFA ne leur apporterait donc rien. Ses partisans le savent fort bien…et mentent. Les PME seraient en réalité plutôt perdantes, car elles recevraient moins de commandes de collectivités publiques, qui auraient moins de rentrées. Les bénéfices, eux, iraient aux multinationales.

Mais, surtout, principale raison, il faut résolument combattre la RFFA car elle participe d’une logique néolibérale de transfert des richesses du bas vers le haut, dans la poche de quelques privilégiés. Les partisans prétendent que la RFFA va stimuler l’économie et créer des emplois. D’une part, c’est grossièrement faux : l’Etat est aujourd’hui le premier créateur d’emplois en Suisse, et devra fatalement supprimer des postes si la RFFA passe, alors que plusieurs entreprises qui seraient bénéficiaires de la réformes n’en annoncent pas moins déjà des licenciements. D’autre part, cette propagande ressortit au mythe néolibéral du ruissellement, qui prétend que si on baisse les impôts pour les riches et les grandes entreprises, si on laisse les richesses se concentrer entre leurs mains, elles vont ensuite en ruisseler, créant activité économique et emplois, qui bénéficieront à tous. Or cela ne s’est jamais produit nulle part. le seul ruissellement qu’on ait jamais observé, c’est celui, à sens unique, vers les poches des plus riches.


Les inégalités n’ont jamais été aussi abyssales que de nos jours. Actuellement, 8 personnes (oui, seulement 8 !) en possèdent autant que les 50% les moins riches de la population mondiale. En Suisse, la richesse moyenne des 300 personnes les plus riches de notre pays c’est accrue de 340% entre 1989 et 2017. Et, dans le même temps, plus d’un million de personnes vivaient dans la pauvreté en 2016, d’après les chiffres de Caritas. N’est pas assez ? Faut-il aussi que cette poignée de privilégiés insatiables s’approprie aussi la moitié restante de la richesse mondiale ? Il n’est que temps de mettre un frein à cet accaparement scandaleux aux mains de quelques uns, et qui laisse tous les autres livrés à leur triste sort. Le 19 mai, il faut résolument voter 2X NON à la RFFA !

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