16 juillet 2022

Discours au meeting de clôture de la 13ème Fête des peuples sans frontières

 


Chères et chers camarades,

 

La 13ème Fête des peuples sans frontières, fête annuelle de la section genevoise du Parti Suisse du Travail, s’achève bientôt. D’ici quelques minutes, nous chanterons l’Internationale, l’hymne du mouvement ouvrier et communiste international, et ensuite la fête sera terminée. Nous pouvons dire sans conteste que ce fut une belle édition de notre traditionnelle Fête des peuples sans frontières. Rarement nous avions eu autant de stands d’organisations progressistes ! Le programme politique et musical fut varié et de qualité, et le public était au rendez-vous.

 

Ce succès témoigne bien sûr du bon travail accompli par les camarades qui se sont impliqués dans l’organisation de la fête. Je voudrais donc commencer par les remercier, toutes et tous. Mais ce succès est la preuve aussi est surtout de la vitalité des idées que la Fête des peuples représente, de la nécessité de ce qu’elle signifie.

 

Car qu’est-ce que la Fête des peuples sans frontières ? Une fête populaire, bien sûr. Mais pas seulement. C’est avant tout une fête à but politique. Comme son nom l’indique, c’est une fête dédiée à l’internationalisme prolétarien, qui est un principe fondateur de notre Parti ; à la solidarité internationaliste entre tous les peuples du monde dans une lutte commune pour leur émancipation, contre l’oppression impérialiste et capitaliste, contre la tyrannie et la guerre, pour le progrès social, pour le socialisme.

 

C’est une perspective que nous nous sommes efforcés de faire vivre à travers le programme politique de notre fête, en mettant en avant trois foyers de lutte majeurs sur la planète, sur trois continents différents : l’Amérique latine, le Sahara occidental et le Kurdistan ; trois foyers majeurs de luttes difficiles, héroïques, exemplaires, de peuples contre l’oppression de puissances impérialistes, contre un ordre social injuste et intolérable, pour l’invention d’une société nouvelle, débarrassée à jamais de l’oppression par une minorité privilégiée, où c’est le bien commun qui primera et non l’intérêt exclusif de quelques-uns, où toutes et tous pourront mener une vie pleinement humaine, dans la dignité et la liberté.

 

C’est une lutte qu’incarnent, dans leur diversité, d’autres associations, représentants d’autres peuples du monde, qui étaient présentes à notre Fête. C’est une lutte que conduisent tant d’autres peuples, qui n’étaient pas directement représentés ici durant ces trois jours, mais avec lesquels nous sommes pleinement solidaires.

 

C’est une lutte que conduit, ici en Suisse, notre Parti, le Parti Suisse du Travail. Lorsqu’il fut fondé en 1944, notre Parti se fixait pour objectif de devenir le parti des travailleuses et travailleurs de notre pays, un parti de lutte pour le progrès social et démocratique, de lutte contre l’oppression capitaliste et pour la transformation socialiste de la société. C’est un combat qui est toujours le nôtre.

 

C’est un combat que nous menons aujourd’hui en nous opposant sans concession à AVS21, ce scandaleux démantèlement d’une assurance sociale indispensable sur le dos des femmes ! Rien que depuis le début de cette année 2022, le PST-POP a adopté une résolution politique qui explique notre opposition à toute « solution institutionnelle » dans les relations entre la Suisse et l’UE, telle que l’UE l’entend – c’est-à-dire comme dispositif de reprise unilatérale par la Suisse d’un droit européen néolibéral imposé de haut par des technocrates non-élus – et pour revoir les accords bilatéraux dans une optique de coopération et non d’intégration à un marché libéralisé au détriment des droits des travailleurs, des services publics et de l’environnement ; nous avons adopté une position sur la guerre en Ukraine, condamnant sans ambiguïté l’invasion russe, criminelle et violant le droit international, tout en nous opposant aux manœuvres impérialistes de l’OTAN et aux velléités impérialistes de la bourgeoisie suisse ; nous avons adopté une position sur l’inflation et des mesures à prendre pour défendre le pouvoir d’achat des classes populaires ; nous avons lancé une campagne pour la réduction du temps de travail.

 

A Genève, le peuple votera prochainement sur une initiative commune des partis de gauche et des syndicats – mais qui fut lancée sur proposition de notre Parti – pour une taxation temporaire de solidarité sur les grandes fortunes. Et nous nous efforçons de faire aboutir une initiative populaire pour des transports publics gratuits, dont l’idée vient de nous également. La liste est loin d’être exhaustive.

 

Notre combat ne se limite toutefois pas à empêcher des régressions imposées par les classes dominantes, ou à améliores la société existante, dans une approche réformiste, « pragmatique ». Notre raison d’être, c’est de changer cette société, d’en construire une nouvelle. Et ce combat est indispensable. Ce qui serait « irréaliste », « extrémiste », c’est la continuation de cette société-là, qui nous conduit à l’abîme. Oui, nous sommes un Parti révolutionnaire ; et, ayant une volonté d’êtres efficaces dans notre action, de tenir compte de la réalité telle qu’elle est, nous estimons avoir le droit de regarder au-delà, de laisser aussi une place à la vision d’avenir, au rêve, à l’utopie. Car, comme l’écrivait Constantin Tchernenko, dernier secrétaire général du PCUS à avoir porté avec honneur son titre :

 

« Vous avez probablement entendu dire que le romantisme, les rêves ne sont propres qu’à la jeunesse, que cela passe obligatoirement avec l’âge. On dit que les soucis quotidiens qui accablent ne laissent pas de place aux rêves, à l’aspiration, aux idéaux élevés. Certes, cela arrive à certains individus. Mais ce n’est nullement une loi de la nature. En tout cas, elle n’est pas nécessairement en vigueur et ne peut l’être dans notre pays. »

 

« Nous vivons d’après un autre principe, d’après le principe des révolutionnaires que nous a légué Lénine qui recommandait aux combattants pour l’édification d’une société nouvelle : « Il faut rêver ! ». Lénine savait toujours, aussi bien dans sa jeunesse qu’à l’âge mûr, jusqu’à ses derniers jours, rêver de façon inspiratrice et communicative. Son rêve principal, celui de l’avenir communiste de notre patrie, reste vivant dans les esprits, les cœurs, les actes du peuple soviétique. Nous ne l’avons jamais abandonné et ne l’abandonnerons jamais ».

 

Le PCUS a fini par oublier ce rêve, et des malheurs incalculables s’en sont suivis. Ce rêve, nous n’y renoncerons jamais.

 

Aujourd’hui que les oligarchies capitalistes ne nous proposent comme avenir que l’inflation, les guerres (celle d’Ukraine étant loin d’être la seule), la destruction accélérée de la planète, qui bientôt sera inhabitable, tout cela pour maintenir aussi longtemps que possible leurs privilèges ; que l’Empire le plus puissant qui ait jamais existé s’enfonce lui-même dans les ténèbres de la réaction, et que sa Cour suprême n’est rien de plus qu’un groupuscule d’extrême-droite, nous avons plus que jamais besoin d’une alternative radicale, d’une révolution. De toutes les luttes que nous avons choisi de mettre en avant, nous avons beaucoup à apprendre, des leçons et de l’inspiration à tirer pour changer le monde. Elles aussi ont besoin de tout notre soutien.

 

C’est pourquoi je conclurai par la devise de la IIIème Internationale : « Prolétaires et peuples opprimés de tous les pays, unissez-vous ! »

Kin-dza-dza, un film postapocalyptique soviétique

 


Dans l’espace post-soviétique, ce film est aussi célèbre que Star Wars en Occident. Des termes fictifs et des répliques en sont entrés dans le langage courant. Le film dont nous parlons est Kin-dza-dza, une comédie dystopique de science-fiction soviétique, sortie en 1986, au tout début de la Perestroïka, mais dont le tournage commença tout à la fin de la vie de Léonide Brejnev.

 

Dans la science-fiction occidentale, l’univers de Kin-dza-dza se rapprocherait le plus de celui de Mad Max : monde postapocalyptique, marqué par la dévastation écologique, l’épuisement des ressources, et de graves pénuries d’eau ; où la civilisation n’existe plus, pas plus que le droit et les normes morales, et où règne le seul et impitoyable rapport de forces, dans une lutte de tous contre tous, sans espoir ni perspectives. Mais ce chef d’œuvre du réalisateur Gueorgui Danielia est d’un tout autre genre : point de pathos hollywoodien, effets spéciaux cheap ; et Kin-dza-dza n’est pas un film d’action. Son statut de film culte dans l’espace post-soviétique, il le doit à son humour décalé – qui en fait un objet cinématographique très particulier – au talent de ses acteurs, et à la remarquable créativité de sa réalisation, malgré un budget limité. Il le doit surtout à sa dimension philosophique, de critique sociale profonde et pertinente, de critique de toute société fondée sur l’inégalité et le despotisme.

 

Sorti à une époque où le socialisme réellement existant en URSS avait atteint le sommet de son développement – ayant réalisé, quoi qu’on puisse en dire par ailleurs, la civilisation la plus avancée que l’humanité ait connu – mais où s’accumulaient aussi des contradictions et des problèmes non résolus qui annonçaient le début du cours néfaste et liquidateur qui commençait à être pris (quoiqu’en 1986 peu de gens pouvaient s’en douter), le message de cet OVNI cinématographique ne fut pas tout de suite compris, et il reçut parfois dans la presse des critiques négatives dues à la seule mécompréhension. Il est vrai que Kin-dza-dza correspondait assez peu à l’atmosphère intellectuelle du début des années Gorbatchev. Mais le public adora, quoique sans toujours bien comprendre pourquoi. D’aucuns ont même pu penser qu’il s’agissait d’une satire de certains aspects de la société soviétique – les aberrations du bureaucratisme et un pouvoir exagéré attribué aux dignitaires, et utilisé par ceux-ci d’une façon arbitraire. Mais une telle interprétation ne tient pas la route, tout simplement parce que la société dépeinte dans le film est clairement fondée sur la propriété privée et le libre-marché, et que ses valeurs ne sont pas celles du socialisme, mais de l’individualisme libéral poussé jusqu’à l’extrême de ses conséquences. Kin-dza-dza témoigne en tout cas de la vitalité de la culture et de la pensée soviétique – qu’une propagande occidentale stupide, aussi malveillante qu’ignorante s’acharne à tort à vouloir faire passer pour sclérosée et stagnante – à l’aube de sa disparition. Ce film est également curieusement prophétique de la régression terrifiante qui allait suivre la disparition du socialisme (Danielia l’aurait-il pressenti ?). Et il est hautement pertinent pour nous, pour qui un tel monde postapocalyptique pourrait être notre avenir si nous ne parvenons pas à nous débarrasser du capitalisme auparavant.

 

L’histoire commence à Moscou. Vladimir Machkov (dit Oncle Vova) sort de chez lui acheter du pain. Il est pris à partie par un étudiant, Gedevan Alexidze (dit Violoniste, bien qu’il ne sache en réalité pas jouer de cet instrument, qu’il doit simplement livrer à quelqu’un), qui lui demande que faire face à un étrange personnage, à l’allure débraillée et pieds nus, et qui tient des propos apparemment incohérents. Celui-ci prétend être un alien, et demande les coordonnées de la Terre pour pouvoir retrouver le chemin de sa planète. Il tient à la main un étrange appareil, qui ressemble à un gadget quelconque. Oncle Vova le prend pour un fou. Souhaitant convaincre l’ « alien » d’aller se réchauffer – on est en plein hiver – il appuie sur un bouton au hasard du mystérieux appareil, malgré les avertissements de son possesseur.

 

Mais ce gadget était en réalité un véritable téléporteur, et Oncle Vova et Gedevan se retrouvent en plein désert. Croyant être au Turkménistan, ils se mettent en marche. Ils tombent bientôt sur un étrange appareil volant, qui ressemble à un cylindre en métal rouillé. En émergent deux personnages à l’allure humaine, qui se comportent d’une façon déroutante et dont le langage est incompréhensible. Les deux terriens souhaitent les convaincre de les transporter en ville. Ils parviennent à leurs fins lorsque Oncle Vova sort une allumette pour se griller une cigarette. Visiblement désireux ardemment de posséder la chose, les deux personnages énigmatiques acceptent de laisser les terriens monter. La communication s’établit vite entre eux, parce qu’il se révèle que les habitants de cette planète sont doués de télépathie, et apprennent de ce fait rapidement le russe.

 

On apprend alors qu’Oncle Vova et Gedevan ont atterri sur la planète Pluke, dans la galaxie Kin-dza-dza. Leurs hôtes se trouvent être Ouef, un Chatlanien, et Bi, un Patsak. Ils sont des artistes itinérants, bien que leur musique ressemble plutôt à du bruit infâme. S’ils ont pris les deux terriens à bord, c’est pour les allumettes – ké-tsé dans leur langue – qui sur leur planète est le bien matériel le plus précieux. Ils acceptent de ramener les deux Soviétiques chez eux, en échange d’un payement, mais pour cela il faudra d’abord acheter une gravitsape, pièce indispensable pour que leur vaisseau puisse voyager instantanément à travers les galaxies. Évidemment, les choses ne se passent pas comme prévu, et nos quatre personnages vivront moultes aventures, qui les mèneront en errances dans le désert, en passant par la capitale de Pluke, pour brièvement visiter deux autres planètes, un voyage dans le temps, et enfin rentrer sur terre.

 

Ces errances leur permettront de voir différents aspects de la société plukienne, à laquelle les terriens auront du mal à s’adapter. En un sens, Pluke est technologiquement beaucoup plus avancée que la Terre, bien que tout soit rouillé et en état de délabrement avancé. Toutefois, les Plukiens ont détruit eux-mêmes leur planète, jadis verte de vie. Mais toute l’eau a été transformée en carburant, le lutz. La technologie n’est pas une solution miracle aux problèmes environnementaux. Depuis, la planète n’est plus qu’un désert, où la faune et la flore ont disparu. Il n’y a que du plastique comestible comme nourriture, et il faut retransformer du lutz en eau pour pouvoir en boire.

 

La société plukienne est une dystopie capitaliste libérale. Sur cette planète, l’homme est vraiment un loup pour l’homme. Tous les liens sociaux y ont depuis longtemps été remplacés par les eaux glacées du calcul égoïste. Les Plukiens n’ont aucun scrupule à s’escroquer mutuellement, sans aucun égard l’un pour l’autre. Ils sont télépathes, donc, non seulement ils ne peuvent dire ce qu’ils pensent, mais même pas se permettre de penser ce qu’ils pensent en présence d’autrui. Malgré leur haute technologie, ils survivent dans des abris troglodytes et délabrés. Tout dans le film – décors, costumes, accessoires – est terne, sale, abîmé. Que l’étalon de valeur ultime soit l’allumette – en URSS le bien de consommation le moins cher – est là pour mettre en exergue l’arbitraire, l’absurdité d’une échelle de valeurs dominée par l’argent.

 

La société plukienne est brutalement hiérarchique, une hiérarchie qui a dégénéré en oppression et humiliation pure. Une hiérarchie fondée sur la ségrégation raciale : la société plukienne est divisée en Chatlaniens (dominants) et Patsaks (dominés). Pour les différencier, un appareil affiche une lumière orange pour un Chatlanien, et verte pour un Patsak. Rien d’autre ne les distingue (absurdité de toute ségrégation raciale). Les Patsaks sont soumis à toutes sortes de vexations ridicules et arbitraires, et les Chatlaniens rejettent la faute de leur vie désespérante sur les Patsaks qui leur voleraient leur place. Les deux Terriens se retrouvent être des Patsaks, et subissent donc la discrimination raciale. Une hiérarchie fondée également sur l’argent : les riches peuvent porter un pantalon jaune, qui leur accorde des privilèges, et oblige les inférieurs à des génuflexions ridicules ; et les très riches un pantalon pourpre, source d’encore plus de privilèges.

 

Nous ne disons pas utopie libertarienne, puisque cet ordre injuste est maintenu en place par un État, despotique et sans aucune prétention à la justice ; dont la police, les etselops, sont corrompus et agissent avec brutalité et arbitraire, et dont le chef, Monsieur PG, se prélasse dans une piscine privée sur sa planète manquant d’eau.

 

Cette société décadente a une culture tout aussi décadente. La musique s’y réduit à un bruit grotesque, et le langage se limite presque à deux monosyllabes : Kou (presque tous les mots), et Kiou (insulte socialement acceptable). Ces monosyllabes rythment le film d’une litanie grotesque. Danielia dira que cette caricature préfigurait la décadence de la Russie capitaliste, avec sa musique commerciale et sa langue polluée par le jargon issu des milieux criminels. Mais les habitants qui ont grandi dans une telle société ne peuvent plus envisager autre chose que d’opprimer ou d’être opprimé. Ouef et Bi refusent de suivre Oncle Vova et Gedevan sur Terre, parce que la vie n’aurait pas de sens si le rang social n’est pas marqué par la couleur du pantalon. Du reste, beaucoup de gens aujourd’hui ont plus de facilité à envisager la fin de la vie sur Terre que la fin du capitalisme.

 




Une bonne métaphore de l’avenir sombre où le capitalisme néolibéral nous entraîne ? En tout cas, Guergui Danielia a réalisé, en 2013, un remake de son film sous forme de dessin animé, intitulé Kou ! Kin-dza-dza. L’histoire est proche, mais avec de notables variantes. La principale différence est que les deux Terriens viennent cette fois de la Fédération de Russie. Contrairement aux deux Soviétiques du film original, qui incarnaient des valeurs supérieures, les deux Russes s’intègrent sans problème à la société plukienne, puisqu’il s’agit, en substance, du même type de société que de celle de leur pays natal.

Les combats poujadistes d’une droite rétrograde

 


Mis à part son combat traditionnel pour les privilèges des plus riches – «nous, les bourgeois, devons assumer ensemble nos responsabilités pour le bien de tous les habitants de la Suisse et mettre résolument un frein à l’appel de la gauche pour plus de redistribution, plus de nivellement et plus d’État», a déclaré Thierry Burkart, président du PLR suisse à la dernière Assemblée des délégués de ce parti ; c’est rare d’assumer avec une telle franchise conduire une lutte de classe…du côté de la bourgeoisie – le PLR a cherché à se profiler sur deux thèmes plus « porteurs » : la dénonciation, sur un ton outrancier, des « dérives sociétales » et des actions de désobéissance civile menées face à l’inaction des autorités eu égard à l’urgence climatique.

 

Nous nous concentrerons sur ce second aspect. Non pas que nécessairement toutes les actions choisies par les mouvements de désobéissance civile soient tactiquement pertinentes, ni que le fait de poursuivre une juste cause légitime par ce seul fait une violation de la loi. Le fait est en tout cas que l’urgence climatique est une réalité, et que ce qui est réellement criminel et « extrémiste » c’est l’inaction – voire la hausse des investissements dans les énergies fossiles –, de la part de la bourgeoisie et de ses gouvernements.

 

Que révèle du PLR le choix de ses combats, et la façon dont il les mène ? Le fait est que le PLR s’acharne sur la moindre action de désobéissance civile menée au nom de l’écologie, quand bien même elle n’impliqué aucun dommage à la propriété, et se limite à des perturbations mineures du trafic ou du fonctionnement ordinaire d’une agence bancaire. A entendre ces gens, la violation la plus légère de la loi est un scandale absolu, si ce n’est pas le plus grand problème de notre société, et justifierait la riposte la plus drastique.

 

Ce ton tapageur des critiques laisse entendre qu’aux yeux du PLR le problème dénoncé – le changement climatique ; ou plus spécifiquement les îlots de chaleurs urbains – est tout à fait mineur. Impression que confirme sa défense passionnée, et poujadiste, de la place de la bagnole en ville, au nom de la « liberté » ou des intérêts – réels ou supposés – des entreprises. La détestation quasi-irrationnelle envers tout mouvement écologiste vient visiblement de faits qu’on les voit au PLR comme des empêcheurs du business as usual. Notre profit d’abord ! Ensuite, la planète n’a qu’à brûler !

 

Pourtant, la sécheresse qui frappe aujourd’hui l’Italie montre bien que les restrictions à la « liberté » que dénonce le PLR paraîtront bientôt au mieux une aimable plaisanterie. Ce caractère rétrograde, pour ne pas dire attardé, des combats du PLR montre bien en tout cas la nocivité de ce parti, qui ne fait pas moins partie du problème que les climatosceptiques déclarés

Le Sahara occidental, dernière colonie d’Afrique continentale

     Carte du Sahara occidental

 

Il est de notoriété publique que, après avoir été divisée en possessions coloniales par les puissances impérialistes européennes dans son intégralité – mis à part l’Éthiopie et le Libéria (quoi que l’indépendance de ce pays fût plutôt relative) –, après un siècle d’oppressions sans nombre, le continent africain fut entièrement décolonisé entre les années 1950 et 1980, même si le colonialisme direct fut trop souvent en pratique remplacé par une domination néocolonialiste moins ouverte, mais à peine moins oppressive, et négatrice dans tous les cas d’une réelle autodétermination des peuples d’Afrique. Une situation qui s’est considérablement aggravée avec la contre-révolution néolibérale et les plans d’ajustement structurels du FMI (le nouveau pouvoir colonial de fait).

 

C’est presque vrai. Car toute l’Afrique n’est toujours pas décolonisée. Il y a ainsi l’île de la Réunion, qui demeure une possession française. Car, objectivement, lesdits domaines ou territoires d’outre-mer sont les dernières colonies de la France. Si leurs habitants autochtones disposent de la citoyennenté française, des discriminations socio-économiques et mêmes politiques demeurent. Et quand la République ne veut pas lâcher un territoire, elle le conserve de gré ou de force, que ses habitants autochtones soient d’accord ou pas. C’est ce dont témoigne bien l’histoire récente, et tourmentée, de la Nouvelle-Calédonie, qui reste d’ailleurs toujours un territoire à décoloniser selon l’ONU.

 

Mais nous parlerons dans la suite de cet article d’un cas beaucoup plus flagrant de colonialisme direct, de la dernière colonie d’Afrique continentale : le Sahara occidental. Ce vaste territoire désertique de 266'000 km2 est habité par un peuple autochtone, qui possède une identité et une culture bien définie et distincte : les Sahraouis ; qui sont près de 600'000 personnes au Sahara occidental même, et près de 300'000 dans la diaspora (principalement en Algérie, en Espagne, au Maroc et en Mauritanie). Ancienne colonie espagnole jusqu’en 1976, le Sahara occidental a été depuis annexé par le Royaume du Maroc, qui le revendique comme étant son territoire souverain. Mais l’ONU n’est pas d’accord avec cette prétention, contraire au droit international, et considère le Sahara occidental comme un territoire « non-autonome », dont le peuple a le droit à l’autodétermination. Les Sahraouis sont encore moins d’accord, eux qui ont continué à résister par les armes à l’occupation marocaine comme ils avaient résisté à la colonisation espagnole, sous la direction du Front Polisario, le front de libération du Sahara occidental. Après des années de guerre, un cessez-le-feu fut conclu en 1991, aboutissant à une partition de fait entre 80% du territoire contrôlé par le Maroc, et où les droits des habitants autochtones sont violés d’une façon flagrante, et 20% de territoire libéré, sous contrôle du Polisario ; alors qu’une bonne partie de la population doit vivre dans des camps de réfugiés en Algérie, sans espoir de retour dans leur pays dans un avenir prévisible. Une mission de l’ONU, la MINURSO, était censée superviser un processus d’autodétermination du Sahara occidental. Mais elle se révéla un échec complet. Le Maroc ne renonça jamais à sa volonté d’une annexion simpliciter de tout le Sahara occidental. En 2016, il viola le cessez-le-feu, contraignant aujourd’hui le Front Polisario à reprendre les armes.

 

Ce conflit est peu connu en Occident, où le Sahara occidental passe presque pour un territoire marocain « normal », et où trop de personnes n’en ont jamais entendu parler. Parce que nous soutenons le principe intangible du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, parce qu’aucun peuple ne sera réellement libre tant qu’un seul subira le joug du colonialisme, parce que la lutte du peuple Sahraoui doit être connue, nous avons choisi le Front Polisario comme invité d’honneur pour notre 13ème Fête des peuples sans frontières. Et pour faire connaître cette histoire, commençons par son début.

 

Le Sahara occidental avant 1976

 

L’histoire du Sahara occidental remonte au fond des âges. Les ancêtres des Sahraouis y vivaient depuis la haute Antiquité. Ils sont progressivement islamisés à partir du VIIIème siècle. La région est successivement contrôlée par différents empires. En 1048, des Berbères sanhdjas (en actuelle Mauritanie) se coalisent sous la direction d’Abdellah ben Yassin, un prédicateur malékite, partisan d’un islam rigoriste, et fondent le mouvement Almoravide. Les Almoravides conquièrent un vaste empire, comprenant le Sahara occidental, le Maroc et l’Al-Andalus musulman. Mais, parvenu au pouvoir, le régime Almoravide perd de sa radicalité religieuse. Il est renversé à son tour par un mouvement plus rigoriste encore, les Almohades, en 1147. Le Sahara occidental échappe aux mains de la nouvelle dynastie, et perd son organisation politique.

 

Mais, en 1514, le Sahara occidental est annexé par la nouvelle dynastie marocaine des Saadiens. Cette dynastie conquiert un vaste empire, qui atteindra son point culminant à la fin du XVIème siècle, avant de se désagréger peu à peu. Mais le Sahara occidental restera en mains marocaines jusqu’en 1884, et ni Espagnols ni Portugais ne parvinrent à s'y implanter avant cette date. La monarchie marocaine tire argument de cette longue domination pour « prouver » la marocanité du Sahara occidental. Mais une possession dynastique passée ne peut en aucun cas justifier des revendications territoriales présentes, et n’a absolument aucune valeur eu égard au droit international. Elle ne fait surtout pas le poids face au droit d’autodétermination du peuple qui habite une terre donnée, et auquel le régime marocain refuse le droit de décider de son destin.

 

Le raisonnement de la monarchie marocaine ressemble d’ailleurs à s’y méprendre à celui d’un certain Vladimir Poutine, dont le fameux « Monde russe », dont le contrôle lui reviendrait de droit, a exactement la même légitimité – ou plutôt son absence – que celle de la « marocanité » du Sahara occidental. On reconnaît bien également l’approche d’un autre restaurateur d’empire autoproclamé, Recep Tayyip Erdogan. On voit aisément à quels redécoupages sanglants des cartes, au mépris total des peuples et de leurs droits, conduirait ce type de raisonnement néo-impérial. L’histoire de l’Europe n’en témoigne que trop.

 

En 1884, le Sahara occidental est annexé par l’Espagne, et devient une colonie espagnole. Le sultan marocain soutient la résistance, avant d’être lui-même soumis à un protectorat franco-espagnol. L’Espagne établit des comptoirs commerciaux et une présence militaire. Les Sahraouis n’ont jamais accepté cette domination coloniale. Mais toutes les tentatives de révoltes furent impitoyablement écrasées par l’occupant. C’est dans la répression sanglante des insurgés sahraouis que le général Franco et ses complices apprirent les méthodes criminelles qu’ils feront subir ensuite au peuple espagnol.

 



A partir de son indépendance en 1956, le Maroc soutint la lutte des Sahraouis contre l’occupation espagnole, non par sollicitude pour leurs droits, mais dans le but de reconstituer son empire passé, pensant qu’il serait facile d’annexer ce territoire, et que le peuple sahraoui ne s’opposerait pas à cette perspective (sans naturellement daigner lui demander son avis). La Mauritanie avait également des prétentions territoriales sur la Sahara occidental. Le Maroc fit inscrire – on peut rétrospectivement apprécier une certaine ironie historique – le Sahara occidental sur la liste des territoires non-autonomes de l’ONU, qui fit pression sur l’Espagne pour qu’elle mette fin à son occupation coloniale. Parallèlement, la résistance sahraouie grandit. Le Front Polisario (Front populaire de Libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro) fut fondé en 1973, s’inscrivant dans l’héritage des mouvements de résistance antérieurs. L’Espagne s’accrocha toutefois à sa colonie jusqu’à la mort de Franco, en 1975.

 

Alors que le dictateur agonisait, l’Espagne, n’avait plus la volonté de mener une guerre coloniale. Et le peuple sahraoui n’entendait pas les choses de la même oreille que le roi du Maroc ou l’élite mauritanienne, et aspirait à l’indépendance, non à changer de maître. Une mission de l’ONU reconnut en 1975 un « consensus écrasant parmi les Sahraouis vivant sur le territoire en faveur de l'indépendance et en opposition à l'intégration avec tout pays voisin » ; ainsi que la légitimité du Front Polisario en tant que représentant du peuple Sahraoui (légitimité qui sera confirmée par l’Assemblée générale de l’ONU en 1979). L’Espagne annonça un prochain référendum d’autodétermination. La même année, la Cour internationale de justice de la Haye statua que « Les éléments et renseignements portés à la connaissance de la Cour montrent l'existence, au moment de la colonisation espagnole, de liens juridiques d'allégeance entre le sultan du Maroc et certaines des tribus vivant sur le territoire du Sahara occidental. Ils montrent également l'existence de droits, y compris certains droits relatifs à la terre, qui constituaient des liens juridiques entre l'ensemble mauritanien, au sens où la Cour l'entend, et le territoire du Sahara occidental », ce qui n’empêche pas toutefois que « (...) En revanche, la Cour conclut que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n'établissent I’existence d'aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental d'une part, le Royaume du Maroc ou l'ensemble mauritanien d'autre part. »

 

Mais le roi du Maroc, Hassan II, s’opposa catégoriquement à ce que le peuple sahraoui ait son mot à dire sur son avenir, et organisa la « marche verte », une manifestation sur le territoire encore contrôlé par l’Espagne avec des dizaines de milliers de civils marocains, véritable coup de force, pour forcer la main à l’Espagne. L’Espagne, le Maroc et la Mauritanie négocièrent donc en coulisses : le Maroc récupérait deux tiers du Sahara occidental, la Mauritanie un tiers, et l’Espagne conservait des concessions pour le phosphate et la pêche. Un arrangement scandaleux entre une ancienne puissance coloniale et deux nouvelles, négocié dans le dos du peuple sahraoui, qui n’eut pas son mot à dire, et violemment condamné par le Front Polisario ; un arrangement illégal en vertu du droit international, et désapprouvé par l’Assemblée générale des Nations-Unies, qui réitéra l’exigence d'un référendum d'autodétermination.

 

D’une nouvelle occupation coloniale au cessez-le feu

 

Le peuple sahraoui n’avait fait que changer de maître dans l’affaire, et le Front Polisario fut contraint de mener la lutte armée contre deux nouvelles puissances occupantes. En 1976, il proclama la fondation d’une République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD), qui ne fut pas reconnue par l’ONU, pas plus que la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. La RASD, et son combat de libération nationale légitime, bénéficia en revanche du soutien des pays socialistes, et de pays du Tiers-monde s’inscrivant dans une perspective anti-impérialiste (certains d’entre eux l’ont retiré aujourd’hui dans le sillage de la grande régression néolibérale). Parmi les principaux soutiens de la RASD figurait l’Algérie, qui était alors un pays révolutionnaire et anti-impérialiste. Ce soutien a persisté malgré tous les tournants qu’a connu l’Algérie depuis : les camps de réfugiés sous contrôle du Polisario sont aujourd’hui encore en territoire algérien ; y sont situées également les institutions de la RASD, dans le camp de Tindouf.

 

Le Front Polisario dut donc s’engager dans une guerre de guérilla contre les armées du Maroc et de la Mauritanie, avec succès. La Mauritanie ne fait pas le poids, conclut un cessez-le-feu avec le Front Polisario en 1979, reconnaît la RASD et sa souveraineté sur le Sahara occidental. La zone d’occupation mauritanienne est toutefois rapidement annexée par le Maroc. Car la guerre se révèle plus difficile face à l’armée marocaine. Le Polisario remporte des succès militaires, mais la guerre se révèle impitoyable, et l’aviation marocaine bombarde des camps de réfugiés, forçant des milliers de Sahraouis à l’exil. Le Maroc finit par « sécuriser » quelques 80% du territoire du Sahara occidental qu’il occupe, en construisant un mur gigantesque qui l’entoure – tel le mur de Trump, ou celui édifié par Israël, et qui provoque nettement moins l’indignation des bien-pensants en Occident que feu le mur de Berlin – doublé d’un champ de mines, et derrière lequel le peuple Sahraoui sous occupation est emprisonné. Pour le Front Polisario, la guerre était dans une impasse, et un cessez-le-feu fut conclu, sous l’égide de l’ONU, en 1991.




 

Le Sahara occidental sous occupation marocaine

 

Le Sahara occidental fut de facto divisé en une zone d’occupation marocaine (80% du territoire), et une zone libre (20%), que le Maroc appelle « zone tampon » et qui est de fait contrôlée par le Polisario (mais la plupart des Sahraouis sous administration de la RASD vivent dans les camps de réfugiés en Algérie).

 

L’ONU désigna une mission spéciale, la MINURSO – Mission des Nations-Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental – dont la principale attribution, comme son nom l’indique, était l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Mais, elle se révéla un échec total. Aucun référendum ne put être organisé, car le Maroc sabota systématiquement toute tentative de mise en place d’un vrai référendum, et que le Front Polisario ne pouvait accepter une simple autonomie de façade, laissant la domination marocaine intacte. La MINURSO ne fit rien non plus contre les massives et graves violations des droits humains dans la nouvelle colonie marocaine.

 

Car le joug marocain dans le Sahara occidental occupé ne se révéla pas mieux que le colonialisme européen. Faut-il le rappeler, le Royaume du Maroc n’est pas une démocratie, mais une monarchie quasiment absolue – avec un multipartisme de façade mais où aucune opposition réelle n’est tolérée – et reposant sur un appareil d’État extrêmement répressif. Comme dans toute monarchie à l’ancienne, la famille régnante, puissante et richissime, est au sommet de l’oligarchie locale, et n’hésite pas à utiliser la puissance publique au service de ses intérêts privés.

 

Le Sahara occidental occupé se vit imposer une domination coloniale extrêmement dure : répression brutale de toute contestation, absence de toute liberté d’expression, véritable chape de plomb coupant presque cette région du monde, violences policières et procès politiques omniprésents et arbitraires. Les ressources naturelles du Sahara occidental – phosphates et ressources halieutiques – sont soumises à un véritable pillage, sans aucun égard à la durabilité ni aux dégâts occasionnés à l’environnement. Les revenus reviennent à l’élite marocaine ; le peuple sahraoui n’en voit jamais la couleur.

 

La monarchie marocaine prétend justifier cette occupation coloniale par une prétendue « marocanité » du Sahara occidental, dont nous avions déjà parlé. Elle diffuse des fakes news, comme quoi la question sahraouie aurait été artificiellement créée de toutes pièces par l'Algérie, ce qui contredit les faits les plus élémentaires, comme d’ailleurs la position de l’ONU. Elle affirme enfin que la question ferait l’objet d’un consensus dans la société marocaine, si bien qu’il serait impossible de faire de quelconques concessions. Mais une majorité de la population russe soutiendrait – même si ce n’est pas certain – l’« opération militaire spéciale ». Qu’un nationalisme fasse l’objet d’un « consensus » – au sein du peuple d’un pays dominant – ne le rend pas légitime pour autant.

 

Succès diplomatiques de la monarchie marocaine

 

A défaut de se plier aux exigences les plus élémentaires du droit international, ou de négocier sérieusement avec ceux que l’ONU a reconnus comme représentants légitimes du peuple sahraoui, le régime marocain a trouvé une autre solution : légitimer son coup de force en le faisant avaliser par des puissances impérialistes.

 

Les soutiens du Maroc sont tout d’abord les pétromonarchies du Golfe (entre monarchies absolues on est solidaire…). Ce sont ensuite les USA de Trump, qui ont accepté la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en échange du rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël : avaliser l’oppression des Sahraouis en échange de l’acceptation de celle des Palestiniens…Une position que l’administration Biden n'a pas remise en cause. C’est l’UE, qui a signé un accord de libre-échange avec le Maroc, incluant le Sahara occidental dans le territoire marocain ; un accord d’abord retoqué par la CJUE, mais ensuite validé par le Parlement européen en 2019. La si vertueuse UE, si intransigeante sur les principes de « l’État de droit », cautionne donc le pillage des ressources naturelles d’un territoire illégalement occupé. Après tout, business is business. C’est enfin le gouvernement « de gauche » espagnol, qui a accepté la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, pour que la police marocaine continue à tabasser avec zèle les migrants africains qui tentent de rejoindre les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla.

 

Quand on a autant de puissances impérialistes de son côté, pourquoi s’embarrasser d’un détail sans importance comme le droit international ? On peut en revanche apprécier la « sincérité » de l’indignation morale des dites démocraties occidentales devant les agissements de Vladimir Poutine – qui, pour inexcusables qu’ils soient, ne sont pas pires que ceux du roi du Maroc, de celui d’Arabie Saoudite, ou du président de Turquie – et ce que vaut leur attachement aux valeurs que sont le droit international et les droits humains.


         La RASD a des soutiens plus honorables. Ici Mohamed Abdelaziz, ancien président de la RASD, avec Raoul Castro, en 2014 


Fin du cessez-le-feu et reprise de la lutte armée

 

Cet état de paix précaire et de promesses non tenues prit fin en 2020. Afin de mieux pouvoir piller les ressources du Sahara occidental occupé, le Maroc décida de bâtir une route goudronnée en direction de la Mauritanie, destinée à l’exportation. Mais cela impliquait d’ouvrir une brèche illégale dans la zone de démarcation, à Guerguerat, et de faire passer ladite route en zone libre, en violation flagrante de l’accord de cessez-le-feu. Des militants non-armés du Polisario ont manifesté en 2020, en zone libre, pour bloquer cette route illégale. L’armée marocaine est alors intervenue pour réprimer brutalement cette manifestation pacifique, et « sécuriser » une zone illégalement occupée.

 

Le Front Polisario a estimé qu’il s’agissait de la part du Maroc d’une violation unilatérale du cessez-le-feu, que celui-ci avait donc vécu, et qu’il était de sa responsabilité de protéger les civils sahraouis, fût-ce en prenant les armes. Ce fut la reprise de la guerre. Depuis, les forces armées du Front Polisario attaquent régulièrement des positions de l’armée marocaine, pour accomplir par les armes une lutte de libération nationale que la négociation et l’ONU n’ont pu mener à bien. Du côté marocain, c’est l’escalade dans une répression brutale et arbitraire contre toute expression de mécontentement en territoire occupé. La guerre n’a fait que prendre en ampleur et continue à ce jour, sans qu’il soit possible d’en voir la fin, bien que le fait soit pratiquement inconnu par chez nous.

 

Parce que cette occupation coloniale est un scandale trop méconnu, parce que de cette guerre de libération nationale trop peu de gens sont au courant dans notre pays, nous avons invité le Front Polisario en tant qu’invité d’honneur à notre 13ème Fête des peuples sans frontières. Parce que la solidarité internationale est pour nous un principe inconditionnel, parce que le colonialisme sous quelque forme que ce soit est inacceptable et doit être éradiqué, parce que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un principe intangible. Pour toutes ces raisons, la lutte du peuple sahraoui doit être soutenue, de la même façon que l’est celle du peuple palestinien ou du peuple kurde, que l’est celle de tout peuple soumis à un joug colonial ou néocolonial. La revendication doit être claire et sans concession : un référendum d’autodétermination, avec la possibilité de former un État séparé, pour le peuple du Sahara occidental, sans aucune immixtion de la monarchie marocaine. Il n’est pas acceptable, au XXIème siècle, que des prétentions dynastiques, des nationalismes archaïques, ou des ambitions impérialistes puissent justifier l’oppression d’un peuple et le pillage de ses ressources naturelles. Nous luttons pour qu’enfin ces reliques putrides d’un passé révolu rejoignent les poubelles de l’histoire, pour un monde nouveau.

La Fête des peuples est enfin de retour !

 


Après deux années d’absence forcée du fait de la pandémie, il n’était que grand temps que la traditionnelle Fête des peuples sans frontières, fête annuelle de la section genevoise du Parti Suisse du Travail, fasse enfin son retour. Cette année en marque déjà la 13ème édition, qui s’annonce particulièrement belle : nous n’avons jamais eu autant de stands d’organisations progressistes, et le programme politique et musical est plus que bon, tant du point de vue de sa diversité que de sa qualité. Comme d’usage, nous ouvrons les colonnes de l’Encre Rouge aux organisations invitées à la Fête.

 

Ce résultat réjouissant – prometteur, nous l’espérons, d’un franc succès de cette 13ème édition – est bien entendu le fruit du travail des camarades engagés dans l’organisation de la fête. Mais pas seulement. Il témoigne également de l’importance très actuelle de ce que la Fête des peuples représente, de ce qu’elle signifie.

 

Grande fête populaire, la Fête des peuples sans frontières est avant tout une fête politique ; comme son nom l’indique, une fête dédiée à l’internationalisme prolétarien, qui est un principe fondateur de notre Parti, à la solidarité internationaliste entre tous les peuples du monde dans une lutte commune pour leur émancipation, contre l’oppression impérialiste et capitaliste, contre la tyrannie et la guerre, pour le progrès social, pour le socialisme.

 

Cette perspective se reflète dans le programme politique de la fête, dont l’idée était de mettre en avant, sans aucune prétention à l’exhaustivité, et dans une dimension tricontinentale, trois foyers majeurs de lutte et d’espoir sur la planète.

 

C’est tout d’abord l’Amérique latine, dont les peuples ont relevé l’étendard rouge du socialisme dès les années 2000, apportant une lumière nouvelle dans l’âge sombre de la contre-révolution néolibérale, refusant de courber l’échine sous la prétendue « fin de l’histoire ». Ce continent a ouvert un nouveau chapitre dans l’histoire des luttes pour la justice sociale, pour une société nouvelle, libérée de l’oppression exercée par une minorité privilégiée. L’Amérique latine a depuis suivi une trajectoire complexe, entre réalisations spectaculaires, sortie de millions de personnes de la pauvreté, mais aussi difficultés, retours en arrière, et nouvelles victoires. Malgré une opposition farouche d'un impérialisme étatsunien impitoyable et sans scrupules, d’une oligarchie locale ultra-réactionnaire et volontiers raciste, malgré les contradictions et la complexité des tâches, ces peuples n’ont jamais renoncé. Nous soutenons sans réserve leurs luttes qui sont aussi les nôtres. Nous avons décidé de leur donner la parole à la Fête des peuples.

 

C’est deuxièmement le Sahara occidental, occupé par le Royaume du Maroc, et qui est une des dernières colonies stricto sensu sur notre planète (au même titre que la Palestine, la Papouasie occidentale,…), et dont le peuple doit mener une lutte armée pour sa libération. Une lutte insuffisamment connue, et qui devrait l’être plus. C’est pourquoi nous avons fait du Front Polisario, le front de libération du Sahara occidental, l’invité d’honneur de notre fête.

 

C’est enfin le Kurdistan, divisé entre quatre États, et dont le peuple lutte pour son émancipation – ainsi que celle de tous les peuples qui vivent sur ce territoire – et pour une société radicalement nouvelle, ce malgré des difficultés extrême, et de nombreux ennemis : les groupes armés islamistes, les impérialismes perfides, le criminel dictateur Erdogan (que nos « démocraties occidentales » considèrent parfaitement fréquentable, et dont les crimes de guerre sont absous),...

 

Aujourd’hui que les oligarchies capitalistes ne nous proposent comme avenir que l’inflation, les guerres (celle d’Ukraine étant loin d’être la seule), la destruction accélérée de la planète, qui bientôt sera inhabitable, tout cela pour maintenir aussi longtemps que possible leurs privilèges ; que l’Empire le plus puissant qui ait jamais existé s’enfonce lui-même dans les ténèbres de la réaction, et que sa Cour suprême n’est rien de plus qu’un groupuscule d’extrême-droite, nous avons plus que jamais besoin d’une alternative radicale, d’une révolution. De toutes les luttes que nous avons choisi de mettre en avant, nous avons beaucoup à apprendre. Nous devons les soutenir. Excellente 13ème Fête des peuples sans frontières à toutes et tous !