15 mars 2023

De quoi l’affaire Simon Brandt est-elle le nom ?



Le PLR et le procureur général de la République et canton de Genève, Olivier Jornot, membre de ce parti, auraient sans doute préféré oublier cette affaire. Et pourtant, l’affaire resurgit, avec des révélations embarrassantes pour le ministère public. L’affaire dont il est question est celle de l’arrestation et de l’interrogatoire de Simon Brandt, ancien candidat au Conseil administratif de la Ville de Genève pour le PLR, et qui fut proche de Pierre Maudet. Cet interrogatoire fut ordonné par le procureur général dans le cadre d’un soupçon de violation du secret de fonction et d’une consultation à des fins non autorisées d’un fichier de la police où Simon Brandt travaillait alors comme assistant administratif. Dans le mandat d’amener, signé de la main d’Olivier Jornot, il est écrit que la police « est expressément habilitée à user de la force (...) ». Il y est notamment donné l’ordre de « procéder à sa fouille (...) de la surface du corps ainsi que des orifices et cavités qu’il est possible d’examiner sans l’aide d’un instrument ». Il y est précisé que l’interrogatoire doit se faire sans la présence d’un avocat. L’affaire initiale pour laquelle Simon Brandt avait été arrêté se serait déjà dégonflée au moment de l’interrogatoire, mais semble-t-il que le but était de l’intimider, et de l’interroger sur…Pierre Maudet. Tout le processus aurait été scandaleusement entaché d’irrégularités. Une enquête parlementaire est ouverte. La Commission de gestion du Grand Conseil a rendu un rapport accablant pour le parquet.

Et pourtant, Simon Brandt est membre du PLR. Il n’en a pas moins subi un traitement scandaleux, que personne ne devrait subir dans un État de droit, dans le cadre d’une affaire qui semble bien être politique. Il en a gardé des séquelles. Mais ce qu’il a vécu reste « léger » comparé à la répression systématique envers celles et ceux qui ont le « tort », plutôt que d’être membres du parti de la bourgeoisie, de contester le système en place. Acharnement judiciaire pour des faits mineurs, lourdeur des peines requises, fouilles à nu et humiliations, pratiques parfois franchement illégales de la part de la police…sont la norme. Une joyeuseté du système : les ordonnances pénales, des peines, parfois lourdes, ordonnées par un procureur, sans passer par un tribunal. Il est possible de faire recours, bien sûr, mais les frais de justice peuvent être ruineux…La répression brutale de l’occupation d’un immeuble laissé vide à la Rue Royaume n’est que le dernier exemple en date d’une trop longue série. Cette célérité dans la répression est à comparer avec la mansuétude de l'État envers un propriétaire apparemment véreux et dans l’illégalité. Une seule expression vient en tête : « justice de classe ».

On croit parfois vivre dans la démocratie la plus parfaite du monde et un État de droit quasiment irréprochable en Suisse. Or, ce n’est pas exact. Certes, cette démocratie est une réalité, les droits démocratiques étant une conquête précieuse du mouvement ouvrier qu’il faut absolument défendre. L’État de droit correspond aussi à une certaine réalité. Mais ce n’est qu’une partie de la réalité. Même en temps normal, l’État suisse possède nombre de caractéristiques très peu démocratiques, l’État de droit présente des lacunes et des zones grises, parfois terrifiantes. Et l’histoire a trop souvent montré qu’à la moindre crise la Suisse peut très vite tourner à la dictature pratiquement sans fards. Derrière les contrepouvoirs réels et précieux que la démocratie offre au peuple, l’État suisse est en dernière analyse, comme tout État capitaliste, une dictature de la bourgeoisie. Ses institutions policière et judiciaire n’ont pas pour principale fonction d’appliquer le droit, mais d’assurer le maintien de l’ordre établi, au besoin par une répression arbitraire et pas toujours dans les strictes limites de la légalité. Elles forment une véritable police politique au service de la classe dirigeant. La porosité entre la police et les milieux d’extrême-droite est du reste un fait bien connu.

Le ministère public a certainement fait l’erreur de traiter l’un des siens, dans le cadre de ce qui semble bien être un règlement de comptes interne au PLR, comme il le fait avec les opposants au système. Il s’agit d’un abus sur lequel il est plus difficile pour la bonne société de fermer les yeux. Espérons que cette triste affaire ait au moins le mérite de mettre en lumière les véritables pratiques de l’appareil de répression bourgeois, voire, qui sait, permettre des réformes pour en réduire le pouvoir arbitraire.

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