26 juin 2017

Populistes?

Lorsque, pour la troisième fois déjà en quelques années à peine, le peuple genevois a clairement réaffirmé qu’il refusait catégoriquement toute hausse des tarifs des TPG, tout comme toute détérioration des prestations, certains représentants de la droite genevoise, au lieu de s’incliner enfin devant la volonté du peuple souverain – ce qui serait pourtant la moindre des choses en démocratie ! – se sont conduit en mauvais perdants, accusant le peuple d’avoir encore une fois « mal » voté (le Conseil d’Etat, lui, a qualifié le vote populaire d’ « extravagant »…), et les partis ayant combattu la hausse de « populisme » ; le MCG, bien sûr, le Parti du Travail, solidaritéS, mais aussi le PS.

« Populiste », c’est apparemment devenu la nouvelle insulte à la mode des porte-paroles « respectables » de la bourgeoisie et de leurs médias, l’étiquette infâmante, à coller à plus ou moins tout le monde qui leur déplaît, aussi facile d’usage qu’évanescente dans son contenu. Car, quant au fond, qu’est-ce que cela veut dire être « populiste » ? Que peuvent bien avoir en commun le Parti du Travail, le MCG et le PS – parti d’habitude classé, et qui se classe lui-même, aux antipodes du « populisme »  – qui les opposerait aux partis « responsables » que seraient en l’occurrence le PLR, le PDC, les Verts, mais aussi l’UDC – d’habitude qualifiée par les mêmes de parti « populiste » par excellence ?

Présenté comme cela, il semble bien que nous ayons affaire à un concept, si ce n’est complètement indéfini, du moins vague et pouvant être utilisé de bien des façons, ce qui réduit il est drastiquement tout éventuel pouvoir explicatif. D’habitude, la notion de « populisme » est utilisée pour qualifier la façon de faire des démagogues d’extrême-droite qui font appel, hypocritement, au « peuple », au bon « sens populaire » et au « respect de la volonté du peuple » contre les « élites » censées être coupées de la réalité du vrai peuple, réfractaire à la démocratie et peu respectueuses de la volonté populaire. Ce genre de démagogues sont aussi qualifiés de « populistes » car étant censés flatter les pires préjugés et bas instincts du peuple – comme le racisme, la haine de l’autre, l’homophobie, etc. – préjugés et bas instincts contre lesquels seraient par contre immunisées les élites « éclairées ». L’appel au peuple est en l’occurrence bien entendu hypocrite dans la mesure où ce genre de démagogues aspirent à un rapport autoritaire et unilatéral au peuple, dont ils sont censés être les représentants providentiels, et n’ayant de ce fait nul besoin de le consulter pour parler en son nom.

Même défini en ce sens restreint, le concept de « populisme » n’en reste pas moins des plus contestables. Mais, il se fait qu’il est utilisé d’une façon autrement plus extensible. Car en quoi la définition susmentionnée pourrait-elle s’appliquer au PS, ou au Parti du Travail ? De fait, ces partis n’ont agi d’une façon « populiste » que dans la mesure où ils ont pris position, au nom des classes populaires, contraire à celle préconisée par la droite bourgeoise, et ont gagné.

Aussi, il n’est pas difficile de voire le sens réel – même si partiellement inavouable – du vocable mal défini de « populisme ». S’il signifie quelque chose, c’est bien la haine de la démocratie, et in fine du peuple quand il n’accepte pas un rôle de soumission passive, de la part d’une élite politicienne, qui en tout cas se considère comme telle, liée à la bourgeoisie. Cette « élite » veut bien se réclamer de la démocratie et de son attachement au principe du peuple souverain, aussi longtemps que dans les faits elle peut décider à sa place. Mais dès que le peuple a le front de vouloir agir en tant que souverain, et de prendre des décisions autre que celles que l’autoproclamée élite, qui bien sûr sait mieux que lui ce qui est bien pour lui – parce que bien entendu des gens portant une Patek Philippe au poignet sont les mieux placés pour juger qu’une hausse des tarifs des TPG n’est pas significative – il a tort, vote « mal », est « populiste ». Au fond, le terme de « populisme » n’exprime rien de plus que la haine du peuple, jugé ignorant, imbécile, raciste, de la part d’une « élite » néolibérale et censément « éclairée ». Celles et ceux qui usent à tort et à travers de l’étiquette censément infâmante de « populisme » considèrent au fond de leur âme le peuple comme une vile populace, qui idéalement ne devrait pas avoir son mot à dire, et devrait se contenter de courber l’échine en silence.


Mais, pas si éloignés que cela de l’aristocratie de l’Ancien régime finissant, ces gens sont de ce fait quant au fond ennemis de la démocratie dont hypocritement ils se réclament. De là leur offensive contre la démocratie directe, qu’il faudrait restreindre, puisque le peuple aurait commis le crime impardonnable, aggravée par des récidives multiples, de ne pas voter comme le PLR, économiesuisse et Avenir Suisse auraient voulu qu’il vote. Aussi, le peuple souverain, s’il veut vraiment le rester, serait bien inspiré de ne plus voter pour des partis qui ne rêvent que de le voir à genoux. Quant au Parti du Travail, nous sommes fiers d’être du côté du peuple, et pas d’une auto-proclamée « élite ».

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