Lorsque, pour la troisième
fois déjà en quelques années à peine, le peuple genevois a clairement réaffirmé
qu’il refusait catégoriquement toute hausse des tarifs des TPG, tout comme
toute détérioration des prestations, certains représentants de la droite
genevoise, au lieu de s’incliner enfin devant la volonté du peuple souverain –
ce qui serait pourtant la moindre des choses en démocratie ! – se sont
conduit en mauvais perdants, accusant le peuple d’avoir encore une fois
« mal » voté (le Conseil d’Etat, lui, a qualifié le vote populaire
d’ « extravagant »…), et les partis ayant combattu la hausse de
« populisme » ; le MCG, bien sûr, le Parti du Travail, solidaritéS,
mais aussi le PS.
« Populiste »,
c’est apparemment devenu la nouvelle insulte à la mode des porte-paroles
« respectables » de la bourgeoisie et de leurs médias, l’étiquette
infâmante, à coller à plus ou moins tout le monde qui leur déplaît, aussi
facile d’usage qu’évanescente dans son contenu. Car, quant au fond, qu’est-ce
que cela veut dire être « populiste » ? Que peuvent bien avoir
en commun le Parti du Travail, le MCG et le PS – parti d’habitude classé, et
qui se classe lui-même, aux antipodes du « populisme » – qui les opposerait aux partis
« responsables » que seraient en l’occurrence le PLR, le PDC, les
Verts, mais aussi l’UDC – d’habitude qualifiée par les mêmes de parti « populiste »
par excellence ?
Présenté comme cela, il
semble bien que nous ayons affaire à un concept, si ce n’est complètement
indéfini, du moins vague et pouvant être utilisé de bien des façons, ce qui
réduit il est drastiquement tout éventuel pouvoir explicatif. D’habitude, la
notion de « populisme » est utilisée pour qualifier la façon de
faire des démagogues d’extrême-droite qui font appel, hypocritement, au
« peuple », au bon « sens populaire » et au « respect
de la volonté du peuple » contre les « élites » censées être
coupées de la réalité du vrai peuple, réfractaire à la démocratie et peu
respectueuses de la volonté populaire. Ce genre de démagogues sont aussi
qualifiés de « populistes » car étant censés flatter les pires
préjugés et bas instincts du peuple – comme le racisme, la haine de l’autre,
l’homophobie, etc. – préjugés et bas instincts contre lesquels seraient par
contre immunisées les élites « éclairées ». L’appel au peuple est en
l’occurrence bien entendu hypocrite dans la mesure où ce genre de démagogues
aspirent à un rapport autoritaire et unilatéral au peuple, dont ils sont censés
être les représentants providentiels, et n’ayant de ce fait nul besoin de le
consulter pour parler en son nom.
Même défini en ce sens
restreint, le concept de « populisme » n’en reste pas moins des plus
contestables. Mais, il se fait qu’il est utilisé d’une façon autrement plus
extensible. Car en quoi la définition susmentionnée pourrait-elle s’appliquer
au PS, ou au Parti du Travail ? De fait, ces partis n’ont agi d’une façon
« populiste » que dans la mesure où ils ont pris position, au nom des
classes populaires, contraire à celle préconisée par la droite bourgeoise, et
ont gagné.
Aussi, il n’est pas
difficile de voire le sens réel – même si partiellement inavouable – du vocable
mal défini de « populisme ». S’il signifie quelque chose, c’est bien
la haine de la démocratie, et in fine
du peuple quand il n’accepte pas un rôle de soumission passive, de la part
d’une élite politicienne, qui en tout cas se considère comme telle, liée à la
bourgeoisie. Cette « élite » veut bien se réclamer de la démocratie
et de son attachement au principe du peuple souverain, aussi longtemps que dans
les faits elle peut décider à sa place. Mais dès que le peuple a le front de
vouloir agir en tant que souverain, et de prendre des décisions autre que
celles que l’autoproclamée élite, qui bien sûr sait mieux que lui ce qui est
bien pour lui – parce que bien entendu des gens portant une Patek Philippe au
poignet sont les mieux placés pour juger qu’une hausse des tarifs des TPG n’est
pas significative – il a tort, vote « mal », est
« populiste ». Au fond, le terme de « populisme » n’exprime
rien de plus que la haine du peuple, jugé ignorant, imbécile, raciste, de la
part d’une « élite » néolibérale et censément « éclairée ».
Celles et ceux qui usent à tort et à travers de l’étiquette censément infâmante
de « populisme » considèrent au fond de leur âme le peuple comme une
vile populace, qui idéalement ne devrait pas avoir son mot à dire, et devrait
se contenter de courber l’échine en silence.
Mais, pas si éloignés que
cela de l’aristocratie de l’Ancien régime finissant, ces gens sont de ce fait
quant au fond ennemis de la démocratie dont hypocritement ils se réclament. De
là leur offensive contre la démocratie directe, qu’il faudrait restreindre,
puisque le peuple aurait commis le crime impardonnable, aggravée par des
récidives multiples, de ne pas voter comme le PLR, économiesuisse et Avenir
Suisse auraient voulu qu’il vote. Aussi, le peuple souverain, s’il veut
vraiment le rester, serait bien inspiré de ne plus voter pour des partis qui ne
rêvent que de le voir à genoux. Quant au Parti du Travail, nous sommes fiers
d’être du côté du peuple, et pas d’une auto-proclamée « élite ».
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