07 juillet 2021

Les leçons du NON à la loi sur le CO2 : pas de justice climatique sans justice sociale

 


Le peuple a donc dit NON à la loi sur le CO2. Faut-il y voir la catastrophe que beaucoup déplorent, la victoire sans appel du lobby pétrolier, de l’extrême droite, du climatoscepticisme et de l’égoïsme à courte vue, et une défaite tragique pour l’environnement et les générations futures ? Quelles sont d’abord les raisons de ce vote ? Et que faut-il faire désormais ?

 

Rappelons que notre Parti était opposé à cette loi sur le CO2, de même que d’autres organisations de gauche radicale, ainsi qu’une partie de la grève du climat. Toutefois, si les oppositions se sont additionnées, il est malheureusement indubitable que le NON de gauche n’a eu qu’un poids limité dans la balance. La disproportion de moyens était trop flagrante, et le NON de gauche s’est révélé au final beaucoup moins important que ce qui semblait devoir être au moment de la campagne référendaire, une nette partie de la grève du climat s’en étant distancée. Le climatoscepticisme est hélas une réalité dans la population, beaucoup plus répandu que ce que l’on peut parfois penser.

 

Faut-il alors déplorer ce résultat, y voir une défaite pour l’écologie, peut-être même regretter notre mot d’ordre durant la campagne ? Il faudrait commencer par comprendre les raisons de ce suffrage, avant de se lamenter. La première chose à dire, c’est que le vote du peuple n’était pas nécessairement un NON à une politique ambitieuse face au réchauffement climatique, mais un refus de cette loi-là. Une loi qui n’aurait eu qu’un impact ridiculement insuffisant en matière de réduction de gaz à effet de serre, tant elle se limitait à cibler la responsabilité individuelle « du » consommateur, ce qui aurait surtout servi à repeindre le système en vert à peu de frais, et à laisser les vrais pollueurs, soit les grandes entreprises – pour lesquelles aucune disposition n’était prévu dans la loi sur le CO2 – et les riches – pour qui les taxes sont indolores – à pouvoir continuer à détruire notre environnement, comme si de rien n’était.

 

En ce sens, c’est la version la plus mainstream, mais aussi la plus hypocrite et la plus inefficace de l’écologie qui a été rejetée par le peuple : l’écologie libérale, antisociale et punitive, ne visant que la « responsabilité individuelle » par des taxes « incitatives », et se refusant à toucher à la « liberté » du libre-marché, l’impossible et contradictoire capitalisme vert. Cette écologie-là est une impasse, non une solution. Que le peuple n’en ait pas voulu est une bonne chose.

 

Du reste, la plupart des citoyens votent non pas tant en fonction des mots d’ordre des partis, que de ce qu’ils perçoivent spontanément comme étant leur intérêt. En l’occurrence, une majorité des votants a refusé la perspective de devoir payer des taxes supplémentaires au nom de l’écologie. Peut-on le leur reprocher ? Y voir de l’« égoïsme » dénote trop souvent un mépris de classe de la part de militants petits-bourgeois qui n’ont pas de problèmes d’argent. Les gens n’ont pas tort après tout de penser que ces taxes sont aussi injustes qu’antisociales : elles touchent le plus durement celles et ceux dont l’empreinte écologique est la plus faible, et sont quasi-imperceptibles pour les vrais pollueurs. Aussi hypocrite fût-elle, la propagande de l’UDC a marqué un point à ce sujet. Si trop de gens finissent par penser que l’écologie n’est qu’une arnaque pour leur imposer plus de taxes, et tombent dans le climatoscepticisme, on peut le déplorer, mais faut-il vraiment s’en étonner ?

 

Alors, maintenant que faire ? Loi sur le CO2 ou non, le problème du réchauffement climatique reste entier et urgent, et exige une solution rapidement et à la hauteur des enjeux. Cela, presque personne n’ose le contester. Ce qu’il faut maintenant, ce n’est surtout pas une loi encore plus libérale et plus purement incitative, comme le souhaiterait le PLR – proposer une telle « solution » tient presque de la mauvaise plaisanterie – mais une écologie socialement juste, qui tient compte de la dimension de classe du problème, et qui ne passe pas par de taxes « incitatives », mais par des mesures structurelles, qui soient imposées aux vrais responsables du désastre, et qui apportent les changements systémiques indispensables.

 

Il est intéressant de constater que le PS et les Verts, qui avaient dénigré ce discours durant la campagne, le reprennent maintenant à leur compte, pour expliquer les raisons de l’échec de la loi sur le CO2, pour dire que des mesures en faveur de l’écologie ne peuvent en aucun cas passer par des taxes, qu’elles doivent viser la finance, les grandes entreprises, que c’est aux vrais responsables du désastre de payer pour y faire face désormais. S’il a permis que la gauche réformiste comprenne cela, le NON à la loi sur le CO2 n’aura pas été inutile.

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