29 juin 2007

programme politique du Parti du Travail


Parti du Travail Genève
Congrès cantonal 23 juin 2007

Résolution politique:préambule

Au plan national, le Parti du Travail est un petit parti, mais il base son action sur une idéologie porteuse d'avenir. Aujourd'hui, une réflexion politique générale et une redéfinition de nos objectifs est nécessaire. Elle porte sur la société et l'évolution du monde.

Notre action doit s'inscrire dans les deux axes principaux qui sont la définition de la société socialiste et démocratique que nous voulons contribuer à construire et le chemin et les moyens politiques de la transformation de la société que nous voulons mettre en oeuvre. C'est dans cette perspectives que doit s' inscrivent l'activité du parti et de ses militantes et militants en adéquation et harmonie avec l'ensemble des forces de progrès qui luttent partout dans le monde pour la construction d'une autre société basé sur le progrès social, la solidarité internationale et la paix.

Notre projet et nos actions politiques permettront à la population de mieux connaître et participer à nos objectifs généraux, à nos propositions concrètes.

Considérations générales
Nous restons convaincus que la société actuelle construite sur la domination, la violence, l'exploitation humaine et le pillage des ressources naturelles, conduit nos sociétés à leur perte. Le système capitaliste doit être combattu et dépassé par les forces du progrès social et du développement durable. Dans ce but il est nécessaire de renverser les rôles de l'économie, de l'environnement et de l'Etat, de mettre enfin l'être humains et la protection de son environnement au centre des priorités.

La société capitaliste

La société capitaliste ne considère l'être humains qu'au travers de son utilité commerciale et marchande, en sa qualité de producteur et consommateur de biens. L'être humains est relégué au niveau d'une marchandise, la société à un marché et la culture à une publicité...

Cette course effrénée aux profits est en marche sur toute la planète, elle accroît chaque jour le fossé entre riches et pauvres.

A cette situation il convient d'ajouter la situation des personnes contraintes de choisir la fuite, l'exil en raison de la misère qui frappe la grande majorité des peuples du Tiers Monde. Après des années d'exploitation et d'oppression coloniale, ces personnes sont victimes d'une plus grande exploitation en raison de leur situation difficile ou de leur statut de réfugiés ; elles sont exploitées, précarisées bien davantage encore que les autres couches de la population.

Paradoxalement, d'un autre côté, une minorité de possédants accumule les fortunes et les milliards au détriment des familles ; l'écart ne cesse de croître. Les injustices, l'inhumanité du système capitaliste provoquent chaque jour de nouvelles inégalités de nouvelles injustices, de nouvelles victimes innocentes. La seule perspective de cette dérive qui s'accélère est un monde de violences et de guerres.

Les contradictions du développement capitaliste exploitant les ressources et les travailleurs de la planète vont croître. La seule véritable alternative est la transformation radicale et profonde de la société. Une transformation pour garantir universellement l'accès aux biens communs, de l'eau, à l'énergie, au logement, au travail, à la santé, à la formation et à la dignité.

Pour engager cette profonde transformation il faut commencer par replacer l'être humain au centre des préoccupations de la société, et l'économie, à son service, une économie, un système politique permettant de gérer les forces productives au service de toutes et tous.

Il s'agira de remplacer la doctrine actuelle par des systèmes coopératifs permettant une relation équilibrée entre la production des biens et l'ensemble de la société.

Enfin, l'évolution économique doit se faire dans le respect absolu de la nature et de l'environnement.

Dans cette perspective, nous devons produire des biens socialement utiles et respectueux de la nature

L’environnement

La nature évolue et certains changements mettent en déséquilibre les conditions de vie de l'être humain. En accélérant ou en aggravant ces modifications par ses propres activités, l'être humains augmente le danger et la situation deviendra irréversible si des mesures de protection de l'environnement et de réduction des nuisances provoquée par nos sociétés industrielles ne sont pas prises rapidement. C'est l'existence même de notre planète qui est remise en question. Les observations scientifiques démontrent que les dangers mettent en péril de manière irréversible notre environnement. Nous pouvons déjà en constater les conséquences.


Pour sortir de cette spirale infernale, le dépassement du capitalisme est inévitable. Ce sont principalement les règles du capitalisme mondialisé qui accélèrent ces processus destructifs sur toute la planète.

Marx le disait magistralement : La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du processus de production sociale qu'en épuisant en même temps les deux sources d'où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur.

Les écologistes qui ont pris conscience des liens liant la production capitaliste et la menace sur l'environnement doivent être éthiquement au coté de ceux qui luttent contre la société capitaliste. Une société basée sur l'intérêt individuel et la privatisation des moyens de production ne peut qu'être nuisible à la survie de notre planète.

" Tant que nos petites cervelles biodégradables laisseront l'intérêt privé primer sur l'intérêt collectif ", il y a danger pour les générations futures ! Encore faut-t-il relativiser la part de responsabilité individuelle des personnes subissant l'idéologie dominante. Cette dernière s'efforce de faire reporter la responsabilité du dérèglement climatique sur chaque individu.

Dans leur cheminement aveugle et obtus le capitalisme et les propriétaires des grands moyens de production ne pensent qu'à développer leurs profits et ignorent ainsi la destruction de l'environnement. Pour atteindre leurs objectifs économiques, ils n'hésitent pas à provoquer des conflits et des guerres pour s'assurer la maîtrise du pétrole, de l'eau et d'autres ressources principales.

Dans un monde unipolaire dans lequel le capitalisme n'a plus d'adversaire, le terrorisme demeure l'unique arme des faibles pour harceler les puissants dans des conflits asymétriques. La seule véritable solution serait le respect du droit international. Cela ni les puissants, ni les Etats ne le veulent. Les USA poursuivent leur guerre illégale en Irak en toute impunité. Les résolutions des Nations Unies ne sont pas appliquées en Palestine où le non-droit reste la règle : assassinats d'hommes d'Etat élus démocratiquement, déportation de populations, punitions collectives, occupations illégales, etc... Des centres de détentions illégaux sont opérationnels en Europe, en Pologne et Roumanie, comme à Guantanamo.

Ces violences favorisent le développement du commerce de l'armement. La Suisse participe à cette expansion des moyens de guerre et envoie des soldats ; elle soutient ainsi indirectement les fauteurs de guerres.

Le rôle de l’Etat
Il est urgent de redéfinir le rôle de l'Etat et de son pouvoir. Nous conservons la conviction marxiste visant à terme à la disparition de l'Etat. Ce mouvement se réalisera au fur et à mesure que l'émancipation de la société civile se construira. Ainsi, notre relation au pouvoir d'Etat devra être constamment réexaminée. L'Etat ne doit pas régner au-dessus des intérêts populaires. Notre but n'est pas d' "Étatiser " la vie sociale mais de socialiser l'Etat.

L'Etat répond de moins en moins à la défense des plus humbles de ses habitants. Par son soutien systématique aux possesseurs des moyens économiques et financiers il crée un déséquilibre grave. Il met en oeuvre un rôle répressif à l'égard de celles et de ceux qui résistent au " tout marchand " ou qui ont une autre conception de l'Etat.

Nous ne voulons pas un Etat vivant au-dessus des habitants. Nous ne voulons pas d'un Etat permettant à celles et ceux qui gouvernent de donner libre court à leur soif de pouvoir, notamment économique.

Nous voulons un Etat soucieux du bien commun dans une nature préservée. Un Etat soucieux de construire sur la Terre, avec les autres Etats, les conditions permettant l'épanouissement maximum de chaque être humain. Un Etat en liaison constante avec le peuple et les mouvements sociaux pour lui permettre de conduire son rôle avec cohérence. Un Etat que nous imaginons capable de favoriser l'approfondissement des liens entre les habitants de manière à leur permettre de mieux comprendre et de mieux décider pour mieux agir. Un Etat favorisant la citoyenneté de tous les habitants.

Notre but politique ne consiste pas seulement à changer ceux qui détiennent le pouvoir avec les forces qu'ils représentent, mais de changer également la conception même du pouvoir. La politique appartient à chacun et à chacune. Cela signifie gouverner au service du peuple et non pas mettre le peuple au service de l'Etat.

L'Etat que nous souhaitons défendra, dans un premier temps, les intérêts des plus humbles de ses membres pour éliminer progressivement les intérêts de classes. La construction d'une société socialiste évoluant vers une société communiste est notre objectif à long terme. Une société communiste ayant pour objectif de mettre en équilibre ce qui est nécessaire à chacune et à chacun pour s'épanouir au maximum en relation étroite avec ce qui est indispensable a la collectivité.

Une société commune sans pouvoir ni exclusion, une société qui tisse sans cesse des liens entre les intérêts collectifs et les intérêts individuels dans le but de permettre le plus grand épanouissement de chacune et chacun. Notre démarche s'inscrira dans des alliances entre les diverses forces politiques et citoyennes avec qui nous pourrons établir des alliances de progrès.

Nous avons choisi la société que nous voulons, entre les objectifs économiques et sociaux, entre le développement humain et la barbarie, entre le chaos et le progrès.

La lutte idéologique
L'ambition du Parti du Travail va bien sur au-delà d'un simple débat. Nous voulons développer nos connaissances, affûter nos analyses politiques, pour trouver des réponses à l'évolution du monde contemporain soumise aux stratégies destructives du libéralisme.

Aujourd'hui, dans nos sociétés le combat idéologique est conduit par la droite qui veut clairement briser la résistance populaire et remettre en cause les acquis sociaux.

Nous devons répondre à cette lutte idéologique inspirée par l'exemple américain. Non seulement l'idée dominante est que les gens en ont assez des discours des politiciens, des idéologies, du combat gauche-droite etc. Mais de plus on assiste à la création d'un corpus idéologique de la droite et une redéfinition de la lutte des classes. La ligne de tension ne passe plus entre les petits et les gros, entre le travail et le capital mais entre ceux qui se lèvent tôt et les assistés c'est-à-dire entre deux fractions de prolétaires.


La question sociale a été redéfinie, la ligne de démarcation est tracée non plus entre les riches et les pauvres, entre les capitalistes et les travailleurs, mais entre les salariés et les assistés, entre les ouvriers et les fraudeurs. Cela, on l’entend dans tous les discours de la droite antisociale : « vous payer trop d'impôts, vous les ouvriers, les employés, pour financer des allocations qui sont versées à plus pauvres que vous ! »

Ce sont ces arguments qui sont développés pour faire voter le peuple contre ladégradation des assurances sociales, voter sur la révision de l'AI, sur l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes, contre les initiatives sur la caisse maladie, la fiscalité etc. etc.

Demain si nous ne régissons pas sur le taux de conversion LPP, ce sera moins 200 CHF par mois de rente et augmentations des cotisations pour les actifs. Nous devons réagir contre l'augmentation des franchises dans les centres de soins de 10 à 20%,contre de nouvelles augmentations de la TVA, contre la modification de l'assiette fiscale au détriment des plus démunis etc.…

Ce qui manque à la gauche c'est un programme, une vision de la société, un projet de ce qui pourrait être une évolution non libérale, voire non capitaliste de nos sociétés. C'est ce vide qui est le terreau des victoires politiques de la droite et du démantèlement social qui poursuit sa marche en avant.

De nombreux pays européens qui ont conduit les libéralisations, la privatisation des services publics ont eu à leur tête des gouvernements sociaux-démocrates : laFrance de Jospin et Mitterrand, l'Allemagne de Schröder, l'Espagne de Gonzales,l'Angleterre de Blair etc.La caractéristique principale de la social-démocratie c'est de n'avoir nulle part et jamais, même en étant au pouvoir de l'État, construit une société socialiste !

La responsabilité des partis communistes dans les anciens pays de l'Est est d'avoir non seulement échoué, mais surtout, d'avoir tué une bonne partie des espoirs nés de la révolution de 1917 !

La raison de ce manque d'idées résulte aussi de l'échec de la vision sociale-démocrate nordique et de la fin des expériences communistes de l'autre côté du mur de Berlin.

Ces réalités font que la gauche manque de points de références : fini l'intérêt pour les modèle sociaux démocrates du nord, fini le regard sur ce qui se passait à l'Est, même sans partager tout ce qui s'y faisait.

Il n'y a même plus de regard. C'est le vide et ce vide est plus impressionnant, inquiétant et déstabilisant que l'on nous ne l'avons imaginé, nous autres militants de gauche, mais aussi les chercheurs et les philosophes.

Nous devons entamer le débat sur le type de société socialiste et la manière d'aller vers cette société nouvelle, vers ce socialisme démocratique que nous voulons contribuer à construire.

Nous ne partons pas de rien, il y a des acquis, des textes, des travaux innombrables sur le marxisme, la philosophie, qui doivent nous permettre d'affûter nos connaissances au service de notre ambition de transformer cette société toujours plus injuste que nous préparent la droite et l'extrême droite.

Nous ne pouvons nous satisfaire d'une société où les médias forment les opinions et remplacent le rôle des partis politiques. Nous devons relancer le débat, organiser la formation, affûter nos connaissances, nos bases théoriques, car comme le disait Gramsci « les luttes pour des idées précèdent les victoires électorales ». Pour l'instant nos priorités ne sont plus les élections mais la formation et le fonctionnement du Parti du Travail.

Quelques propositions fondamentales

Le Parti du travail s'engage à:

a) défendre et promouvoir les intérêts matériel et culturel de la population de la Suisse, sur la base d'un socialisme démocratique s'inspirant en permanence de l'analyse scientifique de la société et des traditions humanistes; il entend par là le développement libre, pacifique, digne et humain de chacun-e comme condition du libre développement de toutes et tous et cela en harmonie avec la nature et l'environnement;

b) réaliser l'égalité des droits entre femmes et hommes et contribuer à les libérer de toute exploitation et de tout assujettissement;

c) défendre et développer les droits démocratiques de toutes et tous et dans tous les domaines;

d) contribuer à réunir une large majorité en faveur du dépassement du capitalisme et du développement socialiste de la société suisse;

e) contribuer à la recherche et à la consolidation de la paix dans le monde;

f) développer la solidarité internationale entre les peuples, entre les travailleuses et travailleurs, entre les femmes, les hommes et les enfants de la terre; contribuer à réaliser l'égalité des droits entre les peuples et à libérer ceux-ci de toute exploitation et de tout assujettissement.

g) coopérer avec des organisations, des mouvements et des personnes qui visent des buts généraux ou particuliers convergents aux siens.

Quelques propositions concrètes

  • Appliquer partout et avec rigueur les règles de l'Agenda 21
  • Maintien des différents systèmes de sécurité sociale
  • Maintien de l'âge de la retraite
  • Égalité des droits sociaux pour chaque habitant-e.
  • Formation obligatoire et gratuite jusqu'à 18 ans
  • Fin de la concurrence fiscale entre les cantons
  • Soutien à une culture décentralisée et populaire
  • Limitation de la publicité commerciale et politique selon des règles éthiques
  • Civilisation numérique : pour une société de la connaissance partagée
  • Logiciel et contenus libres, format ouvert et interopérabilité
  • Lutter contre le Big Brother numérique en défendant les droits les libertés et la démocratie
  • Infrastructures : réfléchir à de nouvelles missions de Service Public
  • Rechercher de nouveaux moyens financiers par des impôts plus justes, plus efficaces, pour répondre aux besoins sociaux et de service public
  • Emploi pour tous, construire une sécurité de l'emploi et de formation pour en finir avec les bas salaires
  • Un système de santé efficace et solidaire
  • La retraite : un droit humains à garantir par une nouvelle répartition des richesses
  • Financement de la protection sociale : il est temps de faire du neuf
  • Paix, sécurité et désarment et droit des peuples.

Le 18 brumaire de Nicolas Sarkozy

Source: http://www.imedias.biz/presidentielle/?2007/04/29/245-sa-caricature-choque-sarkozy

Jean Spielmann

Discours de Jean Spielmann, membre éminent du Parti du Travail, lors d'un débat politique:

Notre ambition, l'ambition du Parti du Travail en lançant ces cycles de débats, ces forums de discussion va bien sur au-delà d'une simple discussion. Ce qui est visé c'est affûter nos connaissances et nos analyses politiques pour trouver des réponses à l'évolution du monde contemporain soumise aux stratégies destructrices du libéralisme. C'est ensuite traduire les réponses théoriques dans l'action collective du parti, car, comme le dit la maxime gravée sur la tombe de Marx: "les philosophes ont pour vocation de trouver des réponses théoriques, ma volonté a été de les traduire dans la pratique politique."

Pour lancer le débat et tenter de démontrer l'importance de la lutte idéologique dans l'action politique je vais prendre pour levier les récentes élections en France qui ont conduit à la victoire Sarkozy.

Ce résultat est:

Plus une victoire de la droite qu'une défaite de la gauche.

Plus une défaite idéologique qu'une défaite politique.

Une droite qui veut clairement briser la résistance populaire et non négocier avec les syndicats. Des syndicats faibles parce que faibles dans les épreuves de force dans les luttes, mais surtout sur le plan idéologique. Durant cette campagne, on a vu Sarkozy et sa coalition qui avait un programme, un proejet, une vision de la société, qui est une vision de droite et simultanément d'extrême droite.

Nous l'avons tous vu et entendu, de manière on ne peut plus claire. En face de cette offensive il y avait un vide énorme, pas seulement dans la campagne de Ségolène ou dans celle du PS, pour autant que l'on puisse estimer qu'il y a eu une campagne du PS.

Que dire aussi des forces de gauche incapables de rassembler et de porter sur le terrain politique les combats menés avec succés: tels que le CPE, le traité constitutionnel européen et la victoire du REFERENDUM de 2005, ainsi que de traduire sur le terrain politque la révolte des banlieues.

Personne n'a porté tous ces combats. Si l'on essaie de comprendre pourquoi? La première réponse qui vient à l'esprit, certainement pas la seule, c'est qu'il n'y a plus à gauche de programme, de vision, de projet de ce que pourrait être une évolution non libérale, voire non capitaliste de nos sociétés; et c'est ce vide qui a été le terreau de la victoire de Sarkozy.

Le soir de la défaite, on a entendu certains dirigeants du PS se demander ce qui n'avait pas été fait depuis 2002. C'est une date importante, mais il faut remonter plus loin, à l'échec de la vision sociale-démocrate nordique de l'évolution de la société. De l'autre côté du mur de Berlin et la fin des expériences communistes.

Et aussi le fait que de nombreux pays européens qui ont conduit les libéralisations, la privatisation des services publics ont eu à leur tête des gouvernements sociaux-démocrates: la France de Jospin et de Mitterand, l'Allemagne de Schröder, l'Espagne de Gonzales, l'Angleterre de Blair, etc. La caractéristique principale de la social-démocratie est de n'avoir nulle part et jamais, même en étant au pouvoir de l'Etat, construit une société socialiste! Comme la responsabilité des partis communistes dans le socialisme de caserne des anciens pays de l'Est non seulement d'avoir échoué, mais je dirai surtout d'avoir tué une bonne partie des espoirs nés de la révolution de 1917. Ne parlons même plus de la force propulsive des soviets!

La gauche n'a plus de points de référence: pas forcement servile, on pouvait avoir de l'intérêt pour les modèles sociaux-démocrates du nord sans en partager toutes les options, on pouvait avoir un regard sur ce qui ce passait à l'Est sans partager tout ce qui s'y faisait.

Mais depuis, il n'y a même plus de regard. C'est le vide sidéral et ce vide est plus impressionnant, inquiétant et destabilisant que nous ne nous l'étions immaginé, nous autres militants de gauche, mais aussi les journalistes, les chercheurs et les philosophes. Cette réflexion doit nous conduire à préparer les thèmes à venir.
Au fond, cette victoire de la droite française n'est pas une première dans le monde qui surfe depuis des décennies sur les vagues de l'ultra-libéralisme. Cela peut aussi être le début d'une chance car cela va nous amener les uns les autres à favoriser le dialogue et la réflexion, pas seulement en France, car il n'existe pas de monopole dans un monde sans cesse plus interdépendant. Je ne pense pas sur le plan de la politique politicienne, pas sur les petites questions stratégiques d'alliance ou des questions quotidiennes où nous devons bien sûr continuer d'être présents et actifs. Je pense surtout au débat d'idées sur le type de société que nous voulons construire et la manière d'aller vers cette société nouvelle, vers ce socialisme démocratique que nous voulons contribuer à construire.
Pour cela, tous les scientifiques, les sociologues, les militants syndicaux et politiques, les spécialistes des questions sociales et environnementales, nous sommes tous interpellés par ce résultat et devons approfondir nos connaissances, revoir nos théories, réapprendre afin de jeter les bases de ce projet de société que nous avons l'ambition de construire. Nous ne partons pas de rien, il y a des acquis, des textes, des travaux innombrables sur le marxisme, la philosophie qui doit nous permettre d'affûter nos connaissances aux service de notre ambition de transformer cette société toujours plus injuste que nous préparent la droite et l'extrême droite.
Pour bien tenter d'expliquer l'importance de la lutte idéologique, je vais reprendre l'analyse commencée et en cours sur la victoire idéologique de la droite en France en tentant de la mettre en perspective.
Le vainqueur Sarkozy, alors qu'il s'était déjà autoproclamé candidat président, a fait le voyage aux USA, et on l'a vu aux côtés de Bush, puis plus rien. Durant la campagne, silence Radio.
Pourtant, la campagne de Sarkozy est directement inspirée des techniques qui ont fait le succès de la droite américaine ces dernières années.D'abord, il faut savoir reconnaître des dons d'artiste à Sarkozy et aux médias serviles qui lui ont permis de réussir trois grandes performances.
  • La première: se présenter comme persécuté par le politiquement correct. Cela, il fallait le faire quand on sait qu'il a été ministre d'Etat quatre des cinq dernières années, et a présidé un parti qui disposait de la majorité absolue à l'Assemblée Nationale.

  • La deuxième: se présenter comme le candidat de la rupture, de la modernité alors qu'on sait que ce qu'il a obtenu aux urnes, c'est l'appui massif des retraités.

  • La troisième: lui, l'élu de Neuilly, le porte-parole de la grande bourgeoisie, il parle pour le peuple. Aucun candidat n'a autant invoqué le peuple que lui, alors qu'il a le soutient enthousiaste du MEDEF (Mouvement des Entreprises de France) et des grands patrons cotés au CAC 40.

En fait, l'imitation de l'exemple américain tient à ces trois registres principaux: d'abord se présenter comme hors du système politique, ensuite insister sur la bataille des idées, puis mener le combat pour ces idées.
Alors que l'idée dominante en France durant cette campagne était que les gens en ont assez des discours des politiciens, des idéologies, du clivage gauche-droite, etc... Nicolas Sarkozy a pris le contre-pied de ces idées, au contraire, sa perception à lui, c'est qu'il fallait créer un corpus idéologiue de droite et le faire triompher à l'issue de la campagne électorale.
Enfin, dernière technique qu'il emprunte directement à la droite américaine: la redéfinition de la lutte des classes. Et oui, il y a de la lutte des classes dans le discours de Sarkozy! Mais la ligne de clivage, la ligne de tension ne passe plus entre les petits et les gros, entre le travail et le capital, mais entre ceux qui se lèvent tôt et les assistés, c'est à dire deux fractions que nous qualifions de prolétaires.
Si l'on prend le politiquement correct, Sarkozy fait ce que Nixon a fait dans les années soixante. Il se présente comme le porte-parole d'une majorité silencieuse qui a été terrorisée par un consensus de gauche, et c'est ce qu'il déclare au Figaro le 17 avril dernier, je cite: "depuis 2002 , je me suis construit en marge d'un système qui ne voulait pas de moi comme président de l'UMP, qui recusait mes idées comme ministre de l'Intérieur et qui contestait mes propositions."
Donc Nicolas Sarkozy est le candidat rebelle qui va parler pour les rebelles qui en ont assez des politiques menées, alors qu'il est ministre d'Etat¨!
On va le suivre pour bien comprendre que son combat est avant tout idéologique. Encore dans le Figaro, le 17 avril: " Le vrai sujet de cette présidentielle, ce sont les valeurs. Derrière les apparences, tout - le travail, l'éducation, l'immigration, la sécurité - s'ordonnent autour de la crise d'identité que traverse la France. D'où ma campagne sur le sens et sur les valeurs, qui désoriente certains commentateurs, mais dont les Français ont bien compris la nouveauté: je ne mène pas un combat politique mais un combat idéologique."

Lors de son meeting à Marseille, le 19 avril dernier, il prétend, je cite: "j'ai été injurié et insulté, traîné dans la boue par tous les adeptes du politiquement correct et de la pensée unique." Et il demande au patronat présent dans la salle: "je vous demande de vous lever, d'exprimer votre sentiment de cette majorité silencieuse qui ne veut plus que la pensée unique parle en son nom." La majorité silencieuse, c'est vraiment le thème de Richard Nixon pendant la campagne de 1968 aux USA après les émeutes, après le chaos dans l'agitation des années soixante, il parle au nom de la majorité silencieuse, celle qui n'était pas dans les rues, qui était chez elle et qui a souffert. C'est la copie conforme de ces thèses qui ont conduit Sarkozy reprendre le thème de mai 68 dans les derniers jours de sa campagne.
Le douze avril à Toulouse, il précise: " si je suis élu président, tout ce que la droite républiquaine n'osait plus faire parce qu'elle avait honte d'être de droite, je le ferais." Dnc réaffirmation d'un discours de droite qui a été réduite au silence à cause d'une pseudo-dictature de la gauche!
C'est tout de même paradoxal quand on sait à quel point la droite a conduit la politique de la France ces dernières années, y compris sur des orientations très à droite. Chirac a conduit, comme premier ministre en 1966-8, des politiques ultra-libérales, sans plus aucune prétention au gaulisme.
Le travail idéologique
Le travail de rupture, le travail de construction d'un corpus idéologique pour la droite. Il est intéressant de voir que les deux candidats à avoir nommément cité Antonio Gramsci, le communiste italien, sont Le Pen et Sarkozy.
Dans un entretient au Figaro toujours, ce dernier explique: " Au fond, j'ai fait mienne l'analyse de Gramsci: le pouvoir se gagne par les idées." C'est la première fois qu'un homme de droite assume cette bataille-là.
Il poursuit dans la même interwiew: "En 2002, quinze jours après mon arrivée au ministère de l'intérieur, une certaine presse a commencé à m'attaquer sur le thème: "Sarkozy fait la guerre aux pauvres." Je me suis dit: soit je cède et je ne pourrai plus rien faire, soit j'engage la bataille idéologique, en démontrant que la sécurité est avant tout au service des plus pauvres. Depuis 2002, j'ai donc engagé un combat pour la maîtrise du débat d'idées. Tous les soirs, je parle de l'école, en dénonçant l'héritage de 1968. Je dénonce le relativsme intellectuel, culturel, moral...Et la violence de la gauche à mon endroit vient du fait qu'elle a compris de quoi il s'agissait.
Une déclaration pour le moins explicite de son combat idéologique.
Il y a donc bel et bien eu une bataille idéologique, mais cette bataille a été menée par un seul camps, celui de la droite, et c'est ce camps qui a gagné.
Le Pen, dans son discours du premier mai, s'est pleint d'avoir été pillé par Sarkozy. Il l'a dénoncé d'avoir fait deux hold-up sur son programme et de surfer sur le triomphe des idées du Front National. Et Le Pen lui aussi de citer Gramsci: "Notre insuccès arithmétique, celui du Front National, masque une victoire idéologique évidente. C'est l'écrivain communiste italien Gramsci qui a écrit: les victoires idéologiques précédent toujours les victoires électorales..."
On assiste à une véritable révolution culturelle
Avant lui, on a entendu Rüter, le dirigeant de la Nouvelle Droite Hollandaise, qui lui aussi apprécie les idées de Gramsci, cet intellectuel communiste enterré vivant durant des années dans les prisons de Mussolini. Selon Gramsci, les révolutions ne peuvent réussir que lorsque la culture d'un pays connaît également un changement profond, lorsque "l'hégémonie culturelle" de l'élite est brisée. C'est pourquoi, il faut d'abord que se produise une "révolution culturelle", et c'est précisement le souhait de Rüter. Il faut subvertir le "consensus entre la gauche et les libéraux", consensus maintenant à la mode. Selon Rüter, ce consensus nous est imposé par le "grand capital" et organisé par l'Etat. Rüter veut que notre organisation sociale et notre façon de penser reposent désormais sur le nationalisme inspiré de la Nouvelle Droite. Voilà qui est clair.
Mais comment et pourquoi ces références à Gramsci?
Après avoir analysé la manière dont se forme une nouvelle classe dirigeante, Gramsci introduit une importante distinction - marquée avant lui par Lénine - entre "direction" et "domination", pour souligner plus clairement les différences entre l'itilisation de la force (dans la phase dite "temporaire" de dictature du prolétariat) et celle du recours à l'hégémonie culturelle pour obtenir le consentement du peuple. Cependant, cette distinction a bien sûr un sens différent pour Gramsci, qui dit que la société est "dirigée" par une nouvelle classe sociale "avant" que celle-ci n'accéde au pouvoir. La fonction des intellectuels "organiques" est la direction "intellectuelle et morale" de la société par l'éducation et l'organisation de la culture, plutôt que par les moyens traditionnels de coercition légale et physique.
Dans les dixième et onzième cahiers, qui traitent de la "philosophie" et évoquent le rôle important joué par l'intellectuel italien Benedetto Croce pendant la Première Guerre mondiale, puis sous le régime fasciste, nous trouvons la même analyse et d'autres développements importants. Le thème central en est "l'hégémonie politique" comme processus éducatif.
"Il faut - dit-il - détruire le préjugé fort répandu selon lequel la philosophie serait une chose très difficile, parce qu'elle serait l'activité intellectuelle propre d'une catégorie déterminée de savants spécialisés ou de philosophes professionnels et faiseurs de systèmes. Il faut démontrer au préalable que tous les hommes sont "philosophes" en définissant les limites et les caractères de la "philosophie spontannée" qui est celle de "tout le monde"." ... Cette philosophie est contenue dans la langue même, dans le "sens commun" et dans la religion populaire, c'est à dire "dans tout le système de croyances, de superstitions, d'opinions, de façons de voir et d'agir". Le vrai problème consiste donc à savoir non pas tant si l'on est philosophe ou non, mais plutôt s'il convient " "de participer" à une conception du monde "imposée" mécaniquement par le milieu extérieur, autrement dit par l'un des nombreux groupes sociaux dans lesquels chacun se voit automatiquement impliquer dès son entrée dans le monde conscient", ou "d'élaborer sa propre conception du monde de façon consciente et critique, et ainsi, en connexion avec ce travail que l'on doit à son propre cerveau, choisir sa propre sphère d'activité, de participer activement à la production de l'histoire du monde, d'être le guide de soi-même au lieu d'accepter passivement et lâchement que le sceau sooit mis de l'extérieur à notre propre personnalité"
Voilà en fait quelles sont les conceptions de Gramsci, qui ne sont pas exactement celles des citations faites tant par Le Pen que par Sarkozy.
La dimension très forte d'un discours idéologique chez Sarkozy conduit à une victoire qui n'est pas sur le thème: les électeurs du centre se gagnent au centre; soyons consensuels; faisons des débats; parlons-nous; aimons-nous les uns les autres.
Mais bien l'affirmation d'un corpus idéologique. Et à ce corpus de la droite s'oppose le vide du camps adverse. Et le vide face à quelque chose qui est affirmé, avec lequel on n'est pas tooujours d'accord est en définitive préféré, car on a le sentiment de savoir où il va!
Le grand triomphe de la droite américaine et de la droite anglaise depuis 25 ans est le soutient des plus privilégiés. La sociologie de Sarkozy est une celle de la droite classique qui donne effectivement les scores que l'on connaît à Neuilly (86,8%) et dans le 16e (80,8%). Et lui, Sarkozy, se permet encore de se présenter comme l'avocat du peuple, alors que les propositions économiques qu'il fait vont toutes dans le sens d'un accroissement des avantages concédés aux privilégiés.
A Clermons Ferrant, le 27 avril dernier, il explique: "Dans cette campagne, j'ai voulu m'adresser à la France exaspérée, à cette France qui souffre, à laquelle personne ne parlait plus, sauf les extrêmes, et le miracle s'est produit, le peuple a répondu, le peuple s'est levé, il a choisi et ce n'est pas conforme à la pensée unique. Maintenant. On veut le faire se rasseoir, et bien moi, je veux être le candidat du peuple, le porte-parole de ceux qui en ont assez d'être mis de côté! Je veux que vous vous leviez, levez-vous." dit-il à la salle. Quand on pense que ce discours a été tenu alors que, dans la salle, il y avait notamment: Giscard, Baro, Raffarin; on ne peut que dire bravo!
Parce que le peuple qui s'est levé, il n'était en tout cas pas au premier rang de son assistance!
Se présenter comme le représentant du peuple et utiliser le fait que des intellectuels, des journalistes tiennent toujours le même discours d'affolement anti-Bush, anti-Sarkozy pour dire: "regardez les dominants, regardez cette France Parisienne, etc...qui s'agite, parce que moi, je vais lui arracher un certain nombre de privilèges" au momment précis ou lui se prépare à lui concéder de nouveaux privilèges. C'est tout de même une performance absolue!
Une performance réalisée parce que, comme les Américains, Sarkozy a redéfini la question sociale. Comme Nixon, comme Reagan, comme Bush, il a fait passer la ligne de démarcation non plus entre les riches et les pauvres, entre les capitalistes et les travailleurs, mais entre les salariés et les assistés, entre les ouvriers et les fraudeurs.
Au premiers, aux salariés, aux pauvres, il dit avec des trémolos dans la voix: "après tout la souffrance et la dureté de la vie ne se limite pas à la France de la précarité, je vous parle d'une autre souffrance bien plus réelle qui ne doit pas être sous-estimée: celle de la France qui n'est pas dans la précarité, qui se lève tôt, qui travaille dur, qui se donne du mal pour nourrir sa famille et élever ses enfants" et aux autres, et là, le ton devient beaucoup plus dur, destiné aux assistés, ceux qui vivent d'assistance, et le terme d'assistanat a fait son apparition éclatante durant cette campagne.

Un terme repris par Ségolène, puis dimanche après la débacle par Fabius. Car, avant Sarkozy, on parlait du moins à gauche de solidarité sociale. Maintenant c'est d'assistanat, inventé par Sarkozy durant la campagne. Quand je vous parlais de vide idéologique!
Donc aux assistés Sarkozy dit: "je n'accepte pas que des personnes reçoivent le RMI et qui à la fin du mois aient autant d'argent que vous, les salariés qui se lèvent tôt le matin."
Et ça, c'est tous les discours de la droite anti-sociale qui disent: vous payez trop d'impôts, vous les ouvriers, les employés, pour financer des allocations versées à plus pauvre que vous!
En faisant une analyse de la campagne pour la présidentielle en France sur ces trois thèmes, on se rend compte que le Paria, la personne qui mène la lutte idéologique et ceux qui arrivent à redéfinir la question sociale sont une immitation parfaite de ce qu'ont réussi Bush, Reagan et Nixon aux USA.
Un discours médiatique omni-présent qui rejoint celui de ceux qui disent que la gauche doit s'allier au centre.
Il faut tout de même rappeler que c'est la stratégie menée par la gauche française entre1988 et 1993, avec pour résultat le désastre électoral de 1993. C'est aussi la stratégie d'ouverture sociale-démocrate, de renaissance du marché, de privatisation, construite par Lionel Jospin entre 1992 et 1997, avec les résultats que l'on connaît.