31 juillet 2017

La Grande Révolution Socialiste d’Octobre : son héritage cent ans après



Cette célébration des 100 ans de la Grande Révolution Socialiste d’Octobre, ce débat sur son héritage et sa signification aujourd’hui, auraient pu avoir été bien différents. Si l’histoire n’avait pas pris le tournant tragique qu’elle avait en fait pris, qui était inattendu pour presque tout le monde, et qui n’était nullement inévitable – si le socialisme soviétique était confronté à un certain nombre de difficultés et de contradictions dans les années 80, il n’était nullement en crise, encore moins condamné – nous aurions parmi nous à titre d’invité d’honneur un représentant officiel du PCUS, qui aurait parlé solennellement des succès du socialisme et de la grandeur inchangée des idées de Lénine et de l’héritage d’octobre cent ans après. Nous vivrions alors dans un monde différent, dont on peut dire – même si l’histoire ne s’écrit pas au conditionnel – qu’il aurait été bien plus humain et plus vivable pour les classes populaires, mais sans doute nettement moins du goût, précisément pour cette raison, pour l’oligarchie et ses idéologues néolibéraux.

Il va de soi que, pour célébrer les 100 ans de la Révolution d’octobre, et discuter de ce que signifie son héritage aujourd’hui, nous n’avons pas d’autre choix que de partir du fait que l’Etat socialiste auquel elle avait donné naissance, ainsi que pratiquement tous les pays socialistes apparus plus tard dans son sillage, ne sont plus, et que le mouvement politique qui en est issu, le mouvement communiste international, se trouve dans une situation dramatiquement difficile de dispersion, d’affaiblissement et d’un rapport des forces défavorable. Je n’aurai pas la possibilité dans le bref laps de temps qui m’est imparti de faire une analyse un tant soit-peu exhaustive d’une siècle d’histoire complexe et souvent tragique. Je ne pourrai en soulever que certains aspects.

Commençons par dire que le seul fait d’organiser cette fête des peuples à la gloire du Grand octobre est déjà un défi à l’idéologie dominante. On nous presse en effet de toute part, nous comme tous les partis communistes du monde ou presque, depuis plus de vingt ans, de renier l’héritage du socialisme réel qui n’est plus, de brûler ce que nous aurions adoré ;  soit que, comme le conseillent les idéologues bourgeois déclarés ou les sociaux-démocrates avoués ou masqués, la disparition de pratiquement tous les tentatives de bâtir une société socialiste prouveraient l’impossibilité, si ce n’est le caractère tendanciellement criminel de l’entreprise, et que donc il faudrait se résigner à accepter l’économie de marché, pour parler clairement le capitalisme, comme l’horizon indépassable de l’histoire humaine ; soit que, comme l’affirment des gens qui pensent être plus à gauche et plus révolutionnaires que nous, il faudrait admettre que la Révolution d’octobre aurait été « trahie » très tôt dans son histoire, si ce n’est dès le départ, n’aurait donné qu’une « dictature » simpliciter (quoique cela veuille dire), un « socialisme dégénéré », voire un simple « capitalisme d’Etat », et que donc bien sûr il faut aspirer au socialisme, mais à un socialisme authentique, sans aucun rapport avec quoi que ce soit qui ait jamais existé sur Terre, ni sur aucune autre planète dont nous eussions connaissance. Remarquons en passons que ces deux positions se ramènent en fait strictement au même : soit ouvertement dit aucun socialisme, soit oui au socialisme en théorie, mais toujours contre dès qu’il devient réalité.

Nous ne saurions céder à ces pressions, ce serait pour nous renoncer à notre raison d’être, une véritable capitulation inconditionnelle devant l’ennemi de classe, le renoncement à la rupture avec le capitalisme, ce alors que celle-ci devient de plus en plus urgente, ne serait-ce que pour assurer la survie de notre espèce, alors que la voracité des maîtres du capital est en train de rendre notre planète inhabitable d’ici un siècle au plus tard ; ou bien continuer à prôner cette rupture, mais de façon purement verbale, sur la base d’une conception purement gauchiste et déclamatoire, ce qui reviendrait de fait à y renoncer. Et nous n’avons aucune raison de céder, car, somme toutes, l’histoire de l’Union soviétique et du camp socialiste est très loin d’être indéfendable, et même tout à fait digne d’être défendue, une histoire que nous n’avons pas à avoir honte de défendre.



Nous savons bien sûr sur quelles pages, particulièrement tragiques, de l’histoire soviétique on nous fera des objections. Il est pas possible évidemment de nier que de telles pages ont existé, ni de les tenir pour quantité négligeable. Des leçons doivent en être tirées. Mais ces questions là aussi doivent être discutées objectivement, en tenant compte des circonstances de l’époque et de tous les aspects d’une réalité contradictoire. Sans parler même des attaques ouvertement réactionnaires et anticommunistes, nous pouvons répondre à celles et ceux qui sont trop prompts à faire des critiques à l’emporte-pièce aux dirigeants soviétiques, alors que rien ne dit qu’ils s’en seraient mieux sortis s’ils avaient dû agir dans les mêmes conditions, par les mots de Gueorgui Joukov, le maréchal soviétique qui dirigea la prise de Berlin (rappelons que sans le sacrifice héroïque de millions de soviétiques Hitler aurait gagné la guerre….) : « Il n’y a rien de plus simple que, une fois que toutes les conséquences sont déjà connues, revenir aux débuts des événements et faire différentes sortes de jugements de valeur. Et il n’y a rien de plus difficile, que de démêler tout l’ensemble des questions entremêlées, de se repérer parmi toutes les forces en lutte, parmi l’opposition d’une multitude d’avis, de données et de faits immédiatement, à un moment donné de l’histoire ».

Les formes qu’a prises le socialisme soviétique s’expliquent très largement par les conditions extraordinairement défavorables dans lesquelles il fut construit, entre sous-développement économique originel du pays et agression permanente du monde impérialiste – mais au fond une situation révolutionnaire est toujours ou presque une situation exagérément difficile. Aussi, une analyse critique de l’histoire soviétique est nécessaire sans doute, mais par « critique » il faut entendre la volonté d’en comprendre la complexité et d’en apprécier aussi les réalisations indéniables, en aucun cas l’alignement sur les positions de l’ennemi de classe. Citons à ce propos un passage de La Révolution russe, écrite par Rosa Luxemburg en 1918, dans les geôles de Gustav Noske, le « social-démocrate » assassin de la révolution allemande, qui adopta fièrement le surnom de « chien sanglant » (de la bourgeoisie). La Révolution russe de Rosa Luxemburg a souvent la réputation d’une critique du bolchévisme au nom de la démocratie. C’est parfaitement réducteur. A part quelques critiques aux bolcheviks, d’ailleurs assez mal à propos, et une analyse de la question paysanne qui préfigure en réalité assez celle faite par le PCUS au moment de la collectivisation, la brochure de Rosa Luxemburg – une révolutionnaire authentique qui admettait sans réserve le principe de la dictature du prolétariat – était écrite en soutien explicite au parti de Lénine, et se termine par les mots « l’avenir appartient au bolchevisme ». Citons Rosa Luxemburg donc : « Il est clair que seule une critique approfondie, et non par une apologie superficielle, peut tirer de tous ces événements les trésors d’enseignement qu’ils comportent. Ce serait en effet une folie de croire qu’au premier essai d’importance mondiale de dictature prolétarienne, et cela dans les conditions les plus difficiles qu’on puisse imaginer, au milieu du désordre et du chaos d’une conflagration mondiale, sous la menace constante d’une intervention militaire de la part de la puissance la plus réactionnaire d’Europe, et en face de la carence complète du prolétariat international, ce serait une folie, dis-je, de croire que, dans cette première expérience de dictature prolétarienne réalisée dans des conditions aussi anormales, tout ce qui à été fait ou n’a pas été fait en Russie ait été le comble de la perfection. Tout au contraire, la compréhension la plus élémentaire de la politique socialiste et de ses conditions historiques nécessaires oblige à admettre que, dans des conditions aussi défavorables, l’idéalisme le plus gigantesque et l’énergie révolutionnaire la plus ferme ne peuvent réaliser ni la démocratie ni le socialisme, mais seulement de faibles rudiments de l’une et de l’autre ».

C’était écrit en 1918, peu avant le début de la guerre civile. Tout de même il faut dire que l’URSS parvint, une quinzaine d’années plus tard à édifier bien plus que des rudiments de socialisme, mais bien une authentique société socialiste, malgré bien sûr certaines tares et limites. Avec des réalisations indéniables et inimaginables auparavant : développement rapide de l’économie (ce jusqu’au milieu des années 80, n’en déplaise à la légende de la « stagnation »), éradication de la famine et de la misère (endémiques sous le tsar), plein emploi, amélioration spectaculaire du niveau de vie (qu’il convient de comparer non pas à celui des puissances impérialistes, industrialisées bien plus tôt, et qui on pu piller tout le reste du monde pour bâtir leur richesse, mais avec la misère la plus absolue et la plus généralisée d’avant la révolution), une protection sociale étendue et jamais vue auparavant, l’alphabétisation rapide de toute la population (à 75% analphabète auparavant) et une large diffusion de l’instruction et de la culture, l’égalité en droits entre hommes et femmes (à une époque où le contraire relevait de la norme), l’égalité en droit entre toutes les nations et l’amitié entre les peuples (à l’ère des empires coloniaux, du racisme prétendu « scientifique » et de la ségrégation raciale), et surtout une société plus humaine, fondée sur des valeurs de solidarité et d’humanisme, qui commençait à devenir réalité, avant que la restauration du capitalisme n’y mette fin.

La société soviétique avait bien sûr aussi d’autres aspects nettement plus problématiques, comme des carences de démocratie ou l’usage de méthodes souvent répressives de gouvernement. Mais ces carences étaient explicables (bien qu’elles auraient probablement en partie pu avoir été évitées) par la circonstances dans lesquelles le socialisme fut bâti en URSS. Au lendemains de la Révolution d’octobre, le Parti bolchevik au pouvoir se retrouva vite sans alliés, et fut forcé de conduire une guerre civile atroce dans un pays dévasté contre toutes les forces de la réaction interne, comme des faux révolutionnaires d’hier, et contre l’intervention de toutes les puissances impérialistes coalisées. Pour gagner, il était nécessaire de mettre en place et d’appliquer strictement la loi martiale. La guerre civile terminée, le pays était dévasté, les bases du nouveau pouvoir fragiles et la menace extérieure permanente. Aussi, les mesures d’exception ne purent jamais être complètement levées. Ce n’est que la possession de l’arme nucléaire qui fit reculer, bien plus tard, l’imminence d’une invasion extérieure, et rendit possible le « dégel » Khrouchtchévien. Ces circonstances ne favorisaient guère le dépassement de la seule tradition politique que possédait la Russie depuis des siècles de monarchie absolue : celle du despotisme et de l’arbitraire. Au contraire, elles favorisaient le maintien, dans le socialisme même, de cet héritage pourri du tsarisme. Ainsi que l’avait dit Lénine, le 4 juin 1918 : « Quand l’ancienne société meurt, on ne peut pas clouer son cadavre dans un cercueil et l’enfermer dans un tombeau. Ce cadavre se décompose au milieu de nous, il pourrit et nous contamine ». Expliquer les violations de la légalité socialiste ne revient pas à les justifier bien sûr. Il faut dire par contre que, quoique l’on puisse penser des abus des années 30, opposer la « dictature stalinienne » aux « démocraties libérales » n’est que pure hypocrisie. En effet, nombre de ces « démocraties libérales » possédaient alors de vastes empires coloniaux, dont les habitants étaient privées de touts droits, pillés, sauvagement réprimés, astreints au travail forcé, le racisme érigé en norme. Même le génocide n’était pas une pratique si exceptionnelle pour les colonialistes. Au fond, le nazisme ne fit pas beaucoup plus que d’appliquer à des populations européennes les méthodes coloniales. Sans la Révolution d’octobre, sans l’égalité et l’amitié entre les peuples proclamés par le premier Etat prolétarien, sans l’engagement anti-impérialiste sans faille de l’Union soviétique, ce sinistre dispositif serait toujours en place. A ce titre, elle représenta un progrès démocratique colossal. Celui que le nie devrait se demander s’il n’est pas au fond un colonialiste refoulé.

Toutes les réalisations, bien réelles, du socialisme soviétique n’en sont que plus remarquables. Outre celles que nous avons citées, profitons de l’occasion pour dire que, même si le bilan réel ne fut pas toujours remarquable en ce domaine, le socialisme manifesta des préoccupations écologiques plus tôt et plus réelles que le monde capitaliste. Citons par exemple les paroles suivantes de Léonid Brejnev, au XIVème Congrès du PCUS : « En prenant les mesures qui vont permettre d’accélérer le progrès scientifique et technique, il faut tout faire pour qu’il s’accompagne d’une épargne des ressources naturelles, qu’il ne donne pas lieu à une pollution dangereuse de l’atmosphère et des eaux, qu’il n’ait pas pour effet d’épuiser le sol…Nous devons et les générations futures doivent avoir la possibilité de jouir pleinement de tout ce que nous offre la généreuse nature de notre pays »



Mais c’est le cas aussi que, du fait de ces carences et limitations originelles, du fait des survivance de l’ancienne société dans le subconscient de la nouvelle, la société socialiste développa aussi en son sein des tendances contraires au socialisme, qui ressortirent au grand jour avec la perestroïka. C’est ce qu’avait compris Youri Andropov, l’avant-dernier (si on compte l’éphémère Constantin Tchernenko) secrétaire général du PCUS qui fut digne de porter son titre. Je cite : « La transformation du “mien“ en “nôtre“ est un long processus aux aspects multiples, et l’on ne doit pas le simplifier à l’excès. Même quand les rapports de production socialistes ont été établis une fois pour toutes, certaines personnes conservent ou même reproduisent des habitudes individualistes, une tendance à s’enrichir aux dépens des autres, aux dépens de la société ». Andropov tenta de mettre en place des mesures et des réformes afin de relancer le développement du socialisme, dans une formation sociale qui n’était nullement en crise, malgré quelques difficultés bien réelles, et qui présentait de grandes potentialités. Il manqua hélas de temps pour le faire.



La perestroïka gorbatchévienne, a contrario, fut le triomphe de l’opportunisme sans principes ressorti au grand jour, une contre-révolution capitaliste, qui laissa les anciens pays socialistes livrées aux mains d’un capitalisme mafieux, de régimes que peu de gens osent encore qualifier de « démocratiques », qui ouvrit la porte à la désindustrialisation, à l’effondrement de l’économie, à la misère de masse, à une société en décomposition et désespérante, et où beaucoup de gens se souviennent désormais avec nostalgie du socialisme qu’ils ont perdu. Citons à ce propos Erich Honecker, ancien secrétaire général du SED, persécuté par le régime d’Helmut Kohl – celui-là même qui mit en place l’euro, et la chape de plomb ordolibéral doublée de l’hégémonie allemande qui étrangle aujourd’hui l’Europe : « Ce fut une erreur fatale de considérer que la différence des systèmes sociaux puisse cesser d’exister par le seul effet du “Nouveau monde de pensée“. Dans les dernières, l’histoire du socialisme fut présentée de manière défigurée. J’y vois la perte d’identification de beaucoup de gens avec le Socialisme. Plus grave, le caractère inachevé d’un ordre social encore jeune historiquement n’était pas présenté sous tous ses aspects, avec toutes ses contradictions. On analysa les fautes et les erreurs commises lors de la construction du socialisme d’une manière qui remettait en cause les acquis et les idéaux de la société alternative au capitalisme exploiteur. Notre faiblesse consistait à ne pas réussir à rendre vivants tous les acquis de nos idéaux socialistes pour chaque individu. Nous n’avons jamais contesté que le socialisme se trouvait encore à un stade inachevé de son développement […] Les mensonges sur la RDA “stalinienne“ se dégonfleront un jour de la même manière que s’est dégonflé le mensonge de l’incendie du Reichstag. Le jour se fera sur les causes de la tragédie qui, quasiment en l’espace d’une nuit, s’est abattue sur la RDA. Certains “rénovateurs“ ont affirmé que la RDA aurait survécu si la direction de la SED avait emboîté le pas à la direction soviétique sur la voie de la Perestroïka. Mais depuis lors, l’Union soviétique elle-même a hélas disparu, du fait de la Perestroïka. La Perestroïka et la Glasnost en entraîné l’effondrement de l’Union soviétique et la défaite du socialisme ».


Aussi, nous n’avons pas à capituler devant l’idéologie dominante ni à renier notre héritage. Il y a sans doute des leçons à tirer du fait que le Parti de Lénine finit par engendrer à sa tête la minable clique gorbatchévienne. Ce seul fait exige que l’on fasse de l’histoire soviétique une lecture critique. Il n’en reste pas moins que la Révolution et le socialisme furent une réalité, et méritent d’être étudiés aussi à titre de modèle soviétique, et Octobre reste une bannière capable d’inspirer les luttes et les victoires futures. Comme l’avait dit Hugo Chavez « Lénine reste un soleil pour tous les peuples, et toute la terre de la planète ne suffira pas aux obscurantistes pour enterrer les idées de Lénine »

Livres à lire / à ne pas lire pour les 100 ans de la Révolution d’octobre



Que lire pour les cent ans de la Révolution d’octobre, pour mieux connaître et comprendre cet événement qui fut sans conteste le plus important du millénaire, pour en saisir les conséquences et savoir qu’en penser un siècle plus tard ? La question est d’importance pour tout militant communiste, comme pour tout citoyen insatisfait du présent, et qui veut comprendre le passé pour trouver la voie de l’avenir. Il s’agit d’une vraie question. A moins de vouloir faire un doctorat sur la Révolution d’octobre – dans ce cas également d’ailleurs – la bibliographie, même en la restreignant aux publications réellement pertinentes et réellement intéressantes, tend assez franchement vers l’infini. Comme faire son choix dès lors ?

Commençons par écarter d’emblée les écrits des anti-communistes professionnels, tels Courtois, Furet, et consorts. Il ne s’agit en aucun cas d’histoire, mais de propagande bas de gamme, dont le seul but est de laver le cerveau des peuples, de leur enseigner la résignation, l’absence d’alternative. De tels écrits pourraient à la rigueur servir à allumer un feu – mais manger des grillades que leur fumée aurait toucher tiendrait déjà du blasphème, sans compter le risque évident d’intoxication. Que l’on coupe des arbres pour faire du papier destiné à imprimer cette prose infâme n’est pas le moindre scandale écologique de notre époque.

A titre de recommandation – ou pas dans certains cas – nous présenterons dans les pages qui suivent quelques classiques incontournables, comme quelques publications récentes qui en valent la peine. Nous nous limiterons dans les pages qui suivent aux publications traduites en français et aisément accessibles au lecteur francophone (nous aurions pu citer quelque publications qui existent seulement en russe et qui valent le détour, mais c’eût été peu utile). En aucun cas, nous ne sous-entendons que notre liste soit exhaustive. D’une parte, beaucoup de livres récents, ou moins récents, auraient pu y trouver leur place, mais c’eût impliquer rallonger démesurément ce numéro de l’Encre Rouge. D’autre part, beaucoup d’ouvrages intéressants vont sans doute encore paraître d’ici le 7 novembre, le centenaire de la Révolution proprement dit. Bonne lecture !


Œuvres de Lénine



La première chose à faire est bien sûr de lire les écrits de Lénine lui-même, de celui qui a fondé et dirigé le Parti bolchevik et le premier Etat prolétarien de l’histoire. Que lire ? L’idéal serait bien entendu de lire les Œuvres complètes de Lénine in extenso, mais il s’agit d’un idéal difficilement atteignable, dans la mesure où Lénine a écrit bien plus que beaucoup de gens ne parviennent à lire de toute leur vie : 45 volumes assez épais.

Certaines œuvres de Lénine doivent pourtant impérativement être lues. Cette lecture n’apportera bien sûr qu’un point de vue, qu’un éclairage sur la Révolution d’octobre, mais le point de vue le plus essentiel sans doute : celui du génial dirigeant et penseur qui bâtit un parti d’un type nouveau, apporta des réponses claires, justes et révolutionnaires à toutes les grandes questions débattues au sein de la vielle IIème Internationale, comme de la nouvelle Internationale communiste naissante, comprit comme personne n’a su le faire les enjeux des luttes de classes en Russie (mais aussi en Suisse), sut saisir le moment historique qui apparut suite à la chute du tsar, conduisit la première révolution socialiste victorieuse de l’histoire, et les premiers pas du premier Etat socialiste de tous les temps.

Parmi les œuvres de Lénine, s’il ne fallait lire que celles-là, il faudrait lire en tout cas les ouvrages théoriques fondamentaux Que faire ?, Karl Marx, Du droit des nations à disposer d’elles-mêmes, L’impérialisme stade suprême du capitalisme, L’Etat et la révolution ; Pour la période révolutionnaire proprement dite : Les Thèses d’avril, La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer, Les bolcheviks garderont-ils le pouvoir ; pour les premiers pas de la construction du socialisme : La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky,  Les tâches immédiates du pouvoir des Soviets, La maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), Mieux vaut moins mais mieux. Pour le lecteur suisse nous recommanderons particulièrement plusieurs écrits sur notre pays, tous au volume 23 des Œuvres complètes.

Les écrits de Lénine sont pour ainsi dire tout aussi indispensables aujourd’hui qu’il y a cent ans pour tout militant communiste. Ils sont aisément accessibles sur internet ou dans les bibliothèques.



Dix jours qui ébranlèrent le monde de John Reed




C’est un classique célèbre et incontournable, LE livre à lire sur la Révolution d’octobre. Journaliste et militant socialiste étatsunien, John Reed est présent en Russie au moment de la Révolution. Dix jours qui ébranlèrent le monde est un reportage sur les premières journées de la Révolution d’octobre, depuis la veille du IIème Congrès panrusse des Soviets, durant lequel le gouvernement provisoire fut renversé et à l’occasion duquel le pouvoir soviétique fut proclamé (avec une brève rétrospective des mois qui précède), jusqu’au Congrès paysan du 18 novembre, en passant par la victoire de la Révolution à Moscou, et la tentative ratée de coup d’Etat contre-révolutionnaire du premier ministre déchu Kerenski. 10 jours donc. Dix jours qui ébranlèrent le monde. Les dix jours les plus importants du dernier millénaire. John Reed réussit pour ainsi dire à être partout, à l’institut Smolny, où siégeaient les Soviets et les organisations soviétiques, au Congrès, au Palais d’Hiver pendant sa prise, sur le front lors de la tentative de restauration de Kerenski, à Moscou…Il sut rendre les événements et l’atmosphère de ces jours mieux que quiconque ; plus qu’un reportage, une véritable épopée de la Révolution, une épopée rigoureusement véridique.

Lénine écrivit une préface pour la première édition américaine du livre de John Reed, que nous reproduirons in extenso, puisqu’il ne saurait y avoir meilleure recommandation le lire : « J’ai lu avec un immense intérêt et la même attention jusqu’au bout le livre de John Reed : Dix jours qui ébranlèrent le monde. Je le recommande du fond du cœur aux ouvriers de tous les pays. Je voudrais que cet ouvrage fût répandu à des millions d’exemplaires et traduit dans toutes les langues, car il donne un tableau exact et extraordinairement vivant d’événements qui ont une si grande importance pour l’intelligence de ce qu’est la révolution prolétarienne, de ce qu’est la dictature du prolétariat. Ces questions sont aujourd’hui l’objet de la discussion générale, mais avant d’accepter ou de rejeter les idées qu’elles représentent, il est indispensable de comprendre toute la signification du parti que l’on prendra. Sans aucun doute le livre de John Reed aidera à faire la lumière sur ce problème fondamental du mouvement ouvrier universel ».

Le souhait de Lénine fut exaucé. Le livre de Reed fut massivement diffusé de par le monde et régulièrement réédité, dont récemment en français. En vente au stand politique du Parti.


Histoire du Parti communiste (bolchevik) de l’URSS


Un classique tout aussi incontournable que le précédent, un peu moins célèbre, assurément beaucoup plus controversé, mais qu’il est tout de même indispensable d’avoir lu. Il s’agit d’un précis sur l’histoire du Parti, rédigé en réalité par Staline, même s’il ne s’en est jamais attribué la paternité (officiellement il s’agissait d’un ouvrage collectif, rédigé par une commission du Comité central), excepté le célèbre chapitre Matérialisme dialectique et matérialisme historique, souvent tiré en brochure séparée. C’est un ouvrage publié en 1938, pendant les grandes purges, et cela se ressent bien sûr à la lecture. De fait, on trouve, vers la fin nombre de pages sur les membres du Parti réprimés, sensés être des traîtres à la solde des classes possédantes déchues et/ou de telle ou telle puissance impérialiste, et qui respirent une haine pour ainsi dire irrationnelle.

Mais il ne faut pas s’arrêter à cet aspect, certes le plus discutable de l’ouvrage. Car il s’agit avant tout de l’histoire du Parti bolchevik écrite du point de vue de sa direction, du point de vue de son expérience révolutionnaire et de la construction du socialisme (quelque chose que l’on ne peut pas enlever à Staline). Si l’ouvrage n’est pas toujours entièrement honnête dans ses détails (on y trouve, parmi d’autres choses, le ragot inventé par Staline comme quoi Kerenski avait fui le Palais d’hiver déguisé en femme, ce que ce dernier a passé le restant de sa vie à démentir…), il se caractérise par contre pas la grande clarté et la précision de l’exposition de l’histoire du Parti depuis ses origines jusqu’en 1938 et des fondements de son idéologie, par ses grandes qualités pédagogiques (quelque chose que l’on ne peut pas non plus enlever à Staline).

Nonobstant ses aspects discutables, L’histoire du Parti communiste (bolchevik) est toujours riche d’enseignements utiles pour la lutte présente pour tout militant communiste. Aisément téléchargeable en PDF (cf. image ci-dessus).




Histoire de l’URSS de Jean Elleinstein



C’est l’ouvrage sur l’histoire de l’URSS qu’un membre du Parti qui l’est depuis assez longtemps a le plus de chance d’avoir lu. L’Histoire de l’URSS, en 4 volumes, est le fruit d’un travail sérieux et remarquable réalisé dans les années 70 par Jean Elleinstein, historien et militant du PCF. Un travail réalisé à partir d’un nombre impressionnant de documents de diverses provenances (seulement ceux qui étaient disponibles alors toutefois, Elleinstein n’ayant évidemment pas pu prendre connaissance des documents déclassifiés depuis Gorbatchev, d’où quelques imprécisions, en réalité assez peu significatives, et l’obligation de devoir parfois faire des conjectures sur ce qui était encore classé top secret).

C’est sans doute l’ouvrage sur l’histoire de l’URSS le plus complet (si on prend en compte qu’il s’arrête aux années 70, date de sa rédaction), le plus sérieux, le plus honnête, et le plus équilibré (Elleinstein a le mérite de porter un jugement globalement équilibré sur Staline et la période où il fut à la tête du Parti et de l’Etat, sans la peindre en noir ni sans minorer les fautes commises et les déformations, de reconnaître les mérites de Staline comme ses abus, et surtout en faisant un travail d’historien, en tentant de donner des explications scientifiques, matérialistes, marxistes des événements ; il a le mérite d’adopter une approche tout aussi objective et équilibrée de la période khrouchtchévienne et de la période brejnévienne). Il s’agit sans doute de ce qui s’approche le plus d’une histoire « objective » de l’URSS, objective parce qu’écrite par un militant communiste, qui, s’il était lucide, était lucide aussi dans sa compréhension du socialisme et dans la profondeur de ses convictions communistes.

Une histoire que tout militant communiste devrait lire. N’a pas été rééditée, mais accessible dans les bibliothèques.


Le socialisme trahi de Roger Keeran et Thomas Kenny



Si le travail magistral de Jean Elleinstein a un défaut pour le lecteur d’aujourd’huic’est qu’il s’arrête à la date de sa rédaction, et ne pouvait donc pas prendre en compte la perestroïka et la contre-révolution capitaliste. Pour compléter cette lacune, il est indispensable de lire Le socialisme trahi, un travail sur la destruction du socialisme en URSS réalisé par les historiens étatsuniens Roger Keeran et Thomas Kenny, traduit en français et publié aux éditions Delga il y a quelques années.

Les deux historiens partent du fait que, si l’économie soviétique faisait face au milieu des années 80 à un ralentissement, elle n’était nullement en crise, était parfaitement réformable, et la disparition du socialisme n’avait rien d’une fatalité. Alors pourquoi la contre-révolution eut-elle tout de même lieu, en rencontrant si peu de résistance ? Keeran et Kenny apportent deux hypothèses fondamentales pour expliquer la genèse du phénomène gorbatchévien. Premièrement, la persistance au sein du PCUS, malgré les répressions staliniennes et l’unanimisme de façade, de divergences réelles, et surtout d’un courant opportuniste favorable au marché et à certaines formes de propriété privée. Deuxièmement, du développement clandestin depuis Khrouchtchev d’une seconde économie, privée et illégale, génératrice de corruption, qui finit par prendre des proportions dangereuses, au point de constituer une base matérielle pour la restauration du capitalisme.

Youri Andropov prit la mesure du problème et tenta d’y apporter des solutions, mais mourut trop tôt pour ce faire. Lorsque Gorbatchev parvint au pouvoir, il continua pendant quelques temps à suivre la ligne andropovienne, avant de dériver de plus en plus à droite. Pourquoi ? D’après Keeran et Kenny, sa boussole n’était pas un plan conscient de restauration capitaliste, mais l’opportunisme sans principes (même si l’intéressé a parfois affirmé le contraire a posteriori). D’après les deux auteurs, ce que la catastrophe gorbatchévienne prouve, ce n’est nullement la faillite du socialisme, mais celle de la troisième voie, de la combinaison bâtarde entre socialisme et marché, entre socialisme et libéralisme, que Gorbatchev a voulu suivre jusqu’au bout, mais aussi les conséquences dommageable d’un déficit de vie démocratique réelle et décomposition de la vie interne du Parti, devenu un organisme amorphe, et de ce fait n’ayant pas été en mesure de jouer son rôle au moment où cela aurait été le plus indispensable.




Les bolcheviks prennent le pouvoir d’Alexander Rabinowitch




L’historien étatsunien Alexander Rabinowitch n’est certes pas un militant communiste, mais c’est en tout cas un chercheur rigoureux et honnête, qui n’est pas hostile au bolchevisme. Si son travail a été passablement mal vu par autorités soviétiques d’avant la perestroïka, pour les anticommunistes patenté des USA c’est tout comme s’il était un propagandiste à la solde du PCUS. Ce qui devrait être une raison suffisante pour le lire. Rabinowitch est un historien « révisionniste », non pas au sens que les communistes attribuent d’habitude à ce terme, mais en tant qu’historien qui veut réviser à la fois l’historiographie occidentale officielle, mensongère et bricolée par des charlatans pour les besoins de la Guerre froide, et l’historiographie soviétique officielle, dont il faut reconnaître qu’elle était passablement arrangée selon l’évolution de la ligne du Parti, afin de reconstituer le faits tels qu’ils se sont réellement passés, sans les trafiquer au service d’un projet politique ou d’un autre.

Les bolcheviks prennent le pouvoir est un ouvrage « révisionniste », portant sur la période entre le soulèvement de juillet 1917 et la Révolution d’octobre, dans le sens où il entend à la fois réviser la thèse occidentale – la Révolution d’octobre serait un coup d’Etat planifié par quelques conspirateurs – comme la thèse soviétiques – le Parti bolchevik a pris le pouvoir grâce à l’application stricte du centralisme démocratique en ses rangs et à une discipline de fer, pour en soutenir une troisième : les bolcheviks purent prendre le pouvoir précisément dans la mesure où, avant la Révolution, ils constituaient un parti où les divergences étaient normales et acceptées (même si les bolcheviks étaient bien sûr beaucoup plus unis que leurs adversaires) et dont l’organisation se caractérisait par une grand flexibilité, ce qui leur permit d’être en étroite liaison avec les masses, dans toute leur diversité, et d’en prendre la tête.

La démonstration de Rabinowitch ne manque pas d’être convaincante. Malgré son « révisionnisme », on peut considérer ce livre comme un hommage à la Révolution d’octobre, dont il montre qu’elle ne fut pas le coup de force d’un parti, mais le résultat organique de l’histoire antérieure, et les bolcheviks le parti authentiquement représentatif de la classe ouvrière. Peut-être la meilleure monographie sur la Révolution d’octobre disponible en français, récemment parue aux éditions la Fabrique, en vente au stand politique du Parti.


Staline, histoire et critique d’une légende noire de Domenico Losurdo



Depuis le rapport secret de Nikita Khrouchtchev au XXème Congrès du PCUS, aucun dirigeant révolutionnaire ne fut aussi calomnié que Josef Staline. Pour l’idéologie bourgeoise, il n’est pas loin d’être la réincarnation du Mal, si ce n’est l’alter ego d’Hitler. Même les communistes ont du mal à tenir face à cette offensive idéologique, ce alors que la capitulation pourrait leur être fatale.

Mais faut il seulement capituler face à cette « légende noire » ? Le philosophe et militant communiste italien Domenico Losurdo montre éloquemment que non. Il retrace l’histoire de cette légende noire, depuis le rapport Khrouchtchev jusqu’à l’historiographie occidentale, et en montre la fausseté à maints égards, le caractère manifestement fallacieux des parallèles entre communisme et nazisme, comme de l’apologie implicite du libéralisme (Losurdo montre que s’il y a un parallèle, un antécédent, au nazisme, ce n’est certainement pas le socialisme soviétique, mais le colonialisme européen et le génocide des amérindiens par les USA).

Il ne s’agit toutefois pas d’un ouvrage « stalinien » ou apologétique ; dans la mesure où Losurdo ne nie pas les abus réels, ni même les crimes, accomplis du temps de Staline, et ne présente pas l’histoire de la période stalinienne telle qu’elle fut écrite en cette période. Il démontre par contre les mérites réel de Staline en tant que révolutionnaire et homme d’Etat, et en tire des conclusions, sans doute hétérodoxes mais plus que dignes d’intérêt, sur le marxisme, la révolution et la construction du socialisme

Paru en français aux éditions Aden il y a quelques années. Un livre que tout communiste DOIT lire.



La Révolution russe de Rosa Luxemburg



La Révolution russe est une brochure d’une soixantaine de pages écrite par Rosa Luxemburg en 1918,  à partir des informations lacunaires qui parvenaient dans une Allemagne encore en guerre contre la Russie des Soviets, dans les geôles de Gustav Noske, le « social-démocrate » qui la fit assassiner elle, Karl Liebknecht et la révolution allemande, qui alla même jusqu’à adopter fièrement le surnom de « chien sanglant » (de la bourgeoisie). La Révolution russe de Rosa Luxemburg a souvent la réputation d’une critique du bolchévisme au nom de la démocratie. C’est réducteur. Rosa Luxemburg fait certes quelques critiques non-dénuées de toute pertinence aux bolcheviks sur la nécessité de la démocratie socialiste, et non de supprimer toute démocratie au nom du socialisme, sur la nécessité de la liberté d’expression, de réunion et d’association aussi sous le socialisme, faute de quoi les Soviets et le Parti lui-même risquent de perdre toute vitalité et ne devenir plus que d’amorphes chambres d’enregistrement. On y trouve la célèbre phrase « la liberté c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement ». Toutes les restrictions que Rosa Luxemburg critique étaient imposées certes par les rigueurs de la loi martiale – mais le fait qu’elles aient été maintenues par la suite, la façon dont le Parti et les Soviets se soient laissés liquidées par Eltsine sans coup férir laisse penser qu’elle n’avait pas tort.

On y trouve aussi des critiques pour le coup beaucoup plus mal à propos sur la dissolution de l’Assemblée constituante (on était au début de la Guerre civile, dans ces conditions pas grand monde se préoccupait en réalité de la Constituante en Russie) et de la politique nationale de Lénine, de l’application du droit des nations à disposer d’elles-mêmes (Rosa Luxemburg ne comprenait décidemment pas la question nationale, le fait qu’en réalité cette politique de Lénine qui permit, partiellement du moins, de préserver l’unité territoriale de la Russie, et d’instituer des rapports d’égal à égal entre les peuples de l’URSS). On y trouve aussi une analyse de la question paysanne, et de l’inconvénient pour le socialisme de partager la terre en usage privé entre petits paysans plutôt que de mettre en place une agriculture collectivisée…qui préfigure en réalité celle que fera le PCUS au moment de la collectivisation.

A part ces quelques critiques aux bolcheviks, la brochure de Rosa Luxemburg qui était tout de même une marxiste, une révolutionnaire authentique qui admettait sans réserve le principe de la dictature du prolétariat et la nécessité de  réprimer « d’une main de fer » la résistance des classes possédantes renversées, était écrite en soutien explicite au parti de Lénine, et se termine par les mots « l’avenir appartient au bolchevisme ».


Les anarchistes russes, les soviets et la révolution russe de 1917 d’Alexandre Skirda



Une des forces politiques actives dans la révolution russe étaient les anarchistes. Mais il se fait que l’historiographie – soviétique comme occidentale – ne leur concède qu’une place des plus congrues, même si on sait que, malgré leur nombre très réduit – les anarchistes eux-mêmes ne sont pas d’accord bien sûr, mais ils sont les seuls – ils ont pu ponctuellement jouer un rôle important.

Si on veut connaître l’histoire et le rôle des anarchistes dans la Révolution russe, on a sans doute une raison de lire le livre susmentionné d’Alexandre Skirda (l’auteur de ces lignes serait hypocrite de prétendre le contraire, puisqu’il a bien dû trouver un certain intérêt à ce livre pour le lire jusqu’au bout). Ce livre peut être intéressant de par la rétrospective de l’histoire du mouvement anarchiste russe qu’il présente (assez sommaire tout de même) et surtout par les documents anarchistes authentiques du temps de la Révolution qu’il reproduit.


Ceci dit, si on peut tout à fait être anarchiste (ou cadet, ou monarchiste, etc.), il faut tout de même un minimum de sérieux académique pour prétendre faire un travail d’historien. Or Alexandre Skirda en est manifestement dénué. On trouve dans son livre toutes sortes de théories fumeuses que personne de sensé ne pourrait prendre au sérieux (le seul vrai peuple russe c’est la paysannerie, qui serait reste parfaitement anarchiste malgré l’autocratie et le servage – fantasme sur lequel se sont cassés les dents les populistes – la noblesse et l’autocratie ne seraient jamais qu’un corps étranger, d’ailleurs composé d’étrangers, vikings, allemands, etc., qui n’auraient aucun rapport avec le vrai peuple russe, ethniquement homogène et bien sûr anarchiste en son for,…). La couverture seule du livre montre son manque de sérieux : on y voit un meeting avec une seule pancarte lisible, qui dit… « Vive la IIIème Internationale ! ». C’était vraiment trop compliqué de trouver une photo d’anarchistes ou bien ?