11 novembre 2016

Crépuscule d’une démocratie oligarchique



Donald J. Trump sera donc le 45ème président des USA. Un résultat qui a au moins le mérite de rappeler ce que valent les sondages et la parole des « experts » mainstream. Plaisanterie mise à part, ce n’est certainement pas une bonne nouvelle. La présence de M. Trump à la présidence de la première puissance mondiale, une double majorité du Parti républicain au Congrès, comme à la tête de la plupart des Etats des USA augure une ère de sombre réaction. Au-delà de la dose massive de démagogie électoraliste, le programme annoncé par le nouveau président est clair et n’a rien de réjouissant : baisses d’impôts pour les riches et les grandes entreprises, démantèlement du peu de protection sociale qui existe encore aux USA, cessation de toutes mesures en faveur de l’environnement et expulsion en masse des immigrés sans titre de séjour.

Mais une victoire de Hillary Clinton et du Parti démocrate aurait-elle seulement constitué, a contrario, une bonne nouvelle ? Mme Clinton pouvait-elle au moins représenter le « moindre mal » lors de ce scrutin ? Non sans doute. Il est même piquant de voire des gens qui se réclament de la gauche, parfois radicale, regretter la défaite de la candidate de Wall Street, de l’oligarchie, des lobbys et de l’impérialisme US…toutes choses que pourtant d’habitude ils affirment combattre. Quant à la crainte que suscite légitimement le fait de laisser l’arsenal nucléaire étatsunien entre les mains de quelqu’un comme Trump, n’oublions pas qu’elle était la candidate de la guerre bien plus que lui (ce qui ne fait pas bien sûr du futur président un homme de paix, ni un adversaire de l’impérialisme) et avait d’ores et déjà beaucoup de sang sur les mains. Elle aurait probablement eu de plus grandes chances que lui de déclencher un conflit global, et d’appuyer sur le bouton fatidique le cas échéant.

Du reste, ce résultat était au fond assez prévisible. Alors, au lieu de nous joindre aux lamentations, essayons de comprendre. Peut-être y a-t-il une leçon à tirer de tout cela ? Antonio Gramsci disait, à propos du fascisme : « le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître. Et c’est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres ». Aujourd’hui, le même phénomène se reproduit, sous des formes quelque peu différentes sans doute.

Un vote protestataire

Si Hillary Clinton a perdu, si elle devait perdre, c’est qu’elle incarne justement jusqu’à la caricature le vieux monde qui se meurt dans ce qu’il a de plus détestable, et dont le peuple étatsunien ne veut plus : le vieux monde d’une oligarchie financière imbue d’elle-même, acquise corps et âme au néolibéralisme et à la mondialisation, engluée dans le mensonge et la corruption, coutumière des arrangements en coulisses pour une configuration qui ne laisse nulle place à une démocratie autre que de façade.

Si Donald Trump a pu gagner, c’est que, face à Mme Clinton, il a su incarner le vote protestataire et apparaître comme le pourfendeur des élites et de la corruption. Il a donc gagné en capitalisant un vote « anti-élites » sur son nom, élites démocrates comme républicaines, puisqu’une grande partie de l’establishment républicain a lâché le candidat choisi par les primaires de leur parti, contre l’avis et malgré les manœuvres de son appareil, et ouvertement appelé à voter Hillary Clinton…y compris un certain Georges W. Bush.

Un aspect peu mis en avant du discours de M. Trump dans la presse européenne, mais qui n’est pourtant pas sans importance pour expliquer son succès, c’est son opposition aux traités de libre-échange et sa défense du protectionnisme économique. Donald Trump a en effet régulièrement dénoncé les divers traités de libre-échange, qui d’après lui détruisent nombre d’emplois aux USA, ce qui est tout à fait exact. Il a également promis de prendre des mesures contre des entreprises qui délocalisent leur production dans des pays où la main-d’œuvre est moins chère. C’est ce discours qui explique en grande partie son succès dans les régions industrielles, et tout particulièrement dans les territoires désindustrialisés, auprès d’un électorat ouvrier, qui a été massivement mis au chômage et condamné à la précarité par une mondialisation néolibérale, activement promue par les époux Clinton.

Le fait est que les politiques néolibérales mises en place depuis Reagan n’ont massivement profité qu’à une infime minorité d’ultra-riches. En revanche, la grande majorité de la population n’a eu pour lot que la paupérisation, le chômage et la précarité. Ces effets ont pu être quelque peu atténués grâce au crédit à la consommation, et ce jusqu’à la crise qui s’est déclenchée en 2007. Mais ce mécanisme n’est plus opérant désormais, et plus rien ne peut plus masquer les ravages du capitalisme néolibéral. Les travailleurs étatsuniens réagissent très logiquement par la colère et le rejet envers les élites qui les ont conduit jusque là, et y recherchent une alternative. Ils n’ont qu’entièrement raison en cela.

…Pour une fausse alternative

L’ironie étant bien sûr que ce vote protestataire se soit reporté sur un milliardaire qui fait partie intégrante de l’oligarchie qu’il prétend combattre, et qui, quant au fond, n’en n’est pas si éloigné que cela au niveau des idées qu’il défend, et encore moins au niveau des mesures qu’il prendra sans doute effectivement. Le Congrès étant majoritairement détenu par des Républicains, pas forcément acquis aux idées de Trump, mais fortement acquis, à l’inverse, aux traités de libre-échange, il est peu probable que ses promesses de campagne « populistes » ou protectionnistes soient effectivement mises en place. Du reste, le futur nouveau président, à peine les résultats tombés, s’est aussitôt empressé d’infléchir son discours, félicitant son ex-rival, et prêchant la réconciliation nationale…En revanche, un pouvoir Républicain avec Trump à sa tête n’annonce que le pire pour ce qui reste des droits démocratiques aux USA…

En cela, Trump s’inscrit dans un phénomène depuis longtemps connu en Europe : celui d’une extrême-droite qui prospère des ravages du capitalisme et de la colère du peuple contre les élites, qui prétend être du côté des petites gens et contre les élites…tout en étant dirigée par des gens qui font entièrement partie des dites élites, et entièrement acquis au néolibéralisme. Christophe Blocher, milliardaire maquillé  en tribun populiste, xénophobe et anti-establishment est même une sorte de Donald Trump helvétique avant l’heure. Cette façon de dévoyer la colère populaire sur des solutions autoritaires, dirigées contre les classes populaires, n’est pas nouvelle. Elle présente même une parenté frappante avec le fascisme historique. Comme l’avait dit Bertolt Brecht « le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie, mais son évolution par temps de crise ».

…Qui cache la possibilité d’une alternative réelle

Pourtant, Donald Trump n’aurait jamais eu un tel succès si son adversaire n’avait pas été Hillary Clinton, celle qui incarne l’oligarchie dans tout ce qu’elle a de pire, et qui lui a permis a contrario de passer pour un candidat « antisystème ». Le fait ait qu’il n’a pu avoir la chance de faire campagne contre Mme Clinton que parce que l’appareil du Parti démocrate, la DNC (Democratic national convention), a manipulé la primaire pour éliminer l’homme qui sinon aurait remporté la dite primaire. La présidente de la DNC a d’ailleurs démissionné suite au scandale. Cet homme qui aurait pu non seulement remporter la primaire démocrate, mais le cas échéant la présidentielle face à M. Trump, est bien sûr Bernie Sanders, sénateur du Vermont, et qui se revendiquait du « socialisme démocratique ». Une grande partie de la classe ouvrière étatsunienne qui a fini par voter Trump était précisément celle qui soutenait Sanders aux primaires démocrates.


La victoire quasi-inévitable – qui n’a pu être empêchée que par les combines de la DNC – d’un candidat « socialiste » dans un pays où le mot même semblé banni, effacé des mémoires par des décennies de matraquage anti-communiste, était pourtant un symptôme du fait qu’une alternative réelle, la seule alternative qui existe, celle du socialisme, pas celle factice de la démagogie d’extrême-droite, était en tout cas envisageable, car en dernière analyse nécessaire. Malheureusement, cette alternative a été provisoirement réduite à néant par Sanders lui-même, qui, en se ralliant à Mme Clinton sans conditions, a mis fin à toute la dynamique populaire qui commençait à se structurer à l’occasion de sa campagne durant les primaires, et qui aurait pu déboucher sur une renaissance d’un mouvement socialiste aux USA. Il n’a par là nullement empêché l’accession de Donald Trump au bureau ovale, mais lui a plutôt pavé la voie. C’est sans doute là qu’il y a une leçon à tirer. La bourgeoisie « démocrate », les « fronts républicains » avec les représentants politiques « modérés » de l’oligarchie, ne constitue nullement un rempart contre le fascisme, mais plutôt un marchepied. La fausse gauche au service de l’oligarchie, comme le P « S » de Hollande et Valls, pave la voie du pouvoir au fascisme. Et il ne sera sans doute pas possible de convaincre une nouvelle fois le peuple de « voter Chirac ». La lutte contre le fascisme passe nécessairement par la lutte sans concessions contre la bourgeoisie dans son ensemble et pour le socialisme.

Il y a 99 ans, la Révolution d’octobre



2017 : l’année prochaine marquera les 100 ans de la Grande Révolution socialiste d’octobre, l’événement sans aucun doute le plus important du millénaire, le début d’une ère véritablement nouvelle. Pour la première fois dans l’histoire, la révolution prolétarienne triomphait dans un pays, le capitalisme y était renversé et cédait la place au socialisme. Lénine disait : « notre révolution […] grande et invincible, car pour la première fois, ce n’est pas une minorité, ce ne sont pas uniquement les riches, uniquement les couches instruites, c’est la masse véritable, l’immense majorité des travailleurs qui édifient eux-mêmes une vie nouvelle, tranchent, en se fondant sur leur propre expérience, les problèmes si ardus de l’organisation socialiste ». Rien n’allait plus jamais être comme avant. La haine seule qu’inspire aujourd’hui la Révolution d’octobre à la classe dirigeante – alors même que l’Etat socialiste auquel elle avait donné naissance n’est plus – ne montre que trop bien que la peur qu’elle lui a causé ne s’est point tarie, pas plus que l’espoir qu’elle représente plus que jamais pour les peuples, ni l’importance majeure qu’elle revêt pour nous, communistes. La première chose à faire est d’en retracer l’histoire.

Préludes de la révolution

1917 : la Première Guerre mondiale allait être fatale pour l’autocratie pluriséculaire des tsars. C’est que le vieil empire tsariste était rongé par des contradictions insolubles. Le capitalisme s’y était développé, dans les villes comme à la campagne. Avec l’essor de l’industrie dans les grandes villes était apparue une classe ouvrière, minoritaire par rapport à la population totale du pays, mais majoritairement concentrée dans de grandes unités de production, organisée et combative. Ni le despotisme brutal, ni une censure féroce n’ont pu empêcher la montée des luttes ouvrières, pas plus que la diffusion des idées révolutionnaires en Russie. Malgré une répression impitoyable, des partis politiques prônant le renversement de la monarchie absolue naquirent et se structurèrent à l’échelle du pays : le parti constitutionnel démocrate ou cadets (le parti de la bourgeoisie libérale), le parti socialiste-révolutionnaire ou S-R (parti se revendiquant de la tradition des « narodniks », les « populistes » russes), et enfin un parti véritablement marxiste, le Parti ouvrier social-démocrate russe (POSDR), bientôt scindé en mencheviks (minoritaires, réformistes) et bolcheviks (majoritaires, révolutionnaires).

Le 9 janvier 1905, à Saint-Pétersbourg, l’armée tire sur une grande manifestation de grévistes venus adresser leurs doléances à l’empereur Nicolas II. C’est le « dimanche sanglant ». La confiance qu’une partie du peuple russe vouait encore au tsar est anéantie à tout jamais. S’en suit la première révolution russe. Des grèves massives éclatent dans tout le pays. Moscou se couvre de barricades. Pour la première fois, se constituent des Soviets d’ouvriers et de paysans, forme de démocratie nouvelle, qui prennent la tête de la lutte. Cette révolution fut écrasée dans le sang, mais rien n’allait plus pouvoir être comme avant. La classe ouvrière avait fait un pas en avant décisif dans son organisation politique. Et le régime fut contraint à quelques concessions, et dut même instituer un semblant de parlement, la Douma d’Etat. Les premières élections donnèrent sans surprise une large majorité aux partis d’opposition. Après deux dissolutions et un bricolage de la loi électorale, Nicolas II obtint finalement une Douma moins remuante, mais la chute du régime n’était dès lors plus qu’une affaire de temps      

La Révolution de février                                                                                             
 
Comme bien d’autres Etats capitalistes, l’empire tsariste tenta de résoudre ses contradictions internes en se lançant dans la Première Guerre mondiale. Ce fut là la dernière erreur du régime. La propagande officielle avait promis au peuple une victoire éclatante et rapide, mais, au lieu de cela, la guerre s’éternisait, et, malgré quelques succès militaires, elle se révélait ruineuse, tant en vies humaines qu’économiquement, et globalement intenable pour le pays. La guerre devenait de plus en plus impopulaire, et les grèves et mobilisations politiques contre la poursuite des hostilités se multipliaient, de même que les révoltes et désertions au sein de l’armée. Ces luttes étaient grandement facilitées par le fait que les travailleurs russes disposaient d’un parti, le Parti bolchevik, qui n’avait pas cédé aux sirènes de l’union sacrée au commencement de la guerre, n’avait pas trahi ses principes, et pour cette raison était en position, contrairement à la plupart des partis de la désormais de facto défunte IIème Internationale, de diriger la lutte révolutionnaire. Elles eurent raison du régime.

Le 23 février 1917 éclatait une grande grève à Petrograd, devenue bientôt grève générale. Le tsar ordonna à l’armée de tirer sur la foule. Mais elle passa massivement du côté des insurgés. Le 27 février, le Soviet des députés ouvriers et des soldats de Petrograd entra en fonction au Palais de Tauride. Il aurait pu prendre alors le pouvoir s’il l’avait voulu. Mais il était contrôlé par les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks, acquis au dogme selon lequel la révolution contre le tsarisme ne pouvait être que bourgeoise, et donc conduite par la bourgeoisie et débouchant sur une démocratie bourgeoise. Tous les groupes parlementaires présents à la Douma, mis à part l’extrême-droite monarchiste, mencheviks et S-R compris, s’entendirent dans la nuit du 27 au 28 février pour former un Comité provisoire de la Douma d’Etat, qui devait se substituer au pouvoir tsariste à la dérive. Le 2 mars, un gouvernement provisoire, sous la direction du prince Lvov, un cadet, était formé. Le 3 mars, le tsar Nicolas II, de plus en plus isolé, abdiquait pour lui et pour son fils au bénéfice de son frère, le grand-duc Michel, qui abdiquait à son tour quelques jours plus tard. Le trône était désormais vacant. La dynastie des Romanov, qui avait régné sur la Russie pendant trois siècles, était tombée. Le 27 mars 1917, Lénine quittait la Suisse, où il avait vécu comme réfugié politique, pour prendre la direction de la lutte révolutionnaire en Russie.

La Révolution d’octobre

La Russie était désormais une république démocratique bourgeoise, selon les mots de Lénine provisoirement le « pays le plus libre d’Europe » (dans la mesure où le gouvernement provisoire n’était pas en mesure de maintenir un état d’urgence strict comme dans les autres pays belligérants). Elle disposa même rapidement d’un gouvernement « de gauche », présidé par le S-R Alexandre Kerenski. Cet état de fait n’avait en rien résolu les problèmes du pays, ni en rien satisfait les aspirations de son peuple.  Malgré les promesses démagogiques des mencheviks et des S-R, le gouvernement provisoire n’avait l’intention d’en satisfaire aucune. On avait auparavant promis la paix, mais désormais le gouvernement annonça son intention de poursuivre la guerre « jusqu’à la victoire ». L’économie du pays était en ruines, la famine menaçait, les ouvriers étaient réduits à l’extrême misère. Et le gouvernement n’avait l’intention de rien faire qui pût y remédier. Il n’avait pas plus l’intention de procéder à une réforme agraire, pourtant principale revendication des paysans…et slogan phare des S-R avant la révolution.

Parallèlement, s’était créée dans le pays une situation de double pouvoir. Officiellement le gouvernement provisoire était à la tête du pays. Mais de fait son pouvoir était bancal, ne s’appuyant que sur un appareil d’Etat hérité du tsarisme et en pleine décomposition. Ce gouvernement provisoire ne pouvait tenir que tant que l’autre pouvoir présent au sein du pays l’acceptait : les Soviets des députés ouvriers, paysans et des soldats, qui avait une base sociale réelle dans le peuple comme dans la plus grande partie de l’armée. Toutefois, les Soviets étaient au début contrôlés majoritairement par les mencheviks et les S-R, qui s’obstinaient à faire entrer de force la révolution dans le carcan étroit de la légalité bourgeoise. Ils paralysèrent donc l’action des Soviets, et aidèrent le gouvernement provisoire à se maintenir. Les bolcheviks militaient alors pour le mot d’ordre « Tout le pouvoir aux Soviets ! », alors que les mencheviks et les S-R y étaient encore majoritaires, ce qui aurait permis un passage rapide e du pouvoir aux mains des ouvriers et des paysans, et une démocratie populaire reposant sur la coexistence entre plusieurs partis favorables au socialisme. Si, malgré des appels réitérés de Lénine en ce sens, ce scénario ne s’est pas concrétisé, c’est entièrement du fait de la politique des mencheviks et des S-R, qui avaient objectivement tourné le dos à leurs thèses révolutionnaires, et cherchaient la collaboration à tout prix avec la bourgeoisie.

Une telle situation ne pouvait pas durer. Le 3 juillet, le gouvernement provisoire fit tirer, avec l’appui des leaders mencheviks et S-R, les troupes qui lui étaient fidèles sur un meeting bolchevik contre la guerre, faisant près de 400 morts et blessés. Il essaya également de faire arrêter Lénine pour « haute trahison », en vain. La bourgeoisie toutefois ne voulait pas se satisfaire d’un gouvernement provisoire, dont le pouvoir était bancal, et plaçait tous ses espoirs dans une dictature militaire. Le coup d’Etat raté du général Lavr Kornilov, qui n’échoua que grâce aux efforts des bolcheviks pour mobiliser les ouvriers de Petrograd, n’annonçait que trop bien l’issue inévitable d’une poursuite du mandat de Kerenski. Une insurrection était  désormais urgente et nécessaire, pour le salut même de la révolution.


Le gouvernement provisoire tenta, mais ne put l’empêcher. Il fut renversé durant la nuit du 25 au 26 octobre. La capitale était désormais aux mains des troupes révolutionnaires, acquises aux bolcheviks. Le 26 octobre, s’ouvrait le IIème Congrès panrusse des Soviets, où les bolcheviks étaient cette fois majoritaires. Le Congrès adopta un Décret sur la paix, annonçant la résolution de signer la paix sans délai et à des conditions équitables pour tous les peuples, et un Décret sur la terre, transmettant toute la terre au peuple sans compensation. Il élit également un Conseil des commissaires des peuples, le premier gouvernement révolutionnaire de Russie, avec Lénine à sa tête. La révolution s’étendit rapidement à la plus grande partie du pays, souvent non sans combattre, parfois sans rencontrer de résistance (la guerre civile n'allait commencer qu'un peu plus tard). Au début du mois de juillet 1918, le Vème Congrès panrusse des Soviets adoptait la première constitution de la République Socialiste Fédérative Soviétique de Russie (RSFR), posant les bases du pouvoir ouvrier et paysan et du socialisme. Le premier Etat ouvrier et paysan de l’histoire était officiellement né.

Non à la dictature d’Erdogan ! Solidarité avec nos camarades du HDP !



On s’en souvient, c’est le procès truqué intenté aux communistes, accusés à tort de l’incendie du Reichstag, et où Georges Dimitrov s’illustra par un courage admirable, qui fut le premier pas d’Hitler parvenu au poste de chancelier d’Allemagne vers l’instauration d’une dictature totale. Recep Tayip Erdogan, actuel président de Turquie avance à grand pas vers l’instauration d’un régime présidentiel fort « à la turque » – pour lequel il a explicitement cité le Reich hitlérien comme modèle, et qui ressemble en effet de plus en plus à une dictature fasciste. Le 31 décembre 2015, dans un discours télévisé, Recep Tayyip Erdogan il avait dit en effet : «Dans un système unitaire (comme la Turquie), un système présidentiel peut parfaitement exister. Il y a actuellement des exemples dans le monde et aussi dans l’histoire. Vous en verrez l’exemple dans l’Allemagne d’Hitler.» Et, pour parvenir à ce but, il utilise des moyens similaires : répression brutale et procès truqués contre toute opposition, et tout particulièrement contre la troisième force politique du pays, le HDP (Parti démocratique du peuple) – large coalition rassemblant des organisations de gauche radicale et qui défendent la cause du peuple kurde (dont nos camarades du SYKP – Parti de la reconstruction socialiste).

Dans la nuit du 3 novembre, le régime d’Erdogan a ainsi fait arrêter 13 députés et dirigeants du HDP, dont les deux co-présidents Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ, ainis que 9 journalistes du quotidien d’opposition Cumhuriyet. Nos camarades arrêtés se voient accusés de proximité avec le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, qui lutte à main armée contre le régime d’Erdogan, mais aussi contre l’Etat islamique), accusation habituelle contre tout opposant de gauche persécuté en Turquie. Ce n’est là qu’un tour supplémentaire dans une longue spirale de répression et d’arrestations arbitraires depuis le coup d’Etat raté du 15 juillet dernier : purge massive dans l’armée et l’administration publique, emprisonnement de journalistes, fermeture de médias non inféodés, guerre meurtrière menée contre le peuple kurde et notamment le PKK (en Turquie ou à l’extérieur, en Syrie et en Irak, appui direct et indirect à l’Etat islamique…Ce avec la silence complice de l’Occident. L’accusation de sympathie, réelle ou supposée, avec le PKK ou avec le prédicateur islamiste mais devenu adversaire d’Erdogan Fethullah Gülen, sert de prétexte  à une véritable chasse aux sorcières, doublée de purges massives dans l’administration, et fonctionnant sur la délation, dans le pays même et dans la diaspora.

Les députés encore libres du HDP ont renoncé à siéger au parlement turc, où la poursuite de leur combat est désormais rendue impossible. Du reste, la lutte par des moyens légaux est désormais coupée au HDP, dont le siège à Ankara est cerné par la police, et l’accès interdit. En opérant cette rafle contre les élus et dirigents du HDP, ce ne sont pas simplement les 6 millions d’électeurs qui avaient voté pour le Parti démocratique des Peuples que le gouvernement d’Erdogan a décidé de rayer d’un trait de plume, ce sont aussi, explique le parti, « les millions de citoyens qui poursuivent la lutte pour la démocratie, la liberté, l'égalité, les droits du travail, la libération et la justice des femmes » – combats qui concordent peu avec l’agenda réactionnaire d’Erdogan, et qui expliquent sa haine du HDP et de ce qu’il représente.

« Au cours de la dernière année et demie, analyse le HDP, le gouvernement d’Erdoğan-AKP, a dévasté tout le pays avec l’objectif de réaliser ce qu’il appelle un « régime présidentiel à la turque ». Il a ainsi causé la mort, provoqué des blessures, ou le déplacement et la perte d'emploi de milliers de personnes, ce qui a mené à une augmentation de la tension et de la polarisation entre les gens dans le pays. » Ce qui est présenté comme un régime présidentiel « à la turque », n’est rien d’autre que la dictature d'un seul homme, « c'est le fascisme, et cela signifie la guerre, l'oppression, l'agitation et la tyrannie, » résume le parti qui propose de lutter contre l'oppression et la tyrannie, « non seulement pour le peuple kurde, mais pour tous les peuples de la Turquie.» Le HDP entend poursuivre la lutte, à l’extérieur du parlement et sans faillir. Quant à nous, notre devoir est de soutenir autant qu’il nous est possible nos camarades dans leur difficile combat contre le fascisme, pour la démocratie et la justice sociale.


Pour que le dimanche reste un jour férié, aussi pour les travailleurs de la vente, OUI à l’initiative et NON au contre-projet !



L’initiative 155, intitulée « touche pas à mes dimanches », lancée par les syndicats genevois en 2013 et soutenue dès le départ par le Parti du Travail, stipule que « Sous réserve de l’article 18 et à moins que la présente loi n’en dispose autrement, tous les magasins doivent être fermés le dimanche et les jours fériés légaux sauf ceux qui sont au bénéfice d’une disposition dérogatoire de l’ordonnance 2 relative à la loi sur le travail du 10 mais 2000 (OLT2) autre que l’article 25 OLT2 ». Le but de l’initiative est clair : maintenir le dimanche comme jour férié pour les travailleurs de la vente ; avec maintien de l’exception pour les magasins situés à la gare de Cornavin et l’aéroport, les stations-service et les petits commerces indépendants qui bénéficient déjà d’une dérogation.

L’allusion à l’article 25 de l’OLT2 explique pourquoi l’initiative a été lancée. C’est que, ayant échoué à plusieurs reprises en votation populaire d’imposer une extension de l’horaire d’ouverture des magasin – parce que, contrairement à ce que nous martèle une certaine propagande, le peuple n’est nullement demandeur d’une telle ouverture ! – la droite de ce pays, ne s’avouant pas vaincue, a trouvé une astuce pour quand même arriver à ses fins : passer par voie d’ordonnance, et ainsi contourner le droit de référendum ! Le conseiller aux Etats démocrate-chrétien tessinois, Fabio Abate, a ainsi persuadé ses collègues de modifier l’ordonnance 2 relative à la loi sur le travail, afin de permettre aux commerces situés à moins de 15 Km à vol d’oiseau de la frontière helvétique de faire travailler leurs employés le dimanche et les jours fériés si toutefois ils répondent aux besoin du tourisme international et sont situés dans une zone reconnue comme touristique. Il n’existe actuellement aucune zone reconnue touristique dans le canton de Genève. Mais il serait à tout moment possible de définir une telle zone, par voie d’ordonnance, et l’ensemble du territoire cantonal serait potentiellement concerné. La droite ayant trouvé une parade pour contourner le droit de référendum, les syndicats genevois à leur tour ont trouvé la parade à ce contournement en bloquant par avance l’application de l’astuce inventée par M. Abate par voie d’initiative populaire. Et même si la menace n’est à ce jour que potentielle, l’initiative est pourtant loin d’être sans objet ou inutile.

Face à cette initiative, la majorité du Grand Conseil a décidé d’opposer un contre-projet ouvrant la possibilité d’ouvrir les commerces trois dimanches par an, en plus du 31 décembre…à condition que ceux-ci soient protégés par une convention collective de travail étendue, obligatoire pour toute la branche. En cas d’infraction à la dite convention, notamment en ce qui concerne le repos compensatoire, l’Etat peut ordonner la fermeture du commerce, ainsi qu’une amende administrative qui peut aller de 300 à 60'000 francs. En pratique, la possibilité de l’ouverture des commerces trois dimanches par an est surtout théorique, dans la mesure où la conclusion d’une CCT étendue obligatoire de branche requiert le quorum de 50% plus un employeur. Or, étant donné le très grand nombre d’employeurs concernés, dont beaucoup de petits commerces, un tel quorum est pratiquement impossible à atteindre. C’est malgré tout une petite porte ouverte en direction de l’extension de l’horaire d’ouverture des magasins…


Le Parti du Travail soutient fermement l’initiative. En effet, une extension de l’horaire d’ouverture des magasins se ferait avant tout au détriment des travailleurs de la branche – dont une majorité de travailleuses – qui en pratique se verraient contraints d’accepter, s’ils veulent garder leur travail, de travailler plus longtemps, pour assurer une ouverture supplémentaire dont le peuple n’est pas demandeur et qui n’est en rien nécessaire. Nous estimons que les possibilités qui existent de faire quelques achats le dimanche sont tout à fait suffisantes. Par ailleurs, le dimanche est le seul jour de congés dont la plupart des gens bénéficient. Nous tenons à ce que ce jour reste consacré au repos, pas à la consommation, ni a fortiori au travail pour la rendre possible. Vouloir des commerces ouverts 7/7 et 24/24 n’est pas un projet de société raisonnable, mais une pure lubie néolibérale – ou un calcul des grands commerces qui pourraient ainsi éliminer la concurrence des petits qui font une bonne partie de leur chiffre d’affaire le dimanche et ne survivraient pas forcément si tous les magasins étaient ouverts 7/7. Nous rejetons par contre le contre-projet, car, bien qu’il pourrait contribuer à la signature d’une CCT, ce qui serait un progrès appréciable pour les travailleurs de la vente qui à ce jour n’en bénéficient pas, il ne s’agit là que d’une possibilité théorique. En revanche il constituerait une petite porte ouverte en faveur d’une ouverture étendue des magasins, et, selon la bonne vielle tactique du saucissonnage dont la droite a la maîtrise, un ballon d’essai pour aller plus loin dans cette direction.