21 décembre 2021

Qu’est-ce que l’histoire retiendra de l’année 2021 ?




L’année 2021 s’achève bientôt. Qu’en retiendra l’histoire ? Qu’elle fut la deuxième année Covid, certes, mais sans y attacher l’importance exclusive qu’occupe cette pandémie qui n’en finit pas dans l’espace public. Pour dramatique que soit cette situation, il n’est pas interdit de parler d’autre chose.

 

On peut être sûr en revanche que l’étrange débat sur le « monde d’après » qui a eu existé en 2020 aura disparu des mémoires. Car non seulement le « monde d’avant » est toujours là, mais il est devenu encore pire. Les inégalités – déjà hallucinantes auparavant – ont littéralement explosé durant la pandémie. Le patrimoine des milliardaires s’est accru de plus de 3'600 milliards d’euros, pendant que cent millions de personnes tombaient dans l’extrême pauvreté. En Suisse, les 300 plus grandes fortunes de notre pays ont encore augmenté de 155 milliards cette année, alors que près d’un million de personnes vivent dans la précarité.

 

Il est sûr également que l’année 2021 entrera dans l’histoire comme celle d’une inaction devenue insupportable face au changement climatique, face à la destruction accélérée de l’environnement dont le mode de production dominant est entièrement responsable, d’une dissociation inquiétante entre conscience apparente de la gravité de la situation…et absence de toutes mesures réelles prises, d’une volonté des élites au pouvoir de continuer le « business as usual » aussi longtemps que possible, quel qu’en soit le prix à payer. La COP26, et son étalage de mot creux, en livra un spectacle navrant…

 

Nous n’allons tellement pas dans la bonne direction d’ailleurs, que l’année 2021 était aussi celle du pic historique de l’utilisation du charbon pour produire de l’énergie. Une croissance de 9% de la consommation de cette source d’énergie qui est pourtant la plus émettrice de CO2, et qui devrait encore se poursuivre en 2022. On parle beaucoup, à juste titre, de la Chine et de l’Inde, dont la croissance économique est très redevable et cette ressource fossile, mais l’Occident n’est pas exemplaire en la matière non plus. Car l’utilisation du charbon a augmenté de 20% aux USA et dans l’UE. Le charbon représente toujours 36% dans le mix énergétique mondial. Les énergies renouvelables n’ont fait que s’ajouter aux énergies fossiles, sans guère les remplacer.  Et le plus grand producteur mondial de charbon est l’entreprise suisse Glencore, qui a racheté cette année la totalité de Cerrejon, l’une des plus grandes mines au monde, en Colombie, tout en promettant d’atteindre la neutralité carbone d’ici quelques quatre décennies. Greenwashing, l’autre face de l’écocide…

 

Ce que l’histoire en retiendra dépend du fait qu’il y ait encore une civilisation humaine qui puisse consigner une histoire. Cela dépend de nos luttes, de si nous parviendrons à imposer à temps un changement de système de plus en plus urgent, ou si nous ne serons pas en mesure d’empêcher le capitalisme de nous entraîner vers l’abîme.

 

Il n’y a rien à attendre d’un système qui a montré son incapacité à résoudre ces problèmes urgents et aigus, dont l’ampleur des contradictions même prouve qu’il a fait son temps ; ni de ses élites, dont l’étroitesse d’horizon et l’égoïsme sont désespérants. La pandémie n’est pas encore finie que la droite suisse revient à ses vielles recettes empoisonnées et discréditées : cadeaux fiscaux supplémentaires pour le capital et les plus riches, démantèlement social pour tous les autres. Mais l’avenir n’est pas obligé d’être sombre. Qu’il ne le soit pas dépend des forces qui s’opposent à l’ordre établi, qui luttent pour le remplacer par un système plus juste, dont notre Parti est une composante essentielle et irremplaçable.

 

Et à ce titre-là, le bilan de l’année écoulée est loin d’être entièrement négatif. Non certes que nous ayons réussi à infléchir significativement le rapport de forces existant, malheureusement. Mais celui-ci n’est pourtant plus exactement le même qu’il y a quelques années. Les années de plomb néolibérales sont bel et bien finies. Certes encore minoritaire et diffuse, la conscience d’une nécessité de sortir du capitalisme, l’aspiration à une autre société est réelle et grandit.

 

Ce qui semblait politiquement impossible il n’y a pas si longtemps commence à devenir réalité. Le salaire minimum est ainsi instauré, canton après canton. Et, demain nous parviendrons peut-être à imposer un frein à la concentration des richesses entre quelques mains grâce à l’initiative commune de la gauche et des syndicats pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes.

 

Ce ne sont là que des prémisses bien sûr, fragiles, qui ne présupposent de rien. Il nous revient de tout faire pour qu’elles puissent porter leurs fruits.

Solidarité avec nos camarades du HDP, persécutés par le régime d’Erdogan

Le 2 décembre 2021, le PST-POP avait rencontré, à Berne, une délégation de parlementaires du HDP, composée de Feleknas Uca (Vice-présidente du HDP, Co-Porte-parole de la Commission des Relations Extérieures & Parlementaire de Batman) ; Tülay Hatimogullari (co-présidente adjointe du HDP & parlementaire de Hatay) ; Nejdet Ipekyüz (parlementaire HDP de Batman) ; et Devriş Çimen, représentant européen du HDP, venus en Suisse dénoncer la répression dont ils font l’objet et chercher des soutiens. Nous avons assuré nos camarades de Turquie de tout le soutien qu’il nous sera possible de leur témoigner.



La Turquie glisse toujours plus dans les ténèbres et le despotisme. Aujourd’hui, c’est le HDP (Parti démocratique des peuples) – parti formé d’une coalition de partis et d’organisations de gauche radicale et qui défend la cause kurde – qui est la cible d’une procédure d’interdiction de la part du parquet turc, victime d’une persécution grossièrement politique, en réalité pour le seul « crime » d’avoir rassemblé plus de 10% des voix, et de porter un programme qui déplaît au régime en place, celui du président Recep Tayyip Erdogan. Il est de notre devoir d’être solidaires de nos camarades du HDP, et pour commencer d’informer le public de la vraie nature dudit régime.

 

Un régime islamofasciste 

 

Le régime dirigé par le président Erdogan peut être proprement qualifié d’islamofasciste. Erdogan lui-même est un idéologue islamiste, qui inspire toute cette sinistre mouvance au Moyen Orient. Il n’hésite d’ailleurs pas à dire ouvertement qu’il a les mêmes idées que Talibans. Ce régime repose sur une coalition entre deux partis : l’AKP, « Parti de la justice et du développement » (qui dans les faits a apporté l’injustice et la gabegie économique), parti d’Erdogan, islamofasciste, et d’un partenaire minoritaire, le MHP (Parti d’action nationaliste), parti national-fasciste (très proche des partis fascistes tels que l’Europe n’en a que trop connu). La Turquie a connu son lot de fausses démocraties et de vraies dictatures, mais jamais n’a eu encore un gouvernement aussi infâme.

 

Pour être sans nuance, la qualification de « fasciste » n’est pas abusive pour le régime actuellement en place en Turquie. Non pas en sens vague et générique, pouvant qualifier n’importe quel mouvement d’extrême-droite, mais dans la mesure où la Turquie présente aujourd’hui des ressemblances inquiétantes avec les régimes fascistes du XXème siècle. Si elle n’est pas formellement une dictature, la Turquie n’est en tout cas plus une démocratie. Les libertés politiques n’existent plus guère, la liberté de manifester n’est pas respectée. Les syndicats n’arrivent à mobiliser qu’une fraction de leur potentiel militant, car les gens craignent trop la répression pour se mobiliser ouvertement. La liberté de la presse n’est qu’un lointain souvenir. Il n’y a plus de presse indépendante qui puisse paraître. Celle qui existe est ou ouvertement liée au régime, ou achetée, ou contrainte par une censure de fait. L’État de droit a depuis longtemps disparu. Plus de mille académiciens ont été licenciés pour délit d’opinion : ils avaient signé une pétition pour la paix au Kurdistan. Il n’y a plus de justice indépendante. Les tribunaux sont tous à la botte d’Erdogan. Aucun procureur n’ose ouvrir une procédure à l’encontre d’agents du régime. Aussi les crimes commis par les mafias liées au pouvoir, les meurtres d’opposants, les crimes pédophiles commis par des religieux…ne sont jamais poursuivis.

 

Une opposition légale existe certes toujours en Turquie, mais de plus en plus difficilement vus l’acharnement du régime à l’éradiquer, ainsi qu’une opposition révolutionnaire en réalité nombreuse, mais peu visible, car réprimée. Actuellement, ce sont nos camarades du HDP qui sont victimes de cette répression. Plus de 10'000 membres de ce parti – à tous niveaux, des militants de base jusqu’à la présidence – sont emprisonnés ; presque tous les maires élus sous l’étiquette HDP ont été arbitrairement destitués et remplacés par des administrateurs temporaires à la solde du régime ; et le HDP pourrait être prochainement interdit. Mais toutes ces persécutions ne pourront jamais réduire le HDP au silence.

 

Des persécutions arbitraires et illégales qui plus est. Dernièrement, le Tribunal constitutionnel de Turquie a intimé au gouvernement de libérer Selahattin Demirtas, Coprésident du HDP, et Osman Kavala, homme d’affaires, philanthrope et opposant au régime. Le gouvernement a décidé d’ignorer le verdict de la juridiction la plus haute de son pays. Les avocats des deux prisonniers d’opinion ont mené l’affaire jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme, qui a conclu que la détention était dans les deux cas arbitraire, sans verdict valablement prononcé, donc purement politique. Elle a exigé leur libération, sans que le régime obtempère. La Turquie risque l’exclusion du Conseil de l’Europe pour cela.

 

Principal parti d’opposition, le CHP (Parti républicain du peuple), parti du premier président Mustafa Kemal Atatürk et officiellement social-démocrate, est pour l’instant toléré, mais même lui commence à être victime de persécutions judiciaires de la part du pouvoir, ainsi que de menaces de mort venant des mafieux proches du régime.

 

Un régime semi mafieux

 

Ce régime a également une troisième composante non-officielle, mais essentielle : la mafia turque. Une amnistie spéciale a été ordonnée il y a une année, dans le seul but de libérer des leaders mafieux « utiles ». Le parrain de la mafia le plus important lié au régime est Alaattin Çakici, actif dans le commerce de drogue, le racket et la prostitution, ayant une armée loups gris (fascistes turcs) sous ses ordres. Il est également habitué des menaces de morts proférés contre des opposants au gouvernement – dont nombre de membres du HDP, mais également le président du CHP, ont fait les frais – et certainement d’un grand nombre de meurtres, jamais élucidés.

 

Un autre boss majeur de la mafia, un temps allié du gouvernement, mais rival du précédent, est Sedat Peker, lui aussi un fasciste (son signe de reconnaissance est celui des loups gris). Un personnage peu recommandable : lui aussi spécialiste des menaces de morts, il avait déclaré à l’intention des universitaires qui avaient signé une pétition pour la paix avec les Kurdes qu’il « allait faire couler leur sang et prendre une douche avec ». Mais le fait est qu’il s’est retrouvé en difficulté, et a dû fuir aux Émirats Arabes Unis. Un procureur lui avait téléphoné en personne pour l’avertir qu’il risquait d’être arrêté s’il ne quittait pas la Turquie. Depuis, il a rompu avec le gouvernement et, par vengeance, diffuse régulièrement sur YouTube des vidéos remplies d’accusations, sans preuves mais non dénuées de crédibilité, portant sur toutes sortes d’affaires criminelles dans lesquelles le régime est impliqué. Des accusations dévastatrices pour le régime d’Erdogan. Un journaliste de l’agence d’informations publique a été licencié pour avoir osé poser une question à un ministre à ce sujet. En revanche, aucune enquête n’a été ouverte à la suite de ces accusations contre ne serait-ce qu’un seul agent du régime…

 

Il accuse notamment l’État turc d’être impliqué dans le commerce de drogue. Il semble que de la cocaïne en provenance de Colombie est régulièrement déchargée à Izmir, où elle est livrée par bateau. Le gouvernement colombien n’a obtenu aucune réponse sérieuse, ni aucune ouverture de procédure pénale dans ce dossier. L’opposition accuse le régime de trafic de drogue à large échelle.

 

La Turquie a exigé l’extradition de Sedat Peker au gouvernement des Émirats, sans que cette demande ne soit satisfaite. Depuis, les deux pays sont en froid.  Il faut dire que la Turquie a accusé les USA, l’UE, l’Arabie saoudite et les Émirats d’être derrière le putsch raté de 2015…

 

Un régime corrompu et incompétent

 

La crise économique et sociale née du Covid aurait été dure en Turquie sous n’importe quel gouvernement, tant que le capitalisme y règne. Mais l’incompétence doublée à la corruption du régime d’Erdogan en a fait une calamité sans précédent.

 

Le système économique en place en Turquie est un capitalisme monopoliste d’État particulièrement dispendieux, inefficace, corrompu, laissant la place belle au népotisme et aux détournements de fonds, ainsi qu’à un capitalisme sauvage à base de chantiers à la légalité douteuse et de ravages profonds à l’urbanisme. Comme par hasard, depuis qu’Erdogan est au pouvoir, tous les grands chantiers – ponts, autoroutes, aéroports, infrastructures, etc. – sont attribués, sans appel d’offre, à cinq oligarques, fascistes et religieux, qui se trouvent par ailleurs être ses amis. Des chantiers facturés plus du double du prix normal. D’après une enquête du HDP, toutes ces sommes sont détournées en passant par le Qatar, et garantis par des tribunaux anglais. Si bien que non seulement ces cinq oligarques se soient enrichis considérablement, mais cette part mal acquise de la richesse nationale pourrait difficilement être recouvrée par un gouvernement démocratique qui remplacerait celui d’Erdogan (qui se serait lui-même bien rempli les poches dans toutes ces affaires…)

 

Erdogan a également pris le contrôle de la Banque centrale de Turquie, dont il a supprimé de fait l’indépendance et changé quatre présidents en un bref laps de temps. Non pas que l’indépendance de la banque centrale soit un principe intangible, mais encore faut-il que le gouvernement soit compétent pour la gérer, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence. Erdogan a forcé la banque centrale à baisser les taux d’intérêt (sous peine de licenciement pour sa direction). Cette dévaluation n’a amené aucune reprise économique, mais a conduit à un effondrement de la Lire turque, qui a perdu 45% depuis le début de l’année 2021, dont 30% ces trois derniers mois. D’où a suivi une inflation catastrophique, pour un pays qui importe la majeure partie de ses biens de consommation, et où opèrent les mêmes chaînes de magasins qu’en Europe (et qui pratiquent les mêmes prix que dans l’UE).

 

Cette combinaison détonante de corruption et d’incompétence a conduit à une véritable catastrophe sociale. La pauvreté était en effet déjà massive en Turquie. Le salaire minimum y est ainsi scandaleusement bas : 187$ par mois (très bas) = 2225 lires. Ce qui est en dessous du seuil de pauvreté absolue, fixé à 8'000 lires par mois, soit 500$. En comparaison, le salaire minimum le plus bas dans l’UE est en Bulgarie : un peu plus de 300€ par mois. La crise actuelle a conduit à une véritable misère de masse. Beaucoup de gens souffrent de la faim, et sont obligés de faire les poubelles pour survivre.

 

Un régime impérialiste et va-t’en guerre

 

Pendant que le peuple souffre, Erdogan fantasme de restaurer la grandeur impériale passée, et a impliqué la Turquie dans des guerres tous azimuts au nom de son idéologie islamiste. Guerre contre les Kurdes, au nord de la Syrie (deux incursions meurtrières à ce jour), au nord de l’Irak, guerre contre les Yézidis. Implication dans la guerre civile libyenne, aux côtés du président, islamiste, en poste à Tripoli, contre le maréchal Haftar, au service du parlement, sis à Benghazi, et soutenu par une coalition rassemblant la Russie et les pays occidentaux. Pour cette implication en Lybie, la Turquie paye une armée privée et non officielle, SAADAT, créée par le premier conseiller d’Erdogan, ancien général d’armée ; avec l’armée officielle présente en renfort. Sans parler de l’épreuve de force avec la Grèce, ni de la 

 véritable guerre civile déchaînée par le régime au Kurdistan turc.

 

Outre cette implication militaire directe, le régime d’Erdogan soutient activement les islamistes au Moyen Orient. Tous les moyens de l’État, les services secrets notamment, sont mis à contribution pour cela. Environ 80'000 islamistes auraient combattu en Syrie, avec une solde payée par l’État turc (bien supérieure au salaire minimum turc), contre le régime de Bachar El Assad. C’est que El Assad est alévi (un courant libéral du chiisme, considéré comme hérétique par les islamistes), et que la révolte contre lui est d’inspiration islamiste sunnite. Sans parler des intérêts économiques et géopolitiques évidemment. En raison de cette politique, le Qatar est le seul allié de la Turquie dans la région. Pour cette même raison, l’UE l’a mise dans la liste grise des États qui soutiennent le terrorisme depuis un mois.

 

Cette politique impériale est toutefois au-dessus des moyens de la Turquie, proprement dispendieuse. Le peuple souffre de toutes ces guerres, dont il paye le prix, et qui l’enfoncent dans la misère. Selahattin Demirtas a dénoncé cette politique de guerre, criminelle et ruineuse, chiffres à l’appui. Ce n’est pas la moindre raison de la haine que lui voue le régime…

 

Un régime obscurantiste

 

L’incompétence sans limite manifesté par le régime AKP n’est pas surprenante dans la mesure où il s’appuie sur des islamistes profondément ignorants, dont les compétences s’arrêtent à leur vision obscurantiste de la religion. En commençant par le président Erdogan en personne. La loi turque exige en effet que, pour accéder à la présidence de la République, il faille présenter un diplôme universitaire. Erdogan a bien présenté une copie d’un diplôme d’économie censément obtenu à l’Université de Marmara…sauf qu’il s’agit d’un faux. Il n’existe aucune trace du passage d’un étudiant nommé Recep Tayyip Erdogan dans les archives de cette université, qui est obligée de se taire, vue qu’elle fait l’objet de pressions de la part du régime, et qu’un recteur islamiste lui a été imposé. En réalité, Erdogan a étudié dans un lycée religieux – type d’institution dans laquelle il ne faut pas voir l’équivalent des lycées catholiques français, qui dispensent souvent une très bonne formation, mais d’un lieu de formation obscurantiste, après lequel il n’est pas possible de s’inscrire à l’université.

 

Le président Erdogan n’est pas une exception. La politique des cadres du régime est de recruter, pour des postes à responsabilité de tout niveau, y compris les plus élevés, des religieux, militants de l’AKP (ou à la rigueur du MHP), à l’exclusion de tout autre critère, que ce soit d’études, de diplômes, de publications ou de compétences. Des islamistes complètement incultes se retrouvent ainsi à occuper les plus hautes questions. La gabegie était à prévoir…

 

À l’Université de Bogaziçi, c’est ainsi un islamiste totalement ignorant, sans diplôme, sans publications, ni aucun lien avec l’université, qui fut nommé recteur. Les étudiants sont en grève pour protester contre cette décision…

 

Un obscurantisme dangereux. Lorsque Erdogan transforma officiellement Sainte Sophie en mosquée, tous les islamistes s’y sont rendus à la prière du vendredi pour fêter cet événement. Le président des affaires religieuses (dignitaire d’un niveau ministériel) est monté parler en chaire ceint d’une épée, évocation explicite de la guerre sainte menée naguère pour, notamment, islamiser les Kurdes, par la force des armes. Ce qui évoque aujourd’hui encore des souvenirs douloureux pour les Kurdes, et est ressenti comme une menace non dissimulée.

 

Un régime rétrograde, qui liquide tout l’héritage progressiste, pourtant relatif, de la Turquie

 

Le projet de l’AKP est de revenir à un Moyen Age fantasmé, aux temps du Prophète tels qu’ils se l’imaginent, et qui n’ont jamais existé. Pour illusoire que soit ce projet de retour en arrière, il a pour conséquence pratique la liquidation de tous les acquis progressistes de la République Turque, pourtant limités, s’agissant d’un État colonialiste, peu progressiste, qui ne connut qu’une démocratie très relative et une succession régulière de dictatures militaires.

 

Il convient ici de revenir un peu en arrière, d’inscrire la situation actuelle de la Turquie dans son histoire. Durant la Première Guerre mondiale, l’Empire Ottoman tenta de jouer sa dernière carte en s’alliant à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie. Comme pour ces deux empires, la défaite lui fut fatale. Les vainqueurs souhaitaient se partager les décombres d’une puissance qui naguère avait fait trembler l’Europe. Le traité de Sèvres, traité de capitulation signé en 1920 par le sultan Mehmed VI, prévoyait le démantèlement de l’empire, un Kurdistan autonome et une Arménie indépendante. Mais, après le génocide, il ne subsista de territoire arménien que la République soviétique d’Arménie. L’autonomie kurde ne fut jamais réalisée. Une partie de la Thrace revint à la Grèce. La France et l’Angleterre se partagèrent la Syrie, le Liban, la Palestine et la Mésopotamie. Des parties de l’Anatolie étaient occupées militairement par les vainqueurs de la guerre. Mais la décision finale sur le sort de la Turquie fut remise à plus tard.

 

Tous les Turcs n’étaient pas prêts à se résigner à ce démembrement et à cette occupation militaire de leur pays. Mustafa Kemal, auquel le parlement de la République turque accordera le patronyme d’Atatürk pour son œuvre, général et héros de guerre, mais aussi, secrètement, révolutionnaire et opposant au régime impérial (et qui, par ailleurs, avait lu près de 6'000 livres), refuse de l’accepter. Il organise donc un congrès pour refuser cette occupation, et conduit la lutte armée pour libérer la Turquie des occupants étrangers, et contre le sultan qui s’était soumis à leur volonté.

 

Une lutte soutenue par Lénine et le jeune pays des Soviets, au nom des principes anti-impérialistes, et pour desserrer quelque peu l’encerclement impérialiste du premier État prolétarien de l’histoire. Une partie de la Turquie occupée par l’armée tsariste, à la frontière géorgienne, lui fut rendue. L’URSS apporta un soutien important à la nouvelle République turque, et aida à son industrialisation. Un soutien pour lequel Atatürk était reconnaissant – et promettait une amitié éternelle – et qui dura jusqu’à sa mort, en 1938.

 

La nouvelle Turquie se voulait démocratique. Un parlement fut élu en 1920, dont Atatürk tenait son mandat. La République fut instaurée en 1923, dont il devint le premier président. Ce fut un régime plutôt autoritaire, mais qui entreprit des réformes progressistes majeures. Des réformes visant à la modernisation et à la sécularisation du pays. Le califat fut aboli, et la laïcité instaurée. Les sectes religieuses furent dissoutes (aujourd’hui, elles dirigent la Turquie dans l’ombre du régime d’Erdogan). L’habillement européen fut imposé. L’alphabet latin remplaça l’alphabet arabe. Et l’égalité hommes-femmes fut introduite, au moins sur le plan légal. Les femmes reçurent les droits politiques, en 1934. Aux premières élections auxquelles elles purent participer, en 1937, 18 femmes furent élues au parlement. Atatürk eut également le mérite d’avoir compris, et dénoncé, le danger que représentait Hitler pour le monde, et d’avoir tout fait pour tenir la Turquie éloignée de la nouvelle guerre.

 

Mais ses mérites ne doivent pas faire oublier sa part d’ombre. C’était un dirigeant nationaliste, qui réprima dans le sang les revendications nationales du peuple kurde. En 1925, la République turque écrasa un soulèvement kurde, dirigé par le Sheikh Sait. Cette répression fut justifiée par le prétexte qu’il s’agissait d’un mouvement réactionnaire, conduit par un leader religieux et féodal, qui plus est allié aux britanniques (qui avaient leurs propres raisons de vouloir affaiblir la nouvelle Turquie). Un gouvernement réellement révolutionnaire n’aurait pas agi ainsi. Le Kurdistan était une colonie, et les revendications portées par la révolte du Sheikh Sait étaient légitimes, bien qu’exprimées sous forme religieuse. En 1930, le soulèvement d’Agri, révolte kurde cette fois-ci explicitement nationale et non religieuse fut violemment réprimée. Et, en 1937-1938, la répression d’une révolte à Dersim fit plus de 40'000 morts, un véritable génocide. La République turque amena aussi l’achèvement de la colonisation turque au Kurdistan, dans la violence.

 

Malgré sa part d’ombre, les acquis de la République turque furent bel et bien réels. La Turquie fut également, en réalité, un pays très révolutionnaire, doté d’une mouvement révolutionnaire puissant et théoriquement solide. Un mouvement face auquel la bourgeoisie turque estima n’avoir d’autre choix que de recourir à une succession de juntes militaires. Ce sont ces acquis que le régime d’Erdogan s’emploie à démolir, tout en aggravant encore ce qu’il y avait de négatif.

 

Mais, aussi malfaisant fût-il, le régime d’Erdogan n’a pas à ce jour établi de dictature complètement consolidée. Complètement discrédité, il a peur – à juste titre – d’une débâcle aux prochaines élections. Ce régime peut et doit être vaincu. Il est de notre responsabilité internationaliste de soutenir, ici en Suisse, la juste lutte des travailleurs et de tous les progressistes en Turquie, nos camarades du HDP, ainsi que les revendications légitimes du peuple kurde, dans toutes les parties du Kurdistan ; la juste aspiration à un Kurdistan unifié, indépendant et démocratique.

 

Alexander Eniline (avec la participation de Burhan Aktas)

Pénuries d’électricité annoncées : que faire ? Compte-rendu du débat public organisé par le Parti du Travail le 10 décembre 2021


De gauche à droite : Morten Gisselbaek, Zakaria Dridi, Alexander Eniline, Teo Frei, Pierre Eckert

 

 

L’information ne vous aura sans doute pas échappé, puisque les médias en ont abondamment parlé, sur un ton volontiers anxiogène : le risque de pénuries d’électricité en Suisse devient réel, pouvant aller jusqu’à plusieurs jours de black-out. Une analyse superficielle pourrait faire penser que le problème est dû aux relations compliquées actuellement avec l’UE, mais le fait est que d’autres pays rencontrent aussi ce problème. Une des raisons pourquoi l’UE ne souhaite pas renouveler l’accord sur l’électricité est qu’elle-même risque d’en manquer. La Chine est obligée d’imposer un ralentissement d’activité à ses entreprises pour ne pas courir le risque de devoir couper le courant à la population. La hausse des prix de l’énergie et des matières première, les pénuries déjà existantes et les menaces de pénuries sont une tendance généralisée.

 

Alors, que faire ? Certains n’hésitent pas à prôner la relance du nucléaire. D’autres disent qu’il faut massivement développer les énergies renouvelables, mais cela pour garder une consommation d’énergie constante, et augmenter notablement la production d’électricité pour remplacer les énergies fossiles. Cela est-il seulement réaliste ? Des économies d’énergie, une sobriété énergétique ne sont-elles pas indispensables ? Le fait est que, pendant presque deux siècles, le capitalisme fut alimenté par les énergies fossiles et les matières premières à bas coût. Mais cette époque est révolue. Le système en place bute sur les limites naturelles de la planète. Vouloir continuer la gabegie actuelle n’est ni réaliste ni même souhaitable. Ce serait la certitude de rendre la Terre inhabitable. Un changement de modèle est aujourd’hui nécessaire. Mais quel modèle alternatif adopter ? Et comment y arriver ? On voit que cette question d’une possible rupture d’approvisionnement d’électricité amène à soulever plusieurs enjeux cruciaux.

 

Pour discuter de ces importantes questions, le Parti du Travail avait organisé un débat public le 10 décembre 2021. Avec un parterre d’intervenants de qualité, et assurant une raisonnable diversité d’opinions. Nous avions été heureux de compter sur la présence de : Zakaria Dridi, gymnasien, membre du POP Vaud, gréviste pour le climat ; Pierre Eckert, député Vert au Grand Conseil, physicien et météorologue ; Teo Frei, étudiant, gréviste pour le climat, membre du groupe écosocialiste de solidaritéS ; et Morten Gisselbaek, architecte, membre du PdT, ancien conseiller municipal. Aucune femme malheureusement, mais ce n’était point notre faute. Tous les intervenants invités – parmi lesquels plusieurs intervenantes – n’ont pu répondre par la positive à notre invitation. Le public fut au rendez-vous, et le débat fut riche et intéressant.

 

Il est en effet crucial d’empoigner ces problèmes, et de leur apporter des réponses progressistes. Pour l’instant, c’est l’UDC qui est à l’offensive sur cette question. Le parti blochérien a récemment publié un document sur l’approvisionnement en électricité, autour duquel il a fait beaucoup de bruit. Un papier qui a l’air bien fait, documenté, mais qui est aussi passablement démagogique, dans le plus pur style UDC. Rodomontades contre la stratégie énergétique 2050 du Conseil fédéral (qui serait inefficace) la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga – qui aurait le choix d’obtempérer aux injonctions de l’UDC ou d’être dessaisie du dossier –, présentation de la situation sur un ton anxiogène : on court à la catastrophe ! la patrie est danger ! Sans oublier le bavardage sur la « gauche rose-verte », accusée de détruire la Suisse, ni les affirmations comme quoi, s’il y a un problème d’approvisionnement en électricité, c’est à cause de l’immigration. Véritable pensée magique : quel que soit le problème, la cause, ce sont les étrangers, les virer est la solution. Après tout, pourquoi réfléchir ? Il est vrai qu’il y a des élections fédérales en 2023…Il est important d’empoigner ces enjeux, ne serait-ce que pour empêcher que l’extrême-droite ne les monopolise, et ne les détourne en un sens nationaliste, plutôt qu’écologique et social, comme il faudrait les traiter.

 

Quant aux solutions proposées par l’UDC, c’est : les énergies renouvelables ne sont pas efficaces, alors, pour sortir du fossile, il faut renforcer l’hydraulique et relancer le nucléaire. Or, le nucléaire n’est pas une solution. Outre le problème, irrésolu à ce jour, des déchets, et du coût réel (si on prend en compte les frais de démantèlement des centrales qui ont fait leur temps), les risques sont trop élevés : un accident sérieux impliquerait d’évacuer une partie de la Suisse pour des dizaines, voire des centaines d’années. Vers où ? Et la faisabilité politique est nulle. Avec toutes les complications légales et la durée des travaux, une nouvelle centrale ne pourrait pas être mise en service avant 2050. Or c’est maintenant qu’il faut des solutions. 

 

Or, la Suisse ne risque pas réellement de pénurie. La bourgeoisie suisse est suffisamment riche pour conserver ses positions – et l’infrastructure nécessaire pour cela, dont l’énergie – pendant encore un moment. Ce sont d’autres parties du monde qui payeront hélas pour que les pays riches continuent leur gabegie. Et, si on circonscrit le problème à l’approvisionnement de l’électricité en Suisse stricto sensu, il n’est pas insurmontable. Il est faux de penser que la demande d’électricité augmente de façon incontrôlable. La consommation d’électricité dans notre pays a été stabilisée ces dernières années. Les progrès en matière d’efficacité énergétique sont réels et significatifs. Et, même si on voulait remplacer toutes les énergies fossiles par l’électricité (remplacer les voitures thermiques par des voitures électriques par exemple), une hausse de la production d’électricité de 20% suffirait. C’est si on considère tous les enjeux sous-jacents, si on élargit la focale, que le problème apparaît dans toute son ampleur.

 

Pour ce qui concerne l’approvisionnement en électricité, une marge importante existe pour le développement du renouvelable, solaire et éolien. Que ces sources d’énergies soient intermittentes n’est pas un problème insurmontable. Des solutions de stockage existent. Centralisées, avec des centrales de pompage-turbinage. Ou locales. D’ailleurs, un système plus décentralisé aurait l’avantage d’être plus résilient, plus souple, et de minimiser les gaspillages. Mais si l’on veut sortir du nucléaire, il faudra compenser par des économies d’énergie proportionnelles. 

 

Il existe d’autres raisons pour la sobriété énergétique. La technologie ne saurait être la solution miracle. Il n’est ni raisonnable ni souhaitable de continuer la gabegie actuelle, le modèle d’économie linéaire, génératrice de gaspillages colossaux, même si l’approvisionnement en énergie peut être assuré pendant encore quelque temps. Car les solutions technologiques – mêmes les plus « vertes » – nécessitent une quantité phénoménale de métaux, dont certains sont fort rares sur notre planète, et qu’on en a extrait plus en quelques décennies que durant toute l’histoire de l’humanité. Les infrastructures requises exigent une quantité toute aussi considérable de béton, filière pourtant très polluante et émettrice de CO2. Et ce qui semble « vert » ne l’est pas toujours si on regarde sur toute sa chaîne de production. Le bilan écologique d’une voiture électrique est par exemple loin d’être bon. S’agissant de technologie, non seulement elle ne résoudra pas tout, mais il faut là aussi faire preuve de mesure. En particulier, il faut refuser le principe selon lequel il faudrait tout digitaliser (sans même réfléchir si c’est vraiment utile). Car le numérique – malgré son image d’immatérialité – est un secteur extrêmement énergivore et consommateur de ressources. Il faut en faire un usage raisonnable.

 

Ce ne sont à vrai dire pas les solutions techniques – qui existent et sont connues ; même s’il y a matière à débat pour nombre de leurs aspects, toutes ces questions peuvent être rationnellement résolues – qui posent problème, mais l’acceptabilité politique des mesures, les conditions subjectives pour les changements radicaux requis. Le moins que l’on puisse dire est que le système en place est peu favorable à une telle rupture, et manifeste une inertie désespérante. Il est indispensable d’en changer. Oui, mais comment ? La première chose à dire que, pour être socialement acceptable, l’écologie doit être sociale. Des solutions punitives, basées sur des taxes, qui frappent durement les gens modestes, les moins responsables de la catastrophe en cours, tout en permettant aux plus riches – dont le mode de vie est écologiquement insoutenable – de continuer comme avant, ne seront pas acceptées par le peuple. Mais si les changements sont socialement justes, ils peuvent non seulement être réalistes, mais aller dans le sens du progrès social. Des solutions collectives et égalitaires, la socialisation de la production et de la consommation, sont de mise : la meilleure mesure en faveur du transfert modal est la gratuité des transports publics. Des mesures de rationnement seront sans doute inévitables. Une façon de procéder socialement juste est l’établissement de quotas de consommation par personne (de voyages en avion par exemple).

 

Des mesures réellement radicales ne pourront être réellement mises en place sans sortir du capitalisme. Pour le Parti du Travail, le seul système pouvant prendre la place du capitalisme est le socialisme. Mais un socialisme qui devra faire face à des enjeux différents de ceux du socialisme réel du XXème siècle – il ne devra pas viser le but de développer au maximum les forces productives pour sortir le pays de la pauvreté, mais mieux repartir une production soutenable – et pour cette raison devra fonctionner de façon un peu différente.

 

Certes, il n’est plus réaliste de nos jours de regarder vers l’avenir avec la même certitude qu’autrefois. Le scénario du pire – que nous ne puissions pas empêcher le capitalisme d’entraîner l’humanité vers l’abîme – est malheureusement plausible, et doit être pris au sérieux. Mais il n’est pas non plus certain, et peut être empêché. L’avenir n’est pas obligé d’être sombre. C’est à nous, à nos luttes, qu’il revient de faire en sorte qu’il ne le soit pas. Le débat que nous avions eu le 10 décembre n’a pas permis d’aboutir à des réponses définitives aux questions qui y étaient posées – mais celles-ci sont trop vastes et trop complexes pour être épuisées en un si bref laps de temps – ; il a en tout cas été utile et inspirant pour avancer vers la résolution de ces enjeux cruciaux pour l’avenir de l’humanité.

Julian Assange, bouc émissaire des Etats-Unis

 

PROCÈS • Les défenseurs de la liberté, réunis autour de Joe Biden pour un Sommet pour la démocratie, poursuivent Julian Assange pour «crime» de journalisme.

 

Les USA de Joe Biden avaient réuni un « Sommet pour la démocratie » les 9 et 10 décembre. Celui-ci était sensé réunir les pays démocratiques de la planète, pour défendre les valeurs de la démocratie, partout menacées, contre leur principal ennemi, les régimes autoritaires. Plus que les discours creux d’un sommet qui a tourné à vide, c’est la liste des pays invités qui a suscité l’intérêt. Non seulement les USA se considèrent en droit de définir quel pays est démocratique et lequel ne l’est pas, mais cette définition recoupe en pratique…le fait d’être allié des USA. Certes, l’administration Biden n’a pas osé inviter des despotismes déclarés, comme les monarchies du Golfe, mais il n’a pas été question non plus de ces régimes, qui propagent pourtant une idéologie obscurantiste hostile à toute démocratie. Les grandes menaces désignées étaient la Chine et la Russie, qui se trouvent être des rivaux stratégiques des USA. Parmi les pays invités, par contre, se trouvaient les « démocraties » exemplaires que sont le Brésil de Jair Bolsonaro, les Philippines de Rodrigo Duterte, la Colombie d’Ivan Duque. La Bolivie n’est apparemment pas considérée comme une démocratie, mais, si la dictatrice fasciste Jeanine Añez avait conservé le pouvoir, ça aurait sans doute été différent… Et, provocation caractérisée, Taiwan figurait dans la liste, alors que cette île, que la Chine considère comme une province séparatiste, n’est officiellement reconnue, ni par l’ONU, ni par…les USA. Le ministère chinois des affaires étrangères n’a pas eu tort de dénoncer une démarche digne d’une nouvelle Guerre froide, et de qualifier la démocratie américaine d'"arme de destruction massive utilisée par les États-Unis pour s'ingérer dans les autres pays"

 

Mais, pendant que les chefs d’État « démocrates » rivalisaient de beaux discours, le 10 décembre, la Cour d’appel de la Haute Cour de justice d’Angleterre et du Pays de Galles a autorisé l’extradition de Julian Assange vers les USA. Journaliste, Julian Assange est surtout connu comme fondateur de WikiLeaks, organisation non-gouvernementale qui a publié des documents transmis par des lanceurs d’alerte, faisant état d’abus et de violation de droits humains de la part de différents États. Son seul « crime » est d’avoir rendu publics des documents classifiés émanant des USA, qui ont permis de documenter les crimes de guerres et les actes de torture de l’empire qui tyrannise aujourd’hui la planète. Aucun de ces criminels de guerre n’a été poursuivi, évidemment.

 

En représailles, les USA se sont livrés à un véritable acharnement judiciaire, l’accusant d’« espionnage » et exigeant son extradition, alors qu’on ne voit pas très bien en quoi ce citoyen australien devrait rendre des comptes à la justice étatsunienne. Est-ce que toute la planète serait devenu un territoire asservi de l’empire ? De 2012 à 2019, Julian Assange dut vivre refugié à l’ambassade de l’Équateur à Londres. Mais l’ancien président équatorien Lenin Moreno, qui porte si mal son prénom et qui trahit l’héritage de son prédécesseur, Rafael Correa, l’a livré à la « justice » britannique. Depuis, Julian Assange est détenu dans une prison de haute sécurité, à l’isolement total, dans des conditions proches de la torture psychologique, et qui ont gravement affecté sa santé. Les USA ont multiplié des recours malhonnêtes et des arguties abracadabrantesques pour obtenir son extradition. Le Royaume Uni vient de céder à la volonté de l’Empire, et d’accepter de lui livrer un homme dont le seul « crime » fut d’avoir été journaliste et d’avoir révélé la vérité.

 

La démocratie "ne connaît pas de frontière. Elle parle toutes les langues. Elle vit chez les militants anti-corruption, chez les défenseurs des droits humains, chez les journalistes", a pourtant dit Joe Biden à son sommet. Les journalistes qui travaillent pour les intérêts étatsuniens uniquement, était-il visiblement sous-entendu. Plus que les discours creux, ce sont les actes qui disent le mieux la contribution réelle des USA et du Royaume-Uni à la cause de la démocratie, de la liberté de la presse et des droits humains