10 février 2014

90 ans après, le léninisme nous éclaire toujours le chemin de la lutte pour le socialisme



Il y a 90 ans de cela, le 21 janvier 1924, par une glaciale journée d’hiver, décédait Vladimir Illitch Oulianov, dit Lénine, le plus grand révolutionnaire du siècle passé, le fondateur du premier Etat socialiste de l’histoire et du mouvement communiste international dans sa forme moderne.

Dans sa Plateforme politique et stratégique, au paragraphe 5, le Parti du Travail déclare : « Le Parti du Travail est un parti communiste qui fonde son action sur la pensée de Marx, Engels et Lénine, et sur toute la tradition marxiste ultérieure, et qui recherche sans cesse un développement créatif du marxisme afin de construire un projet communiste pour la Suisse ».

Cette référence à Lénine dans le document d’orientation fondamentale du Parti n’est pas
une vaine reprise d’une tradition figée, elle y a au contraire toute sa place puisque l’enseignement de Lénine est aujourd’hui plus actuel et indispensable que jamais pour penser les contradictions du capitalisme et de l’impérialisme contemporain, la lutte politique pour le socialisme et les tâches d’organisation du Parti.

« Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire… Seul un parti guidé par une théorie d’avant-garde peut remplir le rôle de combattant d’avant-garde » écrivait Lénine. Toute sa vie, toute son action, représente sans doute la meilleure illustration possible de la nécessaire unité dialectique entre la théorie et la pratique, entre analyse marxiste et lutte révolutionnaire. En effet, comme le dira plus tard Georges Dimitrov : « Celui qui n’a pas d’idées ni de principes ne sait pas pourquoi il lutte et ne comprendra jamais le sens du combat, encore moins ses buts et ses tâches ».

Si elle n’est pas éclairée par la théorie, la pratique politique devient aveugle, condamnée à végéter au jour le jour, à fluctuer au gré de la conjoncture d’un présent évanescent et à très court terme, sans aucune perspective possible, sans finalité possible, sans but final, et les mots de socialisme et de communisme ne sont alors que des symboles vides de sens.

Dans Que faire ?, Lénine a magistralement réfuté l’économisme, cette variante de l’opportunisme qui consiste à se limiter étroitement au « concret », à la lutte « économique » pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs sous le régime capitaliste, au prix d’un renoncement à l’élaboration théorique et à toute stratégie visant à renverser la domination bourgeoise pour construire le socialisme.

Non seulement l’économisme ne saurait suffire, mais il constitue une véritable capitulation, car « le problème se pose uniquement ainsi : idéologie bourgeoise ou idéologie socialiste. Il n'y a pas de milieu (car l'humanité́ n'a pas élaboré́ une « troisième » idéologie ; et puis d'ailleurs, dans une société́ déchirée par les antagonismes de classes, il ne saurait jamais exister d'idéologie en dehors ou au-dessus des classes). C'est pourquoi tout rapetissement de l'idéologie socialiste, tout éloignement vis-à-vis de cette dernière implique un renforcement de l'idéologie bourgeoise. » écrit Lénine dans Que faire ?.

L’importance accordée à la théorie, une lutte sans concessions contre le révisionnisme des mencheviks, de Bernstein et de Kautsky, une nouvelle conception de l’organisation du parti ont permis à Lénine de bâtir un parti d’un type nouveau, le Parti bolchevik, qui a su grandir et renforcer ses liens avec la classe ouvrière dans les conditions hostiles de l’oppression tsariste, qui a su tenir contre vents et marées, éviter la dégénérescence et la trahison des vieux partis de la deuxième internationale, et finalement qui a été en mesure de faire la Révolution d’octobre.

Lénine a toujours su trouver, même dans le feu de l’action, même en pleine révolution, du temps pour s’occuper de théorie marxiste, pour étudier les textes des classiques et pour faire progresser la pensée marxiste. Selon l’adage bienconnu, le léninisme est le marxisme de l’époque de l’impérialisme et de la révolution prolétarienne. La contribution la plus importante de Lénine à la théorie marxiste est l’analyse d’une étape nouvelle du capitalisme, que Marx et Engels n’avaient pas connu : l’impérialisme. Dans Impérialisme, stade suprême du capitalisme, Lénine livre une analyse remarquable de ce nouveau stade du capitalisme, qui est aujourd’hui encore d’une grande actualité  pour comprendre le monde actuel et la politique internationale de nos jours.

La base économique de l’impérialisme, c’est le capitalisme monopoliste d’Etat ; c’est-à-dire un stade où la concentration du capital a atteint un tel stade que se forment des monopoles, une fusion entre le capital industriel et le capital bancaire pour former le capital financier, et la fusion organique entre le capital financier et les hautes sphères de l’Etat. L’impérialisme se caractérise par l’exportation de capitaux, la lutte entre les grands capitaux des différents pays pour le partage du monde et des marchés, lutte qui débouche fréquemment sur des guerres impérialistes coloniales et néocoloniales. Lénine écrit Impérialisme stade suprême du capitalisme en 1913, mais il semble écrit hier, entre le renflouage des banques avec l’argent public, la domination des grandes multinationales sur l’économie et les guerres néocoloniales des USA et de la France. « Le capital financier vise à l’hégémonie, et non à la liberté. La réaction politique sur toute la ligne est le propre de l’impérialisme » écrit Lénine.

Sa compréhension du phénomène de l’impérialisme permit à Lénine et au Parti bolchevik de résister aux sirènes nationalistes lors du déclenchement de la grande boucherie que sera la Première Guerre mondiale, de comprendre correctement la nature de cette guerre et de mener une lutte résolue pour la paix et le socialisme pendant que les vieux partis socialistes de la deuxième internationale trahissaient la classe ouvrière et rejoignaient l’union sacrée impérialiste.

La fidélité de Lénine et des bolcheviks aux principes du marxisme, le souci accordé à l’élaboration théorique et à son lien avec la lutte politique, leur a permis d’estimer correctement la situation révolutionnaire qui s’était formée en Russie en l’an 1917 – l’enseignement de Lénine sur la nature de l’Etat, la stratégie et les buts de la révolution est bien synthétisé dans l’Etat et la Révolution – et de renverser le gouvernement provisoire croupion pour établir le premier Etat prolétarien de l’histoire – la Grande révolution socialiste d’octobre.

Pendant les sept dernières années de sa vie, Lénine se consacre à la construction du premier Etat socialiste de l’histoire, dans des conditions extrêmement difficiles, presque désespérées, le pays étant sous-développé, ruiné par la guerre et en proie à la guerre civile. Mais là où tant d’autres auraient échoué, Lénine réussit. Son action aura permis de jeter les bases de la première société dans l’histoire où l’exploitation de l’homme par l’homme et le chômage étaient vaincus, où tous les citoyens jouissaient d’acquis sociaux, d’une médecine et d’une éducation publiques et gratuites. La victoire du socialisme en URSS permit sa victoire dans d’autres pays, rendit inévitable la fin du joug colonial et contraignit la classe dirigeante des pays occidentaux à faire quelques concessions à sa classe ouvrière. Sans la Révolution d’octobre, pas d’acquis sociaux en Occident. Lénine a changé à jamais l’histoire de la planète. Les difficultés qu’allait rencontrer par la suite le socialisme en URSS, son tragique renversement en 1991 n’enlèvent rien à la grandeur de son œuvre.


Il faut lire et relire Lénine, non certes pour transposer mécaniquement la lettre de ses écrits à une situation nouvelle, mais pour trouver l’inspiration pour donner un nouveau développement au marxisme car « nous ne tenons nullement la doctrine de Max pour quelque chose d’achevé et d’intangible, au contraire, nous sommes persuadés qu’elle a seulement posé les pierres angulaires de la science que les socialistes doivent faire progresser dans toutes les directions s’ils ne veulent pas retarder sur la vie », ainsi que l’écrit Lénine

2014 : les 99% contre les 1%

Loin de tous les bavardages lénifiants sur les classes moyennes, le capitalisme d’aujourd’hui se caractérise par une explosion des inégalités sans aucun équivalent dans le passé.

Les chiffres livrés par le rapport Travailler pour une minorité de l’ONG OXFAM sont à cet égard sans appel. Ainsi, les 85 personnes les plus fortunées du monde concentrent entre leurs mains autant de richesses que 3,5 milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale. Les 1% les plus riches possèdent 110 mille milliards de $, soit 65 fois plus que les 50% les plus pauvres. Le nombre de milliardaires a augmenté de 15% durant l’année 2013, en pleine crise.

Et pendant ce temps 22,4% de la population mondiale vit avec moins de 1,25 $ par jour, 840 millions de personnes souffrent de la faim, 26'000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque jour de famine ou de maladie curable. En Suisse aussi, selon une enquête de l’Office fédéral de la statistique, en  2011, 7,6% de la population, soit 580'000 personnes, vivaient en 2011 sous le seuil de pauvreté absolu, qui correspond à 2 200 francs pour une personne seule, et de 4 050 francs pour deux adultes et deux enfants.

Car les inégalités n’ont fait que croître ces dernières années, pour atteindre ce paroxysme inimaginable qu’OXFAM aujourd’hui dénonce. Aux Etats-unis, la part des 1 % les plus riches est passée de 7 % de la richesse nationale en 1980 à 21 % aujourd'hui. Dans 24 des 26 pays étudiés, la part des 1 % les plus riches dans le revenu national a progressé. La situation est particulièrement dramatique dans les pays où le socialisme fut liquidé pour être remplacé par un capitalisme sauvage.

Ces chiffres effarants sont le meilleur démenti que l’on puisse trouver à tous les discours libéraux sur les prétendues vertus du libre-marché. La situation d’aujourd’hui est exactement celle qu’en son temps décrivait Lénine : « Partout, à chaque pas, on se heurte aux problèmes que l’humanité serait à même de résoudre immédiatement. Le capitalisme l’en empêche. Il a accumulé des masses de richesses, et il a fait des hommes les esclaves de cette richesse. Il a résolu les problèmes les plus difficiles en matière de technique, et il a stoppé la réalisation de perfectionnements techniques en raison de la misère et de l’ignorance de millions de personnes, en raison de l’avarice stupide d’une poignée de millionnaires ». Le capitalisme reste plus que jamais ce qu’il est et ce qu’il ne peut qu’être : un système qui produit des richesses colossales mais aussi leur accaparement par une poignée de possédants au prix de la misère du plus grand nombre.

Voilà qui réfute définitivement tous ceux qui prétendent que la lutte des classes n’existeraient plus. L’enjeu en 2014 est plus que jamais la lutte sans merci entre le 1% d’oppresseurs contre les 99% que le capitalisme opprime.