03 décembre 2007

La mendicité désormais interdite à Genève

Vendredi 30 octobre, le Grand Conseil de la république et canton de Genève adopte un projet de loi du libéral Olivier Jornot (qui avait milité dans un parti d'extrême-droite dans sa jeunesse) interdisant la mendicité et la rendant punissable par l'amende. L'entente (radicaux; libéraux; PDC), l'UDC et le MCG votent oui, les socialistes et les Verts votent non. La droite classique pétendument "humaniste", pour citer le député libéral Pierre Weiss, montre une fois de plus son vrai visage. Car "droite humaniste" forme une parfaite oxymore, monsieur Weiss. A vrai dire, en voyant ce genre de vote, je n'arrive pas à comprendre par quel ridicule caprice le PDC s'obstine à refuser l'entrée de l'UDC dans l'Entente, alors que cette division de la droite lui fait perdre des voix. Trève d'hypocrisie, messieurs les démocrates-chrétiens, aujourd'hui il n'y a pratiquement pas de différences entre vous et les blochériens, seul quelques détails de vocabulaire vous séparent encore, la politique menée est la même: même démantellement des acquis sociaux, même ultra-libéralisme économique, même folie sécuritaire. Certes le PDC genevois était contre les fameuses lex Blocher, mais rappelons tout de même que le parti national y était favorable. Des nuances d'un même corpus idéologique séparent les différents partis de droite, mais elles ne sont pas plus importantes que celles qui distingue l'aile gauche de l'aile droite de l'UMP, parti au pouvoir en France.

Pour en revenir à l'interdiction de la mendicité, la droite a une fois de plus montré l'absurdité profonde de sa politique, elle a voté une loi inhumaine en se fondant sur une argumentation aberrante. Selon les principes mêmes de l'Etat bourgeois, la liberté s'arrête là où commence celle des autres. Alors pourquoi interdire la mendicité? Il faudrait rapporter les paroles de Monica Bonfanti, cheffe de la police genevoise, institution qui n'est pourtant pas réputée pour son esprit d'ouverture. Interdire la mendicité?Pourquoi? Après tout, les mendiants ne font que tendre la main! On donne si on veut, sinon on ne donne pas. La mendicité n'est pas du vol, il n'y a personne qui en soit lésé. D'ailleurs le conseiller d'Etat en charge de la police, le socialiste Laurent Moutinot, exprima son dégout quant aux mesures que la droite le força de prendre à l'égard des mendiants roms. Et quand la cheffe de la police et son ministre de tutelle expriment publiquement qu'une mesure de "sécurité" leur pose un grave problème de conscience, ce n'est tout de même pas anodin!

Mais plutôt que de reconnaître ce qui est évident, la droite préféra avancer un argumentaire délirant. Premièrement, les mendiants accroîtraient le sentiment d'insécurité. Depuis quand peut-on criminaliser quelqu'un sur la base d'un vague sentiment, qui est d'ailleurs parfaitement infondé? Vivons-nous encore dans un Etat de droit? Il ne semble pas. Mais, voyons, il s'agit de pauvres, en majorité de Roms, personnes non-rentable pour l'économie capitaliste, donc, selon la logique des possédants, ne bénéficient pas des droits fondamentaux. Les Genevois se sentiraient agressés? Encore un vague sentiment infondé, dont l'existence n'est d'ailleurs démontrée par aucune statistique fiable. Car, généralement, les Roms ne font que mendier, ils ne vivent pas de vol. Les arguments que la droite avance contre les Roms montre que les préjugés racistes contre les Tziganes n'ont pas disparu. Ils sont mêmes tellement vivaces que l'on oublie généralement de dire que durant la Deuxième Guerre mondiale les nazis exterminaient les Tziganes au même titre que les Juifs. Ce qui, en passant, n'est pas étonnant, vu que les Etats européens continuèrent de mener une politique violement raciste contre cette minorité jusque bien après la fin de la guerre (en Suisse, les enfants tziganes étaient retirés à leurs parents et placés en famille d'accueil jusque dans les années 70) En réalité, les Roms ne représentent évidemment aucune danger pour Genève. Ce peuple est nomade, il est persécuté partout encore aujourd'hui, dont en Roumanie, d'où cette branche des Tziganes est originaire. Il est donc normal qu'ils viennent à Genève, qui menait une politique humaine à leur égard jusqu'à aujourd'hui. Et rappelons qu'ils ne commettaient que très peu de délits, d'ailleurs en tant que citoyens européens ils le droit à trois mois de séjour en Suisse, alors de quel droit les expulse-t-on? Et il ne faut pas oublier que parmi les mendiants genevois, s'il y avait 70% de Roms, 30% sont des résidents genevois permanents, contraints de tendre la main par leur misère.

En vérité, la bourgeoisie, qui est l'hypocrisie incarnée, ne supporte pas de voir la misère qu'elle crée par sa voracité. C'est pour cela, et pour rien d'autre, que la droite, bras politique de la bourgeoisie, interdit la mendicité, pour ne pas être dérangé par sa conscience. La présence de mendiants serait indigne de Genève? Que la misère existe, mais surtout cachons la pour ne pas gâcher l'image de ce meilleur des mondes du néo-libéralisme! Rappelons que la droite a voté au printemps dernier une loi (la LASI) réduisant considérablement l'aide sociale, et précipitant les gens qui étaient déjà pauvres dans la misère, ne leur laissant pas d'autres ressources que de tendre la main pour survivre. Rappelons aussi au Parti démocrate-chrétien, qu'au Moyen Age, quand l'Eglise était toute puissante, donner l'aumône aux mendiants était un devoir sacré, la charité, pour les chrétiens. Non décidemment la droite moderne n'est pas l'héritière des Lumières, elle nous propose aujourd'hui une barbarie pire que celle du Moyen Age, une barbarie d'un genre nouveau, une société que Ray Bradbury imagina dans Fahrenheit 451.

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