03 mai 2011

Discours du 1er mai 2011, aux Brigadistes



Chères et chers camarades,

Puisque j’ai l’honneur de parler aujourd’hui ici, je souhaiterais commencer mon discours en insistant sur la cohérence symbolique de ce lieu et l’importance de notre pratique d’y débuter chaque premier mai. Ici le monument aux Brigadistes, héros de la guerre d’Espagne, persécutés à leur retour par l’Etat bourgeois suisse ; quelques mètres plus loin, la Pierre commémorative aux victimes de la tuerie de 1932 ; deux symboles forts de la lutte antifasciste, de la lutte populaire contre la tyrannie fasciste, et du sang des travailleurs versé par les hordes de Franco et par la droite genevoise qui n’a pas hésité à faire tirer sur la foule pour défendre un meeting fasciste ! Je souhaiterais évoquer aussi l’exposition temporaire sur la promenade Saint-Antoine qui rappelle tous les risques et les sacrifices qu’a encouru la République espagnole pour sauver l’héritage artistique de l’Espagne des bombardements franquistes.

Ces symboles, la mémoire qu’ils incarnent, sont aujourd’hui plus nécessaire que jamais, aujourd’hui que l’ombre sinistre du fascisme plane de nouveau sur l’Europe. Aujourd’hui, des partis fascisant, si ce n’est ouvertement fascistes, atteignent des sommets dans les votes : l’UDC, le MCG, La Lega dei Ticinesi, désormais deuxième parti du Tessin, le FN, la Ligue du Nord,…Dans les pays baltes, les anciens SS défilent ouvertement dans les rues, avec le soutien ouvert des liquidateurs du socialisme et le silence complice de l’Union européenne. Pendant ce temps, les partis bourgeois classiques, le PLR, le PDC, l’UMP, reprennent sans scrupules les idées de l’extrême-droite et passent parfois des accords électoraux avec elle, de la même façon qu’ils l’ont déjà fait dans les années trente.

Par delà toutes les différences de forme, l’idéologie de l’extrême-droite reste la même que celle qu’elle a toujours été, et la menace reste la même : xénophobie exacerbée, racisme, démagogie sans borne et stratégie du bouc-émissaire, stigmatisation de l’étranger comme source de tous nos problèmes, même le nucléaire si l’on en croit l’UDC, prétention au droit exclusif de parler au nom du peuple, refus du débat rationnel et intolérance pour toute opinion contradictoire, démagogie pseudo-populaire qui masque mal une politique pro-patronale, racisme ouvert antimusulman et anti-rom qui est pour l’essentiel entré dans l’idéologie bourgeoise officielle, culte du chef, qu’il s’appelle Blocher, Stauffer ou Le Pen, projet de «milices citoyennes» du MCG qui ranime le spectre des SA. Aujourd’hui Carlos Medeiros déclare «nous sommes le peuple, nous voulons chasser les Roms», Pierre Maudet parade devant un campement rom démoli, Claude Guéant multiplie les provocations et l’ombre des heures les plus sombres de l’histoire plane sur l’Europe.

Comme autrefois, la montée de l’extrême-droite est due à des problèmes réels que vit le peuple, naguère la grande crise de 1929, aujourd’hui l’impasse qu’est la mondialisation néolibérale et l’idéologie du libre-marché et de la concurrence libre et non-faussée. Ces problèmes sont réels et il ne faut ni les nier, ni les sous-estimer. Mais l’extrême-droite n’a aucune solution à leur apporter, au lieu de cela elle en fait son fond de commerce pour faire passer son projet de toujours : xénophobie, racisme, obscurantisme, fascisme…et politiques libérales, qu’elle critique en paroles mais soutient dans les faits. Or la lutte réelle contre l’impasse qu’est la mondialisation néolibérale passe par la rupture avec les politiques libérales et le dogme de la concurrence libre et non-faussée. C’est pourquoi le Parti du Travail a toujours rejeté les accords bilatéraux avec l’Union européenne, qui gravent le néolibéralisme et la suppression des droits des travailleurs dans le marbre de la loi.

La lutte contre les forces fascisantes et contre les problèmes réels que ces forces prétendent combattre passe par une lutte de classe sans concessions contre l’extrême-droite et la droite bourgeoise qui dans les faits s’aligne sur elle. Le monde capitaliste est aujourd’hui en crise systémique. La situation est exactement celle que décrivait Lénine il y a de cela un siècle déjà : « Partout, а chaque pas, on se heurte aux problèmes que l'humanité serait а même de résoudre immédiatement. Le capitalisme l'en empêche. Il a accumulé des masses de richesses, et il a fait des hommes les esclaves de cette richesse. Il a résolu les problèmes les plus difficiles en matière de technique, et il a stoppé la réalisation de perfectionnements techniques en raison de la misère et de l'ignorance de millions d'habitants, en raison de l'avarice stupide d'une poignée de millionnaires. » Les états de l’Union européenne sont touchés par des crises budgétaires les uns après les autres. L’oligarchie capitalisme mondiale mène une véritable campagne de guerre contre les peuples pour leur faire payer sa propre crise. Le FMI et l’Union Européenne impose des plans d’austérité insupportables en contrepartie de leur soi-disant aide. Les gouvernements des USA, du Royaume Uni, de Grèce, du Portugal…mènent une campagne d’une ampleur jamais vue de destruction de tous les acquis sociaux du XXème siècle.

Face à l’oppression capitaliste, la résistance et la lutte populaire sont indispensable, et de fait elles s’organisent. En Suisse, je commencerai par citer les thèmes choisis pour le premier mai de cette année. Tout d’abord, l’initiative fédérale sur le salaire minimum à 4'000,- actuellement en cours de signatures et soutenue par nous tous. La lutte pour un salaire minimum est aujourd’hui un combat prioritaire pour garantir aux travailleurs une rémunération digne de leur travail, alors que le patronat cherche à baisser les salaires au-delà de toute mesure et que la réalité de la surexploitation, mal masquée par l’anglicisme working poors, se généralise. Le montant de 4'000,- est plus que modeste en dessous duquel il est inacceptable de descendre, et il importe de l’emporter contre la droite et le patronat qui utiliseront toutes les ressources de l’argent et de la démagogie pour imposer aux travailleurs des conditions proches de l’esclavage.

Un combat cantonal prioritaire est de faire refuser par le peuple le démantèlement du RMCAS voulu par François Longchamp, de faire refuser la liquidation d’une protection sociale indispensable, de faire refuser que les chômeurs en fin de droit soient envoyés à l’aide sociale et condamnée à une précarité durable. Il faut aussi continuer jusqu’à la victoire totale la lutte pour l’égalité salariale homme-femme. L’inégalité qui subsiste dans ce domaine n’a aucune justification et doit être totalement éradiquée. Une autre priorité indispensable est la réduction générale du temps de travail. Pour lutter contre le chômage et pour la qualité de vie, plutôt que d’accroître encore et encore les profits démesurés du capital, il est indispensable aujourd’hui de travailler moins pour travailler tous, et vivre mieux. Je citerai aussi la lutte pour faire revoter la loi sur l’imposition des entreprises, qui n’est passée de justesse que grâce aux mensonges du Conseil fédéral, et la lutte contre une énième baisse d’impôts qui sera à l’ordre du jour des prochaines votations cantonales.

En cette année 2011, après la catastrophe de Fukushima qui frappe le Japon, il est impossible de ne pas parler de la lutte pour la sortie du nucléaire, qui est une forme d’énergie potentiellement incontrôlable, pour laquelle aucune solution n’existe pour ce qui est des déchets, qui représentent un danger pendant plusieurs millénaires, et qui est une menace permanente pour l’existence de l’espèce humaine. Je ne peux pas non plus ne pas citer le combat fondamental qui commence contre les régressions inacceptables et les liquidations de droits gagnés en votations populaires voulues par la Constituante, ce qui est un combat absolument prioritaire étant donné que la Constitution est la loi fondamentale sur laquelle se calquent toutes les autres. Parmi les régressions voulues par la Constituante, je souhaiterais insister tout particulièrement sur une disposition digne du capitalisme sauvage du XIXème siècle et de l’Ancien régime : une limitation inacceptable du droit de grève, qui ne saurait autorisée que pour défendre la «paix du travail»…et pourquoi pas uniquement pour défendre la hausse des profits tant qu’on y est ! Nous devons dire haut et fort à la droite arrogante et au patronat rempli de suffisance qu’en régime capitaliste, fondé sur l’antagonisme entre classes, il ne saurait y avoir une quelconque «paix du travail». Celle-ci n’est qu’un sophisme bourgeois, destiné à désarmer les travailleurs et leur faire accepter sans résistance l’oppression du capital. Aucune restriction du droit de grève n’est tolérable. Le droit de grève doit être garanti, sans restriction aucune.

En Europe, les peuples se soulèvent contre les plans d’austérité imposés par le pouvoir bourgeois, l’Union européenne et le FMI. La Grèce, l’Espagne, le Portugal, la France, le Royaume uni…sont secoués par les grèves. Le peuple islandais a refusé la soi-disant aide du FMI, a refusé de payer la crise du capital, a refusé de payer les dettes de ses banques, par référendum à deux reprises, et sous le silence assourdissant des médias bourgeois. Pour la première fois depuis des années, les Etats-Unis eux-mêmes, le bastion de la réaction mondiale, sont secoués par des grèves parties de l’Etat de Wisconsin et de la lutte des fonctionnaires contre la remise en cause de leurs droits syndicaux par le Parti républicain et le Tea Party. Des décennies de domination réactionnaire et d’anticommunisme le plus hystérique et violent qui soit n’ont pas étouffé la lutte des classe, n’ont pas permis à la bourgeoisie de mener la lutte de classe de façon unilatérale, sans rencontrer de résistance. Dans le monde arabe, des dictatures corrompues au service de la bourgeoisie compradore locale et de l’impérialisme euro-américain ont été renversées par des soulèvements populaires. En Tunisie la détermination du peuple a fait tomber le dictateur Ben Ali et son gouvernement ; et la lutte continue à ce jour entre les forces de la réaction qui ne veulent rien de plus qu’une révolution sans révolution, et les forces populaires démocratiques et progressistes qui se battent pour instaurer une authentique démocratie populaire. Il faut tout de même rester prudent dans l’analyse et ne pas perdre de vue la spécificité de la situation de chaque pays, ni extrapoler abusivement le scénario tunisien. Il faut en particulier condamner sans appel l’intervention impérialiste de l’OTAN en Lybie, l’ingérence dans une guerre civile qui n’a pas d’autre but que de mettre à genou la Lybie pour avoir le contrôle de son pétrole.




En Amérique latine, les régimes progressistes ses consolident malgré toutes les manœuvres et les tentatives de déstabilisation de la part des USA, et la révolution cubaine reste inébranlable malgré le blocus. L’Etat du Kerala, dirigé par les communistes depuis une cinquantaine d’années affiche des chiffres de développement social proches de ceux des pays développés, grâce à des politiques fondées sur le service public et la propriété sociale aussi étendue que possible des principaux moyens de production, et en contraste flagrant avec l’état de sous-développement du reste de l’Inde, gouverné par des partis bourgeois. Les médias bourgeois ne le disent pas, ou à peine, mais la lutte contre l’impérialisme et la tyrannie du capital se mène toujours arme à la main et sous le drapeau rouge. En 2007 le roi du Népal est renversé par une guérilla communiste qui a contrôlé jusqu’à 90% du territoire, une République est proclamée et depuis la lutte se poursuit pour l’établissement d’une République populaire. Une partie importante des régions rurales du Nord-est de l’Inde est contrôlé par une guérilla communiste qui lutte pour l’émancipation des masses populaires et pour le socialisme et qui résiste victorieusement à l’armée indienne.

Dans ce contexte de crise du capitalisme et de lutte des classes exacerbée au niveau mondial, toutes les forces populaires et progressistes doivent lutter pour que les classes populaires l’emportent face à l’oligarchie capitaliste. Pour cela, il importe de partir en toutes choses de la réalité de la lutte des classes. En ces temps de réaction sur toute la ligne et de luttes impitoyables, les peuples ont besoin d’organisations politiques et syndicales de lutte, prêtes à lutter jusqu’au bout, et non d’une gauche et d’un syndicalisme de compromis, qui recherche une paix impossible avec la droite et le patronat. Qu’il soit néolibéral ou régulé, le capitalisme demeure le capitalisme, un système fondé sur la prédation, l’inégalité et l’oppression. Il ne peut être amendé. Les nécessités de lutte exigent de rompre toutes les illusions sur la paix sociale, qui ne peut exister dans un régime fondé sur l’oppression et les antagonismes de classes, de rompre avec la paix du travail et l’idéologie du consensus, pour le renversement du pouvoir bourgeois, le dépassement du capitalisme, et le socialisme.

Je conclurai par une citation de Rosa Luxembourg : "Quiconque souhaite le renforcement de la démocratie devra souhaiter également le renforcement et non pas l'affaiblissement du mouvement socialiste ; renoncer à la lutte pour le socialisme, c'est renoncer en même temps au mouvement ouvrier et à la démocratie elle-même"

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