27 février 2012

Pour la préservation des droits démocratiques et contre l’Etat-policier, le 11 mars votez NON à la loi anti-manifestations !



La Suisse, la plus ancienne, la plus stable et la plus avancée démocratie du monde ? Ce mythe national éculé pourrait devenir autrement plus éloigné de la réalité qu’il ne l’est déjà le 11 mars prochain dans le canton de Genève. En effet, les citoyens genevois sont appelés aux urnes pour se prononcer, entre autres, sur une modification de la loi sur les manifestations, en réalité une loi contre les manifestations, liberticide, inique et profondément anti-démocratique. Le Conseil d’Etat prétend, dans la brochure officielle fournie avec le matériel de vote, que cette loi ne vise qu’à «réduire les risques de débordements tout en permettant aux manifestants de continuer à faire usage de leur liberté de réunion garantie par l’article 22 de la Constitution fédérale». C’est de la désinformation pure et simple. Car cette loi, issue d’un projet de loi libéral rédigé par le député et futur procureur général Olivier Jornot, vise objectivement à restreindre le droit de manifester au point d’en interdire de fait l’usage.

Une loi arbitraire, répressive et inique


La droite veut faire passer cette loi avec le slogan «qui casse paye». C’est un mensonge. En fait, sous le prétexte fallacieux d’éviter le risque de déprédations, la nouvelle loi prévoit des exigences et des sanctions disproportionnées, ouvrant la porte à tous les arbitraires, et qui ne pénalisent que les seuls organisateurs, pas les casseurs :

· Les organisateurs se voient contraints de se transformer en milice privée en étant obligés de fournir un service d’ordre qui devra obéir aux moindres injonctions de la police, même les plus contradictoires et les plus absurdes, sous peine de voir leur responsabilité engagée.

· Le département chargé de la police refuse (au lieu de «peut refuser» dans la loi actuelle) l’autorisation de manifester, si les risques de débordement sont «disproportionnés». L’évaluation des risques est laissée au bon vouloir et à l’arbitraire total de la police, sans aucun critère objectif ni recours possible.

· En cas de manifestation sans autorisation, ou de non respect de la moindre disposition, même de la plus mineure ou de la plus chicanière de formalités, les organisateurs pourraient se voir condamner à une amende allant jusqu’à 100'000 francs (10'000 dans la loi actuelle). Une telle amende est capable de mettre un syndicat à genoux.

· En cas d’atteinte grave aux personnes et aux biens, le département chargé de la police peut refuser aux organisateurs toute nouvelle autorisation pendant une période allant de 1 à 5 ans, et ce même si les déprédations se sont produites sans leur faute. Cette dernière disposition est particulièrement grave. Elle ouvre la porte à tous les arbitraires et permet l’usage d’agents provocateurs pour interdire toute nouvelle manifestation progressiste.

Ces conditions sont restrictives au point de rendre quasi-impossible l’usage du droit de manifester.

La pratique actuelle est déjà particulièrement restrictive
Pour tenter de rendre acceptable aux yeux d’un peuple attaché à ses droits démocratiques cette loi qui va à l’encontre de l’idée même de démocratie, certains représentants de la droite et le Conseil d’Etat prétendent que les opposants auraient tort de s’inquiéter, car le département chargé de la police aurait seulement la possibilité, et non l’obligation, d’utiliser les mesures citées ci-dessus, et ne le ferait qu’en cas d’extrême nécessité, appliquant la loi avec souplesse et respect des droits démocratiques. Ces contorsions verbales sont pitoyables et ne tiennent pas la route. La seule possibilité offerte à la police de restreindre le droit de manifester jusqu’à l’interdire de facto selon son bon vouloir est inacceptable dans un pays qui se veut une démocratie. On peut d’ailleurs difficilement parler alors de «démocratie».

Du reste, la pratique actuelle de la police genevoise, dans le cadre d’une loi déjà restrictive, mais bien moins que celle sur laquelle les Genevois voteront le 11 mars, donne toutes les raisons de penser, la certitude indubitable même, qu’en cas de OUI en votation l’application de la loi sur les manifestations n’ira pas dans le sens de la souplesse et du respect des droits démocratiques, mais de l’arbitraire et de la criminalisation de tout mouvement social. Aujourd’hui, la pratique de la police genevoise va précisément dans le sens de la criminalisation autant que possible de toute manifestation, de tout rassemblement. En effet, toute réunion d’au moins trois personnes s’exprimant sur le domaine public est considérée comme une «manifestation non autorisée», et à ce titre passible d’une amende. Ainsi, trois syndiqués distribuent un tract devant un restaurant pour dénoncer des licenciements : amende = 1000,- Ou encore, un syndicat dépasse de 15 minutes l’autorisation lors d’une manifestation des grévistes de l’hôpital : amende = 230,-. Ou sinon, un seul militant s’entretient avec des journalistes sur la Place de la Fusterie pour dénoncer l’UBS : amende : 230,-. Nous vous laissons le soin d’imaginer ce que sera la pratique de la police si la nouvelle loi passe…

Une loi contraire à la Constitution fédérale, à la position du Conseil fédéral et aux règles de l’OSCE

La Constitution fédérale garantit la liberté d’opinion et d’expression (art. 16) et les libertés de réunion et de manifestation (art. 22). Quiconque assume une tâche de l’Etat est tenu de respecter les droits fondamentaux et de contribuer à leur réalisation (art. 35). Toute restriction d’un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou droit fondamental d’autrui et être proportionné au but visé. La Constitution stipule que l’essence des droits fondamentaux est inviolable (art. 36). Il n’est pas difficile de voir que nouvelle loi sur les manifestations viole allégrement ces principes et ces droits, garantis par la Constitution fédérale et constitutives d’une démocratie bourgeoise.
En outre, nous pouvons sans autre reprendre à notre compte la réponse du Conseil fédéral, pourtant composé d’une large majorité de droite comme chacun le sait, à une motion de l’UDC datée du 18 mai 2005 : «Répondre sans faute pour tous les dommages causé par des débordements pendant ou à l’issue d’une manifestation annoncée reporterait en fin de compte la responsabilité d’assurer la sécurité publique sur les particuliers (…) La crainte de devoir verser des dommages et intérêts, de même que les coûts engendrés par l’organisation d’un service d’ordre et les primes d’assurance pourraient dissuader les citoyen-ne-s de faire usage de leur droit de manifester. Cette aggravation effective du droit de manifester ne serait pas compatible avec la liberté d’expression et de réunion».

Enfin, par courrier adressé en janvier, le Parti Socialiste Genevois a demandé à l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, pas vraiment une officine de gauche) de donner un avis sur la loi qui sera voté le 11 mars. Il apparaît clairement dans la première réponse de l’OSCE/BIDH (Bureau pour les institutions démocratiques et les droits humains) que cette loi viole clairement trois principes définis par la Commission européenne pour la démocratie par le droit :

· En aucun cas la tâche d’assurer la sécurité ne doit incomber aux organisateurs d’une manifestation, mais seulement à la police. Le contraire constituerait une restriction disproportionnée aux libertés fondamentales.

· Les organisateurs ne devraient pas être tenus responsables pour les actions de tiers dont ils n’ont pas eu l’intention et auxquelles ils n’ont pas participé. Le contraire reviendrait à les mettre sous le coup du chantage de quiconque voudrait leur nuire.

· Imposer une interdiction de plusieurs années aux organisateurs pour des déprédations ayant eu lieu même sans leur faute reviendrait à une restriction indue. La Cour européenne des droits de l’homme s’est d’ailleurs prononcée dans ce sens.

Une loi qui menace la démocratie elle-même

Olivier Jornot était en 1990 l’attaché de presse du parti d’extrême-droite Vigilance, dissous peu après cette date. Depuis, il est devenu libéral. Mais a-t-il renoncé à ses convictions politiques d’alors pour autant ? La teneur de cette loi dont il est l’auteur, ainsi que l’exposé des motifs du projet de celle-ci, nous permet légitimement d’en douter. En effet, M. Jornot affirme dans l’exposé des motifs : «toutes les manifestations altermondialistes sont synonymes de casse et de violence» (en fait, dixit le commandant de la police en commission judiciaire du Grand conseil, depuis 2003, sur 2745 manifestations syndicales, sportives, alternatives, internationales, seules 3 avaient posé problème…) et qu’ «à la virulence des organisateurs répond la violence des casseurs». Le but poursuivi par le futur procureur général est limpide comme de l’eau de roche : criminaliser les idées de la gauche radicale, la contestation des classes populaires contre l’oppression capitaliste et la lutte pour une nouvelle société. Ce projet, restreindre drastiquement, voire supprimer les droits démocratiques bourgeois afin de défendre les privilèges d’une infime oligarchie contre la juste contestation populaire, est typiquement celui de l’extrême-droite. Olivier Jornot le reprend à son compte, et la droite, à l’exception notable des Jeunes démocrates-chrétiens et du Parti évangélique, le suit. C’est que nous sommes en pleine crise du capitalisme. Confronté à la contraction des marchés, le capital veut faire payer sa crise aux peuples afin de sauver ses faramineux profits. La casse de quelques vitrines n’est rien en comparaison de la casse sociale que les Etats bourgeois, aux ordres des banques, font subir aux peuples. Face à l’inévitable, nécessaire et juste résistance des classes populaires à l’insupportable oppression capitaliste, le pouvoir bourgeois rejette le masque de la démocratie et recourt à la force brute et à la répression policière pour se maintenir. La droite genevoise, qui salue hypocritement les manifestations des peuples en Tunisie, en Egypte, en Russie,…prend des mesures préventives pour réprimer ces mêmes manifestations en Suisse. Puisqu’il s’agit de réprimer les idées de gauche et les luttes populaires, et non de combattre les casseurs, la restriction du droit de manifester n’est que la première étape, qui, si elle passe, sera suivie de l’interdiction totale de ce droit, puis de l’instauration de la censure, l’interdiction de partis de syndicats...avec pour point d’arrivée le fascisme. La bête immonde est plus vivace et plus dangereuse que jamais, surtout lorsqu’elle se camoufle sous les couleurs faussement respectables du PLR. Pour défendre les droits démocratiques les plus fondamentaux, pour défendre la démocratie elle-même, il faut résolument voter NON le 11 mars !

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