21 octobre 2012

Discours prononcé, au nom du Parti Suisse du Travail, à la Rencontre communiste européenne, organisée par le Parti communiste de Grèce (KKE), les 1 et 2 octobre 2012

« Position des partis communistes sur la crise du capitalisme : soumission ou rupture ? Illusions sur une possible gestion du capitalisme pour le bien du peuple et lutte des communistes pour les intérêts des travailleurs, des peuples, pour le renversement du pouvoir capitaliste, pour le socialisme. »

 

Chères et chers camarades,

 

Tout d’abord je souhaiterais remercier, au nom du Parti Suisse du Travail, le Parti communiste de Grèce, pour l’organisation de la Rencontre communiste européenne.

 

La plupart des pays européens vivent une crise économique sévère dont on ne voit pas la porte de sortie. Afin de défendre les profits de leurs propres monopoles, de trouver une sortie de la crise dans l’intérêt du capital, les gouvernements bourgeois et les institutions de l’UE adoptent des mesures antipopulaires d’une ampleur inégalée, dans le but de baisser le prix de la force de travail coûte que coûte. Ces mesures, pourtant, ne font qu’aggraver la crise. Mais elles provoquent également la juste protestation des masses populaires, qui ne veulent pas subir plus longtemps perspective de leur paupérisation absolue et relative, du chômage de masse. Les partis bourgeois, de droite ou sociaux-démocrates, les institutions de l’UE, l’idéologie bourgeoise…sont de plus en plus largement discréditées. Le mouvement de protestation grandit, prenant souvent un caractère de masse. On observe une radicalisation des mots d’ordre, un durcissement des confrontations avec l’Etat bourgeois et le capital ; quand bien même la résistance populaire soit souvent inorganisée, et son succès – limité. Dans aucun pays européen il n’y a pour le moment de situation révolutionnaire, mais dans beaucoup de pays la situation est des plus explosives, et la transformation révolutionnaire de l’ordre social tout entier vient à l’ordre du jour.

 

L’état de choses présent montre une évidente incapacité des monopoles et des partis bourgeois de résoudre ne serait-ce que les problèmes les plus élémentaires de notre temps et de trouver la sortie de la crise, ce qui amène à une prise de conscience de plus en plus large de la nécessité de changer de cap et confère une responsabilité toute particulière aux communistes : la responsabilité de trouver la voie de la révolution socialiste, qui est le seul changement de cap possible, en tenant compte des conditions spécifiques de chaque pays.

 

En Suisse, la situation actuelle est très loin d’être révolutionnaire, et se caractérise plutôt par l’apparence d’une extrême stabilité économique et politique. En général, la Suisse n’est pas encore fortement touchée par la crise, même si on en voit les premiers symptômes, et a conservé un niveau de vie relativement plus élevé que les pays voisins membres de l’UE. Néanmoins, en premier lieu, on observe en Suisse ces dernières années un phénomène d’appauvrissement relatif et absolu de couches de plus en plus larges de la population, et un brutal croisement des inégalités sociales – problème qui est encore aggravé par la liquidation systématiques des acquis sociaux déjà fort limités par les partis bourgeois, – et deuxièmement  parce que l’économie suisse ne pourra éviter longtemps la crise, et une brutale aggravation de la situation économique est inévitable dans un avenir plus ou moins proche. Du reste, même des économistes bourgeois commencent à en parler. Le secteur bancaire vit déjà maintenant une situation difficile, subissant des défaites successives dans sa guerre économiques contres les banques des USA et de l’UE, et prenant des mesures de plus en plus désespérées pour tenter de subsister. Il faut aussi avoir à l’esprit que l’économie suisse dépend énormément des relations commerciales avec les pays membres de l’UE et ne saurait éviter une forte récession liée à l’inévitable approfondissement de la crise en Europe.

 

Pour l’instant subsistent également toutes les apparences de la stabilité politique. Pour l’instant domine encore globalement l’idéologie bourgeoise conservatrice de la concordance, de la collaboration de classe, le mythe que la Suisse est le pays le plus parfait et le plus juste au monde. L’apparition de cette idéologie de la concordance a été possible grâce à l’absence de bouleversements majeurs et de guerres en Suisse depuis la seconde moitié du XIXème siècle, de salaires comparativement plus élevés pour les citoyens suisses après la Deuxième Guerre mondiale grâce à un potentiel industriel intact, mais aussi à l’emploi d’une main-d’œuvre étrangère nombreuse, sous-payée et sans droits. Mais cette concordance bourgeoise n’aurait jamais pu se mettre en place sans la politique opportuniste du Parti socialiste suisse qui, épaté en 1959 par une présence permanente au gouvernement ensemble avec les grands partis de droite, a renoncé pour cela à l’idée de révolution et à la lutte de classe, au profit de la collaboration de classe et du social-libéralisme, et des syndicats sociaux-démocrates, ayant signé en 1939 les accords dits de la « paix du travail », instituant le renoncement à la lutte de classe au profit de la collaboration de classe, et limitant le droit des travailleurs à la grève.

 

Pourtant, cette stabilité politique apparente s’effrite également avec la montée des contradictions entre classes. L’idéologie de la concordance est détruite par l’action des partis d’extrême-droite, qui obtiennent des bons résultats aux élections, en spéculant sur la méfiance grandissante du peuple envers le système politique existant, car les masses populaires commencent à comprendre que l’idéologie de la concordance n’est que le masque du pouvoir sans partage des monopoles. On observe également une intensification de la lutte de classe, une montée des grèves, qui jusqu’à il n’y a pas longtemps étaient très rares en Suisse, contre les licenciements, les baisses de salaires et les ruptures de conventions collectives de travail ; une montée des manifestations protestataires, de la lutte syndicale ; tout cela, néanmoins, dans des proportions trop limitées.

 

Dans cette situation, les tâches principales du Parti Suisse du Travail consistent dans la lutte contre la liquidation des acquis sociaux et des droits démocratiques existants, et pour leur extension ; la lutte contre les idées d’extrême-droite et des politiques xénophobes ; la lutte à l’intérieur des syndicats pour la rupture de la paix du travail et le retour sur une ligne de lutte de classe. Même si la Suisse ne fait pas partie de l’UE, la lutte de notre parti est également dirigée contre l’UE. Le Parti Suisse du Travail a adopté en 2008 une résolution contre toute adhésion de la Suisse à l’Union européenne, ce que veulent toujours les sociaux-démocrates et les trotskistes. Nous luttons également contre les accords bilatéraux avec l’UE, qui mènent à une reprise unilatérale par la Suisse du droit européen antipopulaire, antidémocratique et néolibéral. Mais notre action ne se limite pas à ces tâches immédiates, et implique également la préparation de la lutte populaire dans les conditions de la crise imminente, pour la destruction de l’idéologie bourgeoise de la concordance, la lutte idéologique contre l’anticommunisme et pour la diffusion des idées du marxisme, un travail d’explication auprès de la population pour faire comprendre que la voie de développement capitaliste est une impasse et que l’édification du socialisme est une nécessité. La réalisation de ces objectifs implique une rupture avec la social-démocratie et sa politique de collaboration avec la bourgeoisie.

 

Le succès de la lutte des communistes pour le socialisme dans tous les pays d’Europe implique une rupture totale avec la social-démocratie, qui s’est montrée une force ouvertement réactionnaire partout où elle est parvenue au pouvoir ces dernières années ; la rupture avec toutes les illusions sur la possibilité de sortir de la crise dans l’intérêt du peuple en restant dans un cadre capitaliste, dans l’UE et dans l’Euro. Le capitalisme monopoliste ne peut en principe pas être régulé. Tenter de sortir de la crise systémique du capitalisme par des mesures keynésiennes est vain. Affirmer qu’une autre politique est possible dans le cadre du capitalisme n’a aucun sens. Le capitalisme en état de crise ne peut donner aucune concession aux travailleurs, il ne peut survivre qu’au prix de la paupérisation absolue de la majorité de la population. Un changement de cap dans le cadre de l’UE est également impossible. Les institutions de l’UE furent édifiées de façon à être irréformables, elles ne peuvent être rien d’autre qu’un bastion des monopoles, de la réaction et du néolibéralisme. Il est impossible de réaliser des transformations révolutionnaires dans aucun des pays-membres sans sortir au préalable de l’UE et de l’Euro. Les partis qui disent le contraire commettent une faute politique majeure, détournent la lutte populaire vers une voie sans issue et en fin de compte démoralisent les masses populaires. Les communistes doivent réfuter sans répits de telles positions erronées.

 

Il ne peut y avoir que deux sorties de la crise : dans l’intérêt des monopoles, au prix du fascisme, de la paupérisation de la majorité de la population et de nouvelles guerres impérialistes, ou dans l’intérêt du peuple, grâce à la révolution socialiste. De la lutte des communiste dépendra quelle sera cette sortie !

Alexander Eniline


Membre du Comité directeur

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