14 septembre 2017

Non à une agriculture « répondant aux exigences du marché »

Comment pouvons nous seulement appeler à voter NON à l’arrêté fédéral sur la sécurité alimentaire, qui est un contre-projet direct à l’initiative populaire « Pour la sécurité alimentaire » de l’Unions suisse des paysans (USP), retirée par les initiants qui se sont estimés satisfaits du contre-projet ? Pourquoi refuser un projet que presque tout le monde soutient (remarquons en passant que cette belle unanimité a déjà quelque chose de suspect), qui plus est au service d’un objectif – la sécurité alimentaire – où on ne peut qu’être pour ? Mais il ne faut jamais se laisser arrêter au seul intitulé d’un texte mis en votation populaire, dans la mesure où celui-ci peut être parfaitement trompeur.

L’initiative de l’USP, qui a été retirée par les initiants, demandait à inscrire dans la Constitution le concept de sécurité alimentaire, et demandait que « la Confédération renforce l’approvisionnement de la population avec des denrées alimentaires issues d’une production indigène diversifiée et durable ». Selon les initiants, la Confédération aurait également dû « garantir la sécurité du droit, ainsi qu’une sécurité adéquate au niveau des investissements », un aspect de l’initiative qui a totalement disparu du contre-projet. A la même période, deux initiatives étaient lancées sur des sujets similaires : celle du syndicat paysan Uniterre pour la souveraineté alimentaire, et celles des Verts pour des denrées alimentaires de qualité et respectueuses de l’environnement. Malgré le caractère assez restreint, et parfois relativement flou, du texte de l’USP, le Parti Suisse du Travail l’avait soutenu. Mais le parlement fédéral a fini par y opposer un contre-projet, qui semble reprendre également certaines exigences des initiatives d’Uniterre et des Verts, plus fortes que celle de l’USP, pour pouvoir mieux les combattre le moment venu. Mais son contenu est en fait très différent.

L’arrêté fédéral, sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer fixe comme but à la Confédération d’ « assurer l’approvisionnement de la population en denrées alimentaires » (que nous ne pouvons que soutenir), et prévoit pour l’atteindre cinq axes, dont (a) « la préservation des bases de la production agricole, notamment des terres agricoles », (b) « une production de denrées alimentaires adaptée aux conditions locales et utilisant les ressources de manière efficiente » et (e) « une utilisation des denrées alimentaires qui préserve les ressources ». C’est sur ces points que se concentrent les partisans du projet, et s’il n’y avait que cela, nous ne pourrions que le soutenir avec enthousiasme.

Sauf qu’il y a deux alinéas qui manquent dans ce qui précède, qui ne sont guère mis en avant dans la campagne pour le OUI…puisqu’ils réduisent à néant tous les aspects positifs de l’arrêté fédéral. Il s’agit des alinéas (c) « une agriculture et un secteur agroalimentaire répondant aux exigences du marché » et (d) « des relations commerciales transfrontalières qui contribuent au développement durable de l’agriculture et du secteur agroalimentaire ». Pour nous, ces deux alinéas sont clairement incompatibles avec les trois autres et l’objectif officiel de l’arrêté fédéral sur la sécurité alimentaire, et, étant donnés les rapports de forces politiques au parlement fédéral, c’est eux qui primeraient, réduisant à rien tous les aspects positifs de cet article constitutionnel s’il venait à être adopté.

Dans une petite vidéo de la Confédération, le point (c) est justifié par le fait que « ce sont les consommateurs plutôt que l’État qui détermineront ce qui est produit ». C’est naturellement faux. Les « exigences du marché » ce n’est pas la volonté des consommateurs. Ce ne sont rien d’autres que les exigences de profits illimités des entreprises de l’agroalimentaire et de la grande distribution. Et le point (d) autorise la Confédération à conclure des traités de libre-échange, avantageux uniquement pour les grandes entreprises, ruineux pour les paysans et destructeurs de l’agriculture locale et durable. Si demain, les exigences du marché et la liberté du libre-échange imposent les OGM, le poulet au chlore, et autre joyausetés en vogue aux USA, l’arrêté fédéral sur la sécurité alimentaire sera appliqué à la lettre…même si cette application est destinée à causer la mort de l’agriculture suisse telle qu’on la connaît et surtout telle qu’on voudrait qu’elle soit.


Une véritable sécurité alimentaire exige au contraire de ne pas se plier aux exigences du marché et de mettre fin à la vérité tyrannie des multinationales en laquelle consiste en réalité le libre-échange. Elle suppose la souveraineté alimentaire, car la production agricole doit être déterminée en fonction de la volonté populaire, des besoins de la population et de la préservation des ressources agricoles et de l’environnement à long terme, ce qui ne peut être garanti par le marché, mais uniquement par une politique volontariste à l’encontre du libre-marché, une politique qui protège précisément une agriculture locale et durable contre les ravages du libre-marché. Des relations commerciales sont bien entendu nécessaires, mais doivent être régulées, et pas laissés à la jungle du marché libéralisé. C’est pourquoi, le Parti du Travail vous invite à refuser le texte ultra-libéral des chambres fédérales, et de soutenir celui d’Uniterre lorsqu’il sera soumis au vote populaire.

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