21 septembre 2018

Quelques réflexions sur l’affaire Maudet

Certains s’en rappellent peut-être, c’était il y a 11 ans où Pierre Maudet entamait ce qui semblait s’annoncer comme une longue et brillante carrière, en étant élu pour la première fois au Conseil administratif de la Ville de Genève. Sa campagne électorale, il l’avait faite notamment en calomniant honteusement André Hediger, alors conseiller administratif et élu du Parti du Travail, à propos de la soi-disant « affaire des amendes ». M. Maudet promettait alors, avec toute la démagogie dont il était capable, que son élection inaugurerait l’avènement de l’honnêteté, de la rigueur et du dévouement à la république. On a surtout vu ce que c’était que le remplacement d’un magistrat ouvrier par un homme de droite, moins toutes les belles promesses…Récemment encore, la droite genevoise, dont M. Maudet était à ce moment le champion, avait intenté un tout aussi grotesque procès à Rémy Pagani, maire de Genève Ensemble à Gauche, l’accusant quant au fond…d’être resté fidèle au programme sur lequel il avait été élu, y compris sur ses dispositions que déplaisent particulièrement à la droite. Inutile de préciser que les « affaires » Hediger et Pagani n’ont jamais été autre chose que médiatiques ; en particulier il n’y a jamais été question de poursuite par le Ministère public…

Actuellement, Pierre Maudet est dans une bien mauvaise passe. Il essaye désespérément d’utiliser la carte des regrets tardifs, après avoir déjà brûlé celles du mensonge et de l’arrogance, pour tenter de s’en sortir d’une affaire autrement plus fâcheuse que celles qu’il avait par le passé monté en épingle contre ses adversaires politiques. Ses mensonges successifs se sont effondrés sur les récifs de l’évidence des faits. Ce n’est pas nous qui le disons, mais le procureur général, lui aussi PLR, Olivier Jornot, qui a été obligé de demander au Grand Conseil de lever l’immunité de Pierre Maudet, afin de pouvoir le poursuivre pénalement. M. Maudet a dû de son côté finir par avouer avoir « dissimulé une partie de la vérité » (élégant euphémisme). Plus grave encore pour lui que le coûteux cadeau du prince héritier d’Abu Dhabi, plusieurs autres affaires – certes encore sujettes à caution – ont ressurgi, et qui tendent à laisser penser que la corruption aurait été non pas une « erreur » exceptionnelle dans son parcours, mais une pratique systématique. Il a bien sûr le droit à la présomption d’innocence, mais enfin, les faits semblent un peu trop flagrants. Du reste, il s’est de toute manière totalement discrédité avec ses mensonges. Un président du Conseil d’Etat en fonction poursuivi pénalement pour corruption, on n’avait jamais vu ça à Genève. Et dire que cet homme avait failli accéder au Conseil fédéral ! De quoi aurait eu l’air la Suisse ?

La presse qui n’avait hier encore d’yeux que pour lui ne retient aujourd’hui guère ses coups, ses soutiens se raréfient, les appels à sa démission se multiplient, et même son propre parti, le PLR, a condamné ses mensonges. Mais, on ne sait comment, M. Maudet croit avoir conservé la confiance des Genevois. Il a gardé à ce qu’il semble du moins celle de ses collègues, qui, lui ayant certes retiré quelques attributions qu’il serait trop choquant qu’il conserve étant sous enquête pénale, ne l’ont pas moins maintenu à la présidence du Conseil d’Etat, à la tête de la police…et à celle de l’Aéroport ! Genève est devenue une véritable république bananière… Il faut le dire clairement, cette farce navrante est intolérable et doit cesser. Pierre Maudet n’a plus aucune légitimité morale pour continuer à siéger au Conseil d’Etat, et doit démissionner.


Toute cette affaire a tout de même quelques allures d’histoire édifiante. La calomnie et l’arrivisme ne payent pas toujours, il y aurait comme une justice en ce monde. Au-delà de l’aspect moral, on peut s’interroger si le cas de Pierre Maudet est tellement exceptionnel. Il serait tout de même surprenant que dans un pays capitaliste, où des intérêts financiers aussi colossaux sont présents, la corruption de l’élite politique fût inexistante. Il suffit de penser à la plaie qu’une corruption généralisée de ce type représente pour tant de pays pour voir qu’il ne s’agit aucunement d’une question sans importance pour un parti tel que le nôtre. Mais cette plaie ne touche-t-elle pas déjà la Suisse, et ce en toute légalité ? En effet, il existe dans notre pays, à côté de la corruption illégale que M. Maudet incarnerait (présomption d’innocence oblige), une autre forme de corruption, elle totalement légale : ces élus qui siègent parallèlement dans des conseils d’administration de grandes entreprises, de caisses maladies, etc. ; qui les rémunèrent grassement en jetons de présence, et dont ils défendent en retour les intérêts, plutôt que ceux de leurs électeurs. Est-il plus grave de se faire corrompre, légalement, par une caisse privée ou par une banque que, illégalement, par un prince héritier ? Les dégâts ne sont en tout cas pas moins grands. Rappelons que les magistrats ne peuvent tremper dans ce type de corruption légale tant que dure leur mandat…par contre ils sont souvent récompensés ainsi à la fin de celui-ci. En ce sens, la droite suisse, dont les élus fédéraux cumulent à eux tous un nombre incalculable de conseils d’administration, EST le camp de la corruption. C’est notamment à cause de cette pratique que nous devons payer des primes d’assurance maladie de plus en plus chères, et subir la tyrannie mafieuse des caisses privées. Est-il si étonnant que d’autres formes de corruption aient pu naître dans un camp où une forme de celle-ci est consubstantielle de son identité politique. C’est à tout ce système qu’il convient de s’attaquer, au-delà du cas, choquant, de l’affaire Maudet.

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