10 novembre 2019

Discours pour le 9 novembre 2019



Le 9 novembre 1932, c’est treize personnes qui restèrent étendues sur le sol en ces lieux, abattus par des troupes mobilisées pour défendre un meeting fasciste face à celles et ceux, communistes, socialistes, syndicalistes, ou simplement démocrates, que la bête immonde indignait. Nous commémorons aujourd’hui cette date en mémoire du passé, mais aussi parce que ce passé fait hélas beaucoup trop écho à notre présent.

Qu’est en effet que le fascisme ? Comme l’a dit Lénine : « Le fascisme c’est le capitalisme en décomposition ». Il serait difficile de qualifier le capitalisme d’aujourd’hui autrement que de système « en décomposition », ni de ne pas voire le même type de sombres phénomènes politiques qu’au siècle passé. Hier comme aujourd’hui, pour combattre vraiment le fascisme, il faut s’attaquer à ses causes, au capitalisme qui l’engendre, et dont il est l’évolution par temps de crise, à l’idéologie bourgeoise qui lui sert de terreau.

Pas plus que le libéralisme classique autrefois, le néolibéralisme ne saurait être aujourd’hui une alternative, encore moins un rempart contre le fascisme. Bien au contraire, il l’engendre fatalement en temps de crise. C’est même sous une dictature fasciste, celle d’Augusto Pinochet, que les recettes empoisonnées du néolibéralisme furent imposées pour la première fois à un peuple.

En 1932, c’était un Conseil d’Etat composé de représentants des actuels partis de l’Entente qui fit tirer sur les manifestants afin de défendre une parodie de procès organisée par l’Union nationale du fasciste, antisémite notoire, et futur collabo nazi Géo Oltramare.  Quelques années après, ce fut un Conseil fédéral composé de représentants des mêmes partis de droite « démocratique » qui orchestra l’alignement de la Suisse sur le IIIème Reich et la réduction drastique des droits démocratiques dans notre pays. On pourrait en dire autant sur les partis de droite « républicaine », « libérale » de bien d’autres pays.

Aujourd’hui, alors que le capitalisme traverse une nouvelle crise systémique dont les décideurs bourgeois ne peuvent trouver la porte de sortie, on voit les mêmes sinistres manifestations politiques d’un capitalisme en décomposition. C’est jusqu’au néonazisme affiché qui relève la tête, et se retrouve représenté à la présidence du Brésil. Mais la droite libérale est-elle mieux en pratique que les partis « illibéraux » ? Que dire d’Emmanuel Macron alors, dont le gouvernement réprime brutalement un peuple qui se révolte contre sa politique néolibérale, liquidant chaque jour un peu plus l’Etat de droit, et qui va donner une interview au journal d’extrême-droite, spécialisé dans la propagation de la haine et la diffusion de fake news, Valeurs actuelles, pour y tenir un discours digne du Rassemblement national. Il s’y vante en particulier de mener une politique d’asile beaucoup plus restrictive que ses prédécesseurs, d’expulser plus et plus systématiquement, et qualifie ceux qui s’y opposent de « droits-de-l’hommistes ». Rempart contre le fascisme, ou son marchepied ?

Pour parler de la Suisse, le nouveau rapport de l’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers montre éloquemment à quel point les droits humains les plus élémentaires sont trop souvent bafoués au nom de l’obsession de la chasse aux abus. Une réalité qui est inacceptable, et qui n’aurait pu exister si les partis de droite « démocratiques » n’avaient pas accepté de transposer dans la loi les lubies xénophobes de l’UDC qui empoisonnent depuis trop longtemps le climat politique dans notre pays.

Et puisqu’on parle des attaques contre les droits démocratiques, il est impossible de ne pas mentionner le sort de Julian Assange, que la « justice » britannique est en train de tuer à petit feu en prison, pour le crime d’avoir rendu publics les crimes de l’impérialisme.

Aujourd’hui comme hier, le fascisme ne peut être vaincu que par une lutte résolue des travailleurs et des peuples, une lutte non seulement contre le fascisme stricto sensu, mais contre le capitalisme qui l’engendre. Et puisque au Chili les mobilisations populaires ont mis en échec le gouvernement néolibéral actuel, digne successeur de celui de Pinochet, je finirai par citer des mots prononcés par Salvador Allende lors de son dernier discours : « Elles s’ouvriront à nouveau, un jour, les longues avenues, devant les hommes libres qui construiront un monde nouveau ».

Alexander Eniline


Président du Parti du Travail

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