19 avril 2020

Intervention par vidéo, 27.03.20

Citoyennes, Citoyens, Camarades,

C’est en ma qualité de président du Parti du Travail que je m’adresse à vous. Je le fais par cette voie-là, car dans les circonstances que nous vivons, nos moyens habituels de travailler politiquement sont impossibles. C’est aussi l’occasion d’inventer de nouvelles méthodes. Nous verrons si l’expérience est concluante.

Comme vous le savez, la situation est grave. Avec près de 11'000 cas répertoriés, la Suisse présente le taux le plus élevés de personnes infectées par nombre d’habitants (en tout cas, d’après les chiffres officiels fournis par les différents pays). Les hôpitaux sont proches du point de saturation, malgré tous leurs efforts remarquables, et le nombre d’hospitalisations continue d’augmenter chaque jour.

Les mesures de confinement partiel prises par les autorités sont certainement justes, quoique insuffisantes. Ce serait bien par contre que le Conseil fédéral nous laisse au moins la possibilité de les suivre. Or, il fait tout le contraire, en refusant de suspendre toutes les activités non-essentielles, pour ne pas trop importuner « l’économie », quitte à favoriser la propagation du virus sur les lieux de travail, et à rendre par là inopérantes les justes mesures sanitaires qu’il a prises. Les cantons de Genève et du Tessin ont décidé d’arrêter tous les chantiers, ce qui était une mesure juste et indispensable. Mais le Conseil fédéral les a forcé à revenir en arrière : mesure non-autorisée ! C’est tout simplement scandaleux ! L’économie - les profits des patrons en clair – passent avant tout, les vies humaines en second lieu seulement !

Et que se passe-t-il ailleurs ? En France, le gouvernement impose des mesures de confinement très strictes…sauf pour aller travailler ! La ministre du travail (il faudrait dire « du capital ») Muriel Pénicaud a même incité les entreprises à trouver des solutions pour maintenir leur activité, accusant celles qui ne le feraient pas de « paresse » et de manque de « civisme ». Ce gouvernement, qui a démantelé un peu plus l’hôpital public, et envoyé ses CRS gazer et matraquer les soignants qui protestaient, qui est incapable de procurer à la France les masques et les tests indispensable, profite de la situation…pour démanteler le Code du Travail. Le profit (de quelques-uns) d’abord ! La santé des gens, dans la mesure du possible ! Aux USA, des représentants du Parti Républicains ne se gênent même pas pour dire qu’il ne faut prendre aucune mesure de confinement, et que les gens n’ont qu’à mourir en virus, pour le bien de l’ « économie » !

A contrario, le pays socialiste qu’est Cuba, malgré le blocus assassin qui l’étrangle depuis des décennies, répond présent à l’appel à l’aide de nombreux pays, dont l’Italie, un pays capitaliste développé et membre de l’UE (qu’aucun autre pays membre de l’UE n’a voulu aider). C’est que la solidarité internationale n’est pas un vain mot à Cuba. C’est par contre un mot que les eurocrates ne sauraient comprendre. Pendant ce temps, l’administration Trump, incapable de prendre des mesures minimalement sérieuses contre l’explosion de l’épidémie du COVID-19 dans son propre pays, a encore l’indécence de faire pression sur les autres pays pour ne pas accepter l’aide cubaine, et a encore trouvé le moyen de mettre à prix la tête de Nicolas Maduro, président légitime de la République Bolivarienne du Venezuela, sous d’absurdes accusations de « narco-terrorisme » (quant on sait que les USA n’ont aucun scrupule à traiter avec les vrais narcoterroristes de l’extrême-droite colombienne, et est la plus grande puissance terroriste en ce monde). Mise à prix, c’est quoi ces méthodes de gangster ? On va lui envoyer des chasseurs de primes aussi ?! Cet exemple illustre bien je crois les mérites comparatifs, et la différence morale irréductible qu’il y a, entre le capitalisme finissant et le socialisme.

Car, oui, nonobstant l’urgence sanitaire qui nous concerne tous et qui doit primer, la question de l’épidémie est une question profondément politique, une question de classe. Le virus est le même pour tous, certes, mais les politiques choisies pour y faire face, les politiques qui ont conduit à la situation actuelle, ne le sont pas. J’ai parlé de la situation des hôpitaux, proche du point de saturation. Pourquoi ? Certes, une pandémie telle que celle du COVID-19 est un défi de taille, pour n’importe quel système de santé. Mais, tout de même, si les hôpitaux suisses sont en difficulté, c’est que, depuis des années, ils ont fait l’objet de mesures d’économie néolibérales imposées par une droite ralliée à cette idéologie mortifère : autonomisation pour que l’hôpital fonctionne come une entreprise privée, pressions incessantes pour faire toujours plus avec toujours moins, horaires de travail interminables, réduction du nombre de postes. Les HUG ont subi pas moins de trois plans d’austérité. De ce fait, le Canton de Genève comptait encore 7.5 lits pour 1000 habitants en 2005 et seulement 4.9 en 2018. Le personnel était déjà à bout avant même l’épidémie. Or, cette idée de gérer un service public essentiel qu’est un hôpital comme une entreprise est une aberration absolue. Un hôpital « bien géré » d’un point de vue néolibéral est un hôpital qui travaille à flux tendu, à la limite de ses capacités. On paye aujourd’hui le prix de cette politique égoïstement comptable.

Je pourrais parler de nombre d’aspects de la politique fédérale et cantonale liée à l’épidémie. Je n’en évoquerai qu’un seul. Les votations du 17 mai sont reportées, comme vous le savez. Il n’est toutefois pas inutile de dire que nous aurions été appelés à voter sur un sujet cantonal en particulier – une loi constitutionnelle visant à introduire une garantie de déficit pour l’IMAD (Institution de maintien à domicile) – car il a tout à voir avec la situation d’aujourd’hui, et permet de montrer tout le hiatus entre les belles paroles de certains dans les temps difficiles que nous vivons, et leurs actes dans un passé très récent. La droite (PLR, PDC, UDC) a en effet combattu cette mesure – de simple bon sens – voté par la gauche et le MCG.

Je cite ici le mémorial du Grand Conseil, séance du vendredi 18 octobre 2019, quelques mois à peine avant la pandémie que nous vivons.

Pierre Conne, député PLR et rapporteur de minorité disait – je cite :

« Concernant les HUG, je l'ai dit, ce projet de loi sur la garantie constitutionnelle de déficit pour l'IMAD s'y réfère en postulant que puisque les HUG en disposent, l'IMAD doit en disposer aussi. Or, depuis la réforme de la LAMal de 2012, qui met sur pied d'égalité les hôpitaux privés et publics sur le plan de la planification et des financements, il n'y a aucune raison que les HUG seuls bénéficient d'une garantie constitutionnelle de déficit, alors que d'autres établissements hospitaliers du canton remplissent les conditions d'octroi de mandats de prestations. L'IMAD devra être soumise aux mêmes règles et répondre aux mêmes exigences. »

La proposition que soutenait fort logiquement Pierre Conne étant de – au lieu d’étendre la garantie de déficit à l’IMAD – de la retirer aux HUG.

Je cite aussi Bertrand Buchs, député PDC :

« Deuxièmement, on a raté quelque chose dans la planification: l'IMAD reprend en partie un travail effectué auparavant par l'Hôpital cantonal, puisqu'on est moins hospitalisé aujourd'hui et davantage pris en charge à domicile. Il faut donc des transferts de charge entre l'Hôpital cantonal et le service des soins à domicile. C'est ça qu'il faut ! On a deux budgets complètement séparés alors qu'on doit intégrer ces deux budgets. L'IMAD fait une partie de ce que faisait l'hôpital il y a vingt ou trente ans: elle doit donc peut-être recevoir une partie du budget de l'Hôpital cantonal pour pouvoir fonctionner. C'est à ça qu'il faut d'abord réfléchir avant de voter la tête dans le sac une garantie de déficit qui permet de n'avoir aucune réflexion, puisque, comme l'a très bien dit le rapporteur de minorité, il n'y aura plus de débats sur les demandes de crédits supplémentaires, il n'y aura pas besoin de débat du Grand Conseil étant donné que de toute façon l'argent sera garanti pour l'IMAD. »

Les orateurs de gauche ont justement montré que, si l’IMAD en faisait plus qu’autrefois, c’était suite à un transfert des charges voulu par la même majorité de droite cantonale, et que celle-ci avait l’objectif, à peine caché, de profiter de la situation pour faire des coupes budgétaires, et ouvrir plus le secteur de la santé au privé, au libre-marché.

Si la droite avait réussi à faire passer de telles propositions de retirer la garantie du déficit des HUG, et en-sus d’amputer encore leur budget pour en transférer une partie à l’IMAD (au lieu de simplement allouer à cette institution indispensable le financement dont elle besoin, pour faire face aux missions que le Grand Conseil lui-même a voulu qu’elle se charge), on ne peut qu’imaginer la catastrophe que cela aurait représenté aujourd’hui, en pleine épidémie.

Plus dangereux, plus mortel, plus destructeur de nos sociétés que le COVID-19 est le virus néolibéral, un virus qu’il faudra éradiquer de toute urgence.

Un autre aspect dont je dois vous parler – sans vouloir en faire le point central de mon intervention – est le second tour des élections au Conseil administratif de la Ville de Genève, fixé au 5 avril prochain, et que le Conseil d’Etat a choisi de maintenir à cette date, malgré l’épidémie. Ce choix est-il contestable ? Sans doute. Le report du deuxième tour, au plus tôt à l’automne aurait toutefois aussi posé d’importants problèmes légaux. Selon la loi, le second tour devant en effet se tenir au plus tard cinq semaines après le premier, dont il est la continuation. Autrement, ce serait une élection nouvelle, dans un contexte changé. En cas de report, c’est le premier tour qui aurait été susceptible de recours, et d’annulation. Et certains sièges ont d’ores et déjà été repourvus au premier tour. Faudrait-il alors « désélire » des conseillers administratif élus ? La décision du maintien est toutefois contestée, pour des raisons parfaitement valables. Je vois même des appels au boycott se multiplier, car l’humain doit primer sur les élections. La réaction est certes compréhensible, mais peu judicieuse. Le fait est que le deuxième tour aura lieu. En toute probabilité, son résultat sera validé, même si le taux de participation devait être particulièrement bas. Or, le résultat sera l’élection des exécutifs municipaux. Pour les cinq prochaines années. Renoncer à voter, c’est laisser les autres choisir pour vous, un choix que vous devrez subir le cas échéant. Ce n’est donc pas une bonne idée.

La question qui se pose : à qui voulons-nous confier les responsabilités ? A ceux qui ont infecté la Suisse avec ce virus néolibéral, qui étaient prêts à couper dans le budget des HUG, qui font passer l’ « économie » avant les vies humaines, ou si nous voulons faire autre chose. La portée de l’action d’une collectivité publique comme la Ville de Genève est certes limitée, mais les forces politiques de la gauche combative et notre candidate Maria Pérez ont un engagement éprouvé et sans compromissions dans la défense des valeurs de solidarité, de justice sociale, de respect de l’environnement, en soutenant un service public fort et les prestations à la population. Je vous invite aussi à voter sans hésiter pour Maria Pérez, candidate du Parti du Travail au Conseil administratif de la Ville de Genève.

Car un changement radical est aujourd’hui indispensable. L’épidémie du COVID-19 a mis au grand jour toute la fragilité et toutes les aberrations du capitalisme mondialisé et néolibéral. Un système qui en vient à envisager à sacrifier massivement sa propre population pour ne pas mettre en danger « l’économie » et qui ne trouve pas d’autre moyen de se maintenir à flots qu’en faisant tourner à plein régime la planche à billets, ce qui ne peut être qu’une solution temporaire, créatrice d’une crise aggravée prochaine. L’économie mondiale est actuellement au  bord d’une crise cataclismique, autrement plus grave que celle de 2008. Ce système a fait son temps. Il est urgent d’en sortir.

Cette situation donne plus que jamais son sens à l’action d’un Parti come le nôtre, un Parti qui se refuse à considérer le capitalisme comme l’aboutissement de l’histoire humaine, et lutte pour le renversement de ce système fondamentalement inégalitaire, oppressif, prédateur, destructeur des êtres humains comme de la nature ; pour édifier à la place une nouvelle société socialiste, qui soit fondée sur les exigences du bien commun plutôt que du profit de quelques uns, où l’économie soit dirigée démocratiquement par la collectivité plutôt que par une poignée de possédants, où la démocratie devienne une réalité pleine et entière plutôt que d’être biaisée par le pouvoir de quelques lobbies au service d’intérêts privés.

A l’heure de l’urgence climatique, où l’exigence de profit  du capitalisme pousse les grandes entreprises et les politiciens bourgeois à s’engager toujours plus en avant dans une voie fatale, quelles que puissent être leurs belles paroles, où les experts du GIEC eux-mêmes parlent de la nécessité d’un changement de système, sortir du capitalisme devient une question de survie, et la lutte fondamentale de notre Parti plus nécessaire que jamais.

Parce que la pire des choses serait de revenir, quand l’épidémie sera terminée, au statu quo ante, à ce système mortifère qui nous a conduit là où nous sommes, et qui nous entraîne dans le gouffre, je finirai en citant Bertolt Brecht : « N’accepte pas l’habituel comme chose naturelle. Car en des temps de confusion organisée, d’une humanité déshumanisée, rien ne doit paraître naturel. Rien ne doit sembler impossible à changer. »


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