30 décembre 2023

Le Manifeste d’Antonio Hodgers, un « écologiste » à la limite du climatoscepticisme

Le conseiller d’État vert genevois, récemment réélu, a récemment publié une petite brochure intitulée Manifeste pour une écologie de l’espoir, chez Georg Éditeur, et qui a fait grand bruit.

Comme preuve ultime de ses convictions écologistes, son Manifeste est imprimé en caractères verts. C’est pourtant tout ce qu’on trouvera de vert dans cette brochure.

 

La prémisse dont part Antonio Hodgers – pour que des changements radicaux pour faire face à l’urgence climatique puissent avoir lieu, il faut rendre ces changements désirables, plutôt que d’en appeler à la peur de l’avenir – pourrait en soi ne pas être mauvaise. Ce serait encore mieux si la matrice théorique de son raisonnement n’était pas trop souvent du niveau de la psychologie du dimanche, ou du sophisme.

 

C’est juste de dire aussi que l’urgence climatique est une question avant tout politique, plus que strictement scientifique. Le problème est la solution politique « désirable » que promeut Antonio Hodgers. Il prétend incarner une voie moyenne entre des tenants d’une écologie libérale, qui attendent des solutions qui viendront toutes seules du marché et de la technologie, et les mouvements comme celui de la Grève du climat, quoi promouvraient un récit apocalyptique et contre-productif.

 

Face aux premiers, il a le mérite de prôner des solutions politiques, jusqu’à des interdictions écologiques, notamment de certains types de consommation écocide. Mais, sur le fond, les solutions politiques qu’il promeut se limitent à poser des conditions cadres, pour ensuite laisser faire le marché, sans toucher aux multinationales, ni à la mondialisation. Bref, continuer le business as usual ou à peu près.

 

Mais il ne critique que peu ces tenants de l’écologie libérale, pour réserver l’essentiel de ses attaques aux mouvements pour le climat, qu’il réduit à la petite phrase de Greta Thunberg – « Je veux que vous paniquiez ! », à grand renforts de considération du niveau du café du commerce sur le rôle des récits apocalyptiques. Il y a là deux problèmes. Premièrement, c’est là déformer malhonnêtement la pensée de Greta Thunberg, plus encore celle de la Grève du Climat, qui a proposé nombre de solutions pour un avenir écologique désirable. Dont M. Hodgers ne peut pas ne pas être au courant, vus tous les efforts accomplis par la Grève du Climat pour négocier avec les autorités…dont avec lui personnellement. Il est vrai que ces solutions impliquent des changements systémiques, qui sont incompatibles avec les œillères libérales qu’il s’impose…alors il préfère faire comme s’il ne les avait pas entendues.

 

Second problème, le caractère apocalyptique du discours de la Grève du Climat est repris, tout simplement, des rapports du GIEC. Pour rendre son discours crédible, Antonio Hodgers est obligé de remettre en cause les acquis de la science. Ce n’est pas si grave pour la Suisse le réchauffement climatique, après tout, dit-il, dans le pire des cas, nous aurons un climat plus chaud et plus sec, comme au Sud de l’Italie. Il suffira alors de construire des retenues d’eau et de cultiver plus d’agrumes. On dirait que M. Hodgers ne lit simplement pas la presse, notamment sur ce qui se passe en Italie…

 

A noter une préface rédigée par Erik Orsenna, de l’Académie française, sur un ton obséquieux, au point où ça en est gênant : « chevalier du possible », « un esprit qui devrait, devra, gouverner nos existences »…même sous le régime du culte de la personnalité, les éloges à qui en bénéficie tendent à être plus sobres. 

 

Le Manifeste d’Antonio Hodgers illustre en tout cas bien l’impasse absolue, et qui pourrait bientôt devenir tragique, du capitalisme vert, qui fait partie du problème et non de la solution, et qui conduit, par refus des mesures radicales qui pourtant sont indispensables et urgentes, au bord du climatoscepticisme.

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