Il y a 83 ans de cela jour pour jour, l’armée suisse tirait à balles réelles sur des manifestants socialistes et communistes, faisant 13 morts, cela dans le but de protéger un pseudo « procès » public organisé par les fascistes de l’Union nationale, et sur ordre du Conseil d’Etat genevois, composés de représentants de partis de la droite dite « modérée » ou « républicaine », des partis qui n’ont en revanche rien trouvé à redire quant aux agissements de Georges Oltramare et de sa clique d’inspiration hitlérienne, quant ils ne les ont pas ouvertement cautionnés. Rappelons tout de même que Georges Oltramare allait travailler pour l’occupant nazi en France, et diffuser un antisémitisme forcené en plein génocide ! Les héritiers des conseillers d’Etat assassins de 1932 continuent aujourd’hui encore à défendre la même version, grossièrement mensongère et révoltante, que leurs prédécesseurs de la responsabilité exclusive de Léon Nicole dans la fusillade de 1932, et comme leurs ancêtres, n’ont que peu de scrupules à s’allier objectivement avec une extrême-droite, qui, si elle n’est pas fasciste à proprement parler, s’en rapproche de plus en plus dangereusement, et à reprendre une large partie de ses thèmes et propositions, au point que des idées hier scandaleuses se retrouvent aujourd’hui totalement banalisées.
Du reste, cette complaisance des forces politiques de la bourgeoisie pour le fascisme, déclaré ou voilé, n’est que très logique. Car qu’est-ce que le fascisme ? Georges Dimitrov en a donné la définition désormais classique au VIIème Congrès de l’Internationale communiste : « Le fascisme est la dictature ouvertement terroriste des éléments les plus impérialistes, les plus réactionnaires, les plus chauvins, du capital financier…Les fascisme n’est pas un pouvoir au-dessus des classes et non le pouvoir de la petite bourgeoisie ou du lumpen prolétariat sur le capital financier. Le fascisme est le pouvoir du capital financier. C’est une organisation de représailles terroristes contre la classe ouvrière et la partie révolutionnaire de la paysannerie et de l’intelligentsia. Le fascisme en politique étrangère est le chauvinisme dans sa forme la plus grossière, cultivant la haine zoologique contre d’autres nations ». Le fascisme est surtout la solution de dernier recours pour l’oligarchie capitaliste pour conserver ses privilèges lorsqu’ils sont menacés, pour mater par la force les travailleurs en lutte lorsque les moyens ordinaires n’y suffisent plus, pour se maintenir lorsque tout son système est en crise et vacille sur ses fondements. Une solution que la bourgeoisie dite « libérale » n’a généralement pas trop de scrupules à mettre en œuvre.
Aujourd’hui, le capitalisme traverse sa crise systémique la plus grave et la plus profonde depuis les années 30. Une crise dont on ne voit pas la porte de sortie. Une crise qui précipite les travailleurs par millions dans le chômage et dans la misère, qui conduit les classes moyennes au déclassement, et parallèlement qui accroît à un niveau inouï la concentration de fortunes colossales entre quelques mains seulement. Une crise qui rend le système capitaliste totalement invivable pour une large partie de la population mondiale, qui pousse toute ses contradictions jusqu’à leurs ultimes limites…et pousse tendanciellement les classes dirigeantes à user de solutions de type fasciste pour maintenir leurs privilèges. A tel point que même le fascisme ouvertement assumé, arborant fièrement symboles hitlériens explicites ou à peine relookés, relève la tête. Le cas le plus paradigmatique en est assurément l’Ukraine, gouvernée par une coalition rassemblant partis bourgeois « modérés » et ouvertement fascistes, avec pour idéologie officielle un ultranationalisme forcené et un anticommunisme viscéral, la réhabilitation des collabos pronazis durant la Deuxième guerre mondiale au rang de héros de la nation, un régime qui démolit les monuments soviétiques, les monuments à cette armée qui a donné des millions des siens pour libérer le monde du fascisme, qui interdit le parti communiste, qui laisse des bandes armées néonazies mener main dans la main avec le bras armé de l’Etat une terreur noire contre les communistes et touts les opposants véritables au régime en place…tout cela pour que quelques oligarques puissent accroître encore plus leur fortune, alors que la majorité du peuple plonge dans la misère.
Mais si le décorum fasciste des années 30 n’est plus à la mode ailleurs, la menace fasciste est bien présente. Songeons à la définition donnée par Dimitrov. Le régime qu’a mis en place Erdogan en Turquie, reposant sur les procès truqués à large échelle contre les opposants, une terreur bien réelle, la propagation d’une idéologie violement obscurantiste, et l’application de politiques néolibérales dans le seul intérêt des possédants, n’en n’est pas si éloigné et s’en rapproche de plus en plus au fil des années. En Europe, on observe depuis un certain nombre d’années la progression électorale désormais alarmante de partis dont le programme politique n’est pas si éloigné du fascisme, bien qu’ils s’en défendent : haine viscérale de tout ce qui est étranger, nationalisme forcené, vision répressive et autoritaire, et politiques socio-économiques au seul bénéfice des plus riches. C’est aussi le cas d’une très large portion du Parti républicain aux USA. La fascisation du débat politique et de la société se voit désormais à l’œil nu. Enfin, la construction intrinsèquement anti-démocratique qu’est l’UE, les méthodes qu’utilisent les technocrates non-élus qui sont à sa tête pour briser la volonté souveraine des peuples et leurs imposer l’austérité à perpétuité, ne correspond-elle pas par certains aspects à la définition de Dimitrov ?
C’est aussi le cas en Suisse, et plusieurs partis parmi les plus importants à échelle cantonale et nationale, qu’il serait superflu de nommer, correspondent largement à ce modèle. C’est que, même si la Suisse n’est pas, de très loin, touchée par la crise aussi sensiblement et visiblement que d’autres pays du continent, les inégalités y deviennent abyssales, les conditions de vie de larges pans des classes populaires de plus en plus difficiles. Et tout le monde se rend compte qu’un certain modèle ne peut plus durer.
La lutte contre la menace fasciste passe, en 1932 comme aujourd’hui, par le front commun populaire antifasciste, un front commun contre le fascisme, mais aussi contre la réaction, et contre le capital et ses représentants politiques. Pas un front républicain avec la droite supposée « démocratique » contre celle qui ne l’est pas. L’histoire a clairement montrée que partout où le fascisme est arrivé au pouvoir, que ce soit en Allemagne, en Italie, ou ailleurs, c’est la droite dite « démocratique » qui lui a pavé la voie. C’est la bourgeoisie française qui a choisi « Hitler plutôt que le front populaire ». Et c’est la collaboration d’une partie du mouvement ouvrier avec la bourgeoisie qui a facilité cette victoire. Et si la Suisse n’a pas connu de dictature fasciste à proprement parler, quoique le régime policier que le Conseil fédéral doté des pleins pouvoirs mit en place pendant la guerre n’était en tout cas pas une démocratie, la droite « républicaine » suisse a toujours été dans le même camp que l’extrême-droite, et l’est plus que jamais aujourd’hui. Il est de notre responsabilité de rassembler toutes celles et tous ceux que le capitalisme opprime dans la lutte pour leurs droits et aspirations légitimes, contres les politiques de casse sociale de la droite et l’extrême-droite, contre la mise en place progressive d’un Etat policier. Une lutte contre le capital et ses représentants politiques, qu’ils soient « modérés » ou « extrémistes ». Ce n’est qu’ainsi que le pouvoir de ceux qui donnèrent l’ordre de tirer le 9 novembre 1932 et de leurs héritiers spirituels prendra fin, et que pourra enfin se lever l’aube d’un avenir meilleur.
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