06 février 2017

Sans approuver en rien Trump, nous n’avons pourtant pas de quoi regretter Obama



Le discours réactionnaire et les premières mesures rétrogrades du nouveau président des USA, Donald Trump, ont eu pour effet de faire resurgir dans une partie de la gauche, parfois chez des militants sincères, une vague de nostalgie pour le règne de son prédécesseur, Barack Obama. L’auteur de ses lignes se souvient du phénomène, qu’il faut bien qualifier de psychose collective, de l’ « obamania », durant la première campagne présidentielle de Barack Obama en 2008. Des foules en extase, dont des militants de gauche normalement autrement plus lucides, n’étaient pas loin de percevoir Obama comme le nouveau messie…dont on ne sait trop quelle cause. Les beaux discours d’Obama faisaient perdre à des gens d’habitude intelligents leur sens critique. Obama pouvait ainsi être applaudi par un parterre de pacifistes hypnotisés en Allemagne…alors qu’il promettait de renforces la présence américaine dans le monde ! Un phénomène quant au fond inquiétant, un culte de la personnalité irrationnel, et qu’on aurait cru appartenir à un autre âge, ou du moins être réservé à des personnalités plus dignes d’un culte.

On voit aujourd’hui ressurgir comme une ombre de ce phénomène – peut-être compréhensible, mais bien moins excusable, désormais que Barack Obama a huit ans de bila derrière lui, de quoi le juger d’après ses actes et non d’après sa rhétorique. Or, il faut le dire, il ne fut d’aucune manière le merveilleux président progressiste et pacifiste que d’aucun fantasment. Comme ses prédécesseurs, et comme son successeur, Obama fut exactement ce qu’un président des USA est sensé être : l’homme du grand capital, de l’impérialisme et de la guerre.

Si son discours était bien plus présentable que celui de Georges W. Bush, et sa stratégie assurément moins aventureuse, Barack Obama n’a pas pour autant changé le système impérialiste qu’est celui des USA, et a continué la politique guerrière qui va avec : sous sa présidence, c’est un nombre record de bombes qui a été largué sur d’autres pays (50'000 rien qu’en 2015 et 2016…soit une toutes les 20 minutes !; combien de morts sous les bombes ?), 7 pays qui ont été bombardés par l’armée américaine, la Lybie transformée en champ de ruines, la « guerre contre le terrorisme » sans respect pour les droit international ni sans même tenir compte des victimes civiles a continué, les bombardements par drone multipliés par 9 par rapport à l’ère Bush (!), les ventes d’armes étatsuniennes ont battu tous les records, et la présence américaine dans le monde a été encore accrue – l’armée des USA est ainsi présente dans 138 pays, sur les quelques 200 pays souverains qui existent.

Quant aux discours xénophobes de Donald Trump, il ne faut pas oublier que Barack Obama est le président des USA sous le mandat duquel le nombre d’expulsions de mexicains a atteint un record. Quant au fameux mur…les premières clôtures à la frontière mexicaine furent érigées sous la présidence de Bill Clinton. Obama n’a pas, contrairement à toutes ses promesses, fermé Guantanamo ; et n’a pris aucune mesure concrète pour la levée du blocus contre Cuba. Sa politique en Amérique latine – de domination impériale et de soutien aux coups d’Etat contre les gouvernements un peu trop indépendants – était dans la continuité totale de celle de son prédécesseur. Et la politique de confrontation avec la Chine ? Initiée par Barack Obama dans le cadre du « pivot vers l’Asie ». Pendant ce temps, les inégalités, déjà abyssales, ont continué à se creuser aux USA mêmes, et les classes populaires ont vu leurs conditions de vie se détériorer, dans l’indifférence d’une administration démocrate au service exclusif des grands monopoles et acquis aux traités de libre-échange. Comment s’étonner dès lors que tant de travailleurs, en désespoir de cause, se sont laissés avoir par la sollicitude feinte et hypocrite de Donald Trump pour la classe ouvrière ?


Actuellement, le parti démocrate tente de canaliser les résistances à la nouvelle administration sous sa bannière, et celle de la nostalgie de l’ère Obama. Jouer le jeu serait fatal à tout mouvement populaire. Aucune solution en faveur des classes populaires ne viendra jamais du parti unique et biface du grand capital démocrate-républicain, seulement la politique qu’il est sensé mener, pour les grands monopoles et eux seuls. La bourgeoisie libérale n’a jamais été nulle part un rempart face au fascisme, mais toujours un marchepied. La solution ne peut venir que de la lutte, une lutte de classe sans concessions, contre tous les partis de la bourgeoisie, contre le capitalisme et l’impérialisme, pas en inventant des mérites imaginaires à un président pur produit du système impérialiste de son pays et au fond semblable à ses prédécesseurs. De même, on ne peut se débarrasser de l’impérialisme qu’en le combattant, pas en repeignant sa façade pour le rendre plus présentable.

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