28 mars 2019

Militants kurdes en grève de la faim



7'000 prisonniers kurdes sont en grève de la faim dans les geôles turques. C’est un mouvement lancé par Leyla Güven, députée du parti progressiste, démocratique et défendant la cause kurde HDP, et soutenu par la diaspora kurde. Il y a actuellement 14 grévistes de la faim à Strasbourg, et il est prévu que le mouvement prenne une ampleur autrement spectaculaire, avec 300 personnes à Bruxelles, et 1000 à Strasbourg ces prochains jours. Revendications de cette grève de la faim ? La levée de l’isolement pour Abdullah Öcalan, leader du mouvement kurde, et prisonnier politique du régime turc depuis 1999. A Genève, où la communauté kurde compte près de 2'500 personnes, le mot d’ordre est également suivi. Nous avons rencontré Mehmet Ali Koçak, gréviste de la faim (il a déjà perdu 4 kg), au local du Centre Démocratique Kurde de Genève, dont il est membre.

Il faut comprendre qu’il ne s’agit pas du seul cas d’Abdullah Öcalan, même si la stratégie communicationnelle de l’Etat turc est de tout centrer sur sa personne. Il s’agit en réalité d’une exigence élémentaire de respect du droit international, et du droit turc par lequel le régime, ne se sent plus lié, des droits du peuple kurde, des droits fondamentaux et de la démocratie pour toutes et tous. Il faut savoir en effet que, depuis l’accession au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan et de son parti, l’AKP, au pouvoir – que certains médias bourgeois ont très longtemps présenté comme des « islamistes modérés », voire comme un modèle à suivre pour le monde musulman – la Turquie a connu un processus d’islamisation et de dérive autoritaire. Le coup d’Etat raté en 2016 a servi à Erdogan de prétexte pour mettre en place des mesures d’exception, instaurant de fait un régime qu’il n’est pas abusif de qualifier d’islamo-fascisme. Une propagande fascisante étouffe aujourd’hui la Turquie, la  répression y est généralisée, les procès truqués sont devenus la norme, et la liberté d’expression n’est plus qu’un lointain souvenir. Il n’y a plus de médias indépendants, tous ceux qui subsistent sont aujourd’hui totalement pro-gouvernementaux, et s’autocensurent avec une minutie implacable. Les principales victimes de ce régime sont les Kurdes, mais aussi les femmes.

Pour ce qui est du peuple kurde – près de 40 millions dans toute la Mésopotamie – et dont les droits les plus fondamentaux, comme celui de parler sa propre langue, ont toujours été niés en Turquie – sa situation est devenue tragique sous la dictature d’Erdogan. Au succès électoral du HDP, le pouvoir a répondu a répondu par une répression brutale. Son co-président, Selahattin Demirtas, est placé en détention administrative, de façon parfaitement arbitraire, depuis 2016. Les arrestations et les menaces se succèdent tous les jours. L’action légale du HDP devient de plus en plus aléatoire à l’approche des élections municipales. Erdogan se livre à chacun de ses meetings à des discours d’inspiration hitlérienne, qualifiant les électeurs du HDP de « terroristes ». Et en 2016, l’armée turque s’est livrée à une véritable guerre civile contre le peuple kurde, multipliant les crimes contre l’humanité. 11 villes au total – parmi lesquelles Sur, Cizre, Sirnak, Slopi, Nusaykin, Silvan – ont été pratiquement réduites en cendres, et d’horribles crimes de guerre ont été commis à cette occasion. Depuis, le Kurdistan turc est devenu une véritable prison à ciel ouvert. Une loi martiale de fait y règne, et les journalistes ne peuvent y accéder. Ainsi, par exemple, deux délégations invitées pour Newroz, le nouvel an kurde, une du PCF et une norvégienne, ont été arrêtées et expulsées sans explication : pas de témoin ! Plus de 7'000 prisonniers kurdes croupissent dans les prisons turques, dans des conditions de détention contraires au droit international, et même au droit turc : isolement, interdiction de recevoir la visite de leur famille, de voir un avocat, ou d’accéder à des livres (choses que pourtant le droit turc normalement garantit).

Face à cette dictature, la grève de la faim est apparue aux militants kurdes comme l’arme de dernier recours, en restant pacifiques et respectueux des valeurs humaines. En Turquie, la presse ne parle pas du tout de cette grève de la faim. En Occident, ce n’est guère mieux. Les Etats occidentaux ne peuvent ignorer les crimes du régime d’Erdogan. Mais ils n’y trouvent rien à redire. Les médias bourgeois pour la plupart préfèrent ne guère en parler. Le Centre Société Démocratique Kurde de Genève a essayé de médiatiser leur action : seuls Gauchebdo et le Courrier en ont parlé. Pour ce qui est de la grève de la faim, il était prévu de la faire à la Place des Nations. Un préavis favorable avait été accordé par la police…puis l’autorisation a été refusée, pour des raisons assez mystérieuses. Des pressions de l’Etat turc ? Ce refus est dans tous les cas scandaleux. Jamais les Kurdes n’ont occasionné le moindre trouble de l’ordre public en Suisse. Quoi qu’il en soit, le peuple kurde va continuer sa lutte héroïque, démocratique, écologique et humaine, une lutte pas seulement pour eux, mais pour tous les peuples du monde. Tous les militants que nous avons pu rencontrer sont intimement convaincus que leur cause finira par triompher.



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