07 septembre 2020

Oui à un salaire minimum : économiquement bénéfique, une exigence de justice et une position de classe



Si le PIB de la Suisse était partagé de façon parfaitement égalitaire entre tous les actifs, cela ferait 10'000 francs par personne et par mois. Certes, ce calcul ne doit pas être trop pris à la lettre. Il ne prend en compte ni les inactifs (retraités, AI, etc.) qui doivent aussi bénéficier de leur part de la richesse sociale, ni la part de la richesse sociale devant être dévolue aux investissements et à la consommation collective, ni la part de richesse dont la bourgeoisie suisse jouit indûment suite à sa position dans un ordre économique mondial inégal. Mais cela donne au moins un ordre de grandeur incontestable : il y a bien assez de richesses produites pour que chacun puisse vivre dignement. La réalité de notre système capitaliste est pourtant qu’une infime minorité s’accapare des richesses proprement indécentes, tandis que 10% des travailleurs (dont 2/3 de travailleuses) touche moins de 23,- de l’heure (soit moins de 4'000,- par mois). La moitié de ces 10% de travailleurs sous-payés gagne même moins 3'500,- par mois. On ne peut vivre dignement avec des salaires aussi bas à Genève. On assiste au scandale absolu de travailleurs, à plein temps, dont le travail produit pourtant toute richesse, qui doivent recourir à l’aide sociale.

Face à cette situation inacceptable, la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) avait lancé, avec le soutien des partis de gauche, une initiative populaire pour un salaire minimum de 23,- de l’heure, indexé à l’inflation. C’est sur cette initiative que le peuple est appelé à se prononcer le 27 septembre. Le Parti du Travail appelle fermement à voter pour. L’introduction d’un salaire minimum est une exigence fondamentale de justice, et une mesure indispensable contre la précarité. Cela seul suffirait pour le soutenir. Mais nos adversaires combattent cette initiative avec des arguments économiques, de parfaite mauvaise foi, qu’il nous importe de réfuter.

Ils disent en effet que l’introduction d’un salaire minimum détruirait des emplois, et ferait augmenter le chômage. C’est une affirmation gratuite. D’après 64 études menées entre 1972 et 2007, l’introduction d’un salaire minimum n’a eu aucun effet sur l’emploi, ou alors un effet positif. Il est tout aussi faux de dire que l’introduction d’un salaire minimum provoquerait un alignement des salaires vers le bas. Cet effet n’a été observé nul part. Bien au contraire, l’existence d’un salaire minimum tend, non seulement à revaloriser les très bas salaires, mais aussi de pousser les salaires qui en sont au-dessus à la hausse, par la sécurité juridique qu’il donne aux travailleurs et aux syndicats, renforçant ainsi leur capacité de négociation. Du reste, le canton de Neuchâtel a instauré un salaire minimum en 2017, et aucun des effets négatifs prédits par les opposants n’a été observé.

Un salaire minimum a aussi pour effets positifs une hausse de la consommation populaire, ce qui a un effet démultiplicateur sur l’économie, ainsi qu’une hausse de la productivité. Il a pour conséquence par contre une légère baisse des très hauts salaires (mais ce n’est pas très grave) et des profits (ce qui est une bonne chose dans l’absolu, car cela réduit la suraccumulation du capital), raison pour laquelle la bourgeoisie le combat.

La bourgeoisie fait mine de s’inquiéter du sort de petites entreprises, pour qui une hausse des salaires serait une charge importante. Pourtant, c’est la concurrence capitaliste qui détruit ces mêmes petites entreprises chaque jour, ce dont la même bourgeoisie ne se soucie guère en temps normal. Remarquons que la majorité des entreprises qui pratiquent de très bas salaires ne sont pas des petites entreprises, et ne sont absolument pas en difficulté. Pour les PME vraiment en difficulté par contre, il serait absolument possible de les soutenir par des moyens ciblés, plutôt que de subventionner tous les patrons qui surexploitent leurs travailleurs (car c’est bien cela que signifie l’aide sociale touchée par des gens qui travaillent). Cette même bourgeoisie se fait hypocritement le chantre du partenariat social, alors qu’elle est d’habitude pour le libre-marché, quels qu’en soient les ravages. A cela il faut répondre que le partenariat social ne suffit pas. Seule la moitié des travailleurs en Suisse est protégée par une Convention collective de travail, et pas toutes les CCT ne sont vraiment consistantes.

Un salaire minimum est enfin une mesure pertinente face à la crise économique. La vague de licenciements attendue et ce durcissement des rapports de travail d’ores et déjà visible s’accompagnera inévitablement d’une pression à la baisse sur les salaires de la part du patronat – des salaires qui pour beaucoup trop de travailleurs, dont une majorité sont des travailleuses, sont déjà beaucoup trop bas. Pour mettre un frein à cette pression patronale, pour protéger les travailleuses et les travailleurs, un salaire minimum légal est aujourd’hui un instrument indispensable. Par ailleurs, une baisse généralisée des salaires aurait pour conséquence nécessaire – outre la catastrophe sociale qu’elle représenterait – une diminution équivalente de la consommation populaire, et par conséquent, une accentuation des tendances déflationnistes, donc une aggravation de la crise. Face à cela, un salaire minimum légal apparaît comme une mesure anti-crise pertinente, favorable à la consommation populaire, et donc aux petites entreprises et à l’emploi.


Enfin, le salaire minimum est un instrument de lutte de classe entre les mains des travailleurs, face à une bourgeoisie qui veut les exploiter sans limites ou presque. Pour toutes ces raisons il faut voter OUI.

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